LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé à partir du 1er octobre 2001 en qualité de directeur d'établissement par la société nouvelle d'exploitation Ronot, faisant partie du groupe Y...et devenue par la suite la société Ronot, a accédé en septembre 2007 aux fonctions de directeur général délégué ; que cette société ayant été placée en redressement judiciaire le 26 novembre 2008, le juge-commissaire a autorisé le licenciement d'un certain nombre de salariés pour motif économique ; que M. X... a été licencié par une lettre de la société datée du 31 mars 2009 ; qu'il a adhéré à une convention de reclassement personnalisé le 1er avril 2009 ; que soutenant que son licenciement était abusif il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes à caractère salarial et indemnitaire et de remise de document ;
Sur le premier et le deuxième moyens :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ces moyens qui ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le troisième moyen :
Vu l'article L. 621-37, alinéa premier, du code du commerce alors applicable, ensemble les articles L. 1235-2 et L. 1233-65, dans sa rédaction alors en vigueur, du code du travail ;
Attendu que, selon le premier de ces textes, lorsque des licenciements pour motif économique présentent un caractère urgent, inévitable et indispensable pendant la période d'observation, l'administrateur peut être autorisé par le juge-commissaire à procéder à ces licenciements ;
Attendu que pour débouter le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement, après avoir cependant relevé que la circonstance que le licenciement prononcé au visa de l'ordonnance du juge commissaire a été notifié par le débiteur, au lieu de l'administrateur, ouvre droit, en principe, à indemnisation pour inobservation de la procédure, la cour d'appel retient que de la combinaison des articles L. 1233-3, L. 1233-65 et L. 1233-67 du code du travail, il résulte que l'adhésion du salarié à une convention de reclassement personnalisé entraîne une rupture qui est réputée intervenir d'un commun accord et que l'envoi d'une lettre de licenciement n'est en conséquence pas requis ; que dès lors le fait que la lettre de licenciement a été l'oeuvre de l'employeur et non de l'administrateur judiciaire, est insusceptible d'avoir causé au salarié le moindre préjudice ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'inobservation des règles de la procédure de licenciement préalable à l'acceptation de la convention de reclassement personnalisé par le salarié entraînait nécessairement pour celui-ci un préjudice, dont il appartenait à la juridiction d'apprécier l'étendue, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté M. X... de sa demande en paiement d'une indemnité pour non respect de la procédure légale de licenciement, l'arrêt rendu le 31 mai 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Besançon ;
Condamne la société Ronot aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept décembre deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Blanc et Rousseau, avocat aux Conseils, pour M. X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir décidé que le licenciement de M. X...n'était pas abusif ;
Aux motifs que M. X...soutient que son licenciement a été rompu en raison du désaccord sur les choix stratégiques qui l'opposait à la direction de l'employeur et en veut pour preuve que ses fonctions n'ont pas disparu et ont été reprises par le directeur technique embauché le 29 septembre 2008 ; que ce salarié ne s'est pas vu attribuer le titre de directeur général de M. X..., que rien ne prouve que ce salarié ait été investi de ses fonctions et qu'à supposer même que tel ait été le cas, ce seul fait ne serait pas incompatible avec l'existence du motif économique dont la réalité n'est pas contestée ; que M. X...reproche à l'employeur de ne pas avoir procédé à une recherche active de reclassement, de s'être contenté d'expédier un courrier purement formel aux structures du groupe, qu'une seule réponse est produite, signée du président de la société Ronot pris en qualité de président de la société Y..., qu'elle a omis d'adresser son cv à l'UIMM dans le cadre de la recherche de reclassement externe et que rien ne permet de vérifier s'il existait des postes disponibles susceptibles d'être proposés aux salariés en cours de licenciement après formation ; que la Sas Ronot produit toutefois une copie des courriers transmis le 18 février 2009 à chaque société du groupe
Y...
, auxquels était jointe la liste des postes supprimés au sein de la Sas Ronot, les fonctions de « directeur d'usine » de M. X...étant décrites « direction opérationnelle, gestion commerciale, technique, RH, administrative et financière » ; que ce libellé est de nature à éclairer suffisamment les entreprises interrogées sur le profil de poste recherché ; que le groupe Y...comportait cinq sociétés Ronot, Brimont Agraire, Pomelka, Polagricol et Chaudronnerie Y...; qu'aucun manquement à l'obligation de reclassement ne peut être imputé à la Sas Ronot à raison de ce que son courrier du 18 février 2009 à la Chaudronnerie Y...et la réponse, négative, de cette dernière du 27 février 2009, sont toutes deux signées de M. Y...qui présidait les deux sociétés ; que M. X...présidait deux des sociétés et que l'absence de réponse de ces dernières lui est imputable et qu'il n'est pas fondé à en faire grief à la société Ronot ; que la Sas Ronot démontre l'envoi de lettres de rappel le 4 mars 2009 à tous ses interlocuteurs et ne pouvait rien faire de plus ; que l'appelant ne démontre ni n'allègue que des postes disponibles aient existé au sein d'une des sociétés du groupe et ne conteste pas qu'elles aient presque toutes été en proie à des difficultés à divers titres ; (¿) ; que la Sas Ronot n'a commis aucun manquement à son obligation de reclassement ;
Alors que 1°) le licenciement notifié pour motif économique et suppression de poste est sans cause réelle et sérieuse si la suppression de poste mentionnée dans la lettre de licenciement n'est pas établie ; que la lettre de licenciement du 31 mars 2009 visait expressément la suppression du poste de M. X...; qu'en décidant que le fait que le salarié embauché le 29 septembre 2008 comme directeur technique ait été éventuellement investi des fonctions de M. X...ne serait pas incompatible avec l'existence du motif économique dont la réalité n'est pas contestée, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-3 et L. 1235-1 du code du travail ;
Alors que 2°) le juge doit rechercher la cause exacte du licenciement ; qu'en ne recherchant pas, ainsi qu'elle y était invitée par M. X..., qui soutenait que le véritable motif de son licenciement était d'ordre personnel et résidait dans l'opposition existant entre lui et la Direction notamment sur les choix stratégiques, si telle n'était pas la cause exacte du licenciement, la cour d'appel a violé l'article L. 1235-1 du code du travail ;
Alors que 3°) n'exécute pas de manière sérieuse, loyale et active son obligation de reclassement l'employeur qui se borne à envoyer aux sociétés du groupe auquel il appartient la liste des postes supprimés avec le descriptif des fonctions ; qu'en décidant que la société Ronot avait exécuté son obligation en envoyant le 18 février 2009 à chaque société du groupe la liste des postes supprimée au sein de la Sas Ronot, avec le descriptif, notamment des fonctions de « directeur d'usine » de M. X...et qu'elle ne pouvait rien faire de plus, ce qui ne constituait pas une recherche sérieuse et personnalisée des postes pouvant être proposés à M. X..., la cour d'appel a violé les articles L. 1233-3 et L. 1233-4 du code du travail ;
Alors que 4°) que c'est à l'employeur de rapporter la preuve de l'exécution de son obligation de reclassement ; qu'en retenant que le salarié ne démontre ni n'allègue que des postes disponibles ont existé au sein d'une des sociétés du groupe et ne conteste pas qu'elles aient presque toutes été en proie à des difficultés à divers titres, pour en déduire que la Sas Ronot n'avait commis aucun manquement à son obligation de reclassement, cependant qu'il incombait à la société Ronot de prouver qu'elle ne disposait d'aucun poste pouvant être proposé à M. X...à titre de reclassement, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 du code civil.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. X...de sa demande de condamnation de la société Ronot à lui payer la somme de 59. 200 ¿ au titre du non-respect de l'ordre des licenciements ;
Aux motifs que M. X...se prévaut de l'article L. 1233-5 du code du travail et soutient que lors de la détermination des catégories de postes à supprimer, la société Ronot a procédé à une division artificielle entre directeur d'usine et directeur technique afin d'éluder les critères d'ordre des licenciements, qu'elle aurait dû regrouper ces deux postes dans la catégorie des cadres de direction et que si elle l'avait fait, il se serait trouvé en concours avec le directeur technique qui avait une ancienneté dans l'entreprise inférieure à la sienne ; que les intimés établissent toutefois que M. X...occupait un emploi de directeur d'établissement au salaire mensuel de 5. 156 ¿, son contrat de travail lui confiant la « direction opérationnelle complète » de la société Ronot « avec le souci d'optimiser le fonctionnement et de l'adapter aux évolutions de ses marchés » qu'il devait assurer « la responsabilité de l'entreprise sur les plans technique, économique, organisationnel et humain » qu'il avait la charge de la gestion de la clientèle grands comptes et était titulaire d'une délégation de pouvoirs à effet de signer les procès-verbaux des services des mines et documents d'homologation des nouveau produits et d'être l'interlocuteur des services de l'inspection du travail ; que rien ne démontre que le directeur technique embauché le septembre 2008 au salaire de 3. 650 ¿ ait exercé l'une quelconque fonctions dévolues à M. X...et qu'il en résulte qu'il n'est pas fondé à reprocher à la SAS Ronot d'avoir considéré qu'il était le seul salarié de sa catégorie ;
Alors qu'appartiennent à une même catégorie professionnelle deux salariés qui exercent dans l'entreprise des activités de même nature supposant une formation professionnelle commune, même si l'un n'exerce pas les fonctions de l'autre ; qu'en se fondant sur la circonstance inopérante que rien n'établissait que le directeur technique embauché en 2008 ait exercé une des fonctions de M. X..., au lieu de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si ces salariés, occupant tous deux des fonctions de cadres de direction supposant une formation commune, n'appartenaient pas à la même catégorie professionnelle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-5 du code du travail.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. X...de sa demande de condamnation de la société Ronot à lui payer la somme de 5. 920 ¿ à titre de dommagesintérêts pour non-respect de la procédure ;
Aux motifs que M. X...sollicite une indemnité d'un mois de salaire au motif que la lettre de licenciement a été établie par la SAS Ronot et non par l'administrateur judiciaire ; qu'il est vrai que selon l'article L. 621-37 du code de commerce, il appartient à l'administrateur judiciaire, après autorisation donnée par ordonnance du juge-commissaire, de procéder au licenciement pour motif économique présentant un caractère urgent inévitable et indispensable ; que la circonstance que le licenciement prononcé au visa de cette ordonnance a été notifié par le débiteur, au lieu de l'administrateur, ouvre droit, en principe, à indemnisation pour inobservation de la procédure ; que les intimés objectent que le contrat de travail a été rompu d'un commun accord par adhésion de l'intéressé à une convention de reclassement personnalisée, et ne requiert pas l'envoi d'une lettre de licenciement ; que dès lors, le fait que la lettre de licenciement a été adressée à M. X...qui a adhéré à la convention de reclassement personnalisé, ait été l'oeuvre de la SAS Ronot et non de Me Z... ès-qualités, est insusceptible d'avoir causé le moindre préjudice au salarié ;
Alors qu'en application de l'article L. 621-37 du code du commerce, après autorisation donnée par ordonnance du juge-commissaire, il appartient à l'administrateur judiciaire de procéder aux licenciements pour motif économique présentant un caractère urgent, inévitable et indispensable et la circonstance que le licenciement prononcé au visa de cette ordonnance a été notifié par le débiteur, au lieu de l'administrateur, ouvre droit à indemnisation pour inobservation de la procédure qui lui cause nécessairement un préjudice, nonobstant l'adhésion du salarié à une convention de reclassement personnalisé ; qu'en ne tirant pas les conséquences légales de ses propres constatations selon lesquelles la lettre de licenciement avait été adressée à M. X...par la SAS Ronot et non par Me Z... ès-qualités, la cour d'appel a violé le texte précité.