LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 13 mars 2012), que d'anciens salariés de la société Inmont, aux droits de laquelle vient la société Flint group France, ont été admis au régime de l'Allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (ACAATA) ;
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à ses anciens salariés une somme à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice d'anxiété alors, selon le moyen :
1°/ qu'il est de principe que la réparation du préjudice d'anxiété est subordonnée à la preuve de l'exposition du salarié à un risque avéré et d'une réelle gravité pour sa santé ; que, si une telle preuve est présumée pour les salariés qui travaillaient dans un établissement ouvrant droit au bénéfice de l'ACAATA pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, cette présomption est simple ; qu'en l'espèce, l'exposante faisait valoir que l'établissement dans lequel les salariés avaient travaillé, bien que figurant sur la liste des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 pour des raisons historiques, ne fabriquait en réalité aucun matériaux contenant de l'amiante, en sorte qu'il n'existait pas de risque avéré et réel d'exposition à l'amiante ; que, par suite, en jugeant néanmoins que le préjudice d'anxiété serait établi de manière irréfragable, du seul fait pour les salariés d'avoir travaillé dans un établissement mentionné à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998, la cour d'appel a violé le principe susvisé et méconnu la portée de la présomption précitée, ensemble l'article 1382 du code civil ; 2°/ qu'il est de principe que le préjudice d'anxiété suppose une certaine permanence du sentiment d'anxiété lié à la crainte de la révélation d'une maladie aux conséquences dramatiques en termes d'espérance de vie, qui implique, en particulier, que les salariés aient été et soient soumis à des contrôles et examens médicaux réguliers ; qu'ainsi en considérant néanmoins qu'il ne serait pas nécessaire que les salariés « justifient ou non subir effectivement des contrôles ou examen préventifs », la cour d'appel a violé le principe susvisé, ensemble l'article 1382 du code civil ;
3°/ qu'il est de principe et résulte des dispositions de l'article 1382 du code civil que l'existence d'un préjudice d'anxiété suppose que soit caractérisé un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité ; qu'en se bornant à juger que le sentiment d'inquiétude des salariés serait le fait de l'employeur sans motiver davantage sa décision, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe susvisé, ensemble l'article 1382 du code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui a constaté que les salariés, qui avaient travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l' amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, se trouvaient, par le fait de l'employeur, dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante, qu'ils se soumettent ou non à des contrôles et examens médicaux réguliers, a ainsi caractérisé l'existence d'un préjudice spécifique d'anxiété ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Flint group France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. X... et aux quarante-quatre autres défendeurs la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit décembre deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Tiffreau, Corlay et Marlange, avocat aux Conseils, pour la société Flint group France
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné l'exposante à payer à Monsieur Claude X..., Madame Francine Y..., Monsieur Daniel Z..., Monsieur Christian A..., Monsieur Mohammed B..., Madame Dominique C..., Monsieur Michel D..., Monsieur Michel E..., Monsieur Gilbert F..., à chacun, et globalement aux ayant droits de Monsieur Jean-Paul G... (Madame Annie Victorine H... veuve G..., Monsieur Vincent Grégory G...) et ceux de Monsieur El Houssaine J... (Makram, Mounir et Samir J...), 8.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice d'anxiété.
AUX MOTIFS QUE « du seul fait d'avoir travaillé dans des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, ajouté à la circonstance que le dispositif de l'ACAATA au bénéfice duquel ils ont été admis a pour objet premier de compenser la perte d'espérance de vie qui peut être celle de salariés ayant travaillé au sein d'entreprises fabriquant ou utilisant l'amiante, l'ensemble des salariés se sont nécessairement trouvés placés du fait de leur employeur, qu'ils aient ou non été réellement exposés fonctionnellement, directement ou de façon environnementale, à l'inhalation de poussières ou de fibres d'amiante, dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante, à l'origine d'un préjudice d'anxiété susceptible d'être ravivé par l'éventuelle nécessité de subir périodiquement des contrôles ou examens médicaux, préjudice dont ils sont en droit de solliciter l'indemnisation par leur employeur, distinctement du régime de réparation forfaitaire de l'ACAATA, sur le fondement de l'obligation de sécurité de résultat en matière de santé au travail incombant à ce dernier, sans qu'il y ait lieu de distinguer selon que les salariés se soient vus ou non remettre par leur employeur une attestation d'exposition ou selon qu'ils justifient ou non subir effectivement des contrôles ou examen préventifs, le préjudice étant constitué par le légitime sentiment d'inquiétude découlant du seul fait d'avoir travaillé au sein d'une entreprise susceptible de les avoir exposé au risque de développer une maladie liée à l'amiante ; Attendu que si par application de ces règles et principes l'ensemble des salariés demandeurs sont en droit d'obtenir l'indemnisation de leur préjudice d'anxiété (¿) ».
ALORS QUE 1°) il est de principe que la réparation du préjudice d'anxiété est subordonnée à la preuve de l'exposition du salarié à un risque avéré et d'une réelle gravité pour sa santé ; que, si une telle preuve est présumée pour les salariés qui travaillaient dans un établissement ouvrant droit au bénéfice de L'ACAATA pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, cette présomption est simple ; qu'en l'espèce, l'exposante faisait valoir que l'établissement dans lequel les salariés avaient travaillé, bien que figurant sur la liste des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 pour des raisons historiques, ne fabriquait en réalité aucun matériaux contenant de l'amiante, en sorte qu'il n'existait pas de risque avéré et réel d'exposition à l'amiante ; que, par suite, en jugeant néanmoins que le préjudice d'anxiété serait établi de manière irréfragable, du seul fait pour les salariés d'avoir travaillé dans un établissement mentionné à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998, la Cour d'appel a violé le principe susvisé et méconnu la portée de la présomption précitée, ensemble l'article 1382 du Code civil.
ALORS QUE 2°) il est de principe que le préjudice d'anxiété suppose une certaine permanence du sentiment d'anxiété lié à la crainte de la révélation d'une maladie aux conséquences dramatiques en termes d'espérance de vie, qui implique, en particulier, que les salariés aient été et soient soumis à des contrôles et examens médicaux réguliers ; qu'ainsi en considérant néanmoins qu'il ne serait pas nécessaire que les salariés « justifient ou non subir effectivement des contrôles ou examen préventifs », la Cour a violé le principe susvisé, ensemble l'article 1382 du Code civil.
ALORS QUE 3°) il est de principe et résulte des dispositions de l'article 1382 du Code civil que l'existence d'un préjudice d'anxiété suppose que soit caractérisé un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité ; qu'en se bornant à juger que le sentiment d'inquiétude des salariés serait le fait de l'employeur sans motiver davantage sa décision, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe susvisé, ensemble l'article 1382 du Code civil