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14/01/2014 | FRANCE | N°11-81362

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 14 janvier 2014, 11-81362


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :

- M. Jean-Pierre X...,
- Le Syndicat des organismes sociaux des Bouches-du-Rhône CGT-FO, parties civiles,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, en date du 19 janvier 2011, qui, dans l'information suivie, sur la plainte du second, contre MM. Michel Y... et Michel Z..., des chefs d'entrave à l'exercice du droit syndical, discrimination syndicale, entrave aux fonctions de délégué du personnel, harcèlement moral et comp

licité, a dit n'y avoir lieu à suivre contre quiconque du chef d'entrav...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :

- M. Jean-Pierre X...,
- Le Syndicat des organismes sociaux des Bouches-du-Rhône CGT-FO, parties civiles,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, en date du 19 janvier 2011, qui, dans l'information suivie, sur la plainte du second, contre MM. Michel Y... et Michel Z..., des chefs d'entrave à l'exercice du droit syndical, discrimination syndicale, entrave aux fonctions de délégué du personnel, harcèlement moral et complicité, a dit n'y avoir lieu à suivre contre quiconque du chef d'entrave à l'exercice du droit syndical et confirmé pour le surplus l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 19 novembre 2013 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Beauvais conseiller rapporteur, Mme Guirimand, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Téplier ;
Sur le rapport de M. le conseiller BEAUVAIS, les observations de la société civile professionnelle MASSE-DESSEN, THOUVENIN et COUDRAY, de la société civile professionnelle WAQUET FARGE et HAZAN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général SALVAT ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Sur la recevabilité du pourvoi formé par M. X..., contestée en défense :
Attendu que ce pourvoi est recevable, le "protocole de fin de contentieux" conclu le 17 juin 2005 entre l'ASSEDIC Alpes-Provence et M. X..., aux termes duquel ce dernier renonce irrévocablement à toute prétention ou réclamation et à toute action judiciaire ou extra-judiciaire à l'encontre des dirigeants et salariés de l'ASSEDIC Alpes-Provence, n'étant pas de nature à lui interdire de se constituer partie civile par voie d'intervention dans la présente procédure, dès lors que cette constitution n'a pour objet que de venir au soutien de l'action publique mise en mouvement par le syndicat des organismes sociaux des Bouches-du-Rhône CGT-FO ; Vu les mémoires produits en demande, en défense et en réplique ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que le syndicat des organismes sociaux des Bouches-du-Rhône CGT-FO a porté plainte et s'est constitué partie civile des chefs d'entrave à l'exercice des fonctions de délégué du personnel, discrimination syndicale, harcèlement moral et complicité, en exposant que M. X..., salarié de l'ASSEDIC Alpes-Provence, investi de fonctions représentatives, avait été convoqué par la direction à un entretien préalable en vue de son licenciement en raison de son refus d'acceptation d'une mutation, qu'il n'avait pu réintégrer ses fonctions malgré une ordonnance du conseil de prud'hommes prescrivant la suspension de la mesure de mutation, et qu'ayant pu enfin rejoindre son poste à la suite d'une nouvelle décision judiciaire, il avait alors subi une dégradation de ses conditions de travail ;
Attendu qu'à l'issue de l'information, ouverte contre personne non dénommée des chefs susvisés, au cours de laquelle M. X... s'est constitué partie civile par voie d'intervention, le juge d'instruction a rendu une ordonnance de non-lieu dont les parties civiles ont relevé appel ; que, par arrêt du 6 mai 2009, la chambre de l'instruction a confirmé l'ordonnance déférée en ce qu'elle avait prononcé un non-lieu des chefs d'entrave aux fonctions de délégué du personnel et discrimination syndicale, dit n'y avoir lieu à suivre contre quiconque du chef de complicité, infirmé l'ordonnance de non-lieu du chef de harcèlement moral et ordonné un supplément d'information aux fins, notamment, de mettre en examen MM. Y... et Z..., directeurs successifs de l'ASSEDIC Alpes-Provence, des chefs de harcèlement moral et entrave à l'exercice du droit syndical ; que, par l'arrêt attaqué, la chambre de l'instruction, après avoir constaté l'exécution du supplément d'information, a dit n'y avoir lieu à suivre contre quiconque du chef d'entrave à l'exercice du droit syndical et confirmé pour le surplus l'ordonnance de non-lieu déférée ;
En cet état :
Sur le premier moyen de cassation proposé pour M. X..., pris de la violation de l'article L. 2146-1 du code du travail et des articles 202 et 591 du code de procédure pénale, violation de la loi ;
"en ce que l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu à suivre quiconque du chef d'entrave à l'exercice du droit syndical ;
"aux motifs que sur les faits d'entrave à l'exercice du droit syndical; que le syndicat des organismes sociaux divers des Bouches du Rhône ¿ CGT Force Ouvrière s'est constitué partie civile contre X pour entrave aux fonctions de délégué du personnel, discrimination syndicale et harcèlement moral ; que, par réquisitoire introductif en date du 24 novembre 2005, le ministère public a ouvert l'information des dits chefs ; que M. X... s'est constitué par la suite des mêmes chefs ; que force est de constater que le juge d'instruction n'a jamais été saisi, et pour cause, car cette infraction n'était pas visée dans la constitution de partie civile, d'un délit d'entrave à l'exercice du droit syndical, délit spécifique prévu et réprimé par l'article L. 481-2 du code du travail ; qu'aucun réquisitoire supplétif n'a été sollicité par la partie civile ni rendu de ce chef ; qu'en conséquence, c'est à tort que la chambre de l'instruction, dans son arrêt du 6 mai 2009, a ordonné un supplément d'information aux fins notamment de mettre en examen les mis en cause du chef d'entrave à l'exercice du droit syndical ; qu'un non lieu sera nécessairement prononcé de ce chef en faveur des deux mis en examen ;
"alors qu'en vertu de l'article 202 du code de procédure pénale, la chambre de l'instruction peut, d'office, ordonner qu'il soit informé à l'égard des personnes mises en examen sur tous les chefs de délits principaux ou connexes, résultant du dossier de la procédure, qui n'auraient pas été visés par l'ordonnance du juge d'instruction ; que pour considérer que c'est à tort que la chambre de l'instruction a ordonné un supplément d'information aux fins de mise en examen du chef d'entrave au droit syndical et prononcer en, conséquence, un non lieu de ce chef, la cour a relevé que le juge d'instruction n'a pas été saisi d'une infraction d'entrave à l'exercice du droit syndical ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait du dossier de la procédure que la mutation imposée par la direction, au mépris de décisions judiciaires, avait porté atteinte aux fonctions de représentation syndicale exercées par M. X... et que c'est au regard de ces éléments que la chambre d'instruction a considéré qu'il y avait lieu à supplément d'information du chef d'entrave à l'encontre des personnes poursuivies, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Sur le premier moyen de cassation proposé pour le syndicat des organismes sociaux des Bouches du Rhône CGT-FO, pris de la violation de l'article L. 2146-1 du code du travail et des articles 202 et 591 du code de procédure pénale, violation de la loi ;
"en ce que l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu à suivre quiconque du chef d'entrave à l'exercice du droit syndical ;
"aux motifs que sur les faits d'entrave à l'exercice du droit syndical; que le syndicat des organismes sociaux divers des Bouches du Rhône ¿ CGT Force Ouvrière s'est constitué partie civile contre X pour entrave aux fonctions de délégué du personnel, discrimination syndicale et harcèlement moral ; que, par réquisitoire introductif en date du 24 novembre 2005, le ministère public a ouvert l'information des dits chefs ; que M. X... s'est constitué par la suite des mêmes chefs ; que force est de constater que le juge d'instruction n'a jamais été saisi, et pour cause, car cette infraction n'était pas visée dans la constitution de partie civile, d'un délit d'entrave à l'exercice du droit syndical, délit spécifique prévu et réprimé par l'article L. 481-2 du code du travail ; qu'aucun réquisitoire supplétif n'a été sollicité par la partie civile ni rendu de ce chef ; qu'en conséquence, c'est à tort que la chambre de l'instruction, dans son arrêt du 6 mai 2009, a ordonné un supplément d'information aux fins notamment de mettre en examen les mis en cause du chef d'entrave à l'exercice du droit syndical ; qu'un non lieu sera nécessairement prononcé de ce chef en faveur des deux mis en examen ;
"alors qu'en vertu de l'article 202 du code de procédure pénale, la chambre de l'instruction peut, d'office, ordonner qu'il soit informé à l'égard des personnes mises en examen sur tous les chefs de délits principaux ou connexes, résultant du dossier de la procédure, qui n'auraient pas été visés par l'ordonnance du juge d'instruction ; que pour considérer que c'est à tort que la chambre de l'instruction a ordonné un supplément d'information aux fins de mise en examen du chef d'entrave au droit syndical et prononcer en, conséquence, un non lieu de ce chef, la cour a relevé que le juge d'instruction n'a pas été saisi d'une infraction d'entrave à l'exercice du droit syndical ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait du dossier de la procédure que la mutation imposée par la direction, au mépris de décisions judiciaires, avait porté atteinte aux fonctions de représentation syndicale exercées par M. X... et que c'est au regard de ces éléments que la chambre d'instruction a considéré qu'il y avait lieu à supplément d'information du chef d'entrave à l'encontre des personnes poursuivies, la cour d'appel a violé le texte susvisé" ;
Les moyens étant réunis ;
Vu l'article 202, ensemble l'article 204 du code de procédure pénale ;
Attendu qu'il résulte du dernier de ces textes que la chambre de l'instruction peut, quant aux infractions résultant du dossier de la procédure, ordonner que soient mises en examen, dans les conditions prévues à l'article 205, des personnes qui n'ont pas été renvoyées devant elle ;
Attendu que, pour dire n'y avoir lieu à suivre contre MM. Y... et Z... du chef d'entrave à l'exercice du droit syndical, l'arrêt énonce que le juge d'instruction n'a jamais été saisi de cette infraction par la plainte avec constitution de partie civile ni par des réquisitions supplétives du ministère public, et que c'est donc à tort que la chambre de l'instruction, dans son arrêt du 6 mai 2009, a ordonné un supplément d'information aux fins notamment de mise en examen de MM. Y... et Z... de ce chef ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait du dossier de la procédure, et en particulier de la plainte avec constitution de partie civile, que la mutation imposée par la direction de l'Assedic à M. X..., délégué syndical, et la tentative de licenciement dont il avait fait l'objet pour le contraindre à accepter cette mutation étaient susceptibles de caractériser le délit d'entrave à l'exercice du droit syndical, justifiant le supplément d'information ordonné, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus exposé ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Et sur le second moyen de cassation proposé pour M. X..., pris de la violation de l'article 222-33-2 du code pénal et de l'article 591 du code de procédure pénale, violation de la loi :
"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé l'ordonnance de non lieu du chef de délit de harcèlement moral ;
"aux motifs que, sur les faits de harcèlement moral ; que l'article 222-33-2 du code pénal dispose que le délit de harcèlement moral à l'égard d'un salarié est constitué « par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel » ; qu'en ce qui concerne M. Y... ; que M. Y... a été mis en examen pour avoir à Marseille et Aix-en-Provence, en décembre 2003 et courant 2004, harcelé M. X... par des agissements répétés, en l'occurrence en réitérant des actes destinés à lui imposer une modification de ses conditions de travail, en l'occurrence sa mutation de l'antenne d'Aix-en-Provence à celle de Vitrolles, en engageant à son égard une procédure de licenciement pour l'y contraindre et en faisant obstacle à l'exécution d'une décision de justice rendue en sa faveur, l'ensemble de ses agissements étant de nature à porter atteinte à sa dignité et à sa santé morale ; que la mutation de M. X... pouvait être contestée en droit, ce que l'intéressé n'a pas manqué de faire, et sans doute à juste titre ; que le refus opposé par l'intéressé à cette mutation a été suivi de la convocation à un entretien préalable, au cours duquel, au demeurant, l'intéressé, qui était en arrêt maladie de façon récurrente, a pourtant accepté verbalement le poste proposé à Vitrolles ; que le caractère « contraint et forcé » de cette acceptation par M. X... de sa mutation relève du simple commentaire d'une situation juridique pourtant non contestée lors de l'entretien préalable en présence de témoins ; qu'il ne saurait être soutenu qu'il y a eu de la part du mis en examen un refus délibéré d'exécuter les décisions de justice alors qu'une seule décision ¿l'ordonnance du 4 novembre 2004- a été rendue du temps des fonctions de M. Y... et que celui-ci a exposé qu'il ne pouvait réintégrer immédiatement l'intéressé, remplacé suite à son acceptation verbale, le 6 septembre 2004, de sa mutation à Vitrolles ; que, dans ces conditions, la procédure utilisée par l'employeur, à supposer qu'elle pouvait contrevenir aux obligations résultant des dispositions protectrices du code du travail, ne saurait être constitutive « d'agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel » ; qu'au surplus, une succession d'arrêts de travail fondés sur des certificats médicaux laconiques ne sauraient constituer la démonstration, en l'absence de tout document médical sérieux, d'une altération de la santé physique ou mentale ; qu'en conséquence, le non-lieu en faveur de M. Y... sera confirmé ; qu'en ce qui concerne M. Z... ; que M. Z... a été mis en examen pour avoir à Marseille et Aix-en-Provence, courant 2005 depuis le 1er février 2005, harcelé M. X... par des agissements répétés, en l'occurrence en réitérant des actes destinés à lui imposer une modification de ses conditions de travail, en l'occurrence sa mutation de l'antenne d'Aix-en-Provence à celle de Vitrolles, en engageant à son égard une procédure de licenciement pour l'y contraindre et en faisant obstacle à l'exécution de deux décision judiciaires rendues en sa faveur, et en lui fournissant des conditions de travail ayant pour effet de porter atteinte à sa dignité, à savoir en le privant de ses fonctions managériales, en le changeant à plusieurs reprises de bureau, et au moins une fois sans qu'il soit averti, son mobilier et ses affaires personnelles ayant été entreposés temporairement dans la salle d'attente de l'antenne, son bureau servant à divers usages, entreposage d'archives, stockage de ramettes de papiers et fournitures de bureau, installation d'une corbeille pour dispatcher (sic) le courrier, en le privant de télécommande d'accès au parking de l'antenne et du téléphone portable dont il disposait en sa qualité de chef d'antenne, et en ne le faisant convoquer à aucune visite médicale de travail, l'ensemble de ses agissements étant de nature à porter atteinte à sa dignité et à sa santé morale ; que l'intéressé a succédé à M. Y... le 1er février 2005 ; que la réintégration de M. X... dans son poste initial ordonnée par décision du conseil de prud'hommes en date du 10 février 2005 n'a été rendue matériellement possible que lorsque son propre successeur a libéré le poste en acceptant un détachement soit en mai 2005, M. X... étant d'ailleurs toujours en arrêt maladie jusqu'au 9 mai 2005 ; que s'il a été convoqué à un entretien préalable suite à son refus opposé à M. Z..., dès l'arrivée de ce dernier, de rejoindre le poste de Vitrolles, cet entretien n'a jamais eu lieu ; que par la suite, un protocole d'accord de fin de contentieux a été conclu le 17 juin 2005 aux termes duquel M. X... a accepté un poste de chargé de mission PARE (plan d'allocation de retour à l'emploi) à compter du 1er août 2005 ; qu'il est pour le moins hardi de soutenir que ce protocole « ne peut avoir d'effet en droit sur la procédure pénale » alors qu'il s'agit d'un élément de fait parfaitement recevable et soumis au débat contradictoire dans le cadre de la recherche des éléments constitutifs de l'infraction, notamment s'agissant de l'élément intentionnel ; qu'à cet égard précisément, il n'existe pas, durant la période considérée, c'est à dire courant 2005, d'«agissements répétés » de M. Z... à l'égard de M. X... « ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel » ; qu'au surplus, sur cet état de santé, il convient de reprendre les observations déjà exposées s'agissant de la période de direction de M. Z... ; qu'est par ailleurs invoquée dans le mémoire une succession d'évènements constitutive, pour les parties civiles, de harcèlement, s'agissant des conditions matérielles d'exercice de son activité par M. X... ; que ces « agissements répétés » argués se situent essentiellement en 2007 et 2008 et sont donc largement postérieurs à la période entrant dans la saisine du juge, laquelle ne concerne que les années 2004 et 2005 ; qu'en conséquence, le non-lieu en faveur de M. Z... sera confirmé ;
"alors qu'aux termes des dispositions de l'article 222-33-2 du code pénal, constitue le délit de harcèlement moral le fait de harceler autrui par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; qu'en exigeant cependant que pour que le délit de harcèlement moral soit constitué, il soit démontré une altération de la santé physique ou mentale, pour en déduire, en l'espèce, que l'altération n'étant pas sérieusement établie, il y a lieu de prononcer un non lieu en faveur des prévenus, la cour d'appel a violé lesdites dispositions" ;
Et sur le second moyen de cassation proposé pour le syndicat CGT-FO, pris de la violation de l'article 222-33-2 du code pénal et de l'article 591 du code de procédure pénale, violation de la loi :
"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé l'ordonnance de non lieu du chef de délit de harcèlement moral ;
"aux motifs que, sur les faits de harcèlement moral ; que l'article 222-33-2 du code pénal dispose que le délit de harcèlement moral à l'égard d'un salarié est constitué « par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel » ; qu'en ce qui concerne M. Y... ; que M. Y... a été mis en examen pour avoir à Marseille et Aix-en-Provence, en décembre 2003 et courant 2004, harcelé M. X... par des agissements répétés, en l'occurrence en réitérant des actes destinés à lui imposer une modification de ses conditions de travail, en l'occurrence sa mutation de l'antenne d'Aix-en-Provence à celle de Vitrolles, en engageant à son égard une procédure de licenciement pour l'y contraindre et en faisant obstacle à l'exécution d'une décision de justice rendue en sa faveur, l'ensemble de ses agissements étant de nature à porter atteinte à sa dignité et à sa santé morale ; que la mutation de M. X... pouvait être contestée en droit, ce que l'intéressé n'a pas manqué de faire, et sans doute à juste titre ; que le refus opposé par l'intéressé à cette mutation a été suivi de la convocation à un entretien préalable, au cours duquel, au demeurant, l'intéressé, qui était en arrêt maladie de façon récurrente, a pourtant accepté verbalement le poste proposé à Vitrolles ; que le caractère « contraint et forcé » de cette acceptation par M. X... de sa mutation relève du simple commentaire d'une situation juridique pourtant non contestée lors de l'entretien préalable en présence de témoins ; qu'il ne saurait être soutenu qu'il y a eu de la part du mis en examen un refus délibéré d'exécuter les décisions de justice alors qu'une seule décision ¿l'ordonnance du 4 novembre 2004- a été rendue du temps des fonctions de M. Y... et que celui-ci a exposé qu'il ne pouvait réintégrer immédiatement l'intéressé, remplacé suite à son acceptation verbale, le 6 septembre 2004, de sa mutation à Vitrolles ; que, dans ces conditions, la procédure utilisée par l'employeur, à supposer qu'elle pouvait contrevenir aux obligations résultant des dispositions protectrices du code du travail, ne saurait être constitutive « d'agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel » ; qu'au surplus, une succession d'arrêts de travail fondés sur des certificats médicaux laconiques ne sauraient constituer la démonstration, en l'absence de tout document médical sérieux, d'une altération de la santé physique ou mentale ; qu'en conséquence, le non-lieu en faveur de M. Y... sera confirmé ; qu'en ce qui concerne M. Z... ; que M. Z... a été mis en examen pour avoir à Marseille et Aix-en-Provence, courant 2005 depuis le 1er février 2005, harcelé M. X... par des agissements répétés, en l'occurrence en réitérant des actes destinés à lui imposer une modification de ses conditions de travail, en l'occurrence sa mutation de l'antenne d'Aix-en-Provence à celle de Vitrolles, en engageant à son égard une procédure de licenciement pour l'y contraindre et en faisant obstacle à l'exécution de deux décision judiciaires rendues en sa faveur, et en lui fournissant des conditions de travail ayant pour effet de porter atteinte à sa dignité, à savoir en le privant de ses fonctions managériales, en le changeant à plusieurs reprises de bureau, et au moins une fois sans qu'il soit averti, son mobilier et ses affaires personnelles ayant été entreposés temporairement dans la salle d'attente de l'antenne, son bureau servant à divers usages, entreposage d'archives, stockage de ramettes de papiers et fournitures de bureau, installation d'une corbeille pour dispatcher (sic) le courrier, en le privant de télécommande d'accès au parking de l'antenne et du téléphone portable dont il disposait en sa qualité de chef d'antenne, et en ne le faisant convoquer à aucune visite médicale de travail, l'ensemble de ses agissements étant de nature à porter atteinte à sa dignité et à sa santé morale ; que l'intéressé a succédé à M. Y... le 1er février 2005 ; que la réintégration de M. X... dans son poste initial ordonnée par décision du conseil de prud'hommes en date du 10 février 2005 n'a été rendue matériellement possible que lorsque son propre successeur a libéré le poste en acceptant un détachement soit en mai 2005, M. X... étant d'ailleurs toujours en arrêt maladie jusqu'au 9 mai 2005 ; que s'il a été convoqué à un entretien préalable suite à son refus opposé à M. Z..., dès l'arrivée de ce dernier, de rejoindre le poste de Vitrolles, cet entretien n'a jamais eu lieu ; que par la suite, un protocole d'accord de fin de contentieux a été conclu le 17 juin 2005 aux termes duquel M. X... a accepté un poste de chargé de mission PARE (plan d'allocation de retour à l'emploi) à compter du 1er août 2005 ; qu'il est pour le moins hardi de soutenir que ce protocole « ne peut avoir d'effet en droit sur la procédure pénale » alors qu'il s'agit d'un élément de fait parfaitement recevable et soumis au débat contradictoire dans le cadre de la recherche des éléments constitutifs de l'infraction, notamment s'agissant de l'élément intentionnel ; qu'à cet égard précisément, il n'existe pas, durant la période considérée, c'est à dire courant 2005, d'«agissements répétés » de M. Z... à l'égard de M. X... « ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel » ; qu'au surplus, sur cet état de santé, il convient de reprendre les observations déjà exposées s'agissant de la période de direction de M. Z... ; qu'est par ailleurs invoquée dans le mémoire une succession d'évènements constitutive, pour les parties civiles, de harcèlement, s'agissant des conditions matérielles d'exercice de son activité par M. X... ; que ces « agissements répétés » argués se situent essentiellement en 2007 et 2008 et sont donc largement postérieurs à la période entrant dans la saisine du juge, laquelle ne concerne que les années 2004 et 2005 ; qu'en conséquence, le non-lieu en faveur de M. Z... sera confirmé ;
"alors qu'aux termes des dispositions de l'article 222-33-2 du code pénal, constitue le délit de harcèlement moral le fait de harceler autrui par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; qu'en exigeant cependant que pour que le délit de harcèlement moral soit constitué, il soit démontré une altération de la santé physique ou mentale, pour en déduire, en l'espèce, que l'altération n'étant pas sérieusement établie, il y a lieu de prononcer un non lieu en faveur des prévenus, la cour d'appel a violé lesdites dispositions" ;
Les moyens étant réunis ;
Vu les articles 222-33-2 du code pénal et 593 du code de procédure pénale ;
Attendu que, d'une part, selon le premier de ces textes, constitue le délit de harcèlement moral le fait de harceler autrui par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale, ou de compromettre son avenir professionnel ;
Attendu que, d'autre part, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu que, pour dire n'y avoir charges suffisantes contre les mis en examen d'avoir commis le délit de harcèlement moral, l'arrêt énonce notamment que la succession d'arrêts de travail fondés sur des certificats médicaux laconiques ne saurait démontrer, en l'absence de tout document médical sérieux, une altération de la santé physique ou mentale de M. X... ;
Mais attendu qu'en l'état de ces seuls motifs, la chambre de l'instruction, qui a ajouté à la loi des conditions qu'elle ne comporte pas, en retenant que les conséquences de la dégradation des conditions de travail devaient être avérées, alors que la simple possibilité d'une telle dégradation suffit à consommer le délit de harcèlement moral, a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus énoncés ;
D'où il suit que la cassation est encore encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 19 janvier 2011, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Montpellier, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quatorze janvier deux mille quatorze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 11-81362
Date de la décision : 14/01/2014
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

TRAVAIL - Harcèlement - Harcèlement moral - Eléments constitutifs

Selon l'article 222-33-2 du code pénal, constitue le délit de harcèlement moral le fait de harceler autrui par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale, ou de compromettre son avenir professionnel. Méconnaît ces dispositions, en ajoutant à la loi des conditions qu'elle ne comporte pas, la chambre de l'instruction qui, pour dire n'y avoir charges suffisantes contre les mis en examen d'avoir commis le délit de harcèlement moral, retient que la succession d'arrêts de travail de la partie civile fondés sur des certificats médicaux laconiques ne saurait démontrer, en l'absence de tout document médical sérieux, une altération de la santé physique ou mentale, alors que la simple possibilité d'une dégradation des conditions de travail de la victime suffit à consommer le délit de harcèlement moral


Références :

Sur le numéro 1 : article 6 du code de procédure pénale
Sur le numéro 2 : articles 204 et 205 du code de procédure pénale
Sur le numéro 3 : article 222-33-2 du code pénal

article 593 du code de procédure pénale

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-En-Provence, 19 janvier 2011

Sur le n° 3 : Sur la possibilité d'une seule dégradation des conditions de travail de la victime suffisant à consommer le délit de harcèlement moral, dans le même sens que :Crim., 6 décembre 2011, pourvoi n° 10-82266, Bull. crim. 2011, n° 187 (cassation)


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 14 jan. 2014, pourvoi n°11-81362, Bull. crim. criminel 2014, n° 5
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2014, n° 5

Composition du Tribunal
Président : M. Louvel
Avocat général : M. Salvat
Rapporteur ?: M. Beauvais
Avocat(s) : SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:11.81362
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