LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 4 avril 2012), qu'engagé le 21 décembre 2005 par la société Dufour yachts La Rochelle en qualité de " réparateur gel coat ", M. X... a été licencié pour faute grave par lettre du 17 juillet 2009 ;
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de dire son licenciement fondé sur une faute grave et de le débouter de ses demandes, alors, selon le moyen :
1°/ que le juge ne peut dénaturer les pièces qui lui sont soumises ; que dans son attestation du 10 mars 2010, Mme Y... énonçait que le 1er juillet 2007, elle avait surpris M. X..., M. Z... et M. A... « dans un local extérieur à leur lieu de travail. Ces ouvriers avaient quitté leur poste de travail, pour se retrouver et fumer dans ce local » ; qu'en jugeant « que cette attestation, qui émane d'un témoin direct des faits et qui est dépourvue d'équivoque et d'ambiguïté, établit que M. David X..., qui faisait partie de l'équipe de première intervention incendie, a été surpris en train de fumer lui-même », quand l'attestation en cause n'énonce pas que M. X... était personnellement en train de fumer lors de l'entrée de Mme Y... dans le local, la cour d'appel, qui a dénaturé les termes clairs et précis de l'attestation de Mme Y..., a violé l'article 1134 du code civil ;
2°/ que, subsidiairement, en relevant que l'attestation de Mme Y... du 10 mars 2010 « établit que M. David X..., qui faisait partie de l'équipe de première intervention incendie, a été surpris en train de fumer lui-même », après avoir rappelé qu'elle faisait état qu'elle avait notamment surpris « M. X... David, finisseur et membre de l'équipe de première intervention incendie,- Z... Jonathan, contrôleur qualité,- A... Yohan, finisseur, dans un local extérieur à leur lieu de travail. Ces ouvriers avaient quitté leur poste de travail, pour se retrouver et fumer dans ce local », ce dont il résulte qu'elle ne précise pas que M. X... avait été surpris en train de fumer, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 1234-1, L. 1231-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
3°/ que dans son attestation en date du 25 janvier 2010, M. Jonathan Z..., présent au moment des faits litigieux, « certifie que M. X... ne fum(ait) pas » lors « du passage de M. B... dans l'établissement Dufour et a même dissuadé plusieurs personnes avant » ; qu'ainsi, en affirmant que l'attestation de Mme Y... « n'est contredite par aucun autre élément de preuve, notamment de la part des deux collègues qui ont été surpris en même temps que M. David X... », la cour d'appel a dénaturé par omission les termes clairs et précis de l'attestation de M. Z... du 25 janvier 2010, en violation de l'article 1134 du code civil ;
4°/ que la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis ; que ne constitue pas une faute grave, rendant impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, même pendant la durée limitée du préavis, le fait, pour celui-ci de fumer dans un local vide dont l'accès n'est ni interdit ni réglementé et qui est dépourvu d'affichage de consigne de sécurité ; qu'en retenant néanmoins que M. X... avait commis une faute grave, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1, L. 1231-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
5°/ que la faute grave doit être caractérisée au regard des circonstances propres à l'espèce ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans préciser à quelle disposition du règlement intérieur ou à quelle directive ou consigne de l'employeur visant spécifiquement la sécurité du local jouxtant l'atelier polyester l'acte du salarié aurait contrevenu, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle sur la qualification de faute grave, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
6°/ que les juges sont tenus de répondre au moyen opérant des conclusions des parties ; que dans ses conclusions d'appel, M. X... faisait valoir, sans être contredit, que lors de son audition devant le conseil des prud'hommes, il avait déclaré, s'agissant des faits en cause : « J'étais avec un verre d'eau, je ne fumais pas quand M.
B...
est arrivé », et que le directeur des ressources humaines de la société Duffour Yatchs, présent, n'avait élevé aucune objection à cette affirmation ; qu'il ajoutait que ces circonstances, qui résultaient du plumitif de l'audience devant le conseil des prud'hommes, avaient emporté la conviction des premiers juges sur l'absence de faute grave ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen opérant des conclusions d'appel de M. X..., corroboré par la production du plumitif de l'audience, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel, appréciant souverainement la portée et la valeur des éléments de preuve qui lui étaient soumis, a estimé qu'il était établi que le salarié avait été surpris en train de fumer avec deux collègues dans un local présentant un risque d'incendie et d'explosion lié à la présence de polyester et au passage d'une conduite de gaz ; qu'elle a pu retenir que le comportement de l'intéressé, membre de l'équipe de première intervention incendie au sein de l'entreprise, qui n'invoquait ni l'absence d'interdiction d'accès au local ou de réglementation d'accès à celui-ci, ni le défaut d'affichage de consignes de sécurité dans ce local, était constitutif d'une faute grave rendant impossible la poursuite du contrat de travail ; que le moyen, irrecevable comme nouveau, mélangé de fait et de droit en ses quatrième et cinquième branches, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze janvier deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour M. X....
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir jugé que le licenciement de M. X... est fondé sur une faute grave et de l'avoir débouté de ses demandes indemnitaires formulées contre la société Dufour Yachts La Rochelle ;
AUX MOTIFS QU'il est reproché à M. David X... dans la lettre de licenciement pour faute grave qui fixe les limites du litige :- de s'être autorisé une pause intempestive avec des collègues de travail,- d'avoir fumé avec ses collègues de travail pendant cette pause, dans un local dangereux en raison d'un risque incendie,- d'avoir méconnu son statut de membre de l'équipe de première intervention en matière incendie ; que sur le deuxième grief tiré du fait d'avoir fumé avec ses collègues de travail dans un local présentant un risque incendie, Mme Marie-Ligne Y... a témoigné en ces termes : " Le 1/ 07/ 2009, j'ai surpris avec mon responsable, en dehors de leur heure de pause :- Monsieur X... David, finisseur et membre de l'équipe de première intervention incendie,- Z... Jonathan, contrôleur qualité,- A... Yohan, finisseur, dans un local extérieur à leur lieu de travail. Ces ouvriers avaient quitté leur poste de travail, pour se retrouver et fumer dans ce local poussiéreux ou passe une canalisation de gaz " ; que cette attestation qui émane d'un témoin direct des faits et qui est dépourvue d'équivoque et d'ambiguïté, établit que M. David X..., qui faisait partie de l'équipe de première intervention incendie, a été surpris en train de fumer lui-même, bien qu'il l'ait nié lors de l'entretien préalable, au surplus en présence de deux autres collègues, qui fumaient également, dans un local exposé au risque incendie ainsi que l'énonce la lettre de licenciement ; que le constat que cette attestation ait été établie 8 mois après les faits et qu'elle émane d'un chef d'équipe placé dans un lien de subordination avec l'employeur n'est pas de nature à remettre en cause sa force probante dès lors qu'elle est claire et précise, qu'il n'est justifié d'aucune pression qui aurait été exercée sur le témoin et qu'elle n'est contredite par aucun autre élément de preuve, notamment de la part des deux collègues qui ont été surpris en même temps que M. David X... ; que ce seul grief de la part d'un responsable incendie rendait impossible la poursuite de l'exécution de son contrat de travail pendant la durée du préavis et justifiait son licenciement pour faute grave sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres griefs visés par la lettre de licenciement ;
1) ALORS QUE le juge ne peut dénaturer les pièces qui lui sont soumises ; que dans son attestation du 10 mars 2010, Mme Y... énonçait que le 1er juillet 2007, elle avait surpris, M. X..., M. Z... et M. A... « dans un local extérieur à leur lieu de travail. Ces ouvriers avaient quitté leur poste de travail, pour se retrouver et fumer dans ce local » ; qu'en jugeant « que cette attestation qui émane d'un témoin direct des faits et qui est dépourvue d'équivoque et d'ambiguïté, établit que M. David X..., qui faisait partie de l'équipe de première intervention incendie, a été surpris en train de fumer lui-même », quand l'attestation en cause n'énonce pas que M. X... était personnellement en train de fumer lors de l'entrée M. Y... dans le local, la cour d'appel, qui a dénaturé les termes clairs et précis de l'attestation de Mme Y..., a violé l'article 1134 du code civil ;
2) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QU'en relevant que l'attestation de Mme Y... du 10 mars 2010 « établit que M. David X..., qui faisait partie de l'équipe de première intervention incendie, a été surpris en train de fumer lui-même », après avoir rappelé qu'elle faisait état qu'elle avait notamment surpris « Monsieur X... David, finisseur et membre de l'équipe de première intervention incendie,- Z... Jonathan, contrôleur qualité,- A... Yohan, finisseur, dans un local extérieur à leur lieu de travail. Ces ouvriers avaient quitté leur poste de travail, pour se retrouver et fumer dans ce local », ce dont il résulte qu'elle ne précise pas que M. X... avait été surpris en train de fumer, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 1234-1, L. 1231-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
3) ALORS QUE dans son attestation en date du 25 janvier 2010, M. Jonathan Z..., présent au moment des faits litigieux, « certifie que M. X... ne fum (ait) pas » lors « du passage de M. B... dans l'établissement Dufour et a même dissuadé plusieurs personnes avant » ; qu'ainsi, en affirmant que l'attestation de Mme Y... « n'est contredite par aucun autre élément de preuve, notamment de la part des deux collègues qui ont été surpris en même temps que M. David X... », la cour d'appel a dénaturé par omission les termes clairs et précis de l'attestation de M. Z... du 25 janvier 2010, en violation de l'article 1134 du code civil ;
4) ALORS QUE la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis ; que ne constitue pas une faute grave, rendant impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, même pendant la durée limitée du préavis, le fait, pour celui-ci de fumer dans un local vide dont l'accès n'est ni interdit ni réglementé et qui est dépourvu d'affichage de consigne de sécurité ; qu'en retenant néanmoins que M. X... avait commis une faute grave, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1, L. 1231-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
5) ALORS QUE la faute grave doit être caractérisée au regard des circonstances propres à l'espèce ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans préciser à quelle disposition du règlement intérieur ou à quelle directive ou consigne de l'employeur visant spécifiquement la sécurité du local jouxtant l'atelier polyester l'acte du salarié aurait contrevenu, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle sur la qualification de faute grave, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
6) ALORS QUE les juges sont tenus de répondre au moyen opérant des conclusions des parties ; que dans ses conclusions d'appel, M. X... faisait valoir, sans être contredit, que lors de son audition devant le conseil des prud'hommes, il avait déclaré, s'agissant des faits en cause : « J'étais avec un verre d'eau, je ne fumais pas quand M.
B...
est arrivé », et que le directeur des ressources humaines de la société Duffour Yatchs, présent, n'avait élevé aucune objection à cette affirmation ; qu'il ajoutait que ces circonstances, qui résultaient du plumitif de l'audience devant le conseil des prud'hommes, avaient emporté la conviction des premiers juges sur l'absence de faute grave (ccl. p. 11, § 4 et 5) ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen opérant des conclusions d'appel de M. X..., corroboré par la production du plumitif de l'audience, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.