LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé en 1978 par la société Netram, devenue société La Maintenance de Paris, a été élu membre du comité d'entreprise en 2002 ; qu'un accord a été conclu sur la prorogation des mandats des représentants du personnel le 24 juin 2004, puis le 16 septembre 2005 et enfin le 26 octobre 2006 ; que M. X... a été licencié le 22 juin 2007 et a signé une transaction le 9 juillet 2007 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale en avril 2008 pour qu'il soit constaté que son licenciement, et par conséquent la transaction signée postérieurement, étaient nuls faute pour l'employeur d'avoir respecté les règles du statut protecteur ;
Sur le premier moyen, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :
Attendu que la société La Maintenance de Paris fait grief à l'arrêt d'annuler le licenciement de M. X..., alors, selon le moyen :
1°/ que seul un accord unanime passé entre le chef d'entreprise et les organisations syndicales représentatives dans l'entreprise peut différer le terme des mandats des délégués du personnel et des membres du comité d'entreprise dont le renouvellement doit avoir lieu à échéance ; qu'en l'espèce, la société La Maintenance faisait valoir que le mandat de représentant au comité d'entreprise dont se prévalait M. X... n'était pas valable, dès lors que les dernières élections au comité d'entreprise de l'entreprise Netram avaient eu lieu en 2002, et que le premier accord de prorogation du 24 juin 2004, prévoyant une prorogation jusqu'au 30 novembre 2005, n'avait été signé que par la CGT, à l'exclusion de la CFDT, organisation pourtant représentative dans l'entreprise ; que pour décider que la prorogation du mandat de M. X... jusqu'en octobre 2007 était parfaitement valide, la cour d'appel s'est bornée à examiner la validité de la délibération du 26 octobre 2006 ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans vérifier, ainsi qu'il lui était demandé, la validité de la prorogation du 24 juin 2004, dont dépendait nécessairement la validité des prorogations postérieures des 16 septembre 2005 et 26 octobre 2006, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2324-24 du code du travail (anciennement article L. 433-12), dans sa rédaction antérieure à la loi du 2 août 2005 applicable en la cause ;
2°/ que seul un accord unanime passé entre le chef d'entreprise et les organisations syndicales représentatives dans l'entreprise peut différer le terme des mandats des délégués du personnel et des membres du comité d'entreprise dont le renouvellement doit avoir lieu à échéance ; qu'en l'espèce, la société La Maintenance faisait valoir que le mandat de représentant au comité d'entreprise dont se prévalait M. X... n'était pas valable, dès lors qu'il existait d'autres organisations syndicales représentatives dans l'entreprise que la CGT et la CFDT ; que pour décider que la prorogation du mandat de M. X... jusqu'en octobre 2007 était parfaitement valide, la cour d'appel s'est bornée à déclarer que la CGT et la CFDT, signataires de la délibération du 26 octobre 2006, étaient représentatives ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher, ainsi qu'il lui était demandé, s'il n'existait pas d'autres organisations syndicales représentatives dans l'entreprise, qui auraient dû signer la délibération litigieuse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2324-24 du code du travail (anciennement article L. 433-12), dans sa rédaction antérieure à la loi du 2 août 2005 applicable en la cause, ensemble l'article L. 2122-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi du 20 août 2008 applicable en la cause ;
3°/ que la cassation à intervenir sur la première et/ou la seconde branche du moyen entraînera, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation de l'arrêt en tous les chefs du dispositif qui sont la conséquence du chef du dispositif annulé ;
Mais attendu que l'employeur ne peut remettre en cause par voie d'exception un accord collectif prorogeant les mandats qu'il a signé et appliqué sans réserve ; qu'ayant constaté que les mandats des membres du comité d'entreprise avaient été prorogés à trois reprises par un accord signé et mis en oeuvre par l'employeur, la cour d'appel en a exactement déduit que le salarié bénéficiait, à ce titre, du statut protecteur ;
Que par ce motif de pur droit substitué à ceux critiqués par le moyen, la décision se trouve légalement justifiée ;
Mais sur le deuxième moyen :
Vu l'article 4 du code de procédure civile ;
Attendu que pour condamner l'employeur à réintégrer le salarié, la cour d'appel, après avoir relevé que la réintégration ordonnée en première instance avait été exécutée, mais que le salarié avait pris acte de la rupture de son contrat de travail, constate que ce dernier s'est désisté de l'ensemble de ses demandes au titre de la prise d'acte de rupture en date du 15 janvier 2010 ;
Qu'en statuant ainsi, alors que dans ses écritures reprises oralement à l'audience, le salarié avait expressément demandé à ce que la décision de première instance, en ce qu'elle ordonnait sa réintégration, soit infirmée, et alors que la réintégration ne peut être prononcée qu'à la demande du salarié, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit besoin de statuer sur le troisième moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a ordonné la réintégration du salarié et fixé le montant des sommes dues par l'employeur en fonction de cette réintégration, l'arrêt rendu le 29 septembre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre février deux mille quatorze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat aux Conseils, pour la société La Maintenance Paris
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR constaté la nullité du licenciement intervenu le 22 juin 2007 et celle de la transaction subséquente en date du 9 juillet 2007 et d'AVOIR en conséquence, ordonné la réintégration de Monsieur X... et condamné la société exposante à verser à celui-ci diverses sommes d'argent ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE le 16 mai 2007, l'employeur a adressé un courrier à Monsieur X... dans lequel il l'informe, en qualité de représentant du comité d'entreprise, qu'un conseil d'administration de la société se tiendra le 29 mai 2007 ; que le 31 mai 2007, l'employeur adressera à nouveau un courrier à Monsieur X... en sa qualité de représentant au comité d'entreprise pour l'informer qu'une assemblée générale extraordinaire se tiendra le 18 juin 2007 ; que ces deux courriers sont signés par Monsieur Y..., président du conseil d'administration et directeur général ; que les premiers juges relèvent également que la prorogation du mandat de représentant au comité d'entreprise de Monsieur X..., jusqu'en octobre 2007, résulte d'une délibération en ce sens votée tant pas la direction que par les deux organisations syndicales CGT et CFDT, organisations représentatives de l'entreprise ; que la procédure spéciale offerte aux salariés protégés est d'ordre public absolu ; que l'avis préalable du comité d'entreprise était, en l'espèce requis et qu'à défaut d'avoir sollicité l'autorisation de l'inspecteur du travail, le licenciement prononcé par la SAS LA MAINTENANCE PARIS est nul de plein droit ; qu'en application de l'article 2046 du code civil, il n'est pas permis de transiger sur les matières qui intéressent l'ordre public ; qu'en l'espèce, ce principe trouve à s'appliquer à Monsieur X... qui ne pouvait, en signant une transaction, renoncer aux dispositions d'ordre public pour protéger son mandat ; qu'en effet, les salariés investis de fonctions représentatives ne peuvent renoncer par avance aux dispositions exorbitantes du droit commun instituées en leur faveur ; qu'en conséquence, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a constaté la nullité du licenciement prononcé le 22 juin 2007 et celle de la transaction subséquence en date du 9 juillet 2007 ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE : s'agissant de la qualité de représentant au comité d'entreprise, contrairement à ce qu'avance la SAS LA MAINTENANCE Paris, la prorogation du mandat de représentant au CE, jusqu'en octobre 2007, apparaît parfaitement valide dès lors que la délibération en ce sens est votée tant par la direction que par les deux organisations CGT et CFDT, et non pas la seule CGT comme l'avance la SAS LA MAINTENANCE, et dès lors que la délibération explicite qu'elle est signée par l'ensemble des organisations représentatives de l'entreprise ; que par ailleurs, la SAS LA MAINTENANCE peut très difficilement exciper de ce que l'employeur aurait été dans l'ignorance de la qualité de Monsieur X..., alors que c'est le même personne, Monsieur Y..., qui signe la convocation de celui-ci à un CE du 31 mai 2007, et l'avertissement délivré au même salarié le 11 juin, ainsi que de nombreuses lettres de licenciement intervenus entre juin et août de cette année, ainsi que le document valant transaction entre les parties en date du 9 juillet 2007 ; que Monsieur Y... ne pouvait ignorer la qualité de salarié protégé de Monsieur X... ; que cette qualité entraîne l'application d'un statut auquel l'employeur ne peut échapper, et auquel même le salarié ne peut renoncer ; que le licenciement intervenu sans autorisation de l'inspecteur du travail est donc nul, entraînant la nullité de la transaction subséquente ;
ALORS 1°) QUE : seul un accord unanime passé entre le chef d'entreprise et les organisations syndicales représentatives dans l'entreprise peut différer le terme des mandats des délégués du personnel et des membres du comité d'entreprise dont le renouvellement doit avoir lieu à échéance ; qu'en l'espèce, la société LA MAINTENANCE faisait valoir que le mandat de représentant au comité d'entreprise dont se prévalait Monsieur X... n'était pas valable, dès lors que les dernières élections au comité d'entreprise de l'entreprise NETRAM avaient eu lieu en 2002, et que le premier accord de prorogation du 24 juin 2004, prévoyant une prorogation jusqu'au 30 novembre 2005, n'avait été signé que par la CGT, à l'exclusion de la CFDT, organisation pourtant représentative dans l'entreprise ; que pour décider que la prorogation du mandat de Monsieur X... jusqu'en octobre 2007 était parfaitement valide, la cour d'appel s'est bornée à examiner la validité de la délibération du 26 octobre 2006 ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans vérifier, ainsi qu'il lui était demandé, la validité de la prorogation du 24 juin 2004, dont dépendait nécessairement la validité des prorogations postérieures des 16 septembre 2005 et 26 octobre 2006, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2324-24 du code du travail (anciennement article L. 433-12), dans sa rédaction antérieure à la loi du 2 août 2005 applicable en la cause.
ALORS 2°) QUE : seul un accord unanime passé entre le chef d'entreprise et les organisations syndicales représentatives dans l'entreprise peut différer le terme des mandats des délégués du personnel et des membres du comité d'entreprise dont le renouvellement doit avoir lieu à échéance ; qu'en l'espèce, la société LA MAINTENANCE faisait valoir que le mandat de représentant au comité d'entreprise dont se prévalait Monsieur X... n'était pas valable, dès lors qu'il existait d'autres organisations syndicales représentatives dans l'entreprise que la CGT et la CFDT ; que pour décider que la prorogation du mandat de Monsieur X... jusqu'en octobre 2007 était parfaitement valide, la cour d'appel s'est bornée à déclarer que la CGT et la CFDT, signataires de la délibération du 26 octobre 2006, étaient représentatives ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher, ainsi qu'il lui était demandé, s'il n'existait pas d'autres organisations syndicales représentatives dans l'entreprise, qui auraient dû signer la délibération litigieuse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2324-24 du code du travail (anciennement article L. 433-12), dans sa rédaction antérieure à la loi du 2 août 2005 applicable en la cause, ensemble l'article L. 2122-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi du 20 août 2008 applicable en la cause.
ALORS 3°) QUE la cassation à intervenir sur la première et/ou la seconde branche du moyen entraînera, en application de l'article 624 du Code de procédure civile, la cassation de l'arrêt en tous les chefs du dispositif qui sont la conséquence du chef du dispositif annulé.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR ordonné la réintégration de Monsieur X... au sein de l'entreprise et donné acte à l'employeur de ce qu'il ne s'y opposait pas ;
AUX MOTIFS QU'il convient de tirer les conséquences de la rupture du contrat de travail sans autorisation administrative ; que la réintégration ordonnée en première instance a été exécutée, Monsieur X... ayant été réintégré dans l'entreprise avant de prendre acte de la rupture de son contrat de travail ; qu'en conséquence, le salarié qui demande sa réintégration a droit à une indemnité égale au montant de la rémunération qu'il aurait perçue depuis la date de son éviction et jusqu'à sa réintégration ; que cette indemnisation se cumule avec les indemnités de rupture ; qu'en raison de la confirmation de la nullité du licenciement et de la nullité de la transaction subséquente, il y a lieu également de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné l'employeur à payer les salaires jusqu'à la réintégration effective, Monsieur X... s'étant, de surcroît, désisté de l'ensemble de ses demandes au titre de la prise d'acte de rupture en date du 15 janvier 2010, désistement dont a pris acte la société appelante ;
ALORS QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que ces prétentions sont fixées par l'acte introductif d'instance et par les conclusions en défense ; que dans le dispositif de ses conclusions d'appel incident déposées au soutien de ses observations orales, Monsieur X... sollicitait de voir « infirmer le jugement en ce qu'il a ordonné la réintégration de Monsieur X... au sein de l'entreprise » ; que dans ses propres écritures déposées au soutien de ses observations orales, la société LA MAINTENANCE demandait à la cour d'appel, à titre subsidiaire et dans l'éventualité où le licenciement serait déclaré nul pour violation du statut protecteur, de « prendre acte de ce que la société LA MAINTENANCE acquiesce à la demande de Monsieur X... tendant à obtenir l'infirmation du jugement ayant ordonné sa réintégration » ; qu'en confirmant néanmoins le jugement du conseil des prud'hommes en ce qu'il avait ordonné la réintégration de Monsieur X... au sein de l'entreprise et donné acte à l'employeur de ce qu'il ne s'y opposait pas, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR ordonné la réintégration de Monsieur X... au sein de l'entreprise, et condamné en conséquence la SAS LA MAINTENANCE PARIS à payer à celui-ci la somme de 34.956,48 € au titre du solde des salaires dus pour la période du 22 juin 2007 au 4 décembre 2009, outre intérêts, ainsi que les sommes de 15.536 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, 2.900 € à titre de dommages et intérêts pour procédure irrégulière, 70.000 € à titre d'indemnité licenciement sans cause réelle et sérieuse, et 8.700 € à titre d'indemnité de préavis, outre 870 € de congés payés y afférents ;
AUX MOTIFS QUE : il convient de tirer les conséquences de la rupture du contrat de travail sans autorisation administrative ; que la réintégration ordonnée en première instance a été exécutée, Monsieur X... ayant été réintégré dans l'entreprise avant de prendre acte de la rupture de son contrat de travail le 15 janvier 2010 ; qu'en conséquence, le salarié qui demande sa réintégration a droit à une indemnité égale au montant de la rémunération qu'il aurait perçue depuis la date de son éviction jusqu'à sa réintégration, que cette indemnisation se cumule avec les indemnités de rupture ; qu'en raison de la confirmation de la nullité du licenciement et de la nullité de la transaction subséquente, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné l'employeur à payer les salaires jusqu'à la réintégration effective, Monsieur X... s'étant, de surcroît, désisté de l'ensemble de ses demandes au titre de la prise d'acte de rupture en date du 15 janvier 2010, désistement dont a pris acte la société appelante ; qu'en conséquence, la société LA MAINTENANCE PARIS doit être condamnée à payer à Monsieur X... les sommes de 87.391,20 € représentant les salaires pour la période du 22 juin 2007 au 4 décembre 2009, 15.536 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement, 2.900 € à titre d'indemnité pour non respect de la procédure de licenciement, 8.700 € à titre d'indemnité de préavis, 870 € à titre de congés payés afférents, 70.000 € en application de l'article L.1235-3 du code du travail ;
ALORS QUE si le licenciement d'un salarié prononcé en violation du statut protecteur est atteint de nullité et ouvre droit pour ce salarié à sa réintégration s'il l'a demandée et, dans ce cas, au versement d'une indemnité compensatrice de ses salaires entre son éviction de l'entreprise et sa réintégration qui constitue la sanction de la méconnaissance de son statut protecteur, le salarié qui sollicite la poursuite du contrat de travail par réintégration, ne peut prétendre aux indemnités de rupture ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a ordonné la réintégration de Monsieur X... au sein de l'entreprise ; qu'en condamnant la société LA MAINTENANCE au paiement d'indemnités de rupture, après l'avoir condamnée à payer à Monsieur X... ses salaires pour la période du 27 juin 2007 au 4 décembre 2009, date de sa réintégration, la cour d'appel a violé les articles L. 2411-8 et L. 1235-3 du code du travail.