LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu les articles 1108 et 1129 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X...a mis au point un concept dénommé « Phenicio » qui a fait l'objet d'un dépôt de marque à l'Institut national de la propriété industrielle, selon lequel le client achète un appartement dont il finance les travaux en vue de le diviser et de le rénover, selon des aménagements spécifiques, pour en faire des studios destinés à la location en meublé par l'intermédiaire de Mme X...; que ces prestations faisaient l'objet de plusieurs contrats prévoyant notamment le paiement d'un droit fixe par studio, l'obligation de recourir aux entreprises désignées par Mme X...pour procéder aux travaux, la location et la maintenance des studios meublés par Mme X..., mandataire du client, contre versement d'un pourcentage des loyers et charges pour une durée renouvelable ; que Mme X...et M. et Mme Y... ont conclu le 26 novembre 2004 deux contrats respectivement intitulés « cession des droits concernant la rénovation et l'aménagement d'un appartement selon la norme Phenicio » et « cession de licence » relatifs à trois appartements puis, le 22 février 2005, deux nouveaux contrats, identiques aux précédents, portant sur deux autres appartements, chaque acquisition étant financée par un prêt consenti par la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Centre Loire (la banque) ; que se plaignant du caractère financièrement désastreux de ces opérations, M. et Mme Y... ont assigné M. et Mme X...et la banque en paiement de dommages-intérêts et, à titre subsidiaire, en nullité, pour défaut d'objet, des contrats de cession des droits concernant la rénovation et l'aménagement d'un appartement selon la norme Phenicio ;
Attendu que pour rejeter la demande en nullité pour défaut d'objet des contrats de cession de droits sur le concept Phenicio, l'arrêt retient que le concept a fait l'objet d'un dépôt de marque ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans s'expliquer sur le fait que la marque Phenicio faisait simultanément l'objet d'un contrat de licence de marque, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 janvier 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne M. et Mme X...aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer à M. et Mme Y... la somme globale de 3 000 euros et rejette leur demande ainsi que celle de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Centre Loire ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatre février deux mille quatorze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, avocat aux Conseils, pour M. et Mme Y...
Premier moyen de cassation
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir écarté la demande de nullité des deux contrats de cession des droits concernant la rénovation et l'aménagement d'un appartement selon la norme « Phenicio » n° 1 et 2 conclus respectivement les 26 novembre 2004 et 22 février 2005 entre les époux Y..., d'une part, et Mme X..., d'autre part ;
Aux motifs que Mme X...a mis au point un concept dit « Phenicio », marque qui avait été déposée à l'INPI, et selon lequel le client achète un appartement dont il finance les travaux en vue de le diviser et de le rénover pour en faire deux studios, destinés à la location en meublé ; que ces prestations faisaient l'objet d'un contrat de cession de licence, par Mme X...au client, pour chaque studio rénové, ainsi que d'un contrat de cession des droits concernant la rénovation et l'aménagement d'un appartement selon la norme « Phenicio » qui prévoyait, pour le client, le paiement d'un droit fixe de 6 000 ¿ par studio, l'obligation de recourir aux entrepreneurs désignés par Mme X..., à laquelle le client devait verser, en contrepartie, un pourcentage, appelé royalties, de 20 % des loyers et charges pendant une durée de 5 ans renouvelable tacitement ; que la mise en oeuvre de ce concept, qui ne s'analyse pas en un opération d'entremise, ne peut être soumise à la loi Hoguet puisque la mission confiée aux termes du contrat liant les parties est d'ordre général ; (...) que les époux Y... ne peuvent prétendre à la nullité des deux contrats de cession de droits pour défaut d'objet au motif que le concept serait inexistant, puisque ce concept a fait l'objet d'un dépôt de marque, peu important sa date, et qu'il est justifié par les pièces produites de son exploitation (arrêt attaqué, p. 6) ;
Alors, d'une part, qu'est nulle pour défaut d'objet la cession portant sur les droits afférents à un procédé de commercialisation, fût-il qualifié de concept, dépourvu de toute protection légale ; que dans leurs conclusions d'appel, les époux Y... rappelaient qu'ils avaient conclu deux types de contrat distincts, deux d'entre eux dénommés « licence de droit » conférant un droit d'exploitation sur la marque Phenicio contre des royalties proportionnelles aux loyers et charges, et deux autres intitulés « cession des droits concernant la rénovation et l'aménagement d'un appartement selon la norme Phenicio » portant sur la cession du concept Phenicio contre une redevance forfaitaire ; qu'ils soutenaient que les deux contrats de cession du droit d'utiliser le concept Phenicio appartenant à Mme X...étaient nuls dès lors que le concept litigieux ne conférait à cette dernière aucun droit de propriété intellectuelle qu'elle pourrait concéder et que les contrats contestés étaient donc privé d'objet ; qu'en considérant que le concept n'est pas inexistant dès lors qu'il a fait l'objet d'un dépôt comme marque, sans s'expliquer sur la circonstance que les parties avaient, par contrats séparés, conclu une licence des droits sur la marque Phenicio, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1108, 1129 et 1134 du code civil ;
Alors, d'autre part, que les contrats de cession des droits concernant la rénovation et l'aménagement d'un appartement selon la norme Phenicio n° 1 et 2 cèdent « le droit d'utiliser le concept Phenicio » et le droit « d'utiliser le cahier des charges, les codes couleurs, les normes d'aménagement, d'ameublement régissant le concept des studios Phenicio », pour les appartements désignés par le contrat ; qu'en considérant que ces contrats n'étaient pas privés d'objet motif pris de ce que le concept fait l'objet d'un dépôt de marque, cependant que les contrats n'organisent pas la cession de ladite marque mais uniquement celle du concept du même nom, la cour d'appel a dénaturé les clauses claires et précises des contrats de cession n° 1 et 2 en violation de l'article 1134 du code civil ;
Alors, en tout état de cause, que la propriété de la marque s'acquiert par l'enregistrement ; qu'il en résulte qu'est nul le contrat conférant des droits d'exploitation sur une marque qui, au jour de la conclusion dudit contrat, n'a pas été enregistrée ; que dans ses conclusions d'appel, les époux Y... faisaient valoir que la marque Phenicio était inexistante au jour de la conclusion du contrat de cession n° 1 le 26 novembre 2004 puisqu'elle n'a été déposée que le 2 décembre 2004 ; qu'en considérant que la date de l'enregistrement importait peu, la cour d'appel a violé les articles 1108 et 1129 du code civil, ensemble l'article L. 712-1 du code de la propriété intellectuelle.
Second moyen de cassation
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir écarté la demande de requalification des contrats litigieux et d'indemnisation des époux Y... ;
Aux motifs que Mme X...a mis au point un concept dit « Phenicio », marque qui avait été déposée à l'INPI, et selon lequel le client achète un appartement dont il finance les travaux en vue de le diviser et de le rénover pour en faire deux studios, destinés à la location en meublé ; que ces prestations faisaient l'objet d'un contrat de cession de licence, par Mme X...au client, pour chaque studio rénové, ainsi que d'un contrat de cession des droits concernant la rénovation et l'aménagement d'un appartement selon la norme Phenicio qui prévoyait, pour le client, le paiement d'un droit fixe de 6 000 ¿ par studio, l'obligation de recourir aux entrepreneurs désignés par Mme X..., à laquelle le client devait verser, en contrepartie, un pourcentage, appelé royalties, de 20 % des loyers et charges pendant une durée de 5 ans renouvelable tacitement ; que la mise en oeuvre de ce concept, qui ne s'analyse pas en un opération d'entremise, ne peut être soumise à la loi Hoguet puisque la mission confiée aux termes du contrat liant les parties est d'ordre général ; (...) que sous couvert d'inexécution fautive et dolosive des contrats de licence, les époux Y... se bornent à remettre en cause les conditions contractuelles d'exécution qu'ils ont librement acceptées, étant précisé qu'il n'est démontré aucune faute de la part des époux X...ni intention dolosive de leur part dans l'exécution des travaux ni dans la gestion locative, ce qui ne saurait résulter, notamment, d'un unique constat d'huissier dressé en 2011, après plusieurs années d'occupation des locaux, sans établir la cause des malfaçons alléguées ou d'allégations non justifiées par des pièces précises (arrêt attaqué, p. 8) ;
Alors que les dispositions de la loi n° 70-9 du 2 janvier 19 70, dite Loi Hoguet, subordonnant l'exercice de certaines activités sur les immeubles d'autrui à la délivrance d'une carte professionnelle et imposant un certain nombre d'obligations professionnelles correspondantes, s'appliquent aux personnes physiques qui, d'une manière habituelle, se livrent ou prêtent leur concours, même à titre accessoire, notamment aux opérations portant sur les biens d'autrui et relatives à la location ou sous-location en meublé d'immeubles bâtis ou non bâtis et à la gestion immobilière ;
que les époux Y... faisaient valoir que les contrats litigieux devaient être requalifié et soumis à la loi Hoguet et que la responsabilité de Mme X...était engagée, pour avoir manqué à certaines des obligations que cette loi impose, telles que la tenue d'un registre des mandats, la reddition des comptes et la rémunération de l'agent ;
qu'en estimant que l'opération contractuelle n'était pas soumise à cette loi, cependant qu'elle constatait que Mme X...se voyait conférer un mandat pour la location, la maintenance et la mise en valeur d'un certain nombre studios, contre rémunération et pour une durée de cinq ans renouvelable, ce qui caractérise une opération d'entremise sur les biens d'autrui, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1er de la loi n° 70-9 précitée.
Le greffier de chambre