LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu en matière de référé, que Mme X..., associée du Groupement foncier agricole des Barradis (le GFA), a fait assigner ce dernier en paiement d'une provision correspondant au montant des sommes déclarées par le GFA à l'administration fiscale, au titre des bénéfices lui revenant pour les années 2007 à 2010 ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu que le GFA fait grief à l'arrêt d'accueillir cette demande, alors, selon le moyen, que le juge doit préciser le fondement de sa décision ; qu'en se bornant, pour condamner le GFA à verser à Mme X... une provision sur des bénéfices non distribués aux associés, à affirmer que « Mme X... est en droit de percevoir les dividendes correspondant aux sommes que le GFA a lui-même déclaré au titre des bénéfices distribués aux associés auprès de l'administration fiscale », sans préciser le fondement juridique d'une telle solution, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a violé l'article 12 du code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui a fait application des dispositions de l'article 809, alinéa 2, du code de procédure civile, n'encourt pas le grief du moyen ;
Mais sur les deuxième et quatrième branches du moyen, qui sont recevables :
Vu les articles 1842 du code civil et 809 du code de procédure civile ;
Attendu que pour dire que l'obligation du GFA n'est pas sérieusement contestable, l'arrêt retient que Mme X... est en droit de percevoir les dividendes correspondants aux sommes que le GFA, qui ne justifie pas les lui avoir versées, a lui-même déclarées au titre des bénéfices distribués aux associés auprès de l'administration fiscale ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que les dividendes n'ont pas d'existence juridique avant la constatation de l'existence de sommes distribuables par l'organe social compétent et la détermination de la part attribuée à chaque associé, la cour d'appel, qui n'a pas constaté qu'une décision de distribution de dividendes aux associés avait été prise au titre des exercices visés par la demande de Mme X..., n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 mai 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux, autrement composée ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatre février deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour le groupement foncier agricole des Barradis
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné le GFA des Barradis à verser à Madame X... une provision de 51.569 euros correspondant aux sommes déclarées au titre des bénéfices revenant à Madame X... pour les années 2007, 2008 et 2009, une provision de 16.505,50 euros pour les bénéfices de l'année 2010, ainsi qu'une indemnité de 584 euros au titre des intérêts échus, outre intérêts au taux légal à compter de l'arrêt ;
AUX MOTIFS QUE Madame X... produit des actes de redressement qui lui ont été adressés par les services fiscaux qui font ressortir que le GFA a déclaré au titre de sa quote-part imposable : la somme de 17.514 euros pour l'année 2007, la somme de euros pour l'année 2008, la somme de 16.541 euros pour l'année 2009 ; que pour l'année 2010, le GFA a déclaré un revenu de 33.011 euros à répartir entre les associés, de sorte qu'il aurait dû verser à ce titre à Madame X... la somme de 33.011 euros : 100 x 50 = 16.505,50 euros ; que le GFA ne justifie pas avoir versé ces sommes à Madame X... ; que c'est donc à tort qu'il soutient que la demande de Madame X... n'a pas de fondement juridique alors qu'elle ne sollicite, en vertu des statuts du GFA, que le versement des sommes lui revenant au titre des parts qu'elle détient dans celui-ci ; que le GFA ne peut en outre utilement faire valoir que la répartition des dividendes est faite par les associés, que les résultats annuels doivent être diminués des pertes antérieures, que le solde de trésorerie est négatif, que Monsieur Y... a procédé à des avances de trésorerie qui doivent lui être remboursées et que Madame X... serait débitrice de sommes importantes à l'égard de Monsieur Y..., alors que Madame X... est en droit de percevoir les dividendes correspondant aux sommes que le GFA a lui-même déclaré au titre des bénéfices distribués aux associés auprès de l'administration fiscale ; qu'il importe peu que Monsieur Y... soit créancier de certaines sommes à l'égard de Madame X... puisque le présent litige ne concerne que les créances de Madame X... à l'encontre du GFA ; que les demandes de provision de Madame X... ne se heurtent dès lors à aucune contestation sérieuse ;
1° ALORS QUE le juge doit préciser le fondement de sa décision ; qu'en se bornant, pour condamner le GFA à verser à Madame X... une provision sur des bénéfices non distribués aux associés, à affirmer que « Mme X... est en droit de percevoir les dividendes correspondant aux sommes que le GFA a lui-même déclaré au titre des bénéfices distribués aux associés auprès de l'administration fiscale » (arrêt, p. 6, al. 3), sans préciser le fondement juridique d'une telle solution, la Cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a violé l'article 12 du Code de procédure civile ;
2° ALORS QU'en toute hypothèse, aucune disposition légale n'impose à une société civile de distribuer chaque année tout ou partie des bénéfices aux associés ; que la répartition annuelle des bénéfices ne peut dès lors résulter que de la libre appréciation des associés réunis en assemblée générale ; qu'en retenant que le GFA des Barradis aurait dû verser à Madame X... des sommes correspondant à la part des bénéfices qui, selon elle, aurait dû lui être distribués pour les années 2007, 2008, 2009 et 2010, sans constater qu'une telle obligation de distribution annuelle aurait résulté d'une décision de l'assemblée générale des associés prise en ce sens, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134, 1832 et 1853 du Code civil ;
3° ALORS QU'en toute hypothèse, le droit à une fraction des bénéfices proportionnelle au nombre de parts détenues que confère la qualité d'associé ne confère aucun droit à un versement annuel de ces bénéfices, les associés pouvant librement décider de les mettre en réserve ; qu'il n'a, en l'espèce, jamais été soutenu par les parties que les statuts du GFA des Barradis auraient prévu le versement annuel des bénéfices aux associés, Madame X... ayant seulement fait valoir, dans ses écritures, qu'en sa qualité de porteuse de parts du GFA, elle détenait des droits sur les bénéfices proportionnels au nombre de parts détenues ; qu'en retenant que Madame X... ne sollicitait « en vertu des statuts du GFA, que le versement des sommes lui revenant au titre des parts qu'elle détient dans celuici » (arrêt, p. 6, al. 1er), sans constater qu'une distribution annuelle des bénéfices aurait été prévue par les statuts du GFA, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134, 1832 et 1853 du Code civil ;
4° ALORS QUE le droit d'un associé à percevoir des dividendes annuels ne saurait résulter de la seule déclaration fiscale établie par la société, peu important que celle-ci ait déclaré des « bénéfices distribués » ; qu'en condamnant le GFA à verser une provision correspondant à des dividendes annuels au motif inopérant qu'il aurait déclaré à l'administration fiscale avoir distribué de tels dividendes à ses associés, quand seule une décision de l'assemblée générale des associés ou une clause statutaire précise aurait pu imposer au GFA de procéder à une distribution annuelle de ses bénéfices, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134, 1832 et 1853 du Code civil ;
5° ALORS QU'en toute hypothèse, les bénéfices réalisés par les groupements fonciers agricoles sont soumis à l'impôt sur le revenu entre les mains des associés qui sont ainsi réputés avoir personnellement réalisé chacun une part des bénéfices, proportionnelle à leurs droits dans la société ; que les associés sont dès lors personnellement assujettis à l'impôt sur le revenu au titre des bénéfices sociaux non distribués, sans qu'il importe que le GFA ait déclaré ou non les avoir distribués ; qu'en condamnant néanmoins le GFA à indemniser Madame X... des impôts dont elle aurait dû s'acquitter sur les bénéfices qu'il aurait déclarés à tort lui avoir distribué, quand cette déclaration n'était nullement à l'origine de l'obligation de s'acquitter de ces impôts qui incombait à Madame X... en raison du seul régime fiscal des groupements fonciers agricoles, la Cour d'appel a méconnu l'article 8 du Code général des impôts.