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05/03/2014 | FRANCE | N°12-22361

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 05 mars 2014, 12-22361


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur les deux moyens réunis :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 14 mai 2012), que M. X... a été engagé le 27 novembre 2000 en qualité de chauffeur poids lourds par la société Saint-Cyr location ; qu'en arrêt de travail à la suite d'un accident de trajet, le salarié a, le 2 mars 2004, été déclaré inapte à son poste à l'issue d'un second examen ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de déclarer le licenciement sans cause réelle et sérieuse et de le condamner à payer au salari

é des sommes à titre de dommages-intérêts et d'indemnités compensatrices de préavis ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur les deux moyens réunis :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 14 mai 2012), que M. X... a été engagé le 27 novembre 2000 en qualité de chauffeur poids lourds par la société Saint-Cyr location ; qu'en arrêt de travail à la suite d'un accident de trajet, le salarié a, le 2 mars 2004, été déclaré inapte à son poste à l'issue d'un second examen ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de déclarer le licenciement sans cause réelle et sérieuse et de le condamner à payer au salarié des sommes à titre de dommages-intérêts et d'indemnités compensatrices de préavis et de congés payés, alors, selon le moyen :
1°/ que les recherches de reclassement du salarié déclaré inapte doivent être compatibles avec les propositions du médecin du travail formulées au cours de la seconde visite ; qu'en l'état de l'avis d'inaptitude formulé par le médecin du travail lors de la seconde visite, selon lequel le salarié était « inapte à son poste et à tout poste de conduite prolongée, conduite avec secousses, manutention. Apte à un travail en alternance assis ou debout sans manutention ni secousses (...) », la société avait fait valoir qu'aucun reclassement compatible avec les propositions et préconisations du médecin du travail n'était possible notamment sur un poste de conduite d'un véhicule balayeuse lequel non seulement impliquait, lorsque les disques de nettoyage ne pouvaient atteindre certains endroits inaccessibles, des interventions manuelles consistant en l'utilisation d'un balai manuel et d'une lance à eau haute pression et requérait un nettoyage et un entretien réguliers voire même quotidien, caractéristiques de la « manutention prohibée » par le médecin du travail, mais encore, s'agissant d'un véhicule de chantiers de dix-neuf tonnes intervenant sur des terrains accidentés pour cause de travaux et non goudronnés, impliquait une conduite prolongée et surtout une conduite avec secousses, expressément prohibée par le médecin du travail ; qu'en se bornant, pour conclure que la société ne justifiait pas s'être trouvée dans l'impossibilité de reclasser le salarié, et, partant, que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, à relever que la société employeur, n'ayant pas interrogé le médecin du travail sur la possibilité de reclassement du salarié sur le poste de conducteur de balayeuse, ne démontrait pas que les interventions manuelles accessoires susvisées, exigées à ce poste étaient incompatibles avec l'état de santé de M. X..., sans nullement rechercher, ainsi qu'elle y était pourtant invitée, si, en dehors même de cette circonstance, la conduite d'un tel véhicule de chantiers sur des terrains accidentés et non goudronnés n'impliquait pas des secousses et n'était pas, de ce seul fait, radicalement incompatible avec les préconisations du médecin du travail telles que figurant de manière claire et précise dans le second avis du médecin du travail, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 1226-2 et L. 1235-3 du code du travail ;
2°/ que l'employeur doit nécessairement rechercher des solutions de reclassement du salarié déclaré inapte en considération des préconisations et restrictions indiquées par le médecin du travail dans son avis d'inaptitude ; que lorsque ces préconisations sont suffisamment claires et précises, il appartient à l'employeur, sous le contrôle du juge, d'apprécier la compatibilité d'un poste donné avec l'état de santé du salarié, l'employeur n'ayant pas l'obligation d'interroger systématiquement le médecin du travail avant de conclure à l'impossibilité de reclassement et, partant, prononcer le licenciement du salarié ; qu'en se bornant à relever, pour conclure que l'employeur ne démontrait pas que les interventions manuelles requises du conducteur d'une balayeuse de chantiers et tenant à l'utilisation d'un balai manuel et d'une lance à eau haute pression, lorsque le disque de nettoyage du véhicule ne pouvait atteindre certains endroits inaccessibles et au nettoyage et à l'entretien régulier voire même quotidien du véhicule étaient incompatibles avec l'état de santé du salarié, que la société employeur n'avait pas interrogé le médecin du travail sur la possibilité de reclassement du salarié sur le poste de conducteur de balayeuse au regard des contre indications mentionnées sur son avis du 2 mars 2004, sans nullement préciser en quoi les termes de l'avis du médecin du travail relatifs à la prohibition de toute « conduite prolongée », de toute « conduite avec secousses » et de « manutention », faisaient obstacle, à défaut de saisine pour avis du médecin du travail, à l'appréciation par l'employeur, sous le contrôle du juge, de la compatibilité du poste de conducteur de balayeuse avec l'état de santé du salarié, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 1226-2 du code du travail ;
3°/ qu'en cas de litige, il appartient au juge d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur et, à ce titre, de rechercher, en considération des préconisations et restrictions imposées par le médecin du travail dans son avis d'inaptitude, si, contrairement à ce que soutient l'employeur, il existait un poste disponible compatible avec l'état de santé du salarié ; qu'en se bornant à relever que la société employeur n'avait pas interrogé le médecin du travail sur la possibilité de reclassement du salarié sur le poste de conducteur de balayeuse au regard des contre indications mentionnées dans son avis du 2 mars 2004, pour en déduire que l'employeur ne démontrait pas que les interventions manuelles requises du conducteur d'une balayeuse de chantiers étaient incompatibles avec l'état de santé du salarié, sans rechercher ni apprécier si le poste de conducteur de balayeuse était compatible avec l'avis du médecin du travail prohibant toute « conduite prolongée », toute « conduite avec secousses » et toute « manutention », la cour d'appel a méconnu son office en violation des articles L. 1235-1 et L. 1226-2 du code du travail ;
4°/ que le reclassement du salarié inapte ne peut être recherché que parmi les emplois disponibles dans l'entreprise ; qu'en se bornant à relever que l'ensemble des chauffeurs auraient été polyvalents et affectés sur l'un ou l'autre des véhicules de la société Saint Cyr location ou de la société Semat en fonction des besoins, pour en déduire que le poste de conducteur de balayeuse était « nécessairement disponible », la cour d'appel s'est prononcée par un motif totalement inopérant comme ne caractérisant aucunement la disponibilité du poste concerné et n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 1226-2 du code du travail ;
5°/ que la société Saint-Cyr location avait précisément fait valoir dans ses conclusions d'appel qu'elle était totalement distincte de la société Semat, qu'elle n'appartenait nullement au même groupe ni ne constituaient entre elles un groupe de sociétés et contestait expressément l'existence d'une organisation commune et de relation de partenariat entre les deux entités et partant une quelconque polyvalence entre les chauffeurs employés par ces deux sociétés et encore le fait que ces chauffeurs auraient pu indistinctement, en fonction des besoins, être affectés sur les véhicules appartenant à l'une ou l'autre de ces sociétés ; que, pour conclure que le poste de chauffeur de balayeuse « était nécessairement disponible » et, partant, que la société Saint-Cyr location avait manqué à son obligation de reclassement, la cour d'appel qui retient que le salarié affirmait « sans être contredit » que l'ensemble des chauffeurs étaient polyvalents et affectés sur l'un ou l'autre des véhicules de la société Saint-Cyr location ou de la société Semat en fonction des besoins, cependant qu'une telle allégation, qui n'était étayée par aucun document justificatif, était précisément contesté par la société Saint-Cyr location, a méconnu les termes du litige dont elle était saisie en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
6°/ qu'en se bornant à affirmer, pour conclure que le poste de chauffeur de balayeuse était « nécessairement disponible », que le salarié « affirme, sans être contredit, que l'ensemble des chauffeurs étaient polyvalents et affectés sur l'un ou l'autre des véhicules de la société Saint-Cyr location ou de la société Semat en fonction des besoins », sans nullement préciser sur quel élément de preuve elle se serait fondée pour procéder à une telle affirmation, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant exactement retenu que le périmètre de reclassement du salarié déclaré inapte devait porter sur les entreprises du groupe dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel et relevé que tel était le cas entre les sociétés Semat et Saint-Cyr location, la cour d'appel, qui a constaté que les recherches de reclassement n'avaient pas porté sur tout le périmètre utile, a, par ces seuls motifs adoptés, légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Saint-Cyr location aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de cette société ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq mars deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat aux Conseils, pour la société Saint-Cyr location.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

LE POURVOI REPROCHE A L'ARRÊT CONFIRMATIF ATTAQUÉ D'AVOIR jugé que le licenciement de Monsieur X... était sans cause réelle et sérieuse et condamné la société employeur à lui payer diverses sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre congés payés y afférents, d'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse et d'avoir ordonné le remboursement par la société SAINT CYR LOCATION aux organismes concernés des indemnités de chômage versées le cas échéant à Monsieur X..., à concurrence de six mois, outre diverses sommes en application de l'article 700 du Code de procédure civile et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle ;
AUX MOTIFS QUE la lettre de licenciement notifiée à M. Jawad X... est rédigée en ces termes : « ... nous avons le regret de vous signifier votre licenciement. Suite à vos deux visites médicales de reprise à la médecine du travail dont la dernière était du 02 Mars 2004, le médecin a marqué sur votre fiche « Inapte à son poste et à tout poste de conduite prolongée, conduite avec secousses, manutention. Apte à un travail en alternance assis ou debout sans manutention ni secousses. Article R241 51.1 Code du travail. » ; Nous avons eu ensemble le 08 Mars 2004, un entretien de concertation où nous avons parlé de l'entretien que nous avons eu à votre sujet avec le docteur de la médecine du travail, et aussi de celui que vous avez eu avec elle. Ces entretiens, où les postes de travail de la société ont été énumérés, ont permis de constater que : - chauffeurs poids lourds, c'est votre poste de travail et la médecine du travail vous a déclaré inapte à celui-ci. - mécanicien poids lourds, inadapté surtout au niveau de la manutention. - conducteurs d'engins, vous ne pouvez être affecté à ce poste à cause de la conduite prolongée, des secousses et de la manutention. - quant à un poste de bureau, étant une petite structure nous n'en n'avons pas à pourvoir. De plus comme vous nous l'avez dit, vous n'avez pas de compétences dans ce domaine, et cela ne vous conviendrez pas. Nous n'avons donc pu au cours de cet entretien vous proposer un poste de reclassement qui correspondrait à vos aptitudes au sein de notre société. Nous avons eu ensuite le 17 Mars 2004 un entretien préalable, qui comme nous l'avons constaté ensemble, n'a pas apporté d'éléments nouveaux. Cette situation constitue donc bien une cause réelle et sérieuse de licenciement." ; qu'aux termes de l'article L. 1226-2 du Code du travail, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou à un accident non professionnels, si le salarié est déclaré par le médecin du travail inapte à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur est tenu de lui proposer un autre emploi approprié à ses capacités, compte tenu des conclusions écrites du médecin du travail et des indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise et aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations ou transformations de postes de travail ; que, contrairement à ce que soutient la société SAINT-CYR LOCATION, elle disposait, au moment du licenciement de M. Jawad X..., d'une balayeuse, immatriculée 242 BHP 78, laquelle, au vu des pièces versées par l'employeur, a été achetée le 28 août 2003 ; que cet engin figure d'ailleurs sur la liste des véhicules de la société à la date du 31 décembre 2003 versée aux débats par cette dernière ; que si la société SAINT-CYR LOCATION justifie que ce véhicule est d'un poids de 19 tonnes, qu'il nécessite, lorsque les disques de nettoyage ne peuvent atteindre certains endroits inaccessibles, l'utilisation d'un balai manuel et d'une lance à eau et qu'il requiert un nettoyage et un entretien régulier voire même quotidien, elle ne démontre pas, ainsi que l'a justement relevé le conseil, que ces interventions manuelles étaient incompatibles avec l'état de santé de M. Jawad X... ; qu'en effet, la société SAINT-CYR LOCATION n'a pas interrogé le médecin du travail sur la possibilité de reclassement du salarié sur le poste de conducteur de balayeuse au regard des contreindications mentionnées sur son avis du 2 mars 2004 ; qu'en outre, ce poste était nécessairement disponible, M. Jawad X... affirmant, sans être contredit, que l'ensemble des chauffeurs étaient polyvalents et affectés sur l'un ou l'autre des véhicules de la société SAINT-CYR LOCATION - ou de la société SEMAT - en fonction des besoins ; qu'en conséquence, la société SAINT-CYR LOCATION ne justifie pas s'être trouvée dans l'impossibilité de reclasser M. Jawad X... et que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a dit que le licenciement de ce dernier est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES DES PREMIERS JUGES QU'il résulte du second avis du médecin du travail que Monsieur X... était inapte à son poste de chauffeur poids lourds et à tout poste de conduite prolongée ainsi qu'à un poste de conduite avec secousses ou manutention ; que le médecin a précisé qu'il était apte à un travail en alternance assis ou debout sans manutention ni secousse ; que cet avis d'inaptitude n'exclut pas, a priori, tout poste de conduite ; que s'agissant de la balayeuse dont l'entreprise était dotée au moment du licenciement, il n'est pas mentionné que ce véhicule implique des secousses ; qu'à l'audience, Monsieur X... a déclaré que cet engin restait sur la voie publique et aux abords des chantiers ; que la société SAINT CYR LOCATION fait état que l'emploi de ce véhicule nécessite des interventions manuelles que le salarié ne pouvait pas réaliser ; que ces déclarations ne sont pas étayées par les conclusions du médecin du travail ; qu'en effet, il n'est pas démontré par l'employeur que la compatibilité ou non de l'emploi de conducteur de balayeuse a été vérifiée auprès du médecin et rien en l'état ne permet de confirmer ou d'infirmer les déclarations de la société SAINT CYR LOCATION sur le fait que les travaux éventuels de nettoyage manuel pouvaient être assimilés à de la manutention ; que le courrier adressé par le gérant de la société SAINT CYR LOCATION ne fait pas état de ce véhicule précisément puisqu'il évoque seulement des véhicules poids lourds et des engins ainsi que le poste de mécanicien ;
ALORS D'UNE PART QUE les recherches de reclassement du salarié déclaré inapte doivent être compatibles avec les propositions du médecin du travail formulées au cours de la seconde visite ; qu'en l'état de l'avis d'inaptitude formulé par le médecin du travail lors de la seconde visite, selon lequel le salarié était « inapte à son poste et à tout poste de conduite prolongée, conduite avec secousses, manutention. Apte à un travail en alternance assis ou debout sans manutention ni secousses (¿) », la société exposante avait fait valoir qu'aucun reclassement compatible avec les propositions et préconisations du médecin du travail n'était possible notamment sur un poste de conduite d'un véhicule balayeuse lequel non seulement impliquait, lorsque les disques de nettoyage ne pouvaient atteindre certains endroits inaccessibles, des interventions manuelles consistant en l'utilisation d'un balai manuel et d'une lance à eau haute pression et requérait un nettoyage et un entretien réguliers voire même quotidien, caractéristiques de la « manutention prohibée » par le médecin du travail, mais encore, s'agissant d'un véhicule de chantiers de 19 tonnes intervenant sur des terrains accidentés pour cause de travaux et non goudronnés, impliquait une conduite prolongée et surtout une conduite avec secousses, expressément prohibée par le médecin du travail ; qu'en se bornant, pour conclure que la société exposante ne justifiait pas s'être trouvée dans l'impossibilité de reclasser le salarié, et, partant, que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, à relever que la société employeur, n'ayant pas interrogé le médecin du travail sur la possibilité de reclassement du salarié sur le poste de conducteur de balayeuse, ne démontrait pas que les interventions manuelles accessoires susvisées, exigées à ce poste étaient incompatibles avec l'état de santé de Monsieur X..., sans nullement rechercher, ainsi qu'elle y était pourtant invitée, si, en dehors même de cette circonstance, la conduite d'un tel véhicule de chantiers sur des terrains accidentés et non goudronnés n'impliquait pas des secousses et n'était pas, de ce seul fait, radicalement incompatible avec les préconisations du médecin du travail telles que figurant de manière claire et précise dans le second avis du médecin du travail, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L.1226-2 et L.1235-3 du Code du travail ;
ALORS D'AUTRE PART QUE l'employeur doit nécessairement rechercher des solutions de reclassement du salarié déclaré inapte en considération des préconisations et restrictions indiquées par le médecin du travail dans son avis d'inaptitude ; que lorsque ces préconisations sont suffisamment claires et précises, il appartient à l'employeur, sous le contrôle du juge, d'apprécier la compatibilité d'un poste donné avec l'état de santé du salarié, l'employeur n'ayant pas l'obligation d'interroger systématiquement le médecin du travail avant de conclure à l'impossibilité de reclassement et, partant, prononcer le licenciement du salarié ; qu'en se bornant à relever, pour conclure que l'employeur ne démontrait pas que les interventions manuelles requises du conducteur d'une balayeuse de chantiers et tenant à l'utilisation d'un balai manuel et d'une lance à eau haute pression, lorsque le disque de nettoyage du véhicule ne pouvait atteindre certains endroits inaccessibles et au nettoyage et à l'entretien régulier voire même quotidien du véhicule étaient incompatibles avec l'état de santé du salarié, que la société employeur n'avait pas interrogé le médecin du travail sur la possibilité de reclassement du salarié sur le poste de conducteur de balayeuse au regard des contres indications mentionnées sur son avis du 2 mars 2004, sans nullement préciser en quoi les termes de l'avis du médecin du travail relatifs à la prohibition de toute « conduite prolongée », de toute « conduite avec secousses » et de « manutention », faisaient obstacle, à défaut de saisine pour avis du médecin du travail, à l'appréciation par l'employeur, sous le contrôle du juge, de la compatibilité du poste de conducteur de balayeuse avec l'état de santé du salarié, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L.1226-2 du Code du travail ;
ALORS ENFIN QU' en cas de litige, il appartient au juge d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur et, à ce titre, de rechercher, en considération des préconisations et restrictions imposées par le médecin du travail dans son avis d'inaptitude, si, contrairement à ce que soutient l'employeur, il existait un poste disponible compatible avec l'état de santé du salarié ; qu'en se bornant à relever que la société employeur n'avait pas interrogé le médecin du travail sur la possibilité de reclassement du salarié sur le poste de conducteur de balayeuse au regard des contres indications mentionnées dans son avis du 2 mars 2004, pour en déduire que l'employeur ne démontrait pas que les interventions manuelles requises du conducteur d'une balayeuse de chantiers étaient incompatibles avec l'état de santé du salarié, sans rechercher ni apprécier si le poste de conducteur de balayeuse était compatible avec l'avis du médecin du travail prohibant toute « conduite prolongée », toute « conduite avec secousses » et toute « manutention », la Cour d'appel a méconnu son office en violation des articles L 1235-1 et L.1226-2 du Code du travail ;
SECOND MOYEN DE CASSATION :

LE POURVOI REPROCHE A L'ARRÊT CONFIRMATIF ATTAQUÉ D'AVOIR jugé que le licenciement de Monsieur X... était sans cause réelle et sérieuse et condamné la société employeur à lui payer diverses sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre congés payés y afférents, d'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse et d'avoir ordonné le remboursement par la société SAINT CYR LOCATION aux organismes concernés des indemnités de chômage versées le cas échéant à Monsieur X..., à concurrence de six mois, outre diverses sommes en application de l'article 700 du Code de procédure civile et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle ;
AUX MOTIFS QUE la lettre de licenciement notifiée à M. Jawad X... est rédigée en ces termes : « ... nous avons le regret de vous signifier votre licenciement. Suite à vos deux visites médicales de reprise à la médecine du travail dont la dernière était du 02 Mars 2004, le médecin a marqué sur votre fiche « Inapte à son poste et à tout poste de conduite prolongée, conduite avec secousses, manutention. Apte à un travail en alternance assis ou debout sans manutention ni secousses. Article R241 51.1 Code du travail. » ; Nous avons eu ensemble le 08 Mars 2004, un entretien de concertation où nous avons parlé de l'entretien que nous avons eu à votre sujet avec le docteur de la médecine du travail, et aussi de celui que vous avez eu avec elle. Ces entretiens, où les postes de travail de la société ont été énumérés, ont permis de constater que : - chauffeurs poids lourds, c'est votre poste de travail et la médecine du travail vous a déclaré inapte à celui-ci. - mécanicien poids lourds, inadapté surtout au niveau de la manutention. - conducteurs d'engins, vous ne pouvez être affecté à ce poste à cause de la conduite prolongée, des secousses et de la manutention. - quant à un poste de bureau, étant une petite structure nous n'en n'avons pas à pourvoir. De plus comme vous nous l'avez dit, vous n'avez pas de compétences dans ce domaine, et cela ne vous conviendrez pas. Nous n'avons donc pu au cours de cet entretien vous proposer un poste de reclassement qui correspondrait à vos aptitudes au sein de notre société. Nous avons eu ensuite le 17 Mars 2004 un entretien préalable, qui comme nous l'avons constaté ensemble, n'a pas apporté d'éléments nouveaux. Cette situation constitue donc bien une cause réelle et sérieuse de licenciement." ; qu'aux termes de l'article L. 1226-2 du Code du travail, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou à un accident non professionnels, si le salarié est déclaré par le médecin du travail inapte à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur est tenu de lui proposer un autre emploi approprié à ses capacités, compte tenu des conclusions écrites du médecin du travail et des indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise et aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations ou transformations de postes de travail ; que, contrairement à ce que soutient la société SAINT-CYR LOCATION, elle disposait, au moment du licenciement de M. Jawad X..., d'une balayeuse, immatriculée 242 BHP 78, laquelle, au vu des pièces versées par l'employeur, a été achetée le 28 août 2003 ; que cet engin figure d'ailleurs sur la liste des véhicules de la société à la date du 31 décembre 2003 versée aux débats par cette dernière ; que si la société SAINT-CYR LOCATION justifie que ce véhicule est d'un poids de 19 tonnes, qu'il nécessite, lorsque les disques de nettoyage ne peuvent atteindre certains endroits inaccessibles, l'utilisation d'un balai manuel et d'une lance à eau et qu'il requiert un nettoyage et un entretien régulier voire même quotidien, elle ne démontre pas, ainsi que l'a justement relevé le conseil, que ces interventions manuelles étaient incompatibles avec l'état de santé de M. Jawad X... ; qu'en effet, la société SAINT-CYR LOCATION n'a pas interrogé le médecin du travail sur la possibilité de reclassement du salarié sur le poste de conducteur de balayeuse au regard des contreindications mentionnées sur son avis du 2 mars 2004 ; qu'en outre, ce poste était nécessairement disponible, M. Jawad X... affirmant, sans être contredit, que l'ensemble des chauffeurs étaient polyvalents et affectés sur l'un ou l'autre des véhicules de la société SAINT-CYR LOCATION - ou de la société SEMAT - en fonction des besoins ; qu'en conséquence, la société SAINT-CYR LOCATION ne justifie pas s'être trouvée dans l'impossibilité de reclasser M. Jawad X... et que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a dit que le licenciement de ce dernier est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES DES PREMIERS JUGES QU'il résulte du second avis du médecin du travail que Monsieur X... était inapte à son poste de chauffeur poids lourds et à tout poste de conduite prolongée ainsi qu'à un poste de conduite avec secousses ou manutention ; que le médecin a précisé qu'il était apte à un travail en alternance assis ou debout sans manutention ni secousse ; que cet avis d'inaptitude n'exclut pas, a priori, tout poste de conduite ; que s'agissant de la balayeuse dont l'entreprise était dotée au moment du licenciement, il n'est pas mentionné que ce véhicule implique des secousses ; qu'à l'audience, Monsieur X... a déclaré que cet engin restait sur la voie publique et aux abords des chantiers ; que la société SAINT CYR LOCATION fait état que l'emploi de ce véhicule nécessite des interventions manuelles que le salarié ne pouvait pas réaliser ; que ces déclarations ne sont pas étayées par les conclusions du médecin du travail ; qu'en effet, il n'est pas démontré par l'employeur que la compatibilité ou non de l'emploi de conducteur de balayeuse a été vérifiée auprès du médecin et rien en l'état ne permet de confirmer ou d'infirmer les déclarations de la société SAINT CYR LOCATION sur le fait que les travaux éventuels de nettoyage manuel pouvaient être assimilés à de la manutention ; que le courrier adressé par le gérant de la société SAINT CYR LOCATION ne fait pas état de ce véhicule précisément puisqu'il évoque seulement des véhicules poids lourds et des engins ainsi que le poste de mécanicien ;
ALORS D'UNE PART QUE le reclassement du salarié inapte ne peut être recherché que parmi les emplois disponibles dans l'entreprise ; qu'en se bornant à relever que l'ensemble des chauffeurs auraient été polyvalents et affectés sur l'un ou l'autre des véhicules de la société SAINT CYR LOCATION ou de la société SEMAT en fonction des besoins, pour en déduire que le poste de conducteur de balayeuse était « nécessairement disponible », la Cour d'appel s'est prononcée par un motif totalement inopérant comme ne caractérisant aucunement la disponibilité du poste concerné et n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L.1226-2 du Code du travail ;
ALORS D'AUTRE PART QUE la société exposante avait précisément fait valoir dans ses conclusions d'appel qu'elle était totalement distincte de la société SEMAT, qu'elle n'appartenait nullement au même Groupe ni ne constituaient entre elles un groupe de sociétés et contestait expressément l'existence d'une organisation commune et de relation de partenariat entre les deux entités et partant une quelconque polyvalence entre les chauffeurs employés par ces deux sociétés et encore le fait que ces chauffeurs auraient pu indistinctement, en fonction des besoins, être affectés sur les véhicules appartenant à l'une ou l'autre de ces sociétés (conclusions d'appel pp. 22 à 24) ; que, pour conclure que le poste de chauffeur de balayeuse « était nécessairement disponible » et, partant, que la société exposante avait manqué à son obligation de reclassement, la Cour d'appel qui retient que le salarié affirmait « sans être contredit » que l'ensemble des chauffeurs étaient polyvalents et affectés sur l'un ou l'autre des véhicules de la société SAINT CYR LOCATION ou de la société SEMAT en fonction des besoins, cependant qu'une telle allégation, qui n'était étayée par aucun document justificatif, était précisément contesté par la société exposante, a méconnu les termes du litige dont elle était saisie en violation de l'article 4 du Code de procédure civile ;
ALORS ENFIN QU'en se bornant à affirmer, pour conclure que le poste de chauffeur de balayeuse était « nécessairement disponible », que le salarié « affirme, sans être contredit, que l'ensemble des chauffeurs étaient polyvalents et affectés sur l'un ou l'autre des véhicules de la société SAINT CYR LOCATION ou de la société SEMAT en fonction des besoins », sans nullement préciser sur quel élément de preuve elle se serait fondée pour procéder à une telle affirmation, la Cour d'appel a violé les dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile ;


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12-22361
Date de la décision : 05/03/2014
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 14 mai 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 05 mar. 2014, pourvoi n°12-22361


Composition du Tribunal
Président : M. Chollet (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Bouzidi et Bouhanna, SCP Odent et Poulet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:12.22361
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