LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société d'exploitation des Etablissements Louis Callens (la société) ayant résilié le contrat d'agent commercial qui la liait à M. X... pour faute grave, celui-ci l'a fait assigner aux fins de lui voir imputer la rupture et d'obtenir des indemnités de préavis et de cessation de contrat ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Attendu que ce grief ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur ce moyen, pris en sa seconde branche :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que pour dire la rupture du contrat exclusivement imputable à la société et la condamner à payer certaines sommes à M. X..., l'arrêt retient que la mandante ne rapporte pas la preuve d'une insuffisance d'activité de l'agent ni d'un manque de loyauté à son égard ;
Attendu qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la société invoquant la déloyauté de M. X..., qui aurait à plusieurs reprises, tenu publiquement, auprès de partenaires commerciaux, des propos dénigrant les dirigeants de la mandante, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit la rupture du contrat exclusivement imputable à la société d'exploitation des Etablissements Louis Callens et l'a condamnée à payer à M. X... les sommes de 3 139, 28 euros à titre d'indemnité de préavis et de 75 342, 94 euros à titre d'indemnité de cessation de contrat, l'arrêt rendu le 29 novembre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, le condamne à payer à la société d'exploitation des Etablissements Louis Callens la somme de 3 000 euros et rejette sa demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du onze mars deux mille quatorze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, avocat aux Conseils, pour la société d'exploitation des Etablissements Louis Callens
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
II EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir dit que la rupture du contrat d'agent commercial du 1 er février 2010 liant la société Louis Callens à M. X... était exclusivement imputable à la société Louis Callens et condamné en conséquence la société Louis Callens au paiement de diverses sommes ;
AUX MOTIFS QUE par contrat en date du 1er février 2010, la SAS D'EXPLOITATION DES ETABLISSEMENTS Louis Callens a recruté M. X... en qualité d'agent commercial ; que le 13 juillet 2010, LOUIS CALLENS a résilié le contrat pour faute grave ; que M. X... réclame une indemnité de préavis et une indemnité de cessation du contrat ; que Louis Callens dénie à M. X... tout droit à indemnité en raison de sa faute grave et de l'absence de justification du préjudice allégué ; que selon l'article L 134-13 du Code de commerce, l'agent commercial est privé de son droit à indemnisation si la cessation du contrat est provoquée par sa faute grave ; qu'une telle faute s'entend comme portant atteinte à la finalité commune du mandat d'intérêt commun et rendant impossible le maintien du lien contractuel ; qu'en l'espèce, Louis Callens n'est fondée à invoquer la faute grave de M. X... :- ni en ce qui concerne la faiblesse de son chiffre d'affaires par rapport aux objectifs convenus dès lors que : * la clause de l'article 6. 9 du contrat, qui qualifie de faute grave la non réalisation par l'agent d'objectifs de développement alors qu'il appartient au seul juge de qualifier de faute les faits qui lui sont soumis, doit être réputée non écrite en ce qu'elle contrevient à l'article L 134-13 précité ; *Louis Callens ne rapporte nullement la preuve d'une activité insuffisante de l'agent ;- ni au titre d'un manque de loyauté de M. X..., le grief formulé par Louis Callens de participation à des présentations de produits pour la société JULIE et FLORIANT ne pouvant constituer un manquement à l'obligation de loyauté prescrite par l'article L 134-4 du Code de commerce dans la mesure où Louis Callens était informée de l'intervention de l'agent et que le courriel de Louis Callens à M. X... en date du 24 juin 2010 « Antoine, on ne change rien suite à ma discussion avec Julien (Y... de la société JULIE et FLORIANT) cet après-midi, mais il faut savoir que les prochains rendez vous pour les aspects produits ou techniques devront être faits avec Julien » invitant l'agent commercial à intervenir avec le dirigeant de la société JULIE et FLORIANT, accrédite que cette intervention a été autorisée ; que c'est donc à raison que les premiers juges ont retenu que la rupture du contrat d'agence commerciale du 1er février 2010 était exclusivement imputable à Louis Callens ; que le droit à indemnité de M. X... ne peut être, dans ces conditions, contesté ;
ALORS QUE la non-réalisation d'objectifs commerciaux peut être constitutive d'une faute grave de l'agent commercial, notamment lorsque l'insuffisance des résultats est due à la carence manifeste de celui-ci dans l'exécution de son mandat ; qu'en se bornant à déclarer non écrite la clause du contrat qualifiant de « faute grave » la non réalisation par l'agent d'objectifs de développement, motif pris de ce que cette qualification relevait du seul office du juge, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le faible chiffre d'affaires réalisé par M. X... et non contesté par celui-ci n'était pas la conséquence d'une activité manifestement insuffisante de l'agent commercial, et ne justifiait pas la résiliation de son contrat pour faute grave, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 134-12 et L. 134-13 du code de commerce ;
ALORS, en outre, QUE l'agent commercial est tenu d'un devoir de loyauté envers son mandant ; que la société Louis Callens invoquait dans ses écritures d'appel, la déloyauté manifeste de M. X... qui avait, à plusieurs reprises, tenu publiquement, auprès de partenaires commerciaux, des propos dénigrant les dirigeants de sa société mandante ; que la société Louis Callens produisait à cet égard des attestations établissant la réalité de ces agissements déloyaux ; qu'en s'abstenant purement et simplement de répondre à ce chef péremptoire des écritures de l'exposante, pourtant de nature à caractériser une faute grave imputable à M. X..., la cour d'appel a privé sa décision de motifs, en violation de l'article 455 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Louis Callens à payer à M. X... les sommes de 3. 139, 28 € à titre d'indemnité de préavis et de 75. 342, 94 euros à titre d'indemnité de cessation de contrat ;
AUX MOTIFS QUE sur le montant de l'indemnité de préavis, Louis Callens n'oppose aucun élément à la demande présentée à hauteur de 3. 139, 28 euros correspondant à un mois de préavis ; que la disparition du contrat ouvre droit, au profit de l'agent commercial, à l'indemnité de rupture prévue par l'article L 134-12 du code de commerce, qui a pour objet la réparation du préjudice résultant, pour l'agent, de la perte pour l'avenir, des revenus tirés de l'exploitation de la clientèle commune ; que le bénéfice de ce droit n'est subordonné ni à la démonstration du préjudice subi, ni à la réunion de conditions contractuelles particulières, telles que celles stipulées par l'article 12 du contrat ; que M. X... est fondé à obtenir la somme de 75. 342, 94 euros correspondant à deux années de commissions (26. 683, 00 euros/ 8, 5 mois X 24 mois) ; que le jugement sera infirmé en ce sens ;
ALORS QUE si l'agent commercial a droit à la réparation du préjudice né de la rupture des relations contractuelles lorsque celle-ci n'est pas causée par sa faute grave, l'indemnité qui lui est allouée à ce titre ne saurait être automatiquement fixée à l'équivalent de deux années de commissions mais doit être évaluée par le juge en tenant notamment compte de la durée du contrat ayant lié les parties ; qu'en l'espèce, la société Louis Callens faisait expressément valoir dans ses écritures d'appel que le montant de deux années de commission réclamé par M. X... au titre de l'indemnité de rupture était manifestement excessif et disproportionné à la très brève durée d'exécution de son contrat d'agent commercial, qui n'avait pas excédé cinq mois et demi ; qu'en fixant néanmoins l'indemnité due à ce titre à M. X... à l'équivalent de deux années de commissions, sans rechercher, comme elle y était pourtant expressément invitée, si la brièveté des relations contractuelles entretenues par les parties ne justifiait pas une modération de cette indemnité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 134-12 et L. 134-13 du code de commerce.