LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Vu les articles 6-2 de la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983 et 11 du décret n° 2005-1122 du 6 septembre 2005, modifié par le décret n° 2007-1181 du 3 août 2007, en leur rédaction applicable en la cause ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée par la société Dufour yachts en qualité de stratifieuse ; qu'à la suite d'une maladie professionnelle, elle s'est vu reconnaître le statut de travailleur handicapé le 1er octobre 2003, puis a été reclassée sur un poste de gardiennage en novembre 2004 ; que son contrat de travail a été transféré à la société Securitas par convention du 10 décembre 2007 ; que licenciée le 7 novembre 2008 au motif qu'elle ne justifiait pas d'un certificat de qualification professionnelle et de l'expérience professionnelle exigés par les dispositions réglementaires, elle a saisi la juridiction prud'homale pour contester son licenciement et obtenir des dommages-intérêts ;
Attendu que pour dire fondé sur une cause réelle et sérieuse le licenciement de la salariée et la débouter de ses demandes, l'arrêt retient que celle-ci ne justifiait pas avoir obtenu un certificat de qualification professionnelle, ni ne totalisait 1607 heures travaillées dans la profession, la notion d'heures travaillées devant s'entendre d'heures au sein d'une entreprise de surveillance et de gardiennage ;
Qu'en statuant ainsi, alors que les dispositions de l'article 11 du décret n° 2005-1122 du 6 septembre 2005, en sa rédaction applicable en la cause, modifiée par décret 2007-1181 du 3 août 2007, qui doivent être appliquées en fonction des dispositions de l'article 11 de la loi du 12 juillet 1983, telles qu'elles résultent de la loi du 18 mars 2003, n'exigent pas que l'activité de surveillance et de gardiennage ait été accomplie au service d'une entreprise de sécurité, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il met hors de cause la société Dufour yachts, dit n'y avoir lieu à réintégration au sein de cette société et condamne la société Securitas France à payer à Mme X... la somme de 1 604 euros à titre de prorata de treizième mois, l'arrêt rendu le 4 avril 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, sur les autres points restant en litige, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Limoges ;
Condamne la société Securitas France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Securitas France et la condamne à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mars deux mille quatorze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour Mme X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir jugé que le licenciement de Mme X... est fondé sur une cause réelle et sérieuse et de l'avoir déboutée de ses demandes formulées contre la Sarl Sécuritas France ;
AUX MOTIFS QUE le débat est donc circonscrit aux rapports entre la sarl Sécuritas France et Mme X..., et est limité au licenciement, la sarl Sécuritas France ne critiquant pas le jugement en ce qu'il a fait droit à la demande de Mme X... au titre d'un prorata de 13ième mois accordé, sans motivation, par le conseil de prud'hommes, à hauteur de 1.504 euros ; que la sarl Sécuritas France exerce une activité de sécurité, de surveillance et de gardiennage ; qu'elle est à ce titre soumise aux dispositions de la loi du 12 juillet 1983 réglementant les activités privées de sécurité et relative à l'aptitude professionnelle des dirigeants et des salariés des entreprises exerçant des activités de surveillance et de gardiennage, de transport de fonds et de protection physique de personnes, et aux décrets pris pour son application ; que le décret du 6 septembre 2005 prévoit que les salariés de ces entreprises justifient de leur aptitude professionnelle par la détention d'une certification professionnelle dont le contenu est fixé par l'article 10 du décret, et qu'ils peuvent également justifier auprès de leur l'employeur de leur aptitude professionnelle par la preuve de l'exercice continu pendant une durée d'un an, au jour de la publication dudit décret, d'une activité de surveillance ou de gardiennage, de transport de fonds ou de protection physique des personnes ; qu'il est constant que Mme X... ne peut se prévaloir de cette disposition dès lors qu'elle n'a exercé l'activité de gardiennage au sein de la sas Dufour Yachts qu'à compter de novembre 2004, et non de septembre 2004, point de départ du délai d'un an avant la publication du décret du 6 septembre 2005 ; que les dispositions de ce décret sont entrées en vigueur un an après la publication du décret (article 14) et les salariés disposaient à compter de cette date d'un délai de deux ans pour justifier de leur aptitude professionnelle, soit jusqu'au 9 septembre 2008, le décret du 6 septembre 2005 ayant été publié au journal officiel du 9 septembre 2005 ; les sociétés de surveillance ne peuvent employer des salariés ne répondant pas à ces exigences ; que par lettre du 20 mai 2008, la sarl a informé Mme X... qu'elle devait avoir cette aptitude professionnelle pour la date du 9 septembre 2008 et lui a indiqué qu'elle pouvait l'acquérir de trois façons :- en totalisant 1607 h travaillées dans la profession au 9 septembre 2008 ;- en obtenant le cqp d'agent de prévention et de sécurité ;- en possédant un des titres inscrits au Rncp valant équivalence ; qu'il lui a délivré à titre temporaire une aptitude professionnelle provisoire et l'a invitée à se rapprocher de son agence ; que Mme X... était donc informée de la problématique de sa qualification professionnelle suffisamment en amont et ne fait pas état d'une réponse à ce courrier et d'une demande à son agence ; que par ailleurs, son contrat de travail avec la sarl Securitas France, en date du 10 décembre 2007, indiquait expressément que "si, à la date d'entrée en vigueur des dispositions de l'article e du décret n' 2005-1122 du 6 septembre 2005, elle ne remplissait pas les conditions d'aptitude requises par ledit décret, son contrat serait rompu immédiatement sans qu'aucune indemnité de préavis ne vous soit versé" qu'il est constant qu'à la date d'entrée en vigueur du décret le 9 septembre 2008, Mme X... :- n'avait pas obtenu le cqp, qu'elle avait passé sans succès, la circonstance que celui-ci soit délivré par la sarl Sécuritas France, qui est habilitée à cet effet, ne suffit pas à rendre imputable à celle-ci l'échec de la salariée, après une formation de onze jours, à cet examen, et Mme X... a été convoquée à un second examen les 21 et 22 octobre 2008 ;- ne totalisait pas 1.607 h travaillées dans la profession, n'ayant commencé à travailler au sein de la sarl Sécuritas France que le 10 décembre 2007 et la notion d'heures travaillées dans la profession devant s'entendre d'heures au sein d'une entreprise de surveillance et de gardiennage et non de son emploi antérieur au sein de la sas Dufour Yachts ; que c'est en conséquence à bon droit que, se fondant sur ses obligations réglementaires, la sarl Sécuritas France a procédé au licenciement de Mme X... ;
1°) ALORS QU' aucune clause du contrat de travail ne peut valablement prévoir qu'une circonstance quelconque constituera un motif de rupture et il appartient au juge d'apprécier, dans le cadre des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 1235-1 du code du travail, si les faits invoqués par l'employeur dans la lettre de licenciement peuvent caractériser une cause réelle et sérieuse de licenciement ; qu'en jugeant que le licenciement de Mme X... reposait sur une cause réelle et sérieuse, motifs pris que son contrat de travail indiquait expressément que "si, à la date d'entrée en vigueur des dispositions de l'article 1er du décret n° 2005-1122 du 6 septembre 2005, elle ne remplissait pas les conditions d'aptitude requises par ledit décret, son contrat serait rompu immédiatement sans qu'aucune indemnité de préavis ne vous soit versé" et que tel était le cas, quand il lui appartenait d'apprécier, objectivement, si l'employeur avait, dans le temps requis, pris les initiatives qui s'imposaient en matière de formation professionnelle, et si la salariée, travailleur handicapé, était en faute de ne pas avoir obtenu le certificat de qualification professionnelle, la cour d'appel, méconnu ses pouvoirs, au regard de l'article L. 1235-1 du code du travail ;
2°) ALORS QUE la lettre de licenciement fixe les limites du litige ; que pour décider que le licenciement avait une cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a retenu que Mme X... «ne totalisait pas 1.607 h travaillées dans la profession, n'ayant commencé à travailler au sein de la sarl Sécuritas France que le 10 décembre 2007 et la notion d'heures travaillées dans la profession devant s'entendre d'heures au sein d'une entreprise de surveillance et de gardiennage et non de son emploi antérieur au sein de la sas Dufour Yachts» ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a ajouté à la lettre de licenciement la circonstance selon laquelle «la notion d'heures travaillées dans la profession devait s'entendre d'heures au sein d'une entreprise de surveillance et de gardiennage» qui n'y était pas visée, a violé l'article L. 1232-6 du code du travail ;
3°) ALORS QUE selon l'article 11 du décret n° 2005-1122 du 6 septembre 2005, relatif à la validation de l'expérience professionnelle des personnels d'entreprises exerçant l'une des activités mentionnées à l'article 1er de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003, les salariés peuvent justifier, auprès de leur employeur, de leur aptitude professionnelle par la preuve notamment de l'exercice d'une activité de surveillance et de gardiennage pendant 1.607 heures, sur la période qu'il définie ; que ce texte n'exige pas que cette activité ait exercée pour une entreprise de surveillance et de gardiennage ; qu'en refusant de prendre en compte, pour apprécier la preuve de l'aptitude professionnelle de Mme X..., les heures de gardiennage accomplies pour la SAS Dufour Yachts, faute pour celle-ci d'être une entreprise de surveillance et de gardiennage, la cour d'appel a violé les articles 11 du décret n° 2005-1122 du 6 septembre et L. 1234-1 du code du travail ;
4°) ALORS QUE l'employeur doit exécuter le contrat de travail de bonne foi ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'employeur n'avait pas manqué à son obligation d'exécuter de bonne foi le contrat de travail, en ne la présentant aux épreuves du certificat de qualification professionnelle que le 30 septembre 2008, quand il savait, depuis son embauche, que faute de justifier de son aptitude professionnelle dans les conditions du décret du 6 septembre 2005, elle devait obtenir le certificat de qualification professionnelle au plus tard le 9 septembre 2008, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1222-1 du code du travail ;
5°) ALORS QUE selon l'article L.5213-6 du code du travail, à l'égard des travailleurs handicapés, l'employeur prend, en fonction des besoins dans une situation concrète, les mesures appropriées pour leur permettre d'accéder à un emploi ou de conserver un emploi correspondant à leur qualification, de l'exercer ou d'y progresser ou pour qu'une formation adaptée à leurs besoins leur soit dispensée ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher si la société Sécuritas France avait pris les mesures appropriées pour permettre à Mme X... de conserver son emploi, après avoir constaté que celle-ci s'était vu reconnaître ce statut de travailleur handicapé au 1er octobre, ce qui d'ailleurs avait motivé son reclassement dans une activité de gardiennage, et qu'elle ne justifiait pas du titre professionnel requis par le décret du 6 septembre 2005, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 5213-6 et L. 1234-1 du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande de Mme X... en paiement de l'indemnité de préavis ;
AUX MOTIFS QUE son contrat de travail avec la sarl Securitas France, en date du 10 décembre 2007, indiquait expressément que "si, à la date d'entrée en vigueur des dispositions de l'article 1er du décret n° 2005-1122 du 6 septembre 2005, elle ne remplissait pas les conditions d'aptitude requises par ledit décret, son contrat serait rompu immédiatement sans qu'aucune indemnité de préavis ne vous soit versée" qu'il est constant qu'à la date d'entrée en vigueur du décret le 9 septembre 2008, Mme X... : - n'avait pas obtenu le cqp, qu'elle avait passé sans succès, la circonstance que celui-ci soit délivré par la sarl Sécuritas France, qui est habilitée à cet effet, ne suffit pas à rendre imputable à celle-ci l'échec de la salariée, après une formation de onze jours, à cet examen, et Mme X... a été convoquée à un second examen les 21 et 22 octobre 2008 ;- ne totalisait pas 1.607 h travaillées dans la profession, n'ayant commencé à travailler au sein de la sarl Sécuritas France que le 10 décembre 2007 et la notion d'heures travaillées dans la profession devant s'entendre d'heures au sein d'une entreprise de surveillance et de gardiennage et non de son emploi antérieur au sein de la sas Dufour Yachts ; que c'est en conséquence à bon droit que, se fondant sur ses obligations réglementaires, la sarl Sécuritas France a procédé au licenciement de Mme X... ; que le jugement sera réformé de ce chef et Mme X... sera déboutée de ses demandes au titre de la rupture de son contrat de travail, en ce compris l'indemnité de préavis dès lors que Mme X... n'était pas en mesure, faute de remplir les conditions administratives d'emploi, de l'exécuter ;
1°) ALORS QUE selon l'article L. 1234-2 du code du travail, toute clause d'un contrat de travail fixant un préavis d'une durée inférieure à celui résultant des dispositions de l'article L. 1234-1 du même ou une condition d'ancienneté de services supérieure à celle énoncée par ces mêmes dispositions est nulle ; qu'en écartant la demande en paiement d'une indemnité de préavis, sans relever d'office la nullité de la clause du contrat de travail supprimant le bénéfice de cette indemnité, la cour d'appel a violé l'article L. 1234-2 du code du travail.
2°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE si aucune faute grave n'a été retenue à l'encontre du salarié, son employeur, qui l'a licencié à tort sans préavis, se trouve débiteur, envers lui, d'une indemnité compensatrice dont il est tenu de lui verser le montant intégral pour toute la période où il aurait dû l'exécuter, l'inexécution du préavis résidant dans la décision de l'employeur de le priver du délai-congé ; qu'en déboutant Mme X... de sa demande d'indemnité compensatrice de préavis en relevant que la salariée ne remplissait pas les conditions administratives d'emploi, de sorte qu'elle n'avait pu l'exécuter, quand Mme X... n'avait pas été licenciée pour faute grave, la cour d'appel a violé l'article L. 1234-5 du code du travail.