LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu en matière de référé, que Jean-Guy X..., bénéficiant en tant que dépositaire de presse à Auxerre d'un agrément de la Commission de réseau (la CDR), délégataire du Conseil supérieur des messageries de presse (le CSMP), exploitait par l'intermédiaire de la société Auxerre distribution presse Foulon (la société ADPF), dont il était le gérant, un dépôt de presse qui était approvisionné par les sociétés de messagerie Presstalis et Messageries lyonnaises de presse (la société MLP) ; qu'après son décès, survenu en janvier 2011, son fils, M. Loïc X..., devenu à son tour gérant de la société ADPF, n'a pu obtenir l'agrément de dépositaire de presse, qui lui a été refusé à trois reprises par la CDR ; que faisant valoir que les relations commerciales s'étaient néanmoins poursuivies avec les sociétés Presstalis et MLP, M. X...et la société ADPF ont fait assigner en référé le CSMP et les sociétés Presstalis et MLP afin d'obtenir qu'il soit sursis à l'exécution des décisions de la CDR, ordonné le maintien des relations commerciales entre les parties jusqu'à ce qu'il soit définitivement statué sur les recours formés à l'encontre de ces décisions et enjoint aux sociétés Presstalis et MLP de poursuivre leurs livraisons ;
Attendu que pour rejeter les demandes, l'arrêt retient que la situation dénoncée résulte du fait que M. X...ne dispose pas de l'agrément exigé par la loi ; qu'il en déduit que celui-ci et la société ADPF ne peuvent se prévaloir, ni d'un trouble manifestement illicite, ni de la survenance d'un dommage imminent, lequel ne serait que la conséquence de cette absence d'agrément, et qu'ils ne sont donc pas fondés à demander la poursuite des relations commerciales ;
Attendu qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la société ADPF et de M. X...qui invoquaient, au titre d'un dommage imminent, le risque de disparition de la société ADPF en cas de cessation des relations commerciales maintenues avec elle, malgré l'absence d'agrément, par les sociétés MLP et Presstalis, la cour d'appel a méconnu les exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le premier grief :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 octobre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne les sociétés Messageries Lyonnaises de presse et Presstalis et le Conseil supérieur des messageries de presse aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer à M. X...et la société ADPF la somme globale de 3 000 euros et rejette les demandes de la société Presstalis et du Conseil supérieur des messageries de presse ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du huit avril deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour la société Auxerre distribution presse Foulon et M. Loïc X..., ès qualités.
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué :
D'AVOIR débouté Monsieur Loïc X...et la société ADPF de l'ensemble de leurs demandes ;
AUX MOTIFS QUE « le Conseil Supérieur des Messageries de Presse soutient que la juridiction des référés a méconnu l'étendus de ses pouvoirs en l'invitant à suspendre une décision de refus d'agrément et s'est substituée à lui en tant qu'autorité de régulation dans les missions qui lui sont conférées par l'article 18-6 de la loi, qu'il ajoute que ni Monsieur Loïc X...ni la société ADPF n'ont jamais été titulaires d'une décision d'agrément en tant que dépositaire et que la décision rendue revient à leur conférer ex-nihilo un agrément, et s'agissant de la société ADPF, il estime que la livraison des produits de presse n'est que la conséquence de l'agrément ; qu'il fait valoir que de plus le juge des référés ne pouvait considérer qu'il existait un quasi contrat entre la société ADPF et les sociétés de messageries pour ordonner la poursuite des livraisons et des relations contractuelles, les seules relations entre cette société et les messageries relevant de la seule exécution par l'auteur de Monsieur Loïc X...de son mandat de dépositaire de preste, s'agissant d'une société d'exploitation du dépôt désignée comme telle par celui-ci après des messageries, que ce mandat ayant pris fin au décès de Monsieur X...père, les relations entre la société ADPF et les messageries ne se sont poursuivies que dans la seule liquidation du mandat conféré intuitu personae avec Monsieur Jean Guy X...; que la société Presstalis fait valoir qu'initialement elle a conclu un contrat de dépositaire de presse avec Monsieur Jean Guy X...qui a décidé de l'exploiter par l'intermédiaire de la société ADPF, qu'ensuite de son décès et compte tenu du caractère personnel de l'agrément dont il bénéficiait, ce contrat s'est trouvé résilié, qu'elle soutient n'avoir jamais entretenu de relations commerciales avec Monsieur Loïc X..., dont la seule qualité de gérant de la société ADPF ne lui permet pas d'avoir une relation directe avec elle et qui en l'absence d'agrément accordé n'a jamais eu la qualité de dépositaire de presse et ne pouvait donc conclure aucun contrat avec elle ; qu'elle soutient qu'en ordonnant, en contravention au principe de la liberté contractuelle, le maintien de relations contractuelles, la juridiction des référés a ses pouvoirs ; qu'elle fait également grief à la décision déférée d'être dépourvue de terme en ce qui concerne la durée des mesures ordonnées et ce d'autant plus que le maintien de relations contractuelles ordonné contrevient à la décision du Conseil Supérieur des Messageries de Presse ; que les intimés soutiennent pour l'essentiel que le Conseil Supérieur des Messageries de Presse en collusion avec la société Presstalis, pour des motifs étrangers aux critères de désignation des candidats a rejeté par trois fois sa demande d'agrément, que la société Presstalis a écrit dès le 21 juillet 2011 à la société ADPF pour l'informer de la rupture de leurs relations commerciales, que ADPF est économiquement totalement dépendante des messageries et qu'il est pour le moins curieux que les Messageries Lyonnaises de Presse ne lui ont jamais envoyé de tel courrier ; qu'ils estiment que Monsieur Loïc X...répond à tous les critères exigés pour exercer la profession de dépositaire de presse, que depuis le décès de son père il assure la continuité territoriale de la distribution, qu'une coupure de livraison du jour au lendemain équivaudrait à une fermeture de l'entreprise, qu'il est donc absolument nécessaire d'ordonner la continuité du quasi contrat entre Presstalis et ADPF tant que toutes les voies de recours n'auront pas été expirées ; que la société Messageries Lyonnaises de Presse conteste l'analyse que le Conseil Supérieur des Messageries de Presse fait de ses propres pouvoirs, qu'elle se prévaut de ce que les dépositaires centraux sont des entreprises indépendantes qui exercent dans un secteur géographique déterminé et doivent être traitées comme des acteurs économiques indépendants, qu'il s'ensuit que les autorités de régulation et de contrôle ne sauraient disposer de la possibilité de mettre fin à l'activité d'une entreprise en refusant l'agrément d'un dépositaire ou la cession d'une entreprise ; que s'agissant du dépôt de Sens, il est exploité par une personne morale, que si formellement le contrat est conclu avec un dépositaire en considération de sa personne et n'est ni cessible ni transmissible, elle a néanmoins toujours considéré qu'elle traitait avec une véritable entreprise ce qui l'a conduite à accepter sans difficulté en cas de décès du dépositaire central de presse que ses héritiers puissent poursuivre l'activité eux-mêmes, que telle a été sa position avec Monsieur Loïc X...; que la Juridiction des référés s'est prononcée au vu des articles 872 et 873 du code de procédure civile, que les appelants fondent leur demande d'Infirmation, en ce qui concerne le Conseil Supérieur des Messageries de Presse sur la loi du 2 avril 1947 modifiée et notamment ses articles 18-6 (6°) et 18-13, alinéa 6 et s'agissant de la société Presstalis sur l'article 484 du code de procédure civile, que les Messageries Lyonnaises de Presse visent les articles 872 et 873 du code de procédure civile et que Monsieur Loïc X...et la société ADPF ne se prévalent d'aucun texte à l'appui de leur demande de confirmation ; que dès lors que le litige relève de la juridiction des référés du tribunal de grande instance, il convient de statuer au vu des dispositions des articles 808 et 809 du code de procédure civile ; qu'il sera relevé que l'article 808 du code de procédure civile n'a pas vocation à s'appliquer dès lors que tant la contestation élevée par le Conseil Supérieur des Messageries de Presse quant à l'application de la loi du 2 avril 1947 modifiée que celle soulevée par la société Presstalis sur l'absence de contrat la liant à Monsieur Loïc X...et la société ADPF présentent un caractère sérieux telles qu'elles font obstacle au prononcé de toute mesure sur ce fondement ; qu'aux termes de l'article 809 alinéa 1er du code de civile, la juridiction des référés peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; que le dommage imminent s'entend du « dommage qui n'est pas encore réalisé, mais qui se produira sûrement si la situation présente doit se perpétuer » et le trouble manifestement illicite résulte de « toute perturbation résultant d'un fait qui directement ou indirectement constitue une violation évidente de la règle de droit » ; qu'il s'ensuit que pour que la mesure sollicitée soit prononcée, il doit nécessairement être constaté, à la date à laquelle la cour statue, et avec l'évidence qui s'impose à la Juridiction des référés, l'imminence d'un dommage, d'un préjudice ou la méconnaissance d'un droit, sur le point de se réaliser et dont la survenance et la réalité sont certaines, qu'un dommage purement éventuel ne saurait donc être retenu pour fonder l'intervention du juge des référés ; que la constatation de l'imminence du dommage suffit à caractériser l'urgence afin d'en éviter les effets ; qu'en l'espèce, il est constant que le Conseil Supérieur des Messageries de Presse, désigné par la loi en tant qu'autorité de régulation de la distribution de la presse, a dans l'exercice des missions qui lui sont conférées refusé par l'organe de la Commission de Réseau déléguée à cet effet en application de l'article 18-6 de la loi du 2 avril 1947 modifiée le 20 juillet 2011, à trois reprises d'agréer en tant que dépositaire de presse Monsieur Loïc X..., qu'il est établi que le refus d'agrément, décision à caractère individuel fait l'objet d'un recours actuellement pendant devant le tribunal de commerce de Sens ; qu'il est constant que l'auteur de Monsieur Loïc X...a, de son vivant, bénéficié à titre personnel d'un agrément, que la société ADFP exerçant son activité du fait de l'agrément donné à Monsieur Jean-Guy X..., que cet agrément a cessé au décès de ce dernier, que Monsieur Loïc X...n'a jamais été titulaire d'un agrément et se l'est vu refusé ; que la circonstance selon laquelle il ne peut exercer en tant que dépositaire de presse à titre personnel découle directement du fait qu'il ne dispose pas de l'agrément exigé par la loi, que la société ADFP dont il est le gérant et qui détenait le droit d'exercer cette activité de dépôt de presse du fait de l'agrément de Monsieur Jean-Guy X...ne peut revendiquer aucun droit à défaut d'agrément de Monsieur Loïc X...; que dès lors que cette situation découle de l'application de la loi, Monsieur Loïc X...et la société ADPF ne peuvent utilement se prévaloir de l'existence d'un trouble manifestement illicite pour obtenir les mesures qu'ils ont sollicitées ; qu'ils ne peuvent davantage se prévaloir de la survenance d'un dommage imminent, qu'en effet, Monsieur Loïc X...n'ayant jamais été titulaire d'un agrément et en tant que tel ne pouvant se réclamer d'une quelconque qualité de dépositaire de presse, sa situation actuelle n'est que la conséquence de son absence de statut ; que les appelants ne sauraient donc prétendre qu'il soit imposé aux sociétés Presstalis et Messageries Lyonnaises de Presse d'engager, de reprendre ou de poursuivre des relations commerciales hors agrément, que toutefois, étant constaté que la société Presstalis accepte de continuer à assurer des livraisons à Monsieur Loïc X...et la société ADPF jusqu'à ce que le Conseil Supérieur des Messageries de Presse ait agréé un dépositaire sur le Secteur d'Auxerre et que la société les Messageries Lyonnaises de Presse a toujours accepté de maintenir ses relations d'approvisionnement au profit de Monsieur Loïc X...et la société ADPP, il convient de leur en donner acte, étant rappelé que celui-ci n'est pas constitutif de droit ; que dans ces conditions les demandes doivent être rejetées et l'ordonnance déférée infirmée en toutes ses dispositions » ;
1°/ ALORS, d'une part, QUE dans leurs écritures d'appel (concl., p. 7 s.), la société ADPF et Monsieur Loïc X...ont soutenu que ce dernier répond aux critères demandés pour être désigné comme dépositaire central, que le Conseil Supérieur des Messageries de Presse et la société Presstalis avaient focalisé leurs décisions iniques sur le fait que l'un des diffuseurs de ADPF, la SARL journaux. fr, vend la presse sur Internet, mais que pourtant Monsieur Loïc X...avait va répondre à toutes les questions qui lui seront posées et fournir tous les éléments justificatifs souhaités mais ils vont rester lettre morte, que la réunion du 7 septembre 2011 a été une parodie qui a donné lieu au courrier recommandé du 27 septembre 2011 de Maître A... au CSMP (pièce n° 19) rappelant que : à aucun moment il n'a été question des capacités professionnelles de Monsieur Loïc X..., les SARL ADPF et journaux. fr sont deux entités totalement distinctes, deux personnes morales différentes titulaires de deux baux concernant des locaux différents, ayant du personnel différent, un NIM (numéro d'identification diffuseur) existe pour journaux. fr depuis des années, et qu'une solution alternative à la coupure de livraison de journaux. fr existait puisqu'elle avait dû être trouvée pour Via Presse et qu'il avait été évoqué la nécessité de trouver une solution pour approvisionner journaux. fr. ; qu'ils précisaient que la CDR a ajouté un « critère » qui ne ressort d'aucun texte et que Monsieur Loïc X...n'est pas nommé parce qu'il ne s'est pas engagé « personnellement » « s'agissant de réserver l'approvisionnement exclusif du réseau de diffuseurs de presse dépendant de la zone de chalandise qui lui serait attribuée » ; qu'ils précisaient encore (concl., p. 9) que le CSMP a instauré une règle nouvelle pour justifier son refus de désignation de Monsieur Loïc X..., en mettant en cause le fait qu'un de ses diffuseurs, la société journaux. fr, gérée par ses frères Damien et Thibault, a une activité de vente au numéro sur Internet, mais que certains dirigeants de Presstalis font exactement la même chose via la SARL VIA PRESSE et le dépôt de Sèvres ; qu'en statuant comme elle l'a fait sans rechercher si ces éléments ne suffisaient pas à établir un trouble manifestement illicite auquel elle devait mettre fin, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ ALORS, d'autre part, QUE dans leurs écritures d'appel, la société ADPF et Monsieur Loïc X...ont invoqué l'existence d'un contrat de fait entre Monsieur Loïc X...et la société Presstalis, sinon d'un quasi-contrat au sens de l'article 1371 du code civil (concl., p. 8) ; qu'ils faisaient encore valoir que la société ADPF est totalement économiquement dépendante des messageries qui peuvent couper du jour au lendemain leurs livraisons et les priver de travail (concl., p. 9) ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher si la rupture d'un tel contrat n'était pas de nature à provoquer un dommage imminent qu'il lui appartenait de prévenir, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.