LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Mukhtar X...,
contre l'arrêt n° 1 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, en date du 9 janvier 2014, qui, dans la procédure d'extradition suivie contre lui à la demande du gouvernement ukrainien, a donné un avis favorable ;
Sur la recevabilité des observations produites au nom de l'Etat ukrainien :
Attendu que, n'étant pas partie à la procédure, l'Etat ukrainien ne tire d'aucune disposition légale la faculté de déposer un mémoire ou des observations devant la Cour de cassation ; que, dès lors, les " observations en intervention " produites en son nom ne peuvent qu'être déclarées irrecevables ;
Vu le mémoire et les observations complémentaires produits ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 200 et 696-15 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué se borne à mentionner qu'« à l'issue des débats, l'affaire a été mise en délibéré ; la présidente a annoncé que l'arrêt serait rendu le neuf janvier deux mille quatorze », puis la « composition de la cour lors des débats » et « la composition de la cour lors du prononcé de l'arrêt », cette composition n'étant pas la même ;
" 1°) alors que, selon l'article 200 du code de procédure pénale, lorsque les débats sont terminés, la chambre d'accusation délibère sans, qu'en aucun cas, le procureur général, les parties, leurs conseils et le greffier puissent être présents ; que la preuve de l'accomplissement de cette formalité doit résulter des énonciations mêmes de l'arrêt ; que l'arrêt attaqué ne comporte aucune mention permettant de s'assurer du respect de ces prescriptions, fût-ce sous forme du visa de l'article 200 du code de procédure pénale ; qu'ainsi la Cour de cassation n'est pas en mesure de s'assurer que l'arrêt attaqué satisfait, en la forme, aux conditions essentielles de son existence légale ;
" 2°) alors que devant la chambre d'accusation, il doit être délibéré par les trois magistrats présents aux débats ; que les mentions de l'arrêt ne permettent pas non plus à la Cour de cassation de s'assurer de la légalité de la composition de la chambre de l'instruction ayant délibéré de sorte que l'arrêt attaqué ne satisfait toujours pas, en la forme, aux conditions essentielles de son existence légale " ;
Attendu qu'il résulte des mentions de l'arrêt attaqué que la chambre de l'instruction, dont la composition régulière lors des débats est précisée, à la clôture de ces derniers, a mis l'affaire en délibéré, et qu'à la date indiquée, vidant son délibéré, elle a rendu sa décision ;
Attendu qu'en cet état, la Cour de cassation est en mesure de s'assurer que ce sont les trois magistrats qui étaient présents lors des débats qui en ont délibéré, en l'absence du ministère public et du greffier ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Mais sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 696-13 et 696-15 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué, au visa de « l'interrogatoire devant la chambre de l'instruction en date du 5 septembre 2013, la personne extradable ayant déclaré ne pas consentir à son extradition », après avoir constaté que M.
X...
reconnaît être la personne désignée dans la demande d'extradition formée par l'Etat d'Ukraine et qu'il a précédemment donné acte de son refus d'être remis à l'Etat requérant, a émis un avis favorable à l'extradition, sous réserve ;
" aux motifs que les conditions légales de l'extradition sont remplies et l'avis prévu à l'article 696-14 du code de procédure pénale ayant été donné à l'extradable par le président de la chambre de l'instruction, il convient donc de donner acte à M.
X...
de ce qu'il n'a pas consenti à son extradition et de donner un avis favorable à la demande de l'Etat d'Ukraine ;
" alors qu'en matière d'extradition, les débats devant la chambre de l'instruction s'ouvrent par un interrogatoire, qui est indivisible des débats et dont il est dressé procès-verbal ; que ce procès-verbal doit mentionner la présence du ministère public et le nom des juges, qui doivent être les mêmes que ceux qui participent aux débats et au prononcé de l'arrêt ; qu'en l'espèce, après avoir procédé à l'interrogatoire de M.
X...
le 5 septembre 2013, par arrêt du même jour, la chambre de l'instruction, alors composée de Mme Besset, présidente et de M. Pisana et Mme Camugli, conseillers, a donné acte à M.
X...
de ce qu'il ne consentait pas à son extradition, dit que la demande d'extradition présentée devait être traduite en russe et ordonné le renvoi à l'audience du 5 décembre 2013 ; qu'à l'audience du 5 décembre 2013, la chambre de l'instruction, autrement composée, a ordonné le renvoi de l'affaire à l'audience du 12 décembre 2013 ; qu'à cette audience, où se sont déroulés les débats, la chambre de l'instruction siégeaient dans une composition différente des deux précédentes ; qu'il ne résulte pas des pièces de la procédure ni des mentions de l'arrêt qu'à l'audience des débats, il ait été dressé le procès verbal d'interrogatoire requis par la loi ; qu'ainsi l'arrêt ne satisfait pas, en la forme, aux conditions essentielles de son existence légale " ;
Vu les articles 696-13 et 696-15 du code de procédure pénale ;
Attendu qu'en matière d'extradition, les débats devant la chambre de l'instruction s'ouvrent par un interrogatoire de la personne réclamée dont il est dressé procès-verbal ; que cet interrogatoire étant indivisible des débats, il doit y être procédé par les mêmes juges qui participent à l'audience au fond et au prononcé de la décision ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que M.
X...
, faisant l'objet d'une demande d'extradition de la part du gouvernement ukrainien, a comparu le 5 septembre 2013 devant la chambre de l'instruction qui a procédé à son interrogatoire, en a dressé procès-verbal puis, par arrêt, a renvoyé l'examen de l'affaire au 5 décembre suivant ; qu'après un nouveau renvoi, cette juridiction a examiné l'affaire au fond à l'audience du 12 décembre 2013 où a siégé un conseiller qui n'était pas présent lors de l'interrogatoire précité puis, après avoir délibéré, a prononcé l'arrêt attaqué ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi sur la demande d'extradition, sans procéder à nouveau à la formalité de l'interrogatoire, rendue nécessaire par le changement intervenu dans la composition de la formation, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus énoncé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Et sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles préliminaire, 696-15, 696-16 et 198 du code de procédure pénale, manque de base légale, défaut de motifs ;
" en ce que l'arrêt attaqué a émis un avis favorable à la demande d'extradition de M.
X...
faite par l'Etat d'Ukraine en exécution d'un mandat d'arrêt émis le 24 septembre 2010 par le tribunal de Golosiyvskyy de la ville de Kiev pour l'exercice de poursuites des faits de faux commis par un groupe de personnes ou en quantité particulièrement importante, faits commis courant 2008 à courant 2009 sous réserve du respect des engagements précis pris par l'Etat d'Ukraine le 9 août 2013 ;
" aux motifs que, s'il est constant que l'Etat requérant n'est pas partie à la procédure et ne saurait dès lors déposer de mémoire conformément aux dispositions de l'article 198 du code de procédure pénale, le document produit aux intérêts de l'Etat requérant par le cabinet W et S SELARL qui a été contradictoirement communiqué à l'ensemble des parties sera jugé recevable ;
" 1°) alors que l'Etat requérant, qui n'est pas partie à la procédure, ne peut déposer aucun mémoire ou document équivalent ; que le seul « document » produit par le gouvernement ukrainien est constitué par un mémoire déposé le 11 décembre 2013 dans les formes et délais de l'article 198 du code de procédure pénale ; que l'arrêt attaqué, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 198 et 696-16 du code de procédure pénale et privé sa décision, en la forme, des conditions essentielles de son existence légale ;
" 2°) alors que, subsidiairement, la personne dont l'extradition est sollicitée a droit à la traduction, dans une langue qu'elle comprend, des pièces essentielles nécessaires à l'exercice des droits de la défense ; que faute d'avoir été traduites et communiquées en russe, de telle sorte que M.
X...
puisse en prendre connaissance et organiser sa défense, les observations de l'Etat ukrainien étaient irrecevables " ;
Vu les articles 696-16 et 198 du code de procédure pénale ;
Attendu que, si, aux termes de l'article 696-16 du code de procédure pénale, en matière d'extradition, l'Etat requérant peut être autorisé par la chambre de l'instruction à intervenir à l'audience, il n'en devient pas pour autant partie à la procédure et, en application de l'article 198 dudit code, ne dispose donc pas de la faculté de déposer un mémoire ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que l'avocat de l'Etat ukrainien, qui avait été autorisé par la chambre de l'instruction, en application de l'article 696-16 du code de procédure pénale, à intervenir à l'audience, a déposé, la veille au greffe, un mémoire à l'appui de la demande d'extradition concernant M.
X...
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Attendu que l'arrêt attaqué, tout en rappelant qu'en application de l'article 198 du code de procédure pénale, l'Etat requérant ne saurait déposer de mémoire, a cependant déclaré recevable le document, intitulé " observations ", produit par l'avocat de celui-ci au soutien de la demande d'extradition, en relevant qu'il avait été communiqué aux parties ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que ce document, en ce qu'il constituait en réalité un mémoire, ne pouvait qu'être déclaré irrecevable et devait, dès lors, être écarté des débats, la chambre de l'instruction n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations ;
D'où il suit que la cassation est de nouveau encourue ;
Par ces motifs, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de cassation proposés :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 9 janvier 2014, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel, président, Mme Caron, conseiller rapporteur, M. Foulquié, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;