LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 23 janvier 2013), que M. X..., engagé le 2 mars 2005 avec reprise d'ancienneté au 6 septembre 1991 par la société Dufour Yachts en qualité de préparateur de bateaux, a été victime d'un accident du travail le 5 décembre 2008 et déclaré par le médecin du travail, lors de visites médicales des 3 mai et 7 juin 2010, inapte à son poste, le salarié pouvant occuper un poste sédentaire ou à la charge physique légère, sans geste répétitif ni manutention ; qu'il a été licencié le 3 août 2010 pour inaptitude et impossibilité de reclassement et a saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire qu'il a manqué à son obligation de reclassement, que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et de le condamner à payer au salarié des dommages-intérêts à ce titre, alors, selon le moyen :
1°/ que le périmètre à prendre en considération pour l'exécution de l'obligation de reclassement se comprend de l'ensemble des entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation leur permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel ; qu'il incombe au salarié qui soutient que l'employeur n'a pas étendu ses recherches de reclassement à l'ensemble des entités comprises dans le périmètre de reclassement ou « groupe » ainsi entendu, d'indiquer au préalable quelles entités auraient été omises, afin de permettre à l'employeur de répondre ; qu'en se bornant à relever, pour en déduire que la société ne démontrait pas avoir respecté son obligation de reclassement, qu'elle n'établissait pas l'étendue du groupe au sein duquel le reclassement devait être recherché, cependant qu'elle soutenait former un groupe avec la seule société de droit italien Cantiere del Pardo et que le salarié n'indiquait pas auprès de quelle(s) autre(s) entité(s) le reclassement aurait dû, selon ses dires, être recherché, de telle sorte que l'employeur n'était pas mis en mesure de répondre, la cour d'appel a violé les articles L. 1226-10, L. 1232-1 et L. 1235-1 du code du travail, ensemble les articles 9 du code de procédure civile et 1315 du code civil ;
2°/ que tout jugement doit être motivé ; que la société avait produit aux débats et invoqué dans ses écritures, en vue de démontrer l'absence de poste de reclassement disponible, l'ensemble des mouvements de personnel sur ses trois sites, documents au vu desquels les premiers juges avaient constaté l'absence de poste compatible avec les aptitudes du salarié ; qu'en s'abstenant d'examiner ces éléments de preuve régulièrement produits aux débats, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ que l'employeur n'est pas tenu, au titre de son obligation de reclassement, de dispenser au salarié une formation qui lui fait défaut en vue de le rendre apte à occuper un poste de reclassement ne correspondant pas à sa formation initiale ; que la société avait établi que le seul poste disponible était celui de directeur des ressources humaines qui ne correspondait pas à la qualification professionnelle de M. X..., lequel avant son accident occupait le poste de préparateur de bateaux ; qu'en reprochant à l'employeur, pour en déduire qu'il n'avait pas respecté son obligation de reclassement, de ne pas avoir fait suivre au salarié une formation, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et a ainsi privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1226-10, L. 1232-1 et L. 1235-1 du code du travail ;
4°/ qu'en s'abstenant de rechercher si la qualification professionnelle de M. X... lui permettait d'occuper le poste de directeur des ressources humaines au prix d'une simple formation d'adaptation et non d'une formation qualifiante, et en s'abstenant de rechercher si les pièces produites aux débats par l'employeur ne démontraient pas l'absence de tout autre poste disponible susceptible, même après aménagement, d'être proposé en reclassement au salarié, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1226-10, L. 1232-1 et L. 1235-1 du code du travail ;
5°/ que la cour d'appel a constaté que M. X... avait été déclaré inapte physiquement à exercer les tâches correspondant au poste de préparateur de bateaux ; que cette déclaration d'inaptitude excluait la possibilité d'un simple aménagement du temps de travail en vue de rendre le poste compatible avec les préconisations du médecin du travail, un tel aménagement ne modifiant pas la nature des tâches pour lesquelles le salarié avait été déclaré inapte ; qu'en reprochant à l'employeur, pour en déduire qu'il n'avait pas respecté son obligation de reclassement, de ne pas avoir aménagé le temps de travail du salarié cependant qu'il résultait de ses propres constatations qu'un tel aménagement n'aurait pu rendre le poste compatible avec les restrictions émises par le médecin du travail, la cour d'appel a méconnu les conséquences légales de ses propres constatations en violation des articles L. 1226-10, L. 1232-1 et L. 1235-1 du code du travail ;
Mais attendu que l'avis du médecin du travail déclarant un salarié inapte à tout emploi dans l'entreprise ne dispense pas l'employeur, quelle que soit la position prise par le salarié, de rechercher les possibilités de reclassement par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations ou transformations de postes de travail au sein de l'entreprise et le cas échéant du groupe auquel elle appartient, la recherche devant alors s'apprécier parmi les entreprises de ce groupe dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation lui permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel ; qu'il appartient à l'employeur de justifier du périmètre de reclassement et de l'impossibilité, à la date du licenciement, de reclasser le salarié tant dans l'entreprise que dans ce groupe ;
Et attendu que la cour d'appel, appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, a constaté que l'employeur ne produisait pas d'organigramme permettant de vérifier la composition exacte du groupe auquel il appartenait, qu'il ne justifiait pas de l'absence de poste compatible avec l'avis du médecin du travail du 21 juin 2010 précisant que le salarié pouvait occuper un poste de technicien d'encadrement dans les services de bureau d'études, de méthodes, d'achats, de contrôle qualité avant expéditions, et que l'appel à candidatures auprès du service des relations humaines aux fins d'une éventuelle permutation de poste n'était ni suffisamment précis ni explicite ; que procédant aux recherches prétendument omises et tirant les conséquences légales de ses constatations, elle a pu décider que l'employeur n'avait pas exécuté son obligation de reclassement ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Dufour Yachts aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de cette société et la condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mai deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
. Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour la société Dufour Yachts.Il est fait grief à l'arrêt Infirmatif attaqué d'AVOIR dit que la société DUFOUR YACHTS n'avait pas respecté son obligation de reclassement et que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et de l'AVOIR, en conséquence, condamnée à payer à Monsieur X... les sommes de 58.000 ¿ à titre de dommages et intérêts pour licenciement injustifié et 2.000 ¿ au titre des frais irrépétibles ; AUX MOTIFS QUE « Sur le reclassement En l'espèce, la lettre de licenciement a exposé de manière détaillée à M. X... les recherches mises en oeuvre en vue de son reclassement et l'impossibilité de le reclasser, au sein de la société, ce "même par le biais d'une adaptation, d'un aménagement voire même d'une réduction du temps de travail". Or M. X... rappelle avec pertinence que l'évolution de ses fonctions dans l'entreprise, depuis 1991, caractérise une polyvalence technique indéniable, incluant, d'une part, une connaissance de la totalité de la chaîne de production, y compris du service après vente en France et à l'étranger, et aussi, d'autre part, une expérience de la gestion d'une équipe et de la préparation de salons nautiques. M. X... souligne exactement que la société DUFOUR YACHTS ne peut contester appartenir à un groupe, même si aucun organigramme ne se trouve produit aux débats pour révéler la composition exacte et les ramifications entre la holding et les filiales. En effet, la lettre de licenciement mentionne expressément à deux reprises que les recherches de reclassement n'ont pas abouti "au sein de la société DUFOUR YACHTS ainsi qu'eu sein du groupe" auquel elle appartient. Or la société DUFOUR YACHTS justifie seulement avoir adressé une lettre à la société Cantiere Del Pardo, le 16 juin 2010, sans permettre à la cour de vérifier si les "autres sociétés du groupe"(cf lettre adressée à. M. X... le 20 juillet 2010) ont été de même consultées. En outre, il n'est pas contesté que la société DUFOUR YACHTS emploie près de 500 salariés répartis sur 3 sites. Le médecin du travail a conclu, lors de la seconde visite de reprise, le 3 mai 2010, que M. X... était inapte définitivement à la reprise du travail au poste de préparateur de bateaux, qu'il ne pouvait occuper un poste nécessitant des rotations de la tête et du cou, des postures difficiles du tronc, des gestes répétitifs et des manutentions d'objets lourds, mais a ajouté qu'il pourrait occuper un poste sédentaire ou à la charge physique légère, sans geste répétitif ni manutention. Interrogé par l'employeur le 16 juin 2010, le médecin du travail a maintenu, par réponse du 21 juin 2010 que, conformément aux restrictions médicales, M. X... pourrait occuper une poste de technicien ou d'encadrement dans les services de bureau d'études, de méthodes, d'achats, de contrôle qualité avant expéditions, un de ces postes pouvant être adapté vers le métier de formateur technique. Il a même précisé que, à la suite d'une formation, M. X... pourrait occuper un poste dans les services Drh ou Daf et qu'une reprise à mi-temps thérapeutique serait souhaitable. C'est par simple affirmation que la société DUFOUR YACHTS soutient qu'aucun poste compatible avec cet avis du médecin du travail n'était disponible. Au surplus, elle ne justifie pas avoir cherché à aménager le temps de travail de M. X..., ni même avoir envisagé de lui faire suivre une formation avant de lui aménager un poste dans l'intervalle. La société DUFOUR YACHTS a convoqué les délégués du personnel à une réunion extraordinaire le 23 juin 2010, pour les consulter sur le dossier de M. X..., son inaptitude et les solutions envisageables à son reclassement. Le compte rendu de cette réunion met en évidence le rejet catégorique par l'employeur des suggestions formulées notamment par M. Y..., Mme Z..., et M. A..., en arguant des exigences médicales de M. X... mais aussi des besoins de l'entreprise, et en soulignant que le salarié avait été absent durant 18 mois, sans pour autant démontrer que les postes discutés étaient indisponibles, ou que M. X... n'avait plus les compétences pour les assumer. Par note d'information du 8 juillet 2010, la société DUFOUR YACHTS a invité les salariés volontaires pour une permutation de poste avec M. X... à se faire connaître avant le 16 juillet 2010 auprès du service des ressources humaines. Toutefois, il ne peut être considéré que cet appel à candidatures était suffisamment précis et explicite dès lors que l'employeur a fait seulement référence à un poste de "préparateur de bateaux", sans énoncer les compétences requises, les tâches concernées et le salaire versé en contrepartie. En outre le mode de diffusion de cette note n'est pas connu, le délai pour y répondre était particulièrement bref en période de congés d'été et l'absence de réponse des autres salariés n'est pas établie. C'est donc de manière déloyale, et sans avoir exécuté de manière satisfactoire son obligation de reclassement, que la société DUFOUR YACHTS a informé M. X... de l'impossibilité de le reclasser en lui indiquant qu'elle avait recensé seulement deux postes disponibles, celui de chauffeur navette et celui de directeur des ressources humaines, l'un et l'autre étant incompatibles soit avec ses restrictions médicales, soit avec ses compétences. Il se déduit de ces motifs que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et la décision déférée sera infirmée » ; 1°/ ALORS, DE PREMIÈRE PART, QUE le périmètre à prendre en considération pour l'exécution de l'obligation de reclassement se comprend de l'ensemble des entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation leur permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel ; qu'il incombe au salarié qui soutient que l'employeur n'a pas étendu ses recherches de reclassement à l'ensemble des entités comprises dans le périmètre de reclassement ou « groupe » ainsi entendu, d'indiquer au préalable quelles entités auraient été omises, afin de permettre à l'employeur de répondre ; qu'en se bornant à relever, pour en déduire que la société DUFOUR YACHTS ne démontrait pas avoir respecté son obligation de reclassement, qu'elle n'établissait pas l'étendue du groupe au sein duquel le reclassement devait être recherché, cependant qu'elle soutenait former un groupe avec la seule société de droit italien CANTIERE DEL PARDO et que le salarié n'indiquait pas auprès de quelle(s) autre(s) entité(s) le reclassement aurait dû, selon ses dires, être recherché, de telle sorte que l'employeur n'était pas mis en mesure de répondre, la cour d'appel a violé les articles L. 1226-10, L. 1232-1 et L. 1235-1 du Code du travail, ensemble les articles 9 du Code de procédure civile et 1315 du Code civil ;2°/ ALORS, DE DEUXIÈME PART, QUE tout jugement doit être motivé ; que la société DUFOUR YACHTS avait produit aux débats (pièces 35, 35 et 36) et invoqué dans ses écritures (page 11), en vue de démontrer l'absence de poste de reclassement disponible, l'ensemble des mouvements de personnel sur ses trois sites, documents au vu desquels les premiers juges avaient constaté l'absence de poste compatible avec les aptitudes du salarié ; qu'en s'abstenant d'examiner ces éléments de preuve régulièrement produits aux débats, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ;3°/ ALORS, DE TROISIÈME PART, QUE l'employeur n'est pas tenu, au titre de son obligation de reclassement, de dispenser au salarié une formation qui lui fait défaut en vue de le rendre apte à occuper un poste de reclassement ne correspondant pas à sa formation initiale ; que la société DUFOUR YACHTS avait établi que le seul poste disponible était celui de directeur des ressources humaines qui ne correspondait pas à la qualification professionnelle de Monsieur X..., lequel avant son accident occupait le poste de préparateur de bateaux ; qu'en reprochant à l'employeur, pour en déduire qu'il n'avait pas respecté son obligation de reclassement, de ne pas avoir fait suivre au salarié une formation, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et a ainsi privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1226-10, L. 1232-1 et L. 1235-1 du Code du travail ; 4°/ QU'IL EN VA D'AUTANT PLUS AINSI QU' en s'abstenant de rechercher si la qualification professionnelle de Monsieur X... lui permettait d'occuper le poste de directeur des ressources humaines au prix d'une simple formation d'adaptation et non d'une formation qualifiante, et en s'abstenant de rechercher si les pièces produites aux débats par l'employeur ne démontraient pas l'absence de tout autre poste disponible susceptible, même après aménagement, d'être proposé en reclassement au salarié, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1226-10, L. 1232-1 et L. 1235-1 du Code du Travail ; 5°/ ALORS, ENFIN ET EN TOUTE HYPOTHÈSE QUE la cour d'appel a constaté que Monsieur X... avait été déclaré inapte physiquement à exercer les tâches correspondant au poste de préparateur de bateaux ; que cette déclaration d'inaptitude excluait la possibilité d'un simple aménagement du temps de travail en vue de rendre le poste compatible avec les préconisations du médecin du travail, un tel aménagement ne modifiant pas la nature des tâches pour lesquelles le salarié avait été déclaré inapte ; qu'en reprochant à l'employeur, pour en déduire qu'il n'avait pas respecté son obligation de reclassement, de ne pas avoir aménagé le temps de travail du salarié cependant qu'il résultait de ses propres constatations qu'un tel aménagement n'aurait pu rendre le poste compatible avec les restrictions émises par le médecin du travail, la cour d'appel a méconnu les conséquences légales de ses propres constatations en violation des articles L. 1226-10, L. 1232-1 et L. 1235-1 du Code du travail.