LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le deuxième moyen :
Vu les articles 102 et 16 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 modifié ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a demandé son inscription au tableau de l'ordre des avocats de Bastia sur le fondement des dispositions de l'article 98, 3° du décret du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat ; que sa demande a été rejetée par le conseil de l'ordre des avocats ;
Attendu que la cour d'appel a statué sur le recours formé contre cette décision, alors qu'il ne ressort ni de l'arrêt ni des pièces de la procédure que le bâtonnier ait été invité à présenter ses observations, peu important que des conclusions aient été déposées au nom de l'ordre, partie à l'instance ;
Qu'en procédant ainsi, elle a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les premier et troisième moyens :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 février 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Condamne l'ordre des avocats au barreau de Bastia aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre juin deux mille quatorze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. Vincenti
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté le recours formé par Monsieur X... contre la délibération du Conseil de l'Ordre des avocats au barreau de Bastia, du 19 juin 2012, lui refusant son inscription au Tableau dudit Ordre sur le fondement de l'article 98, 3° du décret n° 91-1197 du 27 octobre 1991 ;
L'arrêt énonçant que l'affaire a été débattue le 6 décembre 2012 en chambre du Conseil et qu'à l'audience publique du 6 décembre 2012 les parties ont été entendues en leurs observations orales ;
Alors que le recours formé à l'encontre de la décision rendue par le Conseil de l'Ordre sur une demande d'inscription au tableau doit être examiné en chambre du Conseil, à moins que l'intéressé ne demande que les débats se déroulent en audience publique, mention devant en être faite dans la décision ; qu'en ce qu'il énonce tout à la fois que « l'affaire a été débattue le 6 décembre 2012 en chambre du Conseil » (page 1) et qu'« à l'audience publique du 6 décembre 2012 les parties ont été entendues en leurs observations orales » (page 3), l'arrêt, dont les mentions contradictoires ne permettent pas de savoir s'il a été rendu après des débats en chambre du Conseil ou en audience publique, ne satisfait pas aux exigences des articles 102 et 16 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté le recours formé par Monsieur X... contre la délibération du Conseil de l'Ordre des avocats au barreau de Bastia, du 19 juin 2012, lui refusant son inscription au Tableau dudit Ordre sur le fondement de l'article 98, 3° du décret n° 91-1197 du 27 octobre 1991 ;
Au visa des conclusions déposées par le Conseil de l'Ordre des avocats au barreau de Bastia, après audition de Maître Rinieri, représentant de l'Ordre des avocats au barreau de Bastia,
Alors que la cour d'appel saisie d'un recours formé contre la décision du Conseil de l'Ordre portant refus d'inscription au Tableau doit inviter le bâtonnier à présenter ses observations ; qu'en l'espèce, il ne ressort pas des énonciations de l'arrêt que le bâtonnier ait été invité à présenter ses observations ; d'où il suit que la Cour d'appel a violé les articles 102 et 16 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté le recours formé par Monsieur X... contre la délibération du Conseil de l'Ordre des avocats au barreau de Bastia, du 19 juin 2012, lui refusant son inscription au Tableau dudit Ordre sur le fondement de l'article 98, 3° du décret n° 91-1197 du 27 octobre 1991 ;
Aux motifs que, aux termes de l'arrêt attaqué, « l'article 98-3 du décret du 27 novembre 1991 édicte une dispense de formation théorique et pratique et du certificat d'accès à la profession d'avocat au profit des juristes d'entreprise justifiant de huit ans au moins de pratique professionnelle au sein du service juridique d'une ou plusieurs entreprises ; que pour prétendre au bénéfice de ces dispositions, le juriste d'entreprise doit avoir exercé dans un service structuré et spécialisé exclusivement chargé au sein de son entreprise, des problèmes posés par l'activité de celle-ci ; que les prestations au profit de la clientèle sont exclues du champ d'application de cette dispense ; qu'il est constant que Monsieur X... Raymond, titulaire d'une maîtrise droit privé et carrières judiciaires obtenu en 1997 et d'un diplôme de juriste d'entreprise obtenu en 2000 est salarié de la société Analyse Audit Comptabilité dont le siège est à Aubagne (Bouches du Rhône), depuis le 31 janvier 2003 ; que le contrat de travail établi à cette date indique qu'il est employé comme juriste ; sur les bulletins de salaire figure seulement la mention "collaborateur juriste" ; qu'il justifie aussi avoir été employé de septembre 2002 à décembre 2003 par la société d'expertise comptable Auditco à Bastia en qualité de responsable du service juridique ; qu'invité par le rapporteur du Conseil de l'Ordre à justifier de ses activités au sein de l'entreprise AAC, M. X... a produit divers procès-verbaux d'assemblées générales ordinaires ou extraordinaires de sociétés, rédigés par ses soins en 2006 et 2007, un rapport de gestion avec répartitions de dividendes en 2011 ; de même d'autres actes relatifs au fonctionnement de sociétés commerciales, tels modifications de statuts, cessions de parts, augmentations de capital et transformation en SAS d'une SARL en 2010. Qu'au cours de son audition il a pu préciser à ce stade "Je ne fais que des travaux relatifs à la tenue des assemblées, rédaction de statuts, transformation de sociétés ¿ Pour le compte de AAC j'ai fait l'assemblée générale et des cessions de parts ¿ j'ai fait également un dossier auprès de la préfecture pour l'activité formation du cabinet ¿" ; que les pièces produites établissent la réalité d'une activité que le demandeur lui-même décrit mais dont les conseils et leur application pratique concernaient des montages juridiques, exclusifs de questions contentieuses, réalisés pour l'essentiel dans l'intérêt de clients de l'entreprise AAC et de façon très résiduelle pour l'entreprise elle-même ; que ces éléments précisément analysés par la décision du Conseil de l'Ordre suffisent à dénier à Monsieur X... Raymond la qualité de juriste d'entreprise et conduisent a refuser la dispense qu'il sollicite en vue de son inscription au tableau de l'Ordre des avocats au barreau de Bastia ; qu'il convient de rejeter le recours de M. X... » ;
ALORS en premier lieu QUE l'article 98, 3° du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 n'exige pas que pour pouvoir bénéficier de ses dispositions, le juriste d'entreprise ait été en charge de questions contentieuses ; qu'en rejetant la demande d'inscription au barreau de Bastia de Monsieur X... au motif « que les pièces produites établissent la réalité d'une activité que le demandeur lui-même décrit mais dont les conseils et leur application pratique concernaient des montages juridiques, exclusifs de questions contentieuses » (arrêt, p. 4), la Cour d'appel, qui lui a opposé une condition non prévue par la loi, a violé le texte susvisé ;
ALORS en deuxième lieu QUE pour prétendre au bénéfice de la dispense prévue par l'article 98, 3° du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, le juriste d'entreprise doit exercer ses fonctions dans un service chargé dans l'entreprise des problèmes juridiques posés par l'activité de celle-ci ; qu'en retenant « que les pièces produites établissent la réalité d'une activité que le demandeur lui-même décrit » (arrêt, p. 4, pénultième paragraphe), c'est-à -dire l'existence d'actes réalisés « pour le compte de AAC » (ibid., antépénultième paragraphe), la Cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé ;
ALORS en troisième lieu QUE les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner et analyser tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en vue de la décision du Conseil de l'Ordre des avocats au barreau de Bastia, rendue le 19 juin 2012, Monsieur X... avait transmis un certains nombre de documents témoignant de son activité pour le compte de la SARL AAC, « notamment bail commercial, chéquier conseil, ¿ arborescence de la SARL AAC » (décision du Conseil de l'Ordre des avocats au barreau de Bastia du 19 juin 2012, notifiée à Monsieur X... par LRAR le 21 juin 2012, p. 4) ; qu'en se bornant à relever « qu'au cours de son audition il a pu préciser à ce stade ¿ : "Pour le compte de AAC j'ai fait l'assemblée générale et des cessions de parts ¿ j'ai fait également un dossier auprès de la préfecture pour l'activité formation du cabinet ¿" » (arrêt, p. 4), sans analyser, même sommairement, les autres éléments de preuve qui lui étaient soumis, la Cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS en quatrième lieu QUE lors de son audition par Maître Albertini, le 22 mai 2012, Monsieur X... a affirmé « pour le compte de AAC j'ai fait l'assemblée générale et des cessions de parts ¿ j'ai fait également un dossier auprès de la préfecture pour l'activité formation du cabinet », joignant notamment deux procès-verbaux d'assemblées générales extraordinaires de la société AAC portant cession de parts (rapport d'enquête de Maître Albertini, p. 4) ; qu'en se contentant de relever que les pièces produites établissent la réalité d'une activité réalisée « pour l'essentiel dans l'intérêt de clients de l'entreprise AAC et de façon très résiduelle pour l'entreprise elle-même » et « que ces éléments précisément analysés par la décision du Conseil de l'Ordre suffisent à dénier à Monsieur X... Raymond la qualité de juriste d'entreprise » (arrêt, p. 4), sans indiquer en quoi ces actes, assurant le montage juridique des opérations que nécessite la vie des affaires de la société AAC, ne permettaient pas de lui reconnaitre la qualité de juriste d'entreprise, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 98-3 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991.