LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches :
Attendu que Mme X..., atteinte d'une hémiplégie droite à la suite de l'ablation d'un kyste épidermoïde intracrânien, pratiquée le 27 février 2006, fait grief à l'arrêt attaqué (Pau, 23 février 2012), de rejeter sa demande envers l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), au titre de la solidarité nationale, alors, selon le moyen :
1°/ que l'accident médical ouvre droit à la réparation des préjudices du patient lorsqu'il emporte des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci ; qu'en retenant, pour écarter l'anormalité des conséquences de l'accident médical subi par Mme X..., que le risque d'hémiplégie était « prévisible » et qu'il n'était pas « suffisamment rare dans sa survenance pour pouvoir considérer que les préjudices qui en découlent sont anormaux », quand seule importait la comparaison entre les conséquences de l'accident médical et l'état de santé antérieur du patient et son évolution prévisible, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et a violé l'article L. 1142-1 du code de la santé publique ;
2°/ que l'anormalité des conséquences d'un accident médical s'apprécie notamment au regard de l'état de santé du patient au moment de l'intervention ; qu'en retenant, en l'espèce, que les conséquences de l'accident médical n'étaient pas anormales quand elle constatait pourtant que Mme X... avait « subi des préjudices d'une très grande gravité... d'autant plus caractérisés qu'elle ne souffrait d'aucun déficit neurologique avant l'intervention », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L. 1142-1 du code de la santé publique ;
Mais attendu que, par motifs propres et adoptés, la cour d'appel a constaté, que, selon les éléments fournis par les experts, l'hémiplégie dont Mme X... était atteinte et qui était directement imputable aux gestes du chirurgien, était une complication prévisible de l'exérèse de ce kyste et qu'à défaut d'intervention, même si l'hémiplégie n'était pas inéluctable, l'accroissement lent et régulier du kyste sans possibilité de résorption naturelle laissait présager pour elle de graves difficultés médicales, l'évolution d'une hypertension artérielle constituant un risque mortel ; qu'elle a exactement déduit de ces circonstances, d'où il résultait que Mme X... avait dû subir, dans l'espoir d'obtenir une amélioration de son état de santé, une intervention indispensable, présentant un risque important lié à sa pathologie et qui s'était réalisé, que les conséquences, aussi graves qu'elles soient, de l'acte de soins ne présentaient pas de caractère anormal au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci au sens de l'article L. 1142-1, II du code de la santé publique et que dès lors, l'indemnisation du dommage subi ne relevait pas de la solidarité nationale ; d'où il suit que ces griefs ne sont pas fondés ;
Et attendu que les trois dernières branches du premier moyen ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur le second moyen :
Attendu que le rejet du premier moyen rend le second inopérant ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux juillet deux mille quatorze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour Mme X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué, confirmatif de ce chef, d'AVOIR débouté Madame X... de l'ensemble de ses demandes formées contre l'ONIAM en indemnisation de ses préjudices nés des conséquences de l'exérèse d'un kyste épidermoïde par le docteur Y...; AUX MOTIFS PROPRES QU'un examen neurologique pratiqué au scanner le 17 janvier 2006 a permis de diagnostiquer chez Madame X... la présence d'un kyste épidermoïde intracrânien ; le docteur Y...a procédé à l'ablation de ce kyste le 27 février 2006, et dès son réveil, Mme X... a présenté une hémiplégie droite non réversible ; les expertises médicales ont toutes démontré que, malgré la gravité évidente et indiscutable des conséquences corporelles, aucune faute ne peut être imputée au docteur Y...; que Madame X... a donc engagé une procédure en indemnisation sur le fondement de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique dont il résulte que lorsque la responsabilité d'un professionnel n'est pas engagée, un accident médical ouvre droit à la réparation des préjudices du patient lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de soins, et qu'il ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci, et qu'ils présentent un caractère de gravité fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacité fonctionnelle et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte tenu du taux d'incapacité permanente ou de la durée de l'incapacité temporaire de travail ; qu'il est établi et non discuté que Madame X... a subi des préjudices d'une très grande gravité, et qu'ils sont d'autant plus caractérisés qu'elle ne souffrait d'aucun déficit neurologique avant l'intervention ; il est également établi que l'hémiplégie est la conséquence directe du geste médical non fautif pratiqué au cours de l'intervention chirurgicale du 27 février 2006 ; par contre, les parties s'opposent sur la question portant sur l'anormalité des conséquences résultant de cet acte de soins au regard de l'état de santé de Madame X... avant l'intervention, mais également de l'évolution prévisible de celui-ci ; l'affection dont souffre Madame X... a donné lieu à deux rapports d'expertise médicale, la première confiée au professeur A..., et la suivante au professeur B... ; dans son rapport du 5 février 2007, le professeur A...a souligné que la chirurgie d'exérèse, c'est-àdire d'ablation des kystes épidermoïdes, connaît une morbidité importante ; il a souligné que ce type d'intervention comporte des risques de récidive, de paralysie, ainsi que des risques hémorragiques et infectieux ; il a indiqué que dans le cas de Madame X..., ce kyste ne pouvait faire l'objet d'un traitement médical ou radiothérapique et qu'en raison de sa localisation et de son importance, seul le recours à la chirurgie était envisageable et devait intervenir rapidement en raison de l'hypertension intracrânienne dont souffrait la patiente ; le professeur B... a également souligné que les kystes épidermoïdes ont une évolution lente mais régulière qui aurait plus tardivement entraîné le même type de troubles que ceux présentés actuellement par Madame X..., c'est-à-dire une hémiplégie droite ; que Madame X... a soutenu que cette intervention chirurgicale aurait pu être retardée, d'autant que selon elle, l'hypertension intracrânienne n'était pas manifeste ; elle s'appuie sur l'avis émis par le docteur Z...auquel elle a remis les rapports de ces deux experts ; que la cour constate d'une part que le docteur Z...est un médecin généraliste, qui ne justifie donc une compétence particulière dans le domaine de la chirurgie et de la neurologie, et qu'il s'agit par ailleurs d'un simple avis donné de manière non contradictoire sur la base de la lecture d'un rapport d'expertise judiciaire ; contrairement à ce qu'a soutenu Madame X..., les deux médecins experts ont mis en évidence une hypertension intracrânienne importante, et justifié de manière motivée que l'intervention chirurgicale était la seule possible en raison de la taille de ce kyste et de sa localisation ; le praticien qui l'avait opérée, le docteur Y..., avait d'ailleurs noté dans un courrier du 17 mars 2006 adressé à son médecin traitant « que ces céphalées étaient en rapport avec une hypertension intracrânienne sur un processus de type de kyste épidermoïde de gros volume avec effet de masse important. Devant cette masse et les signes d'hypertension intracrânienne, nous avions donc retenu l'indication chirurgicale sur cette lésion » ; d'autre part, l'expert judiciaire a évoqué dans son rapport le fait que, lors de l'examen pratiqué sur la personne de Madame X... le 29 octobre 2009 pour les besoins de l'expertise, celle-ci avait reconnu que le risque d'une hémiplégie définitive avait été évoqué par le docteur Y...préalablement à l'intervention de neurochirurgie, mais qu'elle n'avait pas réalisé que ce trouble éventuel pouvait s'avérer définitif ; Madame X... a effectivement signé le 21 février 2006 un document attestant de la délivrance de l'information relative aux risques liés à l'intervention ; il y a donc lieu de juger qu'elle a été suffisamment informée de l'évolution des troubles en l'absence d'opération, des risques opératoires, mais également des bénéfices attendus ; Madame X... a déclaré que c'est son mari et non elle qui aurait apposé sa signature sur ce document, mais elle n'en rapporte pas expressément la preuve, et elle a reconnu néanmoins avoir reçu une information sur la nécessité de l'intervention et sur les risques et les conséquences post-opératoires ; il résulte de l'ensemble de ces éléments que le risque d'une hémiplégie consécutive à l'opération d'ablation du kyste était connu de l'équipe médicale, et que l'information tenant au risque de paralysie a été délivrée à la patiente ; qu'en outre, à défaut d'intervention, même si l'hémiplégie n'était pas inéluctable, l'accroissement lent et régulier du kyste sans possibilité de résorption naturelle laissait présager de graves difficultés médicales pour Madame X... ; qu'il convient de rappeler que selon le professeur A..., l'évolution d'une hypertension intracrânienne est le risque mortel, et dès lors les conséquences de l'intervention réalisée par le docteur Y...ne peuvent être considérées comme anormales au regard de l'évolution prévisible de l'état de santé de Madame X... ; que l'hémiplégie est une complication possible d'une opération consistant dans l'ablation d'un kyste logé dans la région cervicale, et dans la mesure où ce risque est prévisible, cette complication ne présente pas un caractère suffisamment rare dans sa survenance pour pouvoir considérer que les préjudices qui en découlent sont anormaux ; qu'en conséquence, il y a lieu de juger que les conditions requises par l'article L. 1142-1 du code de la santé publique ne sont pas remplies, et de confirmer le jugement du 8 décembre 2010 déboutant Madame X... de ses demandes ; ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE le risque d'une hémiplégie à l'occasion de l'exérèse du kyste dont souffrait Madame X... était connu de l'équipe médicale et que l'information tenant au risque de paralysie a été délivrée à la patiente ; que même si l'état de santé actuel de Madame X... est sans rapport avec son état de santé antérieur, les graves préjudices dont elle souffre désormais et qui sont directement imputables aux gestes du chirurgien, ont eu pour la patiente des conséquences qui étaient craintes car connues du corps médical ; qu'en outre, à défaut d'intervention, même si l'hémiplégie n'était pas inéluctable, l'accroissement lent mais régulier du kyste, sans possible résorption naturelle, laissait présager de graves difficultés médicales pour Madame X... dont les céphalées intenses étaient devenues quasi-quotidiennes ; qu'ainsi, en l'absence d'intervention, le devenir médical de Madame X... aurait néanmoins été émaillé de lourds problèmes médicaux ; effectivement, selon le rapport d'expertise du professeur A..., l'évolution d'une hypertension intracrânienne est mortelle ; dès lors, les conséquences de l'intervention réalisée par le docteur Y...ne peuvent être considérées comme anormales au regard de l'évolution prévisible de l'état de santé de Madame X... ; que le caractère d'anormalité suppose un risque statistique plausible dans son principe mais infinitésimal dans sa réalisation ; or, l'hémiplégie est une complication possible d'une opération consistant en une exérèse d'un kyste logé dans la région cervicale ; par conséquent, le risque d'hémiplégie étant prévisible, cette complication ne présente pas un caractère suffisamment rare dans sa survenance pour pouvoir considérer que les préjudices qui en découlent sont anormaux ; 1°) ALORS QUE l'accident médical ouvre droit à la réparation des préjudices du patient lorsqu'il emporte des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci ; qu'en retenant, pour écarter l'anormalité des conséquences de l'accident médical subi par Madame X..., que le risque d'hémiplégie était « prévisible » et qu'il n'était pas « suffisamment rare dans sa survenance pour pouvoir considérer que les préjudices qui en découlent sont anormaux » (arrêt, p. 6, § 7), quand seule importait la comparaison entre les conséquences de l'accident médical et l'état de santé antérieur du patient et son évolution prévisible, la Cour d'appel a statué par des motifs inopérants et a violé l'article L. 1142-1 du Code de la santé publique ; 2°) ALORS QUE l'anormalité des conséquences d'un accident médical s'apprécie notamment au regard de l'état de santé du patient au moment de l'intervention ; qu'en retenant, en l'espèce, que les conséquences de l'accident médical n'étaient pas anormales quand elle constatait pourtant que Madame X... avait « subi des préjudices d'une très grande gravité... d'autant plus caractérisés qu'elle ne souffrait d'aucun déficit neurologique avant l'intervention » (arrêt, p. 5, § 1), la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L. 1142-1 du Code de la santé publique ; 3°) ALORS QUE sont anormales les conséquences d'un accident médical sans rapport avec l'état de santé antérieur du patient ou son évolution prévisible à court terme ; qu'en écartant le caractère anormal des conséquences de l'accident médical, quand l'hémiplégie constituant déficit fonctionnel permanent de 70 % et provoquée par l'exérèse d'un kyste épidermoïde était hors de proportion avec la gravité de cette pathologie qui était à l'origine de céphalées migraineuses et de son évolution prévisible à court terme, la Cour d'appel a violé l'article L. 1142-1 du Code de la santé publique ; 4°) ALORS QU'en retenant, pour écarter l'anormalité des conséquences de l'accident médical, que « le professeur B... a vait également souligné que les kystes épidermoïdes ont une évolution lente mais régulière qui aurait plus tardivement entraîné le même type de troubles que ceux présentés actuellement par Madame X... » (arrêt, p. 5, § 8), quand cet expert judiciaire ne concluait pas à la certitude de cette évolution mais n'en rappelait que l'éventualité en soulignant que le kyste « aurait pu tardivement entraîner » une hémiplégie, sans préciser dans quel délai lointain, (rapport d'expertise du professeur B..., p. 6, § 2), la Cour d'appel a dénaturé les conclusions du rapport d'expertise et violé le principe interdisant au juge de dénaturer les documents de la cause ; 5°) ALORS QU'en retenant, pour écarter l'anormalité des conséquences de l'accident médical, que « les deux médecins experts avaient mis en évidence une hypertension intracrânienne importante » (arrêt, p. 5, § 12), laquelle était contestée par Madame X..., quand l'un de ces deux experts relevait au contraire que « l'état antérieur de Madame X... comportait seulement un état migraineux ancien » (rapport d'expertise du professeur B..., p. 5, antépénultième §), qu'elle « n'avait pas d'autre antécédent médical » (ibid., p. 4, § 9), qualifiant même cet état antérieur de « normal » (ibid., p. 6, § 1), la Cour d'appel a dénaturé les conclusions du rapport d'expertise et violé le principe interdisant au juge de dénaturer les documents de la cause.SECOND MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré irrecevable la demande présentée à titre subsidiaire par Madame X... et tendant à l'indemnisation de sa perte de chance ; AUX MOTIFS QU'il s'agit effectivement d'une demande qui n'avait pas été présentée en première instance et qu'elle ne rentre pas dans le champ d'application de l'article 564 du Code de procédure civile, puisque cette demande n'a pas été présentée pour opposer la compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ; ALORS QUE n'est pas nouvelle la prétention qui tend aux mêmes fins que la demande soumise au premier juge ; qu'en retenant cependant que la demande subsidiaire présentée par Madame X... pour la première fois en cause d'appel était irrecevable, quand cette demande fondée sur la perte de chance tendait aux mêmes fins que la demande en indemnisation de l'entier préjudice soumise aux premiers juges, en sorte qu'elle était recevable en cause d'appel, la Cour d'appel a violé l'article 565 du Code de procédure civile.