LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Frédéric X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de GRENOBLE, chambre correctionnelle, en date du 10 juin 2013, qui, pour fraude fiscale, l'a condamné à 5 000 euros d'amende avec sursis et a prononcé sur les demandes de l'administration fiscale, partie civile ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 12 juin 2014 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : Mme Nocquet, conseiller doyen faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Germain, conseiller rapporteur, Mme Ract-Madoux, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Leprey ;
Sur le rapport de M. le conseiller GERMAIN, les observations de la société civile professionnelle DE CHAISEMARTIN ET COURJON, Me FOUSSARD, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général CABY ;
Vu les mémoires en demande, en défense et complémentaire produits ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 121-1, 121-3 du code pénal, 1741 et 1745 du code général des impôts et 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
« en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré M. X... coupable du délit de fraude fiscale qui lui était reproché, l'a condamné, en répression, à une amende de 5 000 euros avec sursis et l'a déclaré solidairement tenu avec la société Ixis Finances au paiement des impôts fraudés s'établissant à la somme de 245 819 euros et à celui des pénalités y afférentes ;
« aux motifs qu'en droit, selon l'article 1741 du code général des impôts, constitue le délit de fraude fiscale, le fait par quiconque de s'être frauduleusement soustrait ou d'avoir tenté de se soustraire frauduleusement à l'établissement ou au paiement total ou partiel des impôts, soit qu'il ait volontairement omis de faire sa déclaration dans les délais prescrits, soit qu'il ait volontairement dissimulé une part des sommes sujettes à l'impôt, soit qu'il ait organisé son insolvabilité ou mis obstacle au recouvrement de l'impôt, soit en agissant de toute autre manière frauduleuse ; qu'il incombe au dirigeant d'une société redevable de l'impôt de s'assurer de la conformité et de la sincérité des déclarations fiscales déposées au nom de la société qu'il dirige et il est responsable de manière générale du bon accomplissement par cette société de l'ensemble de ses obligations fiscales ; que le délit de fraude fiscale est une infraction intentionnelle supposant la volonté de frauder qui ne peut se déduire de la seule qualité de dirigeant de droit d'une société tenue par des obligations fiscales ; que le dirigeant de droit se rend coupable de fraude fiscale s'il est établi qu'il s'est abstenu consciemment de veiller au respect des obligations fiscales incombant à la société qu'il dirige ; qu'en l'espèce, la dissimulation des sommes soumises à l'impôt, élément matériel du délit est caractérisé par le fait que la société Ixis Finances a déclaré au titre du mois de décembre 2006 un chiffre d'affaires hors taxe de 48 622 euros, alors qu'en réalité son chiffre d'affaires imposable s'élevait à la somme de 1 419 575 euros, dont 1 254.180 euros correspondant à une facture d'honoraires de 1 500 000 euros TTC du 31 décembre 2006, relative au montage d'une opération financière réalisée au profit de la société Foncière Sophia Antipolis facture payée le jour même de son émission par voie de compensation, la volonté de dissimulation se déduisant, d'une part, de l'inscription dans la comptabilité de l'exercice 2006 de la TVA due au titre de cette facture et d'autre part, du témoignage de M. Y..., expert-comptable de la société, selon lequel le chiffre d'affaires inscrit dans la déclaration de TVA déposée au titre du mois de décembre 2006 n'était pas conforme au projet de déclaration qu'il avait établi et avait été délibérément minoré pour éluder le paiement de l'impôt ; que le prévenu gérant de droit de la société Ixis Finances sur la période du 15 février 2006 au 6 octobre 2008, à supposer comme il prétend qu'il ne soit pas l'initiateur de la fraude, avait l'obligation de vérifier la conformité de la déclaration de TVA aux éléments d'assiette de l'impôt dont il avait connaissance et il ne prétend pas avoir délégué tout ou partie de ses pouvoirs à cet effet ; qu'il ne peut se déduire de la circonstance selon laquelle que la société Ixis Finances dont il avait accepté la gérance sans avoir la qualité d'associé, ait été contrôlée par la société Euromaîtrise, détentrice de la totalité de son capital qu'il était dessaisi en fait de son pouvoir de direction et de contrôle de la gestion de cette société ; que de même, le fait que la comptabilité de la société Ixis Finances ait été traitée au siège de la société d'Euromaîtrise à Genève en collaboration avec l'expert de la société qui en a attesté, n'implique nullement que le prévenu ait pu être laissé dans l'ignorance au regard de l'importance des montants en cause pour une société de prise de participations, de la facturation de prestations pour une somme de 1 500 000 euros TTC à une société du même groupe dont il était également à l'époque le dirigeant, et des modalités de règlement de cette facture par voie de compensation ; que le fait qu'il lui ait été refusé l'accès en décembre 2010 par la banque de la société Foncière Sophia Antipolis à des informations relatives à ces opérations ne vient pas démontrer comme il le prétend qu'il était démuni de tout pouvoir de gestion réel au sein des sociétés confiées à sa direction, dans la mesure où à cette époque, il n'était plus investi d'aucune fonction dans ces sociétés ; que ce n'est en définitive que le 24 juin 2008, alors qu'il savait depuis juin 2007 que la TVA due au titre de l'année 2006 n'avait pas été intégralement payée, qu'il a demandé à l'expert-comptable de la société Ixis Finances de procéder à une régularisation dans des termes révélant qu'il avait bien connaissance de la facturation de la société Ixis Finances à la société Foncière Sophia Antipolis et de l'absence de déclaration du chiffre d'affaires correspondant ; que le 8 juillet 2008, l'expert-comptable en exécution de ses instructions lui adressait une déclaration complétive à signer et déposer. Il s'avère en définitive que le prévenu n'a pas veillé au dépôt effectif de cette déclaration complétive, demeurée ignorée de l'administration fiscale, de sorte qu'aucune régularisation n'a été opérée avant engagement des opérations de vérification. Il apparaît dans ces conditions que la démarche effectuée le 24 juin 2008 s'analyse davantage comme une tentative du prévenu de s'exonérer de sa responsabilité dans la perspective d'une prochaine démission de ses fonctions de gérant et n'est pas démonstrative de sa bonne foi ; qu'il est clairement établi qu'il a pris part à la fraude ; qu'au vu de ces éléments, la cour considère que le délit de fraude fiscale reproché au prévenu est constitué en tous éléments, tant matériels qu'intentionnels et reformant la décision de relaxe des premiers juges, déclarera M. X... coupable de ce délit ; que sur la peine, la cour constate que le casier judiciaire de M. X... ne mentionne pas de condamnation ; qu'il sera tenu compte du contexte particulier de commission de l'infraction au sein d'un groupe de société dans lequel il n'était que très partiellement intéressé pour le condamner à une amende de 5 000 euros entièrement assortie du sursis ; que sur sa demande de non-inscription de la condamnation au bulletin n° 2 de son casier judiciaire pourra être utilement prise en considération après constatation de l'exécution des dispositions du présent arrêt ; que la cour estime devoir rejeter cette demande en l'état ; que ses autres demandes sont sans objet ; que sur l'action civile, la cour déclarera la direction générale des services fiscaux recevable en sa constitution de partie civile, en application de l'article L. 232 du Livre des procédures fiscales et faisant droit à sa demande, par application de l'article 1745 du code général des impôts, dira que M. X... sera solidairement tenu avec la société Ixis Finances au paiement des impôts fraudes et à celui des pénalités y afférentes ;
"1°) alors, d'une part, que sauf si la loi en dispose autrement, le chef d'entreprise, qui n'a pas personnellement pris part à la réalisation de l'infraction, peut s'exonérer de sa responsabilité pénale s'il rapporte la preuve qu'il a délégué ses pouvoirs à une personne pourvue de la compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires ; que la preuve d'une telle délégation n'est soumise à aucune forme ; que les juges sont tenus de répondre aux chefs péremptoires des conclusions dont ils sont régulièrement saisis ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel, M. X... se prévalait expressément des dispositions de l'article L 121-1 du code pénal et de la jurisprudence exonérant le dirigeant sa responsabilité pénale lorsque ses pouvoirs sont effectivement délégués ; qu'il soutenait, à cet égard, « que c'est M. Z... qui est à l'initiative de la création des sociétés du groupe, lesquelles sont en Suisse, lieu de domiciliation de M. Z..., soit leur siège social, soit leur organisation administrative et comptable ; que le personnel en charge de la comptabilité du groupe, notamment de la société Ixis Finances est sous la responsabilité de sociétés qui appartiennent à M. Z... et qui sont gérées par lui ou par Mme A... ; que c'est sur sa signature et via la société Euromaîtrise que la dette de TVA a finalement été régularisée auprès du comptable du Trésor », (¿) que « l'examen des faits, décrits dans le procès-verbal d'audition de M. Y..., démontre au contraire que le circuit de déclaration et de paiement de la TVA, fait intervenir différentes personnes, parmi lesquelles M. X... n'est justement jamais cité (¿) ; que, dès lors, faute d'avoir accès à la comptabilité et aux déclarations de TVA qu'il ne signait pas, on ne voit pas comment M. X... aurait pu matériellement souscrire une déclaration de TVA volontairement minorée ; que c'est donc bien en la personne de M. Z..., dirigeant de fait, qu'il faut rechercher la responsabilité de cette infraction » ; que, dès lors, en ne répondant pas à ce moyen invoquant l'existence d'une délégation de pouvoirs en faveur de M. Z..., dirigeant de droit de la société mère Euromaîtrise, et dirigeant de fait de la société Ixis Finances, au motif erroné que le prévenu, qui avait l'obligation de vérifier la conformité de la déclaration de TVA aux éléments d'assiette de l'impôt dont il avait connaissance, « ne prétend pas avoir délégué tout ou partie de ses pouvoirs à cet effet », la cour d'appel violé l'article 593 du code de procédure pénale ;
"2°) alors, d'autre part, que tout jugement doit contenir les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction de motifs équivaut à leur absence ; que dans ses conclusions d'appel, M. X... soutenait qu'à supposer même qu'il eut été informé de l'existence de la facture du 31 décembre 2006, il ne pouvait savoir au moment du bilan de clôture de l'exercice 2006, établi au premier semestre 2007, que la TVA afférente à cette facture du 31 décembre était exigible au titre du mois de décembre 2006, dès lors que ladite facture mentionnait « facture à régler à la société Euromaîtrise, rue du Rhône, 19.1204 Genève par virement selon RIB ci-joint » et qu'aucun virement n'était intervenu à ce titre sur le compte de la société Ixis Finances ; que, dès lors, en se bornant à affirmer que le prévenu savait depuis juin 2007 que la TVA due au titre de l'année 2006 n'avait pas été intégralement payée, sans expliquer de quels éléments de preuve elle tirait cette affirmation contredite par les éléments du dossier pénal, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 593 du code de procédure civile ;
"3°) alors, en outre, qu'il n'y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel, M. X... soutenait avoir demandé à M. Y..., expert-comptable du groupe Éric Z..., dès qu'il avait eu connaissance de non-paiement de la TVA due au titre de la facture du 31 décembre 2006, soit le 24 juin 2008, de régulariser ladite TVA, s'être ensuite rendu au siège de la société Euromaîtrise, à Genève, où il avait remis à Mme B..., comptable salariée de la société Euromaîtrise chargée de la comptabilité du groupe, la déclaration CA3 complétive établie par l'expert-comptable le 8 juillet 2008 à sa demande, puis avoir adressé sans succès un courrier électronique à Mme A..., administrateur de la société Euromaîtrise aux côtés de M. Arnoux, lui demandant de procéder, sur le compte de sa filiale Ixis Finances, exsangue de trésorerie, au virement de la somme nécessaire pour payer la TVA due avant le 21 juillet 2008 ; que dès lors, en se bornant à affirmer que le prévenu n'avait pas veillé au dépôt de la déclaration complétive que lui avait adressée l'expert-comptable le 8 juillet 2008, sans rechercher s'il ne résultait pas du courriel du 15 juillet 2008, produit aux débats, adressé à l'un des deux dirigeants de la société Euromaîtrise, associé unique de la société Ixis Finances, que M. X... avait pris des initiatives pour régulariser la taxe due, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1741 du code général des impôts et 593 du code de procédure pénale » ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériel qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable ;
D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix septembre deux mille quatorze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;