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24/09/2014 | FRANCE | N°13-18125

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 24 septembre 2014, 13-18125


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 avril 2013), que la société Sector consulting a conclu le 10 septembre 2004 un contrat qualifié de « contrat de prestations de service » avec M. X..., par lequel ce dernier était chargé d'une mission tendant à assurer le développement commercial de la société ; que n'étant plus réglé du montant de toutes ses factures, M. X... a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de requalification en contrat de travail de son contrat de prest

ation de service, et de diverses demandes relatives tant à l'exécution du...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 avril 2013), que la société Sector consulting a conclu le 10 septembre 2004 un contrat qualifié de « contrat de prestations de service » avec M. X..., par lequel ce dernier était chargé d'une mission tendant à assurer le développement commercial de la société ; que n'étant plus réglé du montant de toutes ses factures, M. X... a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de requalification en contrat de travail de son contrat de prestation de service, et de diverses demandes relatives tant à l'exécution du contrat qu'à la rupture de celui-ci ;
Attendu que le demandeur fait grief à l'arrêt de dire que le contrat liant les parties n'est pas un contrat de travail, alors, selon le moyen :
1°/ que constitue un contrat de travail la convention établie à l'entête d'une entreprise de conseil, par laquelle celle-ci confie à un prétendu « prestataire » le poste de directeur des ventes (sales executive), mentionnant qu'il « agira au nom et pour le compte de sa société », « fera partie intégrante de l'encadrement de la société », exercera ses fonctions dans les locaux de celle-ci, lui réservera l'exclusivité de ses services (ce qui interdit audit « prestataire » d'avoir d'autres « clients »), imposant audit prestataire des « objectifs » de réussite de l'entreprise, à peine de rupture du contrat, le rémunérant en fonction de ces objectifs et prévoyant que l'entreprise peut lui allouer des « primes » à titre de « pure libéralité » en reconnaissance de ses mérites ou de l'efficacité de ses services (ce qui ne correspond nullement à un prix de prestataire) et prévoyant que les missions s'exerceront « sous contrôle du vice-président » ; qu'en refusant de qualifier de contrat de travail une telle convention, qui intégrait M. X... dans l'organisation de l'entreprise et dans sa hiérarchisation, sans aucune possibilité d'avoir d'autres relations professionnelles avec quiconque, la cour d'appel a violé l'article L. 1221-1 du code du travail ;
2°/ que la présomption de l'article L. 8221-6 du code du travail ne peut jouer que si l'immatriculation au registre du commerce est antérieure à la conclusion du contrat ; que M. X... faisait valoir que le contrat signé le 10 septembre 2004 était antérieur à son inscription au registre national des entreprises, au demeurant imposée par les sociétés Sector ; qu'en faisant jouer la présomption légale au bénéfice d'un contrat signé et entré en vigueur antérieurement, la cour d'appel a violé l'article L. 8221-6 du code du travail ;
3°/ que les conditions de travail ci-dessus énumérées plaçaient M. X... dans un lien de subordination juridique permanent à l'égard des sociétés Sector consulting et Sector ; qu'en refusant de requalifier le contrat, la cour d'appel a violé l'article L. 8221-6, alinéa 2, du code du travail ;
4°/ que ni la circonstance que M. X..., cadre de très haut niveau, n'ait pas reçu d'instruction particulière sur l'exécution de son travail, par ailleurs défini par les objectifs de résultat qui lui étaient contractuellement impartis, ni celle qu'il n'aurait pas rendu de rapport d'activité ne sont de nature à faire perdre à la convention sa qualification de contrat de travail, résultant de l'intégration de M. X... dans l'entreprise ; que la cour d'appel a encore violé l'article L. 1221-1 du code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel, appréciant les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis et examinant les conditions de fait dans lesquelles étaient exécutées les fonctions contractuelles, a constaté, que M. X..., qui ne démontrait pas avoir été placé quant à l'organisation de son travail dans une situation de dépendance quelconque, ne recevait aucune instruction, ne rédigeait pas de rapport d'activité à l'attention de son cocontractant et disposait d'une extrême latitude quant à l'exécution de ses missions ; qu'elle a pu ainsi, abstraction faite d'un motif surabondant visé par la deuxième branche du moyen, en déduire l'absence de lien de subordination ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé et signé par M. Lacabarats, conseiller le plus ancien en ayant délibéré, conformément à l'article 456 du code de procédure civile, en l'audience publique du vingt-quatre septembre deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. X...

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR accueilli le contredit de compétence, d'avoir dit que le contrat de prestation de services liant les parties n'est pas un contrat de travail, d'avoir dit en conséquence que le conseil de prud'hommes de Paris est incompétent et d'avoir renvoyé la cause et les parties devant le tribunal de commerce de Paris ;
AUX MOTIFS QU' il résulte des pièces et conclusions que la société Sector Consulting a conclu le 10 septembre 2004 un contrat qualifié de « contrat de prestations de service » dans lequel M. X... était chargé d'une mission tendant à assurer le développement commercial de la société - dans les domaines des banques, assurances, mutuelles, sociétés financières - et de générer pour la société un chiffre d'affaires et une marge opérationnelle ; que ce contrat prévoyait une rémunération pour M. X... composée, à la fois, d'un fixe et d'une commission, fonction du chiffre d'affaires de la société, comportait une clause d'exclusivité et précisait que « le fait (pour M. X...) de ne pas avoir atteint (ses) objectifs (...) constituera(it) un motif réel et sérieux de rupture de contrat, à l'initiative de la société » ; que M. X... a régulièrement adressé à la société Sector Consulting des factures d'honoraires qui lui ont été réglées par celle-ci ainsi que par la société Sector, appartenant au même groupe que la société Sector Consulting ; qu'à compter de 2009, M. X... n'a plus été honoré du montant de toutes ses factures ; qu'il a écrit les 20 janvier et 2 février 2011 aux deux sociétés pour se plaindre de leur défaillance, réclamer la somme qu'il estimait lui être due et demander l'exécution de son contrat, constituant, en réalité, un contrat de travail, selon lui ; qu'il a saisi le conseil de prud'hommes le 3 février suivant, afin de voir requalifier en contrat de travail son contrat de prestations de service, signé le 10 septembre 2004 et voir condamner les sociétés Sector Consulting et Sector à lui payer le montants des salaires dont elles lui étaient redevables ; que, par lettres recommandées en date, respectivement, du 28 janvier et du 4 février 2011, les sociétés Sector Consulting et Sector ont informé M. X... qu'elles mettaient fin, selon la première, au « contrat de prestations de service daté du 10 septembre 2004 » et, d'après la seconde, à leurs « relations commerciales » ; que, devant le conseil de prud'hommes - où M. X... sollicitait, à titre additionnel, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, compte tenu de l'évolution des événements - les sociétés défenderesses ont soutenu l'incompétence de la juridiction prud'homale, en l'absence de contrat de travail ; que, par le jugement actuellement frappé de contredit, le conseil de prud'hommes a jugé que les parties étaient bien liées par un contrat de travail et a rejeté en conséquence le moyen d'incompétence opposé par les sociétés ; qu'il n'est pas contesté que c'est à M. X... qu'il incombe d'apporter la preuve qu'il était - comme il le prétend - lié à la société Sector Consulting et à la société Sector, par un contrat de travail ; qu'en effet, les parties ayant signé un contrat de prestation de services, la requalification de ce contrat en contrat de travail, suppose que M. X... démontre le caractère erroné de cette qualification initiale ; qu'en outre, étant immatriculé comme travailleur indépendant, à l'époque de la signature du contrat litigieux, M. X... tombe sous le coup de la présomption de non salariat, édictée par l'article L. 8221-6 du code du travail, qu'il lui revient de renverser ; que pour administrer la preuve dont il a ainsi la charge, M. X... fait valoir qu'il figurait dans l'organigramme du groupe Sector et bénéficiait des moyens de travail que lui procurait la société Sector Consulting (bureau, carte de visite professionnelle, véhicule automobile), qu'il « rapportait» à la Directrice administrative et financière de la société Sector et se trouvait placé sous l'autorité du président de la société Sector Consulting, que les termes employés par le contrat de « prestations de service» renvoient à des expressions voire des notions (« motif réel et sérieux de rupture », fixation d'objectifs) habituelles du contrat de travail, qu'il était placé, pour l'exécution de ses missions, sous le contrôle du vice-président de la société Sector Conseil (ou Consulting) et s'avérait tenu par une clause d'exclusivité, qu'il exerçait, de fait, les fonctions de « directeur de département - ou de « business unit » - effectuant des propositions dans le domaine des ressources humaines comme financières et possédant, d'ailleurs, le titre de vice-président dont il faisait usage, tant à l'intérieur de l'entreprise, qu'à l'égard des tiers ; que M. X... en conclut qu'un lien de subordination existait bien entre lui et les sociétés Sector Consulting ou Sector, et qu'au regard des liens qui l'unissaient à celles-ci, il est fondé à exciper de l'existence de ce contrat à l'égard de chacune d'elles ; que si l'intégration d'un travailleur dans un service organisé peut constituer un indice, permettant de qualifier de contrat de travail la relation unissant ce salarié à l'entreprise pour laquelle celui-ci travaille, encore faut-il que l'employeur détermine, lui-même, et lui seul, les conditions de travail de l'intéressé ; qu'or en l'espèce, si M. X... affirme avoir été tenu dans un tel lien de subordination, force est de constater que les pièces produites aux débats n'établissent nullement qu'il était placé, quant à l'organisation de son travail, dans une situation de dépendance quelconque - étant rappelé que les dispositions du contrat sont, à cet égard, dépourvues de caractère probant puisque, seule, la subordination effective de celui qui prétend être salarié, peut conduire à conclure à l'existence d'un contrat de travail ; qu'il importe peu, dès lors, que le contrat ait précisé que certaines des missions de M. X... (en matière d'organisation commerciale) s'effectueraient « sous contrôle du vice-président » - d'autant que, d'une part, la plupart des missions de M. X..., d'après ce même contrat, s'accomplissaient, elles, « avec le vice-président », termes exclusifs de tout rapport hiérarchique, et d'autre part, le prestataire de service est nécessairement assujetti à la demande et à la critique de son client ; que, contrairement à l'appréciation qu'en ont fait les premiers juges, les pièces versées aux débats - si elles attestent d'une incontestable implication de M. X... dans l'activité et le fonctionnement de la société Sector Consulting - ne contiennent aucune instruction donnée à M. X... par le président de la société Sector Consulting, M. Y..., ni quiconque d'autre ; qu'elles établissent seulement, et tout au plus, que ce dernier préparait des projets concernant le travail ou la rémunération des salariés de la société, dont il décidait avec M. Y..., avant de les mettre en oeuvre, notamment en animant, lui-même, des équipes de travail, en particulier lors de réunions, convoquées à son initiative ; que la cour cherche en vain les rapports d'activité qu'aurait pu adresser M. X... à M. Y... - étant précisé que les rapports d'activité visés par les premiers juges étaient ceux faits au personnel de la société Sector Consulting ; qu'aucune preuve n'est ainsi apportée du contrôle effectif, prétendument exercé sur M. X... et du caractère subordonné des fonctions de celui-ci ; que, de même, les circonstances de temps et de lieu relatives à l'exécution de ses missions par M. X... demeurent inconnues ; qu'en définitive, si l'intégration dans l'entreprise de M.
X...
est susceptible de recevoir une qualification, autre que celle de prestations de service, la requalification juridique appropriée ne peut conduire à la notion juridique de contrat de travail - précisément, compte tenu de l'extrême latitude dont M. X... apparaît avoir bénéficié, au sein de l'entreprise, en raison tant de l'étendue que des modalités d'exercice de ses pouvoirs au sein de l'entreprise ; que faute pour M. X... de renverser la présomption de non-salariat prévue à l'article L. 8221-6 du code du travail, la cour ne peut donc que constater l'incompétence du conseil de prud'hommes pour connaître des demandes de M. X... et renvoyer la cause et les parties devant le tribunal de commerce de Paris ;
1° ALORS QUE constitue un contrat de travail la convention établie à l'entête d'une entreprise de conseil, par laquelle celle-ci confie à un prétendu « prestataire » le poste de directeur des ventes (sales executive), mentionnant qu'il « agira au nom et pour le compte de sa société », « fera partie intégrante de l'encadrement de la société », exercera ses fonctions dans les locaux de celle-ci, lui réservera l'exclusivité de ses services (ce qui interdit audit « prestataire » d'avoir d'autres « clients »), imposant audit prestataire des « objectifs » de réussite de l'entreprise, à peine de rupture du contrat, le rémunérant en fonction de ces objectifs et prévoyant que l'entreprise peut lui allouer des « primes » à titre de « pure libéralité » en reconnaissance de ses mérites ou de l'efficacité de ses services (ce qui ne correspond nullement à un prix de prestataire) et prévoyant que les missions s'exerceront « sous contrôle du vice-président » ; qu'en refusant de qualifier de contrat de travail une telle convention, qui intégrait M. X... dans l'organisation de l'entreprise et dans sa hiérarchisation, sans aucune possibilité d'avoir d'autres relations professionnelles avec quiconque, la Cour d'appel a violé l'article L. 1221-1 du code du travail ;
2° ALORS QUE la présomption de l'article L.8221-6 du code du travail ne peut jouer que si l'immatriculation au registre du commerce est antérieure à la conclusion du contrat ; que M. X... faisait valoir que le contrat signé le 10 septembre 2004 était antérieur à son inscription au registre national des entreprises, au demeurant imposée par les sociétés Sector ; qu'en faisant jouer la présomption légale au bénéfice d'un contrat signé et entré en vigueur antérieurement, la Cour d'appel a violé l'article L.8221-6 du code du travail ;
3° ALORS QUE les conditions de travail ci-dessus énumérées plaçaient M. X... dans un lien de subordination juridique permanent à l'égard des sociétés Sector Consulting et Sector ; qu'en refusant de requalifier le contrat, la Cour d'appel a violé l'article L. 8221-6 alinéa 2 du code du travail ;
4° ALORS QUE ni la circonstance que M. X..., cadre de très haut niveau, n'ait pas reçu d'instruction particulière sur l'exécution de son travail, par ailleurs défini par les objectifs de résultat qui lui étaient contractuellement impartis, ni celle qu'il n'aurait pas rendu de rapport d'activité ne sont de nature à faire perdre à la convention sa qualification de contrat de travail, résultant de l'intégration de M. X... dans l'entreprise ; que la Cour d'appel a encore violé l'article L. 1221-1 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13-18125
Date de la décision : 24/09/2014
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 04 avril 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 24 sep. 2014, pourvoi n°13-18125


Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats (président)
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.18125
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