LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Vu les articles 455, alinéa 1er, et 458 du code de procédure civile ;
Attendu, selon la décision attaquée rendue en dernier ressort, que par décision du 19 décembre 2012, la commission d'indemnisation des victimes d'infractions (CIVI) de Bourgoin-Jallieu a alloué à M. X..., victime d'une agression, des indemnités au titre de ses préjudices, dont 142 964, 88 euros au titre de la perte de gains professionnels et de l'incidence professionnelle ; que le 5 février 2013, M. X... a signé un acte d'acquiescement à la décision ; que le 22 février 2013, M. X... a déposé une requête en rectification d'une erreur matérielle affectant la décision du 19 décembre 2012 ;
Attendu que pour faire droit à la requête de M. X..., la décision énonce qu'il résulte des motifs du jugement du 19 décembre 2012 que M. X... a été licencié le 25 juillet 2007, et que la commission a entendu indemniser sa perte de gains professionnels de cette date au 31 décembre 2020 sur la base d'un salaire net de 2 787, 25 euros, soit pendant une semaine, cinq mois et douze ans, soit 149, 25 mois soit une somme de 416 038, 85 euros au lieu de 250 877, 70 euros comme indiqué dans la décision ; qu'il s'agit là d'une seule erreur de calcul qui peut être réparée en application de l'article 462 du code de procédure civile ;
Qu'en statuant ainsi, sans énoncer succinctement les moyens du FGTI et sans y répondre, la CIVI a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, la décision rendue le 12 juillet 2013, entre les parties, par la commission d'indemnisation des victimes d'infractions près le tribunal de grande instance de Bourgoin-Jallieu ; remet, en conséquence la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ladite décision et, pour être fait droit, les renvoie devant la commission d'indemnisation des victimes d'infractions près le tribunal de grande instance de Vienne ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois octobre deux mille quatorze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils, pour le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à la décision attaquée d'avoir ordonné la rectification du jugement du 19 décembre 2012, d'avoir dit que le préjudice d'incidence professionnelle subi par M. X... pour la période de juillet 2008 au 31 décembre 2020 est de 416. 038, 85 euros et d'avoir dit en conséquence que le préjudice global au titre de l'incidence professionnelle et perte de gains professionnels s'élève à 308. 126, 03 euros ;
au visa selon lequel « le Fonds de garantie s'oppose à la demande au motif que M. Patrick X... a acquiescé au jugement du 5 février 2013 » ;
Alors que tout jugement doit, à peine de nullité, exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens ; que cet exposé peut revêtir la forme d'un visa des conclusions des parties avec l'indication de leur date ; qu'en statuant comme elle l'a fait sans viser les conclusions du Fonds de garantie ni exposer, même succinctement, les prétentions et moyens qu'elles contenaient, selon lesquels la requête en rectification d'erreur matérielle avait pour objet de modifier les droits et obligations reconnus aux parties et était irrecevable en raison de l'acte d'acquiescement du 5 février 2013 au jugement du 19 décembre 2012 en connaissance de l'erreur prétendue ensuite invoquée, la commission d'indemnisation des victimes d'infraction a violé les articles 455, alinéa 1er et 458 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)Il est fait grief à la décision attaquée d'avoir ordonné la rectification du jugement du 19 décembre 2012, d'avoir dit que le préjudice d'incidence professionnelle subi par M. Patrick X... pour la période de juillet 2008 au 31 décembre 2020 est de 416. 038, 85 euros et d'avoir dit en conséquence que le préjudice global au titre de l'incidence professionnelle et perte de gains professionnels s'élève à 308. 126, 03 euros ;
Aux motifs que « aux termes de l'article 462 du code de procédure civile les erreurs et omissions matérielles affectant un jugement peuvent toujours être réparées, même lorsqu'il est passé en force de chose jugée ; qu'en l'espèce, il résulte des motifs du jugement du 19 décembre 2012 que M. Patrick X... a été licencié le 25 juillet 2007, et que la commission a entendu indemniser sa perte de gains professionnels de cette date au 31 décembre 2020 sur la base d'un salaire net de 2. 787, 25 euros, soit pendant 1 semaine, 5 mois et 12 ans, soit 149, 25 mois, soit une somme de 416. 038, 85 euros au lieu de 250. 877, 70 euros comme indiqué dans la décision ; qu'il s'agit là d'une seule erreur de calcul qui peut être réparée en application de l'article 462 du code de procédure civile ; qu'il y a lieu dès lors de faire droit à la requête présentée par M. Patrick X... et d'ordonner en ce sens la rectification du jugement du 19 décembre 2012, les frais de la présente instance devant demeurer à la charge du Trésor public » ;
Alors, d'une part, qu'en statuant comme elle l'a fait, sans répondre aux conclusions par lesquelles le Fonds de garantie faisait valoir que la rectification de l'erreur alléguée tendait à modifier les droits et obligations des parties tels qu'énoncés par la décision en ce qu'elle permettrait une augmentation considérable de l'indemnisation allouée au titre de la réparation du préjudice de M. X..., selon une interprétation nouvelle et distincte des éléments de la cause pris en compte pour l'évaluation du poste de préjudice litigieux (concl. p. 6), la commission d'indemnisation des victimes d'infraction a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Alors, d'autre part, que si une juridiction peut rectifier les erreurs ou omissions matérielles affectant une décision rendue, elle ne peut modifier les droits et obligations reconnus aux parties par cette décision en procédant à une nouvelle appréciation des éléments de la cause ; qu'en considérant que la décision du 19 décembre 2012 contenait une erreur de calcul en ce qu'elle retenait une somme de 250. 877, 70 euros pour l'indemnisation de la perte de gains professionnels de M. X... entre le mois de juillet 2008 et le 31 décembre 2020, au lieu d'une somme de 416. 038, 85 euros correspondant au montant du salaire net mensuel de 2. 787, 25 euros, rapporté à la durée totale de cette période de 149, 25 mois, quand la décision du 19 décembre 2012 faisait mention du salaire net mensuel mais également du salaire brut et appréciait souverainement, en fonction de ces deux éléments et sans donner le détail d'une évaluation distincte de celle proposée par M. X..., la perte pour cette période à la somme de 250. 877, 70 euros, la Civi, sous couvert de rectification d'une erreur matérielle, a procédé à une nouvelle appréciation des éléments et faits de la cause et a modifié les droits et obligations des parties, en violation de l'article 462 du code de procédure civile ;
Alors, de troisième part, que l'acquiescement à un jugement emporte renonciation à en demander la rectification pour cause d'erreur matérielle si l'acquiescement est intervenu en connaissance de l'erreur invoquée ; qu'en statuant comme elle l'a fait sans rechercher, comme elle y était invitée (concl. p. 7), si M. X... avait eu connaissance de l'erreur alléguée dans sa requête du 22 février 2013 lorsqu'il avait acquiescé à la décision le 5 février précédent, ce qui rendait sa requête irrecevable, la commission d'indemnisation des victimes d'infractions a privé sa décision de base légale au regard des articles 409 et 462 du code de procédure civile.