LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses première, deuxième et cinquième branches :
Vu les articles L. 2314-3 et L. 2314-24 du code du travail ;
Attendu, selon le jugement attaqué, que, le 12 mars 2014, la société Bonafini a saisi le tribunal d'instance d'une requête en annulation de la candidature de M. X... présentée par le Syndicat général des transports et de la logistique (CNT-SGTL) au premier tour des élections des délégués du personnel au sein de la société ;
Attendu que, pour annuler la candidature de M. X..., le tribunal retient qu'en l'espèce, le syndicat SGTL CNT, s'il affirme exister depuis 1937, ne démontre pas précisément son existence depuis cette époque ni même depuis deux ans, que, s'agissant du nombre d'adhérents, le syndicat concerné évoque trois adhérents sans pour autant donner au tribunal au cours de cette instance les éléments matériels de ces adhésions, qu'enfin, pour être représentatif, le syndicat doit justifier de son « influence », celle-ci étant caractérisée par « l'activité et l'expérience » ;
Attendu, cependant, d'abord qu'aux termes de l'article L. 2314-3 du code du travail, sont informées, par voie d'affichage, de l'organisation des élections et invitées à négocier le protocole d'accord préélectoral et à établir les listes de leurs candidats aux fonctions de délégués du personnel, les organisations syndicales qui satisfont aux critères de respect des valeurs républicaines et d'indépendance, légalement constituées depuis au moins deux ans et dont le champ professionnel et géographique couvre l'entreprise ou l'établissement concerné ;
Attendu, ensuite, que la modification par un syndicat de ses statuts, y compris lorsqu'elle s'accompagne d'un changement de dénomination, n'a pas pour effet de remettre en cause l'ancienneté acquise par le syndicat à compter du dépôt initial de ses statuts ;
Qu'en statuant comme il a fait, le tribunal a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 25 mars 2014, entre les parties, par le tribunal d'instance de Mantes-la-Jolie ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d'instance de Versailles ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Bonafini à payer aux demandeurs la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix décembre deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la Confédération nationale du travail et M. X...
Ce moyen reproche au jugement attaqué d'avoir annulé la candidature de Monsieur Eric X... comme délégué du personnel du syndicat SGTL-CNT aux élections se déroulant dans l'établissement de GUERVILLE de la société BONAFINI ;
AUX MOTIFS QUE le premier tour des opérations électorales est réservé aux organisations syndicales ; que selon l'article L.2121-1 du Code du travail, la représentativité des organisations syndicales est déterminée d'après sept critères cumulatifs dont l'ancienneté minimale de deux ans dans le champ professionnel et géographique couvrant le niveau de négociation, cette ancienneté s'appréciant à compter de la date de dépôt légal des statuts, les effectifs des adhérents et les cotisations et l'influence ; qu'en l'espèce, le syndicat SGTL CNT, s'il affirme exister depuis 1937, ne démontre pas précisément son existence depuis cette époque ni même depuis deux ans ; que s'agissant du nombre d'adhérents, le syndicat concerné évoque trois adhérents sans pour autant donner au Tribunal au cours de cette instance les éléments matériels de ces adhésions ; qu'enfin, pour être représentatif, le syndicat doit justifier de son « influence », celle-ci étant caractérisée par « l'activité et l'expérience » ; qu'il s'agit là de la reprise d'un critère mis en exergue par la Cour de cassation : « c'est l'influence d'un syndicat qui caractérise son implantation durable et effective dans une entreprise, l'influence s'entendant des résultats objectifs d'une activité tournée vers la défense des intérêts des travailleurs et pas seulement l'aptitude à faire connaître le syndicat » ; que le syndicat SGTL CNT affirme distribuer régulièrement des tracts mais il ne produit à ce sujet aucun élément outre le fait qu'il n'apporte aucune preuve sur les actions qu'il a pu mener, témoignant ainsi de l'effectivité de la présence syndicale ; qu'en conséquence, il y a lieu d'annuler la candidature de Monsieur X... comme délégué du personnel de la confédération nationale SGTL au sein de l'établissement de GUERVILLE et il n'y a pas lieu de se prononcer sur les autres moyens ;
ALORS D'UNE PART QUE selon les articles L.2314-3 et L.2314-24 du Code du travail dans leur rédaction issue de la loi n°2008-789 du 20 août 2008, les syndicats qui satisfont aux critères d'indépendance, de respect des valeurs républicaines et d'ancienneté de deux ans dans le champ professionnel et géographique couvrant l'entreprise sont invités à la négociation du protocole électoral et peuvent présenter leurs candidats au premier tour des élections des délégués du personnel, sans qu'il soit nécessaire qu'ils établissent leur représentativité dans l'entreprise ou l'établissement ; qu'en retenant, pour annuler la candidature de Monsieur X... présentée par le syndicat SGTL CNT au premier tour des élections des délégués du personnel, que ce dernier ne justifiait pas de l'influence exigée par l'article L.2121-1 du Code du travail pour être représentatif, le Tribunal d'instance, qui a subordonné l'application de la loi à une condition qu'elle ne comporte pas, a violé les articles L.2314-3 et L.2313-24 et, par fausse application l'article L.2121-1 du Code du travail ;
ALORS D'AUTRE PART QUE le Tribunal, qui a également retenu à l'appui de sa décision d'annulation que le syndicat SGTL CNT évoquait trois adhérents sans pour autant donner au cours de cette instance les éléments matériels de ces adhésions, a ce-faisant de nouveau ajouté à la loi et violé les articles L.2314-3 et L.2314-24 du Code du travail ;
ALORS DE TROISIEME PART et en tout état de cause, QU'en statuant ainsi sans tenir compte ni des éléments, comme les cartes syndicales et le cahier de trésorerie répertoriant les adhésions et le versement des cotisations des membres du syndicat, que le syndicat SGTL CNT avait produits à l'audience, ni de la copie de ce dernier document que le syndicat avait ensuite adressée en cours de délibéré à la Présidente du Tribunal, à la demande de cette dernière, le Tribunal d'instance n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS DE QUATRIEME PART QUE tout jugement doit être motivé à peine de nullité et les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans procéder à l'analyse même sommaire de tous les éléments de preuve soumis à leur appréciation par les parties ; qu'en se bornant à énoncer, pour dire que le syndicat SGTL CNT ne remplissait pas la condition d'ancienneté requise pour participer au premier tour des élections professionnelles, qu'il ne démontre pas précisément exister depuis 1937 comme il l'affirme, ni même depuis deux ans, sans procéder à aucun examen des éléments de preuve proposés par le syndicat, notamment du récépissé délivré par la Préfecture de la Seine le 5 janvier 1938 attestant du dépôt des statuts du syndicat général des transports, docks, livraisons, manipulations, déménagements et similaires de la région parisienne et du certificat d'existence de ce même syndicat établi le 29 mai 2012 par la mairie de PARIS ainsi que des statuts modifiés au mois de mars 2014 afin d'officialiser le changement de dénomination du syndicat et de rappeler son affiliation à la Confédération Nationale du Travail, le Tribunal d'instance, a statué par voie de simple affirmation et, partant, n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS DE CINQUIEME PART, et en outre, QUE l'exercice par les syndicats des libertés que leur reconnaît la Convention n°87 de l'OIT relative à la liberté syndicale et à la protection du droit syndical, ratifiée par la France, au rang desquelles figurent celles d'élaborer et de modifier leurs statuts, d'élire leurs représentants et s'affilier à des fédérations ou des confédérations, ne peut entraîner la perte de leur personnalité juridique ; que n'a pas non plus justifié sa décision au regard de cette Convention et de l'article L.2314-3 du Code du travail le Tribunal d'instance qui ne précise pas en quoi les modifications apportées aux statuts du syndicat général des transports, docks, livraisons, manipulations, déménagements et similaires de la région parisienne, initialement déposés en 1938, qui entérinaient en 2014 sa nouvelle dénomination de syndicat général des transports et de la logistique affilié à la confédération nationale du travail, interdisaient de considérer qu'il s'agissait du même syndicat ayant conservé sa personnalité juridique et pouvant dès lors se prévaloir de l'ancienneté correspondante ;
ET ALORS ENFIN QUE faute de s'être expliqué, comme il y était invité par le syndicat SGTL CNT, sur le fait que ledit syndicat avait été invité par la société BONAFINI à participer à l'élaboration du protocole préélectoral et qu'il avait été partie à la négociation, représenté par son secrétaire, Monsieur X..., circonstance dont se déduisait nécessairement une reconnaissance par l'employeur de ce que le syndicat SGTL CNT était habilité à participer au processus électoral dès le premier tour des élections, le Tribunal d'instance a privé sa décision de base légale au regard des articles L.2314-3 et L.2314-24 du Code du travail.