LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé par la société Drancourt frères, laquelle a pour objet le transport routier de marchandises, en qualité de conducteur routier; qu'il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;
Sur le premier moyen :
Vu l'article 4 du code de procédure civile ;
Attendu que pour condamner l'employeur au paiement d'un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, l'arrêt retient qu'il est admis au vu des écritures conjointes des parties que le seuil de déclenchement des heures supplémentaires était l'horaire hebdomadaire de 35 heures ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'employeur faisait valoir dans ses conclusions en cause d'appel reprises oralement à l'audience qu'il y avait lieu d'appliquer l'horaire d'équivalence prévu par le décret n° 83-40 du 26 janvier 1983, lequel fixe le seuil de déclenchement des heures supplémentaires pour les conducteurs zone courte à compter de la quarantième heure hebdomadaire, la cour d'appel a méconnu les exigences du texte susvisé ;
Et attendu que la cassation à intervenir sur le premier moyen entraîne la cassation du chef de dispositif critiqué par le second moyen et relatif aux dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat quant au respect de l'amplitude maximale quotidienne de travail ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Drancourt frères au paiement d'un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité de résultat, l'arrêt rendu le 29 mars 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze décembre deux mille quatorze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour la société Drancourt frères.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société TRANSPORTS DRANCOURT à payer à Monsieur X... la somme de 5.565,19 ¿ à titre de rappel d'heures supplémentaires pour la période comprise entre le 1er avril 2005 et le 31 décembre 2007 ainsi que celle de 556,52 ¿ au titre des congés payés y afférents ;
AUX MOTIFS QUE « sur le litige relatif aux heures supplémentaires L'article L3171-4 dispose qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Il en résulte que si la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et que l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par la salarié, il appartient cependant au salarié de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande. La demande de rappel de salaires relative à la période échue au 31 décembre 2007. Monsieur X... se fonde sur l'analyse des disques réalisée par ses soins. Il calcule les sommes demandées en décomptant de façon distincte mois par mois, les heures supplémentaires correspondant aux heures comprises entre 35 et 39 heures hebdomadaires, aux heures accomplies au-delà rémunérées au moyen de la majoration de 25%, et celles rémunérées par une majoration de 50%. A l'audience, le salarié confirme ne plus demander sa classification au coefficient 150 de la convention collective, ce qui est corroboré tant par l'examen des tableaux et récapitulatifs versés aux débats et la demande de rappels de salaires fortement diminuée. L'employeur répond que la contrepartie aux heures supplémentaires était versée soit sous forme de rémunération, soit sous forme de repos compensateurs de remplacement permettant à l'intéressé de percevoir une rémunération correspondant à 192 heures de travail effectif, qui était le temps de travail dans l'entreprise. Il conteste les prétentions adverses en ce qu'il a estime que des temps décomptés selon les disques comme temps de service, étaient en réalité des temps de repos, et a établi ses tableaux de synthèse en effectuant les corrections nécessaires. Faisant par ailleurs valoir que Monsieur X... n'a pas accompli tous les mois un temps de travail égal à 190 heures, qui était le temps de travail rémunéré, et qu'il n'a pu lui imputer, selon sa pratique habituelle, des heures accomplies d'autres mois au-delà de 190 heures, la société TRANSPORTS DRANCOURT forme une demande reconventionnelle en remboursement des salaires afférents. Le litige porte sur le nombre d'heures supplémentaires effectuées, étant admis au vu des écritures conjointes des parties et des bulletins de paie, que le seuil de déclenchement de ces heures supplémentaires était l'horaire hebdomadaire de 35 heures, et sur la contrepartie versée en salaire ou en repos. Il convient d'écarter en premier lieu la contestation de la société TRANSPORTS DRANCOURT relative à la durée réelle des temps de conduite. En effet, le contenu des attestations de salariés, dont un délégué syndical, selon lequel Monsieur X... ainsi que d'autres chauffeurs ayant agi contre la société TRANSPORTS DRANCOURT devant le conseil de prud'hommes, dépasseraient sciemment les temps de conduite nécessaires, et comptaient du temps de repos comme du temps d'attente rémunéré, est très général, ne se réfère à aucune circonstance précise, n'est corroboré pour ce qui concerne l'appelant que par cinq feuilles de parcours en 2010, ce qui est insuffisant à caractériser une exécution délibérément fautive du contrat de travail. Au surplus, ces éléments sont d'autant moins probants que l'employeur n'a formé tout au long de la relation de travail aucune observation. Il est en conséquence mal fondé à corriger les temps d'attente et les transformer unilatéralement en temps de repos. Dans la mesure où il s'agit de la seule critique formée contre l'analyse des disques réalisée par l'appelant, il convient d'écarter les tableaux de synthèse versés aux débats par l'employeur, et de retenir l'analyse fournie par Monsieur X.... S'agissant de la contrepartie en repos, l'article L212-5 devenu l'article L1321-24 dans sa rédaction antérieure à la loi du 20 août 2008, comme dans la rédaction issue de ladite loi, subordonne la mise en oeuvre d'une telle pratique à la conclusion d'un accord collectif, d'entreprise ou de branche. Dans les entreprises dépourvues de sections de syndicats représentatifs ou depuis l'entrée en vigueur de la loi du 20 août 2008, de délégué syndical, et dispensées de l'obligation annuelle de négocier, l'employeur peut mettre en oeuvre une telle contrepartie si les délégués du personnel ne s'y opposent pas. Le texte qui leur est soumis doit en préciser les modalités. En l'espèce, l'employeur ne fournit aucun élément à cet égard. Le texte fourni en cours de délibéré, de l'avenant n°3 du 16 janvier 2008 étendu par arrêté du 21 novembre 2008, à l'accord cadre du 4 mai 2000, est inopérant dans la mesure où cet accord concerne les personnels des entreprises de transport sanitaire, En outre, il ne comporte aucune modalité quant à la contrepartie en temps. Aussi, dans la mesure où l'employeur ne justifie pas de l'accomplissement des formalités prévues par la loi, où il ne fournit aucun élément relatif aux modalités de contrepartie en prise de repos compensateurs, de sorte qu'il ne justifie pas du bien fondé de ses décomptes, où l'appelant calcule la contrepartie aux heures supplémentaires seulement en rémunération, il convient de faire droit à la demande principale » ;
ALORS, TOUT D'ABORD, QUE la société TRANSPORTS DRANCOURT avait invoqué dans ses conclusions (page 4) l'application de l'horaire d'équivalence prévu par le décret n° 83-40 du 26 janvier 1983 modifié par le décret n° 2007-13 du 4 janvier 2007, conformément à l'article L. 3121-9 anciennement L. 212-4 du Code du travail ; qu'en considérant comme « admis au vu des écritures conjointes des parties que le seuil des heures supplémentaires était l'horaire hebdomadaire de 35 heures », la cour d'appel a dénaturé les conclusions de l'employeur, en violation de l'article 4 du Code de procédure civile ;
QU'au surplus, en ne répondant pas au moyen de défense tiré de l'application de l'horaire d'équivalence prévu par le décret n° 83-40 du 26 janvier 1983 modifié par le décret n° 2007-13 du 4 janvier 2007, conformément à l'article L. 3121-9 anciennement L. 212-4 du Code du travail, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS, ENFIN, QUE la société TRANSPORTS DRANCOURT avait fait valoir (ses conclusions, page 6) que pendant les temps d'attente, Monsieur X... n'avait pas l'obligation de se tenir à la disposition de l'employeur de sorte que ces périodes ne constituaient pas une période de travail effectif mais un temps de pause ; qu'en décidant, pour faire droit à la demande de rappel d'heures supplémentaires formulée par le salarié, que les temps d'attente constituaient une période de travail effectif sans constater que, pendant lesdites périodes, Monsieur X... se trouvait effectivement à la disposition de l'employeur et était tenu de se conformer à ses directives, sans possibilité de vaquer à des occupations personnelles, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3121-1 du Code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société TRANSPORTS DRANCOURT à payer à Monsieur X... la somme de 5.000 ¿ à titre de dommages et intérêts pour violation par l'employeur de son obligation de sécurité ;
AUX MOTIFS QUE « la demande de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité de résultat Monsieur X... fait valoir que l'analyse des disques montre à mainte reprise dépassement (162 infractions en 2007) de la durée maximale journalière du travail, de sorte que la société TRANSPORTS DRANCOURT a manqué à son obligation de sécurité de résultat. L'employeur doit en application de l'article L4121-1 du code du travail prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Il s'agit d'une obligation de résultat. L'article 7 du décret du 26 janvier 1983 prévoit que pour le personnel roulant, la durée quotidienne du temps de service peut être supérieure à la durée quotidienne du travail effectif fixée au paragraphe 1, dans la limite de douze heures. Dans la mesure où la contestation faite par l'employeur de l'analyse des disques, a été déclarée non fondée par la cour, il convient de s'y référer. Les relevés montrent de nombreux dépassements de l'amplitude jusqu'à treize voire quatorze heures sur une seule journée, sur les cinq années sur lesquelles la demande porte, de sorte que le préjudice subi est avéré tant dans son principe que justifié dans son montant » ;
ALORS, D'UNE PART, QUE la cassation à intervenir sur le premier moyen de cassation entraînera par voie de conséquence, conformément aux articles 624 et 625 du Code de procédure civile, cassation de l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné la société TRANSPORTS DRANCOURT à payer une somme à titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité de résultat, au regard du lien de dépendance nécessaire qui existe entre ce chef de condamnation et celui ayant condamné la société TRANSPORTS DRANCOURT au paiement d'heures supplémentaires ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE l'article 7 du décret n° 83-40 du 26 janvier 1983 réglemente la durée du travail effectif, qu'il fixe à douze heures au maximum pour le personnel roulant, et non l'amplitude de la journée de travail ; qu'en se fondant, pour dire que la société DRANCOURT FRERES avait commis un manquement aux dispositions précitées et que ce manquement s'analysait en une violation de l'obligation de sécurité qui pèse sur l'employeur, sur l'amplitude de l'horaire de travail effectuée certains jours, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants, et a ainsi privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé, ensemble l'article L. 4121-21 du Code du travail.