LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 28 novembre 2013), que Mme X... a assigné M. Y... et la société Mutuelle d'assurance du corps de santé français (MACSF) pour obtenir paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi, selon elle, suite à l'accomplissement défectueux par M. Y... de la mission d'expertise qui lui avait été confiée par un juge des référés d'un tribunal de grande instance ;
Sur le premier moyen :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes et prétentions, alors, selon le moyen, que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a rejeté les demandes de Mme X..., sans répondre aux conclusions de l'exposante faisant valoir que « le docteur Y... n'a pas tenu compte de toutes les informations communiquées par Mme X... et confirmées par celle-ci par son courrier du 20 novembre 2001 » et qu'un « spécialiste indique précisément que le rapport de l'expert est non recevable » ; qu'en ne répondant pas à ces conclusions, quand elles étaient pourtant de nature à influer sur le litige, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant retenu qu'il ne résultait pas des pièces produites que les observations, constatations et conclusions de l'expert Y... étaient erronées et non conformes aux données de la médecine à l'époque où il procédait, que la lettre du docteur Z... ne suffisait pas à faire admettre que la conclusion de l'expert était erronée et qu'en tenant compte des éléments de faits donnés à cet expert, il n'existait aucune violation des textes sur lesquels se fondait Mme X..., la cour d'appel a répondu aux conclusions prétendument délaissées ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à M. Y... une somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen, que la cassation à intervenir sur le premier moyen de cassation emportera la cassation par voie de conséquence du chef du dispositif critiqué par le présent moyen en application des dispositions des articles 624 et 625 du code de procédure civile ;
Mais attendu que le premier moyen ayant été rejeté, le moyen, en ce qu'il invoque la cassation par voie de conséquence, est devenu inopérant ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne Mme X... à payer à M. Y... et la société MACSF la somme globale de 3 000 euros ; rejette la demande de Mme X... ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit janvier deux mille quinze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Delamarre, avocat aux Conseils, pour Mme X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement entrepris, en ce qu'il a débouté Madame X... de toutes ses prétentions ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'
« Il ressort du débat que le docteur Roger Y... avait été désigné le 31 juillet 2001 par le juge des référés du Tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse, comme expert judiciaire, pour donner son avis sur les soins prodigués à Sabrina X... par le docteur A..., chirurgien-dentiste, lors d'un détartrage, au cours duquel il avait utilisé un laser LOKKI ce qui aurait provoqué de vives douleurs aux incisives supérieures de la patiente ; ¿ qu'il appartient à Sabrina X... de prouver les manquements dont elle fait état à l'encontre de l'expert dans le déroulement des opérations d'expertise ; qu'il lui appartient, en outre, de prouver que les manquements, s'ils étaient avérés, sont à l'origine du dommage dont elle demande réparation, pour lui avoir fait perdre la chance d'obtenir une réparation à l'encontre du docteur A... qui avait procédé au détartrage en 1999 ; que la Cour observe que l'action engagée par Sabrina X... n'est pas une action en annulation du rapport d'expertise du 20 janvier 2002 mais qu'il s'agit d'une action en responsabilité de l'expert fondée sur la faute qu'il avait commise en procédant aux opérations d'expertise dont la conclusion ne fait pas l'objet d'un débat en soi, sauf à observer que toute l'argumentation développée tend à reprocher à l'expert un avis erroné qui lui a causé une perte de chance d'obtenir du docteur A... une indemnisation qu'elle réclame, aujourd'hui, à l'expert Roger Y... ; que, comme le premier juge l'a retenu, à bon droit et à juste titre, aucun manquement ne peut être reproché à l'expert qui a procédé contradictoirement et qui n'avait pas l'obligation de recourir à un sapiteur spécialiste des effets et conséquences d'un laser, alors qu'il constatait la présence d'un état antérieur aux soins en des termes qui ne sont pas remis en cause par la patiente Sabrina X... et qu'il relevait aussi qu'il existait, le jour de l'examen « aucune manifestation pathologique objective qui pourrait être d'une manière directe, certaine et exclusive à l'origine des douleurs ... » ; qu'en effet, il est établi par les pièces communiquées et le débat que l'expert a respecté le principe de la contradiction dans ses opérations d'examen, d'études et avant de conclure, après avoir suscité, par l'envoi d'un pré rapport, des observations ultimes auxquelles il a répondu ; qu'en effet, encore, l'expert Roger Y... n'était pas obligé de recourir à l'avis d'un sapiteur, spécialiste des effets et conséquences d'un laser pour le détartrage des dents, dès lors notamment qu'il avait constaté comme il l'a fait en novembre 2001 l'état antérieur présenté par Sabrina X... et l'absence de manifestation objective et mesurable d'une pathologie ; qu'en tenant compte des éléments de fait qui ont été donnés à l'expert Roger Y... lors de son expertise, en l'état des textes en vigueur au moment où il procédait, et en l'état des données de la médecine à l'époque, il n'existe aucune violation des textes sur lesquels se fonde Sabrina X... et tels qu'ils étaient, en leur rédaction en vigueur au moment de l'expertise et du rapport du 20 janvier 2002 ; que de plus le débat tel qu'il ressort des pièces ne montre pas, contrairement à ce que suggèrent les prétentions de Sabrina X..., que les observations, constatations et conclusions de l'expert Y... étaient erronées et non conformes aux données de la médecine à l'époque où il procédait. Car la lettre du docteur Pascal Z... en date du 20 mars 2002 indiquant que le rapport d'expertise est techniquement non recevable et en observant que ce rapport ne mentionne pas la nature du laser utilisé, ni sa longueur d'ondes, ni les doses utilisées, et produit au débat devant cette cour ne suffit pas, à elle seule, à faire admettre que la conclusion était erronée parce que fondée sur l'état antérieur de la patiente, observation faite que l'expert Y... n'a constaté aucune lésion comme le rappelle l'arrêt de cette cour du 31 mars 2005 ; qu'en outre, la cour observe, à la suite des conclusions du docteur Y... et de son assureur que les arrêts rendus respectivement par la cour d'appel de Lyon le 31 mars 2005 et par la cour d'appel de Grenoble le 1er avril 2008 sur les prétentions de Sabrina X... qui a été intégralement déboutée de ses prétentions faites à l'encontre du docteur A... et du fabriquant du laser utilisé, sont le résultat d'une application normale des règles du droit et de la procédure ; qu'en conclusion, ni sur le fondement de l'article 1147 du code civil puisqu'il n'a jamais existé de contrat médical avec l'expert, ni sur le fondement de l'article 1382 du code civil, car il n'y a pas eu de manquement fautif dans la conduite de l'expertise, les prétentions de Sabrina X... ne sont pas fondées ; qu'elle doit donc être entièrement déboutée de ses prétentions comme l'a fait, à bon droit, le premier juge dont la décision doit être confirmée sur ce point » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE
« l'exception tirée de la nullité du rapport d'expertise doit être soulevée lors de l'instance au fond dans la perspective de laquelle la mesure d'instruction a été ordonnée ; qu'en l'espèce, la demande de Mme X... tendant à voir prononcer la nullité de l'expertise est irrecevable et en toute hypothèse inopportune, la présente action en responsabilité étant dirigée contre l'expert judiciaire lui-même ; qu'au surplus les critiques émises par Mme X... ont, pour l'essentiel, déjà été formulées dans le cadre des instances en responsabilité précédemment engagées, procédures à l'occasion desquelles il n'a d'ailleurs pas été excipé de la nullité de la mesure d'instruction litigieuse ; que, sur la responsabilité de l'expert, Mme X... reproche à M. Y... de n'avoir pas respecté les formalités prescrites par l'article 276 du code de procédure civile ; qu'il résulte des pièces produites que les opérations d'expertise ont été conduites de manière -contradictoire; que le recours à un sapiteur n'est qu'une faculté pour l'expert; qu'il ne reposait sur celui-ci aucune obligation de contacter l'ensemble des praticiens consultés par Mme X... qui était libre de lui soumettre toute pièce médicale utile ; qu'un pré-rapport a été rédigé et a donné lieu à l'établissement d'un dire ; que ce n'est qu'ensuite que l'expert a établi son rapport définitif; que M. Y... a, aux termes de ce document, exposé de manière claire qu'il ne pouvait être retenu de lien direct et certain entre les douleurs dentaires alléguées et l'utilisation du laser, l'examen pratiqué n'avait révélé aucune anomalie, ni mis en évidence de lésion pouvant être attribuée à ce matériel ; que la possible incidence de la radiothérapie subie dans le passé par Mme X... et/ou des micro traumatismes constatés sur ses incisives inférieures n'a été évoquée qu'à titre d'hypothèse ; qu'aucune faute de l'expert dans l'accomplissement de sa mission n'est ainsi établie ; qu'en outre, le préjudice corporel dont Mme X... entend solliciter l'indemnisation est sans lien avec les manquements allégués ; que Mme X... ne saurait par le biais de la présente procédure obtenir la réparation de dommages qu'elle impute à l'utilisation du laser Lokki, demande dont elle a été déboutée aux termes de décisions de justice antérieures désormais définitives ; que les demandes formées par Mme X... seront rejetées » ;
ALORS QUE
Le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a rejeté les demandes de Madame X..., sans répondre aux conclusions de l'exposante faisant valoir que « le docteur Y... n'a pas tenu compte de toutes les informations communiquées par Madame X... et confirmées par celle-ci par son courrier du 20 novembre 2001 » et qu'un « spécialiste indique précisément que le rapport de l'expert est non recevable » (conclusions d'appel, page 3) ; qu'en ne répondant pas à ces conclusions, quand elles étaient pourtant de nature à influer sur le litige, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est encore fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné Madame X... à payer à Monsieur Y... la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE
« Quant aux dommages et intérêts pour abus de procédure, la décision doit être confirmée en son principe mais amendée en son montant pour les évaluer à la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice moral causé au docteur Roger Y.... En effet l'obstination de Sabrina X... à continuer des procédures judiciaires à l'encontre de l'expert qui n'avait constaté aucune lésion et aucun signe objectif, mesurable, contrôlable de pathologie existante au moment des opérations d'expertise constitue bien un abus du droit d'agir en justice et non une action loyale à l'égard de l'expert dont les conclusions avaient donné lieu à deux décisions définitives ; que cet abus a causé un incontestable préjudice moral à Roger Y... dont la compétence et la probité ont été mises en cause que la cour estime à la somme de 5 000 euros, eu égard aux faits de la cause. » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE
« Cette énième procédure intentée par Mme X..., qui tend indirectement à voir remettre en cause des décisions ayant acquis autorité de chose jugée et ne repose sur aucun argument nouveau et sérieux, témoigne d'un comportement abusif à l'origine pour M. Y... d'un préjudice moral qui sera indemnisé par l'allocation de la somme de 800 ¿ » ;
ALORS QUE
La cassation à intervenir sur le premier moyen de cassation emportera la cassation par voie de conséquence du chef du dispositif critiqué par le présent moyen en application des dispositions des articles 624 et 625 du Code de procédure civile.