La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/01/2015 | FRANCE | N°13-18970

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 15 janvier 2015, 13-18970


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 9 avril 2013), que Mme X... épouse Y..., engagée le 1er novembre 1987 par le conseil régional des notaires du ressort de la cour d'appel de Nîmes comme stagiaire puis à compter du 4 janvier 1988 en qualité de secrétaire comptable, a été licenciée le 18 mai 2010 pour inaptitude et impossibilité de reclassement, après avoir été déclarée inapte à tous les postes de l'établissement au terme d'une visite unique de reprise du 16 avril 2010 ;

Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de d...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 9 avril 2013), que Mme X... épouse Y..., engagée le 1er novembre 1987 par le conseil régional des notaires du ressort de la cour d'appel de Nîmes comme stagiaire puis à compter du 4 janvier 1988 en qualité de secrétaire comptable, a été licenciée le 18 mai 2010 pour inaptitude et impossibilité de reclassement, après avoir été déclarée inapte à tous les postes de l'établissement au terme d'une visite unique de reprise du 16 avril 2010 ;
Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral et violation par l'employeur de son obligation de sécurité de résultat, alors, selon le moyen :
1°/ qu'en cas de litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4 du code du travail, dès lors que le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, il incombe à la partie défenderesse, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que la cour d'appel a constaté que les éléments produits aux débats par la salariée permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral ; qu'en retenant cependant, pour débouter Mme Dominique Y... de ses demandes, que ces mêmes documents ne seraient pour autant pas probants du harcèlement dénoncé par elle, la cour d'appel a violé l'article L. 1154-1 du code du travail ;
2°/ que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat, ne saurait être admis à se prévaloir de son ignorance du harcèlement subi par ses salariés ; qu'en retenant que les président du Conseil successifs n'avaient pas constaté le harcèlement dénoncé par la salarié, la cour d'appel a violé les articles L. 4121-1 à L. 4121-4 et L. 1154-1 du code du travail ;
3°/ que si celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver, il appartient à celui qui appartient à celui qui se prétend libéré d'une obligation de rapporter la preuve de l'exécution de cette obligation ; qu'en reprochant à Mme Dominique Y... de ne pas établir que son employeur que son employeur avait manqué à son obligation de sécurité, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil ;
4°/ que la circonstance que la salariée n'ait jamais contesté auprès de l'organisme social la qualification de ses arrêts de travail, pris en charge au titre de la maladie et non des risques professionnels, n'est pas de nature à exclure le harcèlement moral dont elle a été la victime ni davantage la méconnaissance par l'employeur de son obligation de sécurité ; qu'en fondant sa décision sur une telle considération, la cour d'appel a statué par un motif inopérant en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'après avoir retenu que les agissements dont se prévalait la salariée, pris dans leur ensemble, permettaient de présumer l'existence d'un harcèlement moral, la cour d'appel, sans inverser la charge de la preuve, a constaté que l'employeur démontrait que les mesures en cause étaient justifiées par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement ; que le moyen, inopérant dans ses trois dernières branches, n'est pas fondé pour le surplus ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze janvier deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour Mme Y....
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Madame Dominique Y... de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral et violation par l'employeur de son obligation de sécurité de résultat.
AUX MOTIFS QU'en application des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du Code du travail, lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, s'il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que Madame X... épouse Y... se plaint d'avoir été confrontée, à compter de son mariage en 1998, aux attitudes humiliantes et à l'autoritarisme de son supérieur hiérarchique, Monsieur Z..., directeur salarié du Conseil Régional des notaires, lesquelles seraient à l'origine de la dégradation de son état de santé ; que pour l'établir, elle produit diverses attestations :- Son époux, Monsieur Jean-Marc Y..., inspecteur comptable au Conseil Régional des notaires de Montpellier après avoir fait état de l'ego de Monsieur Z..., le titre de directeur de la maison du notariat " lui étant monté à la tête ", emploie pour le qualifier les termes de " prédateur social " et de " manipulateur pervers " ; que Monsieur Y... précise avoir appris de la bouche de son épouse à quel point elle était harcelée par les pressions, réflexions, critiques non fondées et parfois humiliations désobligeantes (" appellation de petit moyen "), surcroît de travail et dépassement du temps horaire... organisé et délibérément voulu ;- Monsieur Luc A..., ancien inspecteur comptable au Conseil Régional jusqu'au 31 décembre 2008 témoigne avoir vu souvent Madame Y... au bord des larmes pleurant parfois, réagissant aux pressions exercées par son supérieur hiérarchique dont elle se plaignait régulièrement ;- Monsieur Michel B... rédacteur d'une longue attestation précise avoir été salarié du Conseil Régional des notaires de la Cour d'Appel de Nîmes jusqu'au 31 mars 1995 ; qu'il y fait état de l'abus de sa position hiérarchique par Monsieur Z... qui au départ du concierge, faisait nettoyer son véhicule privé de façon quasi systématique par les deux salariées successivement embauchées, leur apportant peu de considération et leur rappelant être l'auteur de leur embauche ; qu'à l'égard de Madame Y..., il précise que celle-ci lui a souvent confié la pression et le stress dans lequel elle était maintenue ; Monsieur René C..., ancien inspecteur du Conseil Régional des notaires de la Cour d'appel de Nîmes jusqu'à fin 2003, évoque les rapports de Monsieur Z... avec le personnel " peu empreints d'amitié ", faisant sentir leur dépendance vis à vis de lui avec des paroles quelques fois heurtées, accentuant sa supériorité devant les femmes au besoin en leur accumulant des tâches à accomplir rapidement et ceci peu avant la fin de la journée... ;- Madame Véronique D..., ancienne secrétaire à la chambre départementale des notaires du Gard, relate que lors de déjeuners entre amies, salariées des deux organismes, la conversation revenait systématiquement " sur le comportement de Monsieur Richard Z..., ses emportements, son impatience, et lors de ses déplacements professionnels fréquents, ses multiples appels pour leur donner des ordres et contrordres. Elles se sentaient surveillées comme des enfants... " ; que sur la situation de Madame Y..., Madame D... évoque l'état de choc de Madame Y..., qui, ayant interrogé Monsieur Z... sur l'objet d'une dépense payée par chèque, se serait vue répondre " vous êtes payée pour effectuer de la saisie comptable, pas pour poser des questions. " ;- Madame Patricia E..., masseur kinésithérapeute, atteste connaître Madame Y... qui souffrait de problèmes cervicaux et dorsaux depuis 1999 et qui, selon ses dires, arrivait souvent en retard suite à un empêchement professionnel de dernière minute suite aux demandes de son chef hiérarchique ;- un certificat médical du Docteur F... mentionne que Madame Y... a présenté le 15 juillet 2008 un malaise de type vagal sur le lieu de son travail en rapport avec un conflit hiérarchique ayant nécessité sa mise en arrêt de travail prolongée pour anxiété généralisée réactionnelle ; qu'un autre certificat médical de ce praticien en date du 11 août 2009 mentionne qu'elle présente une décompensation anxio-dépressive suite à une situation de conflit professionnel à type de harcèlement moral évoluant depuis le 15 juillet 2008 nécessitant une chimiothérapie et une psychothérapie au long cours et qu'elle présente une angoisse anticipatoire sur une reprise d'un emploi salarié, cet état justifiant sa mise en invalidité catégorie 2 ; que celle-ci lui était effectivement notifiée le 7 janvier 2010 ; que de tels éléments, notamment les attestations de Monsieur A..., de Madame E... et de Madame D..., les pièces médicales et la décision de placement en invalidité catégorie 2, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral ; que toutefois, l'employeur souligne à juste titre que :- l'attestation de Monsieur Y... qui n'a jamais fréquenté le lieu de travail de son épouse est outrancière et partiale ; la Cour, au regard des termes employés, excessifs et engagés, qui ne font qu'exprimer a posteriori les doléances de son épouse, ne peut de facto y attacher aucune portée et valeur probante ;- l'attestation de Monsieur G... n'est pas plus probante dans la mesure où il a quitté le conseil régional en 1995 trois ans avant la période de début du harcèlement dénoncé par Madame Y... ; que la Cour constate effectivement un tel anachronisme :- les attestations de Messieurs C... et A..., qui n'étaient pas présents au Conseil Régional plus d'un jour par semaine sont l'expression de leur rancoeur vis à vis de Monsieur Z... qui, agissant sur instructions du Président du Conseil Régional avait procédé à une réorganisation des services passant par la redéfinition des responsabilités et de l'organisation matérielle des inspecteurs comptables ; que la Cour retiendra également que Monsieur A..., s'il a pu constater que Madame Y... était au bord des larmes n'est pas témoin direct d'un quelconque comportement personnel de Monsieur Z... à son endroit et ne fait que rapporter, en témoin indirect, les propos de Madame Y... ; que Monsieur C... décrit une attitude générale de Monsieur Z... mais ne rapporte aucun événement précis intéressant directement Madame Y... ;- si Madame D... apporte des éléments imputant des faits précis à Monsieur Z..., il convient de retenir qu'elle n'en a pas été témoin direct et ne fait que rapporter des propos, d'ailleurs non expressément relatifs à la situation personnelle de Madame Y..., exception faite d'une phrase qui, même hors contexte, ne dépasse pas les limites occasionnelles de répartie qu'un moment d'emportement passager peut expliquer ;- l'attestation de Madame E... qui fait état de retards de Madame Y... aux rendez-vous ne permet pas d'en imputer la cause à des demandes de Monsieur Z... qui aurait abusé de ses fonctions en confiant à la salariée l'exécution de tâches excédant l'amplitude horaire qui était la sienne ;- les certificats médicaux du docteur F... reposent sur les doléances de la salariée quant à la cause de la décompensation anxio-dépressive ou au malaise vagal ou 15 juillet 2008 et ne font pas preuve de la cause de ces affections ou symptômes alors qu'il est établi que depuis 1999 Madame Y... est suivie par un masseur kinésithérapeute pour des problèmes cervicaux et dorsaux ;- il est invraisemblable que le comportement imputé à Monsieur Z... ait perduré sur une durée de 10 ans sans que Madame Y... ne s'en soit fait écho auprès des Présidents successifs du Conseil Régional, lesquels, bien qu'également présents uniquement un jour par semaine dans les locaux professionnels, attestent n'avoir constaté aucun comportement répréhensible de Monsieur Z... envers les salariés et envers Madame Y... tout particulièrement ; qu'ainsi, Me H..., Président de 2007 à 2009 est-il convaincu qu'en raison des relations d'une grande liberté de ton, empreintes de franchise et de simplicité, Madame Y... lui aurait immédiatement fait part de difficultés si elle les avait rencontrées ;- Madame Y... n'a jamais contesté auprès de l'organisme social la qualification de ses arrêts de travail, pris en charge au titre de la maladie et non des risques professionnels ; qu'elle ne produit aucun élément d'ordre médical à l'origine de la décision de son placement en invalidité catégorie 2 ; que Madame Y... sera en conséquence déboutée de sa demande au titre du harcèlement moral ; qu'elle n'établit par ailleurs en rien que l'employeur ait manqué à son égard à son obligation de sécurité envers elle, ne l'ayant jamais avisé, quel qu'en soit le moyen, d'une quelconque difficulté.
ET AUX MOTIFS éventuellement adoptés QUE Madame Y... a été employée en qualité de secrétaire comptable pour la période du 1er novembre 1987 au 23 août 2010 ; que suite à sa mise en invalidité consécutive à une inaptitude à tout poste dans l'entreprise, avec danger immédiat, Madame Y... impute son état de santé aux pressions qu'elle aurait subies de la part de son directeur, Monsieur Z...Michel, et ce durant une période de dix années ; que les attestations produites, à l'appui du harcèlement, font état de certaines difficultés rencontrées par Madame Y... avec son directeur, mais n'apportent pas une preuve évidente de harcèlement ; que d'autres attestations sont produites par la partie adverse, qui témoignent de la notoriété et du sérieux du directeur ; qu'au cours des dix années précédant le licenciement, Madame Y... ne s'est ouverte à quiconque d'une difficulté, n'a envoyé aucun courrier, n'a consulté aucun médecin et n'a demandé aucun entretien avec le médecin du travail, jusqu'à son malaise de juillet 2008 ; que les faits reprochés à l'employeur, en la personne de son directeur, à savoir une certaine impulsivité, des réflexions désobligeantes ou « douteuses », des changements de directives ou autres, relèvent davantage d'un conflit personnel, dû notamment au fait que lors de son entrée en fonction, Monsieur Z...a été chargé de la réorganisation des services, que d'un fait de harcèlement ; que le harcèlement impose au salarié d'établir la preuve des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, qui doivent être concrets et répétitifs ; que les preuves et attestations fournies par la salariée relatent des faits qui n'amènent pas à qualifier la situation de harcèlement ; qu'en conséquence, le Bureau de Jugement dit que le licenciement de Madame Y... est intervenu pour cause réelle et sérieuse, et rejette l'intégralité de ses demandes.
ALORS QU'en cas de litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4 du Code du travail, dès lors que le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, il incombe à la partie défenderesse, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que la Cour d'appel a constaté que les éléments produits aux débats par la salariée permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral ; qu'en retenant cependant, pour débouter Madame Dominique Y... de ses demandes, que ces mêmes documents ne seraient pour autant pas probants du harcèlement dénoncé par elle, la Cour d'appel a violé l'article L. 1154-1 du Code du travail.
ET ALORS QUE l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat, ne saurait être admis à se prévaloir de son ignorance du harcèlement subi par ses salariés ; qu'en retenant que les Président du Conseil successifs n'avaient pas constaté le harcèlement dénoncé par la salarié, la Cour d'appel a violé les articles L. 4121-1 à L. 4121-4 et L. 1154-1 du Code du travail.
ALORS encore QUE si celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver, il appartient à celui qui appartient à celui qui se prétend libéré d'une obligation de rapporter la preuve de l'exécution de cette obligation ; qu'en reprochant à Madame Dominique Y... de ne pas établir que son employeur que son employeur avait manqué à son obligation de sécurité, la Cour d'appel a violé l'article 1315 du Code civil.
ALORS enfin QUE la circonstance que la salariée n'ait jamais contesté auprès de l'organisme social la qualification de ses arrêts de travail, pris en charge au titre de la maladie et non des risques professionnels, n'est pas de nature à exclure le harcèlement moral dont elle a été la victime ni davantage la méconnaissance par l'employeur de son obligation de sécurité ; qu'en fondant sa décision sur une telle considération, la Cour d'appel a statué par un motif inopérant en violation de l'article 455 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13-18970
Date de la décision : 15/01/2015
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nîmes, 09 avril 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 15 jan. 2015, pourvoi n°13-18970


Composition du Tribunal
Président : Mme Lambremon (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Fabiani et Luc-Thaler, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:13.18970
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award