LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'à la suite d'un contrôle, l'URSSAF d'Aquitaine (l'URSSAF) a notifié à la société anonyme Promo Vert (la société) un redressement portant réintégration dans l'assiette de cotisations du montant de l'intéressement versé en 2005 aux salariés au titre de l'exercice allant du 1er juillet 2003 au 31 décembre 2004, du montant des bonus exceptionnels versés en 2006 et des jetons de présence alloués au président-directeur général ; que la société a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident qui est préalable, tel que reproduit en annexe :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le pourvoi principal :
Sur le premier moyen :
Vu les articles L. 242-1 du code de la sécurité sociale et L. 441-2, alinéa 9, L. 441-4 et R. 441-1 devenus L. 3314-4, D. 3313-1, D. 3313-5 et D. 3313-6 du code du travail ;
Attendu qu'il résulte de ces textes que le bénéfice de l'exonération de cotisations qu'ils prévoient, est subordonné, notamment au dépôt, selon les modalités qu'ils fixent, de l'accord d ¿intéressement auprès de la direction départementale du travail ; que cette formalité s'impose également aux avenants qui modifient l'accord initial ;
Attendu que pour annuler le redressement du chef du montant de l'intéressement, l'arrêt relève que l'administration admet qu'un exercice ait une durée inférieure ou supérieure à une année pour des raisons particulières si la période d'application de l'accord correspond en fait à trois exercices ; que l'accord d'intéressement était donc valablement conclu strictement pour trois ans ; que c'est l'omission du dépôt de l'accord qui empêche de bénéficier de l'exonération ou des avenants portant sur le contenu même de cet accord ; qu'il est constant que l'accord d'intéressement conclu le 20 décembre 2002 a été déposé en temps et en heure, que l'avenant portant modification de la durée de l'exercice social n'a aucune incidence sur le contenu de l'accord qui n'a pas été modifié ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses propres constatations que l'avenant qui modifiait l'accord initial en reportant la date de clôture du deuxième exercice du 1er juillet 2003 au 31 décembre 2004, n'avait été déposé à la direction départementale du travail que le 18 février 2005, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le second moyen :
Vu l'article 17 de la loi n° 2005-1579 du 19 décembre 2005 ;
Attendu, selon ce texte, que le montant du bonus exceptionnel distribué aux salariés en 2006 et exonéré de cotisations sociales peut être modulé selon les salariés ; que cette modulation ne peut s'effectuer qu'en fonction du salaire, de la qualification, du niveau de classification, de l'ancienneté et de la durée dans l'entreprise ;
Attendu que pour annuler le redressement du chef du bonus exceptionnel versé aux salariés, l'arrêt retient qu'il n'est pas anormal d'exclure du bénéfice de celui-ci les salariés entrés après le 1er février 2006 qui n'auront pas six mois d'ancienneté à la date limite de versement du 31 juillet 2006 qui correspond à la modulation en fonction de l'ancienneté ;
Qu'en statuant ainsi, alors que si le montant du bonus peut être modulé en fonction de la durée de présence dans l'entreprise, aucun salarié présent lors de son versement ne saurait en être exclu, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a annulé le redressement des chefs de l'intéressement et du bonus exceptionnel, l'arrêt rendu le 21 novembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Condamne la société Promo Vert aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Promo Vert, la condamne à payer à l'URSSAF d'Aquitaine la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux janvier deux mille quinze et signé par Mme Flise, président, et par Mme Genevey, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de l'arrêt.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
.Moyens produits AU POURVOI PRINCIPAL par la SCP Delvolvé, avocat aux Conseils, pour l'URSSAF d'Aquitaine.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST REPROCHE A L'ARRET ATTAQUE D'AVOIR annulé le chef de redressement pratiqué par l'URSSAF d'Aquitaine sur l'assiette des cotisations de la société PROMO VERT relatif à l'accord d'intéressement
AUX MOTIFS QUE la mise en place d'un système d'intéressement des salariés devait obligatoirement résulter d'un accord valable pour une durée de trois ans conclu selon l'une des modalités prévues à l'article L. 441-1 ancien du Code du travail qui permettait de ne pas leur conférer un caractère de salaire et de ne pas les assujettir aux cotisations de sécurité sociale, mais à la CGS et à la CRDS après abattement de 5% pour frais professionnels ; qu'il n'était pas contesté qu'un accord avait été conclu en bonne et due forme le 20 décembre 2002, déposé en temps et en heure, valable pour trois années à compter de l'exercice débutant le 1er juillet 2002, les exercices allaient du 1er juillet au 30 juin de l'année suivante ; que le premier exercice avait couru du 1er juillet 2002 au 30 juin 2003, puis la société avait voulu aligner ses exercices sur l'année civile pour qu'il coure du 1er janvier au 31 décembre et avait modifié la date de clôture de l'exercice suivant qui était allé du 1er juillet 2003 au 31 décembre 2004 ; qu'il lui était reproché de n'avoir pas respecté le délai prescrit pour sa conclusion soit avant le 1er jour du 7ème mois avant sa prise d'effet et de n'avoir pas conclu l'avenant avant le 31 décembre 2003, puisqu'il s'appliquait à compter du 1er juillet 2003 ; que l'exonération n'était ouverte que pour les périodes à compter du 19 février 2005, l'avenant ayant été déposé à la direction départementale du travail le 18 février 2005 ; que l'inspectrice avait réintégré dans l'assiette des cotisations le montant de l'intéressement versé en 2005 au titre de l'exercice allant du 1er juillet 2003 au 31 décembre 2004 ; que l'administration admettait qu'un exercice ait une durée inférieure ou supérieure à une année pour des raisons particulières si la période d'application de l'accord correspondait en fait à trois exercices ; que l'accord d'intéressement était donc valablement conclu strictement pour trois ans ; que c'était l'omission du dépôt de l'accord qui empêchait de bénéficier de l'exonération ou des avenants portant sur le contenu même de l'accord ; or, il était constant que l'avenant d'intéressement conclu le 20 décembre 2002 avait été déposé en temps et en heure, que l'avenant portant modification de la durée d'exercice social n'avait aucune incidence sur le contenu de l'accord qui n'avait pas été modifié, le redressement de ce chef devait être rejeté.
ALORS QU'il résulte de la combinaison de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction alors applicable, et des articles L. 441-2 et L. 441-4, du code du travail, alors applicables, que pour ouvrir droit aux exonérations de cotisations prévues par le dernier de ces textes, les accords d'intéressement, dont la durée est limitée à trois années, doivent avoir été conclus avant le premier jour du septième mois suivant la date de leur prise d'effet et déposés par la partie la plus diligente au plus tard dans les quinze jours suivant la conclusion à la direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle du lieu où ils ont été conclus ; que l'article R. 441-1 précise que l'accord d'intéressement ne peut être modifié que dans la même forme que sa conclusion et que tout avenant modifiant l'accord d'intéressement en vigueur doit être déposé selon les mêmes formalités et délais que l'accord lui-même ; et qu'en considérant que l'avenant à l'accord conclu le 17 février 2005 et déposé le 18 février 2005, qui modifiait la durée de l'exercice social prise en considération pour le calcul de l'intéressement au titre de l'exercice allant du 1er juillet 2003 au 31 décembre 2004 (au lieu du 1er juillet 2003 au 30 juin 2004), pouvait ouvrir droit aux exonérations pour les primes versées au titre de la période du 1er juillet 2003 au 31 décembre 2004, bien que cet avenant n'ait pas été conclu avant le 1er jour du septième mois suivant la date de sa prise d'effet, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
IL EST REPROCHE A L'ARRET ATTAQUE D'AVOIR annulé le chef de redressement pratiqué par l'URSSAF d'Aquitaine sur l'assiette des cotisations de la société PROMO VERT relatif au bonus exceptionnel
AUX MOTIFS QUE l'inspectrice de l'URSSAF avait constaté que le 27 juin 2006, l'employeur avait décidé l'octroi d'un bonus à certains salariés, ceux présents au 1er février 2006 et au 27 juin 2006 ; qu'elle avait considéré que ces deux conditions avaient eu pour effet d'exclure les salariés entrés après le 1er février 2006 et ceux sortis avant le 27 juin 2006 et que la société PROMO VERT ne pouvait bénéficier de l'exonération des cotisations sur les sommes versées à ce titre car le bonus exceptionnel prévu par l'article 17 de la loi de finances de la sécurité sociale du 19 décembre 2005 devait porter sur l'ensemble des salariés et ne pouvait se limiter à une certaine catégorie de personnes, l'URSSAF se référant à différentes circulaires qu'elle ne produisait pas au dossier ; que l'article 17 de la loi de finances était ainsi libellé : « Les entreprises ou établissements couverts par une convention de branche ou un accord professionnel de branche sur les salaires conclus entre le 1er janvier 2005 et le 15 juin 2006 en application de l'article L. 132-12 du Code du travail et applicable en 2006, ou ayant eux-mêmes conclu, en application de l'article L 132-27 du même Code, un accord salarial entre le 1er janvier 2005 et le 15 juin 2006, applicable en 2006, peuvent verser à l'ensemble de leurs salariés un bonus exceptionnel d'un montant maximum de 1 000 € par salarié. Le montant de ce bonus exceptionnel peut être modulé selon les salariés ; cette modulation ne peut s'effectuer qu'en fonction du salaire, de la qualification, du niveau de classification, de l'ancienneté ou de la durée de présence dans l'entreprise du salarié. Ce bonus ne peut se substituer à des augmentations de rémunération et à des primes conventionnelles prévues par l'accord salarial ou par le contrat de travail. Il ne peut non plus se substituer à aucun des éléments de rémunération au sens de l'article L. 242-1 du Code de la sécurité sociale versés par l'employeur ou qui deviennent obligatoires en vertu de règles légales ou contractuelles. Dès lors qu'il est exceptionnel et qu'il ne se substituera à aucun élément de rémunération, ce bonus est exonéré de toutes cotisations et contributions d'origine légale ou conventionnelle, à l'exception des contributions définies aux articles L. 136-2 du Code de la sécurité sociale et 14 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale, sans qu'il soit fait application de l'article L. 131-7 du Code de la sécurité sociale¿..Dans les entreprises et établissements non couverts par une convention de branche ou un accord professionnel de branche conclu dans les conditions prévues au premier alinéa et n'entrant pas dans le champ du I de l'article L. 132-26 du Code du travail ou dans celui de l'article L. 132-27 du même Code, l'accord salarial mentionné au premier alinéa peut être, à titre exceptionnel, conclu selon les modalités fixées par l'article L. 441-1 du même Code. L'accord conclu en application de l'article L. 132-27 du Code du travail visé au premier alinéa du présent article peut également prévoir le versement du bonus exceptionnel, en déterminer un montant et en définir les modalités d'attribution dans les conditions fixées par le présent article. Le montant et les modalités d'attribution du bonus exceptionnel sont fixés dans l'entreprise par décision de l'employeur prise avant le 30 juin 2006. Le versement des sommes ainsi déterminées doit intervenir le 31 juillet 2006 au plus tard. L'employeur notifie avant le 31 décembre 2006 à l'organisme de recouvrement des cotisations sociales dont relève l'entreprise le montant des sommes versées aux salariés en application du présent article en précisant le montant par salarié. Le bénéfice des exonérations définies au premier alinéa est subordonné à cette notification avant le 31 décembre 2006 ainsi qu'au respect des conditions et délais de versement mentionnés ci-dessus » ; qu'en l'espèce, l'accord précisait que « le montant de ce bonus exceptionnel (qui doit être payé entre le 1er janvier et le 31 juillet 2006) peut être modulé selon les salariés, que cette modulation ne peut s'effectuer qu'en fonction du salaire, de la qualification, du niveau de classification, de l'ancienneté ou de la durée de présence dans l'entreprise du salarié » ; qu'il n'était donc pas anormal d'exclure du bonus exceptionnel les salariés entrés après le 1er février 2006 qui n'auront pas six mois d'ancienneté à la date limite de versement du bonus le 31 juillet 2006, qui correspond à la modulation fonction de l'ancienneté, et ceux sorties avant le 27 juin 2006 qui est la date de prise de décision de l'employeur de verser un bonus à tous les salariés présents dans l'entreprise ; qu'il serait curieux de prévoir le versement d'un bonus exceptionnel à un salarié qui aurait quitté l'entreprise, que le redressement de ce chef devait être annulé.
ALORS QU'il résulte de l'article 17 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 que le bonus exceptionnel doit être versé à l'ensemble des salariés, et que, si le montant du bonus peut être modulé selon les salariés en fonction notamment de leur durée de présence dans l'entreprise, la modulation du montant du bonus ne peut avoir pour effet d'exclure totalement de son bénéfice les salariés présents à la date de son versement mais dont l'ancienneté est inférieure à 6 mois ; et qu'en considérant que la disposition litigieuse, qui permettait d'exclure du bonus exceptionnel les salariés entrés après le 1er février 2006 qui n'auraient pas six mois d'ancienneté à la date limite de versement du bonus le 31 juillet 2006, était conforme à l'article 17 susvisé et ne privait pas l'employeur du bénéfice des exonérations prévues, la cour d'appel a violé l'article 17 de la loi du 19 décembre 2005.
Moyen produit AU POURVOI INCIDENT par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour la société Promo Vert.
Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré bien fondé le redressement opéré par un organisme de recouvrement (l'URSSAF d'Aquitaine) quant à l'assujettissement à cotisations des jetons de présence alloués au président-directeur général d'une société anonyme (la société PROMO VERT, l'exposante) ;
AUX MOTIFS QUE les articles L. 311-1 et suivants du code de la sécurité sociale déterminaient le champ d'application des assurances sociales ; que l'article L. 311-3 listait les personnes auxquelles s'imposait l'obligation d'affiliation obligatoire au régime général prévue à l'article L. 311-2, et que le 12ème alinéa de l'article L. 311-3 citait : "les présidents directeurs et directeurs généraux des sociétés anonymes et des sociétés d'exercice libéral à forme anonyme" ; que, le président-directeur général d'une société anonyme étant donc obligatoirement assujetti au régime général de la sécurité sociale en application de l'article L. 311-3, alinéa 12, les rémunérations qui lui étaient versées par la société en raison de ses fonctions, qu'elle qu'en fut la nature, étaient incluses dans l'assiette des cotisations incombant à la société ; qu'ainsi les jetons de présence étaient soumis à cotisation sans qu'il y eût lieu de s'interroger sur l'existence d'un contrat de travail, s'agissant d'une obligation strictement légale ;
ALORS QUE sont seulement soumises à cotisations les sommes versées à titre de rémunération d'une activité salariale ou assimilée ; qu'en réintégrant les jetons de présence alloués au président de la société sur la seule constatation que, celui-ci figurant parmi les personnes obligatoirement assujetties au régime général de la sécurité sociale, les rémunérations qui lui étaient versées en raison de ses fonctions étaient incluses dans l'assiette des cotisations, quand elle devait préalablement vérifier la nature de l'activité au titre de laquelle ces jetons lui étaient distribués, la cour d'appel a violé les articles L. 242-1, L. 311-2 et L. 311-3, 12°, du code de la sécurité sociale.