LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 13 juin 2013), statuant en référé, que M. X..., salarié des MJC d'Ile-de-France, exerçait les fonctions de directeur adjoint d'un centre d'animation, lorsqu'en 2010, l'activité de ce centre a été confiée par la Ville de Paris à l'association Actisce ; qu'il a été licencié pour faute grave le 28 mars 2012, avec mise à pied conservatoire, après avoir envoyé avec d'autres salariés un courriel collectif à trois membres de la direction générale de l'association ; que le 30 avril 2012, il a saisi en référé la juridiction prud'homale, afin d'obtenir l'annulation de son licenciement et sa réintégration, ainsi que le paiement de rappels de salaires ; que l'union des syndicats CGT de Paris est intervenue à l'instance ;
Attendu que le salarié et le syndicat font grief à l'arrêt de dire n'y avoir lieu à référé, alors, selon le moyen :
1°/ que sauf abus résultant de propos injurieux, diffamatoires ou excessifs, le salarié jouit, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d'expression à laquelle seules des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché peuvent être apportées ; que les propos tenus par un salarié dans le cadre de ses fonctions ne peuvent être sanctionnés que s'ils présentent un caractère injurieux, diffamatoire ou excessif ; qu'en refusant de considérer que le licenciement pour faute grave de M. X... caractérisait une atteinte injustifiée et abusive à la liberté d'expression et un trouble manifestement illicite, sans avoir établi que les propos motivant cette mesure étaient injurieux, diffamatoires ou excessifs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1121-1 et R. 1455-6 du code du travail ;
2°/ que sauf abus résultant de propos injurieux, diffamatoires ou excessifs, le salarié, même cadre, jouit, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d'expression à laquelle seules des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché peuvent être apportées ; que les propos incriminés tenus par M. X... auprès des seuls membres de la direction, dans le cadre d'une polémique sur le niveau des salaires, et visant à répondre à la mise en cause dont il avait fait l'objet devant le comité d'entreprise et à porter des revendications à caractère syndical, s'ils sont vifs, ne caractérisent pas un abus de sa liberté d'expression, dès lors qu'ils ne contiennent aucun propos injurieux, diffamatoires et ne dépassent pas les limites de la critique et de la revendication admises ; qu'en refusant de considérer que le licenciement pour faute grave de M. X... caractérisait une atteinte injustifiée et abusive à la liberté d'expression et un trouble manifestement illicite, la cour d'appel a violé les articles L. 1121-1 et R. 1455-6 du code du travail, ensemble l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
3°/ que les limites de la critique et de la revendication admises pour un travailleur s'exprimant dans le cadre de son activité syndicale sont plus larges qu'en dehors de ce cadre ; qu'en s'abstenant de tenir compte de ce que les salariés s'exprimaient dans le cadre de leur activité syndicale pour apprécier le caractère abusif de leurs propos, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1121-1 et R. 1455-6 du code du travail et des articles 10 et 11 de la convention européenne des droits de l'homme ;
4°/ qu'aucune personne ne peut être sanctionnée ou licenciée en raison de ses activités syndicales ; que l'existence d'une discrimination syndicale ne suppose pas que le salarié exerce un mandat représentatif ; qu'en écartant la discrimination syndicale, motif pris de ce que le salarié n'exerçait pas de mandat représentatif au moment de son licenciement, la cour d'appel a violé les articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail ;
5°/ qu'il incombe au salarié qui prétend avoir subi une discrimination de présenter des éléments de fait qui en laissent supposer l'existence ; qu'en refusant de considérer que le salarié qui produit sa lettre de licenciement motivée par les propos qu'il a tenus dans le cadre de son activité syndicale est un élément laissant supposer l'existence d'une discrimination syndicale, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Mais attendu qu'ayant constaté que la lettre collective adressée depuis la messagerie professionnelle de M. X... à trois membres de la direction générale de l'entreprise, les accusait d'user de procédés tels que la diffamation ou la diversion pour ne pas prendre en compte les préoccupations des salariés et leur adressait un ultimatum d'obéir à un ordre d'engager immédiatement des négociations et de répondre à leur convocation en adoptant un ton menaçant, la cour d'appel a pu en déduire que le salarié avait fait un usage abusif de sa liberté d'expression ; qu'ayant par ailleurs constaté, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, que le salarié n'invoquait aucun autre élément que son appartenance syndicale, au titre des éléments laissant présumer une discrimination, elle a pu en déduire que son licenciement ne caractérisait pas un trouble manifestement illicite ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... et l'union des syndicats CGT de Paris aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze février deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour M. X... et l'union des syndicats CGT de Paris.
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit n'y avoir lieu à référé sur l'action introduite par Monsieur X... aux fins de voir constaté que son licenciement constitue un trouble manifestement illicite, de le voir annulé et de voir ordonnée la poursuite des relations contractuelles, de l'AVOIR débouté de ses demandes tendant à la condamnation de l'association ACTISCE à lui verser des sommes à titre de rappels de salaire au titre de la mise à pied conservatoire et pour la période du mois d'avril 2012 au mois d'avril 2013, les congés payés y afférents et d'AVOIR débouté l'union des syndicats CGT de Paris de sa demande tendant à la condamnation de l'association ACTISCE à lui verser des dommages et intérêts en réparation du préjudice collectif porté à la profession ;
AUX MOTIFS propres QUE Monsieur Pierre-René X... a exercé des fonctions de délégué du personnel du 25 février 2005 au 1er septembre 2010, lorsqu'il était salarié des MJC D'ILE DE France ; qu'il a présenté sa candidature aux élections de membres du CHSCT organisées le 30 septembre 2010, mais n'a pas été élu ; qu'il n'était en conséquence, au moment de son licenciement, investi d'aucun mandat représentatif ; qu'il n'apporte par ailleurs aux débats aucun élément de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination syndicale directe ou indirecte ; qu'ainsi, rien ne fait apparaître que la mesure de licenciement dont il a fait l'objet aurait, d'une manière quelconque, été prononcée en raison de son appartenance syndicale ; que dans le courrier collectif envoyé par courriel du 23 février 2012 depuis la messagerie professionnelle de M. X... et signé par Pierre X..., Bénédicte Z..., Angela A..., Yann B..., et Véronique C..., les signataires dénoncent l'absence de négociations en matière d'augmentations de salaires, accusent la direction de l'association de diffamation à leur encontre et exigent sa venue à un rendez-vous qu'ils ont unilatéralement fixé pour démarrer immédiatement des négociations sur ce thème, sous la menace de la déception des animateurs et du caractère très dommageable de son absence ; que ce courrier a été envoyé à trois membres de la direction générale, le directeur des ressources humaines, le directeur général adjoint et le directeur général, depuis la messagerie professionnelle de Monsieur Pierre-René X..., qui était classé au groupe G coefficient 400 de la convention collective de l'animation, avec le statut de cadre ; que Monsieur Pierre-René X... a été licencié pour faute grave, au motif que cette lettre était irrespectueuse envers les trois membres de la direction générale, les accusait d'user de procédés tels que la diffamation ou la diversion pour prétendument ne pas prendre en compte les préoccupations des salariés, leur adressait un ultimatum d'obéir à un ordre de démarrer immédiatement des négociations et de répondre à leur convocation en adoptant un ton menaçant ; que rien ne fait apparaître qu'une atteinte injustifiée et abusive aurait été apportée à la liberté d'expression du salarié, telle que mentionnée à l'article L. 1121-1 du code du travail ;
AUX MOTIFS adoptés QUE à la date du licenciement, Monsieur X... n'exerçait aucun mandat syndical ou de représentation du personnel ; qu'il n'apporte aucun élément laissant supposer l'existence d'une discrimination syndicale ; que l'utilisation par les signataires de termes tels que « diffamation, proférer des contrevérités, ¿ », ainsi que le véritable ultimatum posé à l'employeur, sous la menace de la « déception des animateurs » et « du caractère très dommageable de l'absence de l'employeur » outrepassent la liberté d'expression garantie au salarié et constituent un abus de la liberté d'expression ;
1/ ALORS QUE sauf abus résultant de propos injurieux, diffamatoires ou excessifs, le salarié jouit, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d'expression à laquelle seules des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché peuvent être apportées ; que les propos tenus par un salarié dans le cadre de ses fonctions ne peuvent être sanctionnés que s'ils présentent un caractère injurieux, diffamatoire ou excessif ; qu'en refusant de considérer que le licenciement pour faute grave de M. X... caractérisait une atteinte injustifiée et abusive à la liberté d'expression et un trouble manifestement illicite, sans avoir établi que les propos motivant cette mesure étaient injurieux, diffamatoires ou excessifs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1121-1 et R. 1455-6 du code du travail ;
2/ ALORS QUE sauf abus résultant de propos injurieux, diffamatoires ou excessifs, le salarié, même cadre, jouit, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d'expression à laquelle seules des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché peuvent être apportées ; que les propos incriminés tenus par Monsieur X... auprès des seuls membres de la direction, dans le cadre d'une polémique sur le niveau des salaires, et visant à répondre à la mise en cause dont il avait fait l'objet devant le comité d'entreprise et à porter des revendications à caractère syndical, s'ils sont vifs, ne caractérisent pas un abus de sa liberté d'expression, dès lors qu'ils ne contiennent aucun propos injurieux, diffamatoires et ne dépassent pas les limites de la critique et de la revendication admises ; qu'en refusant de considérer que le licenciement pour faute grave de M. X... caractérisait une atteinte injustifiée et abusive à la liberté d'expression et un trouble manifestement illicite, la cour d'appel a violé les articles L. 1121-1 et R. 1455-6 du code du travail, ensemble l'article 10 de la convention européenne des droits de l'homme ;
3/ ALORS QUE les limites de la critique et de la revendication admises pour un travailleur s'exprimant dans le cadre de son activité syndicale sont plus larges qu'en dehors de ce cadre ; qu'en s'abstenant de tenir compte de ce que les salariés s'exprimaient dans le cadre de leur activité syndicale pour apprécier le caractère abusif de leurs propos, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1121-1 et R. 1455-6 du code du travail et des articles 10 et 11 de la convention européenne des droits de l'homme ;
4/ ALORS QUE aucune personne ne peut être sanctionnée ou licenciée en raison de ses activités syndicales ; que l'existence d'une discrimination syndicale ne suppose pas que le salarié exerce un mandat représentatif ; qu'en écartant la discrimination syndicale, motif pris de ce que le salarié n'exerçait pas de mandat représentatif au moment de son licenciement, la cour d'appel a violé les articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail ;
5/ ALORS QUE il incombe au salarié qui prétend avoir subi une discrimination de présenter des éléments de fait qui en laissent supposer l'existence ; qu'en refusant de considérer que le salarié qui produit sa lettre de licenciement motivée par les propos qu'il a tenus dans le cadre de son activité syndicale est un élément laissant supposer l'existence d'une discrimination syndicale, la cour d'appel a violé les textes susvisés.