LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Vu l'article L. 1232-6 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée par M. Y... en qualité d'auxiliaire de vie à compter du 1er octobre 2006 ; qu'elle a été licenciée par lettre du 26 novembre 2007 pour faute grave ;
Attendu que pour déclarer sans effet le licenciement du 26 novembre 2007, dire nul le licenciement du 29 février 2008 et condamner l'employeur à payer certaines sommes au titre de la rupture, l'arrêt retient que l'employeur produit une lettre de licenciement « en suivi prétimbré » du 26 novembre 2007 adressée à la salariée, contenant une dispense de préavis, mais qu'il n'est pas établi qu'elle l'a reçue, qu'il est établi que l'employeur est revenu au début du mois de janvier 2008 sur sa lettre de licenciement du 26 novembre 2007 et plus particulièrement sur sa dispense d'exécution du préavis puisque la salariée a travaillé pour lui et avec son accord jusqu'au 29 février 2008 et que l'employeur a remis à cette époque à la salariée les documents liés à la rupture du dit contrat, mais sans convocation à un entretien préalable, sans entretien préalable et sans lettre de licenciement alors que la preuve est rapportée que la salariée a informé l'employeur par lettre recommandée du 21 février 2008, reçue le 23 février 2008 qu'elle était enceinte depuis la date présumée du 6 octobre 2007 ;
Attendu cependant, d'une part, que la rupture du contrat de travail se situe à la date où l'employeur a manifesté sa volonté d'y mettre fin, c'est-à-dire au jour de l'envoi de la lettre notifiant la rupture et, d'autre part, que dès l'instant où il est notifié, le licenciement ne peut être annulé unilatéralement par l'employeur qui ne peut revenir sur sa décision qu'avec l'accord du salarié ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'elle avait constaté que l'employeur avait envoyé une lettre de licenciement le 26 novembre 2007 et que la salariée n'avait pas donné son accord à un éventuel renoncement de l'employeur, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 juin 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre mars deux mille quinze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour M. Y...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif d'avoir déclaré sans effet le licenciement du 26 novembre 2007, d'avoir dit nul un prétendu licenciement la salariée du 29 février 2008 et d'avoir en conséquence condamné l'employeur à diverses sommes au titre de salaires pendant la période de nullité jusqu'au 3 novembre 2008, au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, congés payés inclus, de l'indemnité de licenciement, de l'indemnité réparant le caractère illicite du licenciement, du salaire de février 2008, congés payés inclus,
AUX MOTIFS QUE Les parties sont opposées sur les circonstances et les modalités de la rupture du contrat de travail. M. Y... explique qu'après avoir noué une relation intime avec Mme X..., celle-ci l'a quitté à compter de juillet 2007, n'exécutant pas ses obligations contractuelles, et l'a informé de sa grossesse par lettre recommandée du 21 février 2008 soit après le préavis qui s'est achevé le 31 janvier 2008. M. Y... soutient avoir licencié Mme X... par lettre recommandée du 26 novembre 2007 pour abandon de poste et l'avoir dispensée d'effectuer le préavis. Mme X... conteste avoir reçu une lettre de licenciement en novembre 2007. Elle explique avoir repris son travail le 2 janvier 2008, M. Y... lui indiquant oralement le 14 février 2008 l'avoir licenciée deux mois auparavant. Elle ajoute l'avoir informé par courrier recommandé du 21 février 2008 de sa grossesse, avoir continué de travailler jusqu'à la fin du mois de février, date à laquelle M. Y... lui a indiqué que son contrat de travail avait pris fin et lui remis les documents relatifs à la rupture. Les pièces du dossier établissent le déroulement suivant des faits. Les parties sont d'accord sur le fait qu'après la réception du courrier du 29 octobre 2007, convoquant Mme X... à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 9 novembre 2007, celle-ci a téléphoné à M. Y... pour lui dire qu'elle ne pouvait pas se rendre au rendez vous. Mme X... n'a pas reçu la nouvelle convocation à un entretien préalable effectuée par lettre recommandée du 12 novembre 2007, l'enveloppe portant la mention « non réclamée - retour à l'envoyeur ». Mme X... se préoccupait de cette convocation puisqu'elle produit une lettre simple du 19 novembre 2007 adressée à M. Y... dans laquelle elle indiquait attendre une nouvelle convocation. Celui-ci ne conteste pas avoir reçu la lettre du 19 novembre. Certes, M. Y... produit une lettre de licenciement « en suivi prétimbré » du 26 novembre 2007 adressée à Mme X..., contenant une dispense de préavis, mais il n'est pas établi qu'elle l'a reçue. En effet, aucun accusé réception n'est produit, et La Poste indique le 25 novembre 2009 que ses recherches relatives à la distribution de la lettre du 26 novembre 2007 n'ont pas pu aboutir parce qu'elle ne conserve les documents qu'une année. Il n'est pas sérieusement contesté par les parties que Mme X... n'a pas travaillé du 16 juillet jusqu'au 15 août 2007 puis du 1er septembre 2007 jusqu'au 1er janvier 2008 au vu des sept certificats médicaux produits faisant état d'un syndrome dépressif affectant la salariée. Il n'est pas plus contesté par M. Y... que Mme X... a travaillé chez lui à compter du 2 janvier jusqu'à la fin du mois de février 2008. Certes, il n'est pas justifié par Mme X... de l'envoi des arrêts de travail à M. Y..., ni d'ailleurs au service médical puisqu'elle produit les originaux du volet n° 1 de chaque arrêt maladie qui étaient destinés au médecin conseil. Mais, il est établi par l'ensemble de ces éléments et l'absence de dénégation de Mme X... sur l'existence d'une relation affective entre eux, que M. Y... est revenu au début du mois de janvier 2008 sur sa lettre de licenciement du 26 novembre 2007 et plus particulièrement sur sa dispense d'exécution du préavis puisque Mme X... a travaillé pour lui et avec son accord jusqu'au 29 février 2008, date du dernier chèque de 1. 983, 44 € nets correspondant au salaire de février 2008. Selon les déclarations de M. Y... figurant sur les quatre attestations Assedic qu'il a du rédiger successivement pour les corriger (en date des 26 février, 9 avril, 9 juin et 12 novembre 2008), il a payé tous les mois Mme X... jusqu'au mois de février 2008 sans aucune interruption pour un travail, à temps plein, sans aucune mention de congés ou d'arrêts maladie. Il s'ensuit que la relation de travail entre les parties s'est poursuivie jusqu'au 29 février 2008, l'employeur ayant remis à cette époque à la salariée les documents liées à la rupture du dit contrat (attestation Assedic et un certificat de travail en date du 7 mars 2008), mais sans convocation à un entretien préalable, sans entretien préalable et sans lettre de licenciement. La preuve étant rapportée que Mme X... a informé par lettre recommandée du 21 février 2008, reçue le 23 février par M. Y..., qu'elle était enceinte depuis la date présumée du 6 octobre 2007, selon un certificat médical du 3 janvier 2008 joint à la lettre, le licenciement est nul par application de l'article L. 122-25-2 alinéa 1 devenu L. 1225-4 du code du travail qui interdit le licenciement d'une salariée en état de grossesse médicalement constatée. Le jugement est infirmé de ce chef. Dès lors que la salariée ne demande pas sa réintégration, elle a droit au montant des salaires qu'elle aurait perçus pendant la période couverte par la nullité, ainsi qu'aux indemnités de rupture, et à une indemnité réparant intégralement le préjudice résultant du caractère illicite de son licenciement, dont le montant doit être au moins égal à celui prévu par L. 1235-3 du code du travail, soit un montant égal aux salaires bruts perçus par le salarié pendant les six derniers mois. Au vu de ces éléments et des bulletins de paie CESU de Mme X... qui établissent que le salaire moyen mensuel brut est de 2. 444, 03 € et qu'elle peut prétendre percevoir une indemnité compensatrice de préavis de deux mois selon l'article L. 1234-1 du code du travail applicable, il est justifié de faire droit à l'ensemble de ses demandes, non contestées en leur montant par l'employeur, au titre : des salaires pendant la période de nullité jusqu'au 3 novembre 2008 s'élevant à 17. 350, 51 €, de l'indemnité compensatrice de préavis se chiffrant à 4. 888, 06 €, de l'indemnité de licenciement d'un montant 1. 222 €, de l'indemnité réparant le caractère illicite du licenciement s'élevant à 13. 331 €, et du salaire de février 2008, congés payés inclus, se chiffrant à 2. 444, 03 €. Mme X... justifie en effet pour le salaire de février 2008 que M. Y... a fait opposition « pour perte » au chèque en paiement de celui-ci, immédiatement après le lui avoir remis le 29 février 2008. La demande de remboursement d'un mois de préavis formée par l'employeur est rejetée. Le jugement est infirmé sur ces différentes condamnations à l'exclusion de celle relative à l'indemnité de licenciement qui est confirmée. Les demandes principales de la salariée étant accueillies, il n'y a pas lieu d'examiner ses demandes subsidiaires. Il convient d'ordonner la remise, par M. Y... a à Mme X..., d'un certificat de travail, des bulletins de salaires et d'une attestation destinée à l'assurance chômage conformes au présent arrêt,
ALORS QUE, la rupture d'un contrat de travail se situe le jour de l'envoi de la lettre de licenciement, envoyée en recommandé avec demande d'avis de réception ; que l'employeur doit uniquement prouver qu'il a effectivement envoyé la lettre de licenciement au salarié, puisque l'absence de réception, par ce dernier, n'est pas de nature à suspendre la rupture du contrat de travail, qui est immédiate et survient dès l'émission de la lettre recommandée ; que l'écrit sur support électronique a la même force probante que l'écrit sur support papier ; qu'en l'espèce la cour d'appel a constaté que « Monsieur Y... produit une lettre de licenciement " en suivi prétimbré " du 26 novembre 2007 adressée à Madame X..., contenant une dispense de préavis, mais il n'est pas établi qu'elle l'a reçue, en effet, aucun accusé réception n'est produit, et La Poste indique le 25 novembre 2009 que ses recherches relatives à la distribution de la lettre du 26 novembre 2007 n'ont pas pu aboutir parce qu'elle ne conserve les documents qu'une année » ; qu'en statuant ainsi, au motif inopérant que l'accusé de réception n'aurait pas été produit, alors qu'elle venait de constater que l'employeur apportait la preuve de l'envoi de la lettre de licenciement par lettre recommandée électronique à la salariée-condition nécessaire suffisante pour rompre immédiatement le contrat de travail-la cour d'appel a violé l'article L. 1232-6 du code du travail, ensemble l'article 1316-3 du code civil,
ALORS A TITRE SUBSIDIAIRE QUE, la lettre recommandée avec avis de réception visée à l'article L. 1232-6 du code du travail n'est qu'un moyen légal de prévenir toute contestation sur la date de notification du licenciement ; qu'il n'en demeure pas moins que l'envoi par l'employeur et la réception par le salarié de la lettre de licenciement constituent de simples faits pouvant se prouver par tous moyens ; qu'il appartient ainsi à l'employeur d'apporter la preuve de l'envoi de la lettre, tandis qu'il incombe au salarié d'établir l'élément ou la circonstance permettant de douter qu'il l'a reçu ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'employeur avait régulièrement produit la lettre de licenciement du 26 novembre 2007 et l'avis d'émission portant le tampon de la Poste de cette date, mentionnant l'un comme l'autre comme destinataire « Mademoiselle X..., ...» ; que l'employeur avait également produit la lettre recommandée avec avis de réception du 26 février 2008, qui avait été adressé à la même adresse, dont la salariée avait accusé réception, car elle contenait une attestation d'emploi utile aux Assedic ; qu'en se bornant à relever qu'il n'est pas établi que la salariée ait reçu la lettre de licenciement, sans constater que la salariée établissait un élément ou une circonstance permettant de douter qu'elle avait reçu cette lettre, la cour d'appel a violé par fausse application l'article L. 1232-6 du code du travail, par refus d'application, l'article 1315 du code civil, ensemble le principe selon lequel le doute bénéficie au salarié, Les critiques se suffisent à elles-mêmes.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif d'avoir déclaré sans effet le licenciement du 26 novembre 2007, d'avoir dit nul un prétendu licenciement la salariée du 29 février 2008 et d'avoir en conséquence condamné l'employeur à diverses sommes au titre de salaires pendant la période de nullité jusqu'au 3 novembre 2008, au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, congés payés inclus, de l'indemnité de licenciement, de l'indemnité réparant le caractère illicite du licenciement, du salaire de février 2008, congés payés inclus,
AUX MOTIFS critiqués dans le premier moyen, ALORS D'UNE PART QUE, à aucun moment dans ses écritures, l'employeur n'a soutenu ni même allégué qu'il serait revenu, au début du mois de janvier 2008, sur sa lettre de licenciement du 26 novembre 2007 ; quant à la salariée, dans ses écritures, elle a toujours et systématiquement affirmé qu'elle ignorait avoir été licenciée en novembre 2007, qu'elle l'aurait appris verbalement le 14 février 2008 et, elle a expressément contesté l'existence d'une relation affective avec son employeur, puisqu'elle prenait soin de relever que « l'affectif mis en avant par le conseil de l'appelant dans ses conclusions, est au demeurant formellement contesté » (conclusions p. 11 § 2) ; qu'en affirmant « il est établi par l'ensemble de ces éléments et l'absence de dénégation de Mme X... sur l'existence d'une relation affective entre eux, que M. Y... est revenu au début du mois de janvier 2008 sur sa lettre de licenciement du 26 novembre 2007 », la cour d'appel a dénaturé le sens clair et précis et exactement contraire des écritures des deux parties, violant ainsi l'article 1134 du code civil,
ALORS EGALEMENT QU'en statuant ainsi la cour d'appel a également méconnu l'objet du litige tel qu'il est fixé par les prétentions respectives des parties, violant ainsi l'article 4 du code de procédure civile,
ALORS DE SURCROIT QUE le juge ne peut fonder sa décision sur des faits qui ne sont pas dans le débat et qu'il ne peut retenir dans sa décision des éléments de fait que les parties n'ont pas été à même de débattre contradictoirement ; qu'en relevant d'office, sans solliciter l'observation préalable des parties, qu'en janvier 2008, l'employeur serait revenu sur le licenciement du 26 novembre 2007 et que la salariée l'aurait accepté, alors que ni l'employeur ni le salarié n'avaient envisagé ni même allégué une telle hypothèse dans leurs écritures respectives, la cour d'appel violé les articles 7 et 16 du code de procédure civile,
ALORS EN PLUS QUE, dès l'instant où il est notifié, le licenciement ne peut être unilatéralement annulé par l'employeur, qui ne peut revenir sur sa décision de licencier qu'avec l'accord du salarié ; que le silence ne vaut pas, à lui seul, acceptation ; qu'en se fondant sur « l'absence de dénégation de la salarié quant à l'existence d'une relation affective avec son employeur » pour en déduire, de cet élément totalement étranger à la relation de travail, que la salariée aurait accepté que son employeur revienne sur le licenciement du 26 novembre 2007, la cour d'appel a violé L. 1232-6 du code du travail, ensemble l'article 1315 du code civil,
ALORS EN OUTRE QUE, n'est pas motivé le jugement qui se détermine sur les seules allégations d'une partie, a fortiori lorsque ces allégations ne sont étayées par aucun commencement de preuve et qui, par la même occasion, refuse d'analyser, ne serait que sommairement, les conclusions contraires de la partie adverse et les pièces régulièrement produite par celle-ci ; qu'en l'espèce, la salariée se contenait d'affirmer dans ses écritures que « Mademoiselle X... reprenait son travail le 2 janvier 2008 » (conclusions p. 5) sans produire le moindre commencement de preuve en ce sens ; qu'à l'inverse, dans ses écritures l'employeur soutenait expressément que « Mademoiselle X... ne s'est plus présentée à son poste de travail sans prévenir Monsieur Y... et sans fournir de justificatif depuis le 1er juillet 2007 » ; qu'à l'appui de ses conclusions, l'employeur avait régulièrement produit trois attestations de Messieurs Z..., A..., B... qui corroboraient, de manière concordante, que la salariée n'avait plus jamais été présente auprès de son employeur depuis le 1er juillet 2007 ; qu'en se fondant sur la seule affirmation péremptoire de la salariée, pour estimer « qu'il n'est pas contesté par M. Y... que Mme X... a travaillé chez lui à compter du 2 janvier jusqu'à la fin du mois de février 2008 »- alors que l'employeur contestait expressément cette affirmation et produisait régulièrement des éléments de preuve au soutien de ses écritures, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile,
ALORS ENFIN QU'en affirmant « qu'il n'est pas contesté par M. Y... que Mme X... a travaillé chez lui à compter du 2 janvier jusqu'à la fin du mois de février 2008 », la cour d'appel a en plus dénaturé le sens claire et précis et absolument contraire des écritures de l'employeur, violant ainsi une nouvelle fois l'article 1134 du code civil.