LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Le Boismangé (la débitrice) ayant été mise en redressement judiciaire le 24 mars 2010, la société Sadec a revendiqué des éléments de cuisine professionnelle qu'elle lui avait vendus, avec réserve de propriété, pour l'exploitation de son restaurant et dont le prix était demeuré partiellement impayé ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu que la débitrice fait grief à l'arrêt d'autoriser la société Sadec à récupérer certains biens alors, selon le moyen, que l'immobilisation par destination du mobilier affecté au service et à l'exploitation du fonds s'oppose à l'exercice de l'action en revendication du vendeur dudit mobilier bénéficiaire d'une clause de réserve de propriété ; qu'ayant constaté que les matériels revendiqués portaient sur des éléments de cuisine professionnelle que la société Sadec avait vendus avec réserve de propriété à la débitrice et qui étaient nécessaires à l'exploitation de son fonds de commerce de restaurant, ce dont il résultait que ces matériels affectés à l'exploitation commerciale du restaurant constituaient des immeubles par destination par l'effet de la loi, la cour d'appel qui a jugé du contraire pour faire droit à l'action en revendication de la société Sadec, a violé les articles 524 du code civil et L. 624-16 du code de commerce ;
Mais attendu que le champ d'application de la revendication en cas de procédure collective est défini par l'article L. 624-16 du code de commerce, qui ne se réfère pas à la notion d'immobilisation par destination ; que le moyen est inopérant ;
Mais sur le moyen, pris en sa seconde branche :
Vu les articles 1315 du code civil et L. 624-16 du code de commerce ;
Attendu que pour autoriser la société Sadec à récupérer certains biens, l'arrêt énonce que la débitrice ne peut s'opposer à la revendication qu'en démontrant qu'elle porte sur des biens mobiliers incorporés dans un autre bien, dont la séparation ne peut être effectuée sans qu'ils en subissent un dommage, ou des biens attachés à perpétuelle demeure au sens de l'article 525 du code civil puis retient qu'il suffit qu'un simple démontage permette l'opération sans causer un dommage à une partie immobilière ou un autre bien et qu'à cet égard, la débitrice est défaillante en la preuve qui lui incombe ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il appartient au revendiquant d'établir l'existence en nature des biens revendiqués dans le patrimoine du débiteur au jour de l'ouverture de la procédure collective et, par conséquent, que la séparation des biens mobiliers incorporés dans un autre bien peut s'effectuer sans dommage, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il dit recevable l'appel de la société Le Boismangé et, confirmant le jugement du 10 novembre 2011, dit le recours de la société Sadec contre l'ordonnance du 10 janvier 2011 recevable en la forme, l'arrêt rendu le 20 juin 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;
Condamne la société Sadec aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer la somme de 3 000 euros à la société Le Boismangé ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix mars deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat aux Conseils, pour la société Le Boismangé.
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir autorisé la société SADEC à récupérer les biens figurant en page 1, 2, 3 et 4 de la liste annexée à son recours, dans les locaux de la société LEBOISMANGE
AUX MOTIFS PROPRES QUE "la SARL LEBOISMANGE ne conteste pas le principe de la clause de réserve de propriété (...) ; qu'il est pourtant par ailleurs constant que le matériel de cuisine commandé par la SARL LEBOISMANGE n'a pas été antérieurement payé ; qu'au regard de la cette livraison et de ce matériel non payé, la clause de réserve de propriété a vocation à s'appliquer ; que ne peut lui être opposée une autre créance de la SARL LEBOISMANGE contre la SA SADEC, dès lors que le problème n'est pas de savoir si une compensation au paiement litigieux est possible mais à qui appartient le matériel livré et non payé ; (...) que la S.A.R.L. LEBOISMANGE fait enfin valoir subsidiairement - en droit - qu'il ne s'agirait plus de meubles mais d'immeubles par destination ; que l'article L 121-6 du Code de commerce serait inapplicable ; (...) que ce texte (...) n'existe pas ; il s'agit sans doute de l'article L 624-16 du code de commerce (...) ; que au-delà de ce texte - en droit toujours ¿ la S.A.R.L. LEBOISMANGE évoque la notion d'immeuble par destination sans énoncer le texte de référence ; que le texte en cause est l'article 517 du code civil et les articles suivants dont (...)Article 524 Les animaux et les objets que le propriétaire d'un fonds y a placés pour le service et l'exploitation de ce fonds sont immeubles par destination (...) ;qu'au sens et en application de ces textes la SARL LEBOISMANGE ne peut s'opposer à la revendication qu'en démontrant qu'il s'agit de - bien immobiliers incorporés dans un autre bien dont la séparation ne peut être effectuée sans qu'ils en subissent un dommage - de biens attachés à perpétuelle demeure au sens de l'article 525 du code civil ;que, en son action et dès lors qu'un paiement partiel a été opéré par la S.A.R.L. LEBOISMANGE, la SA SADEC n'a pas à faire un décompte de ce qu'elle considère comme payé ou non payé, dès lors qu'il n'est pas soutenu et il n'est pas démontré qu'elle exercerait sa revendication sur plus que sa créance résiduelle ; que le rapport d'expertise judiciaire de Jérôme X... en date du 26/10/2010 indique de toute façon (page 60) une créance résiduelle de la S.A SADEC de 47 238.33 ¿ ; que la SA SADEC a présenté une liste de matériels en 4 pages dès sa demande de première instance et cette liste de matériel est la base de référence du jugement entrepris ; que sur cette liste de matériels ¿ au demeurant parfaitement identifiés ¿ ne figure pas du matériel relevant des conduites d'eau au sens de l'article 523 du code civil précité et la SA SADEC ne demande, contrairement à ce que soutient la S.AR.L. LEBOISMANGE, aucune élément de cuisine "solidaire du mur" ; que le bain marie est peut être comme le dit l'appelante "solidaire du chauffe plat" mais ce dernier n'est pas un immeuble ; que si la salamandre TECNOX ou la friteuse CAPIX sont selon l'appelante l'une et l'autre "fixée au mur", leur démontage est possible sans nécessaire dommage ; que l'argument de la S.A.R.L. LEBOISMANGE selon lequel "les éléments de cuisine dans leur ensemble, y compris ceux non incorporés au mur forment une unité aux dimensions de la pièce" est sans portée pour l'application des restrictions à l'action en revendication, telles que rappelées supra ; qu'il suffit qu'un simple démontage permette l'opération sans causer un dommage à une partie immobilière ou un autre bien ; que à cet égard, la SARL LEBOISMANGE appelante est défaillante en la preuve qui lui incombe ; qu'il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;"
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE "aux termes de l'article L 624-16 du code de commerce, peuvent être revendiqués les biens vendus avec clause de réserve de propriété lorsqu'ils se trouvent en nature au jour de l'ouverture de la procédure ; que la société LEBOISMANGE a commandé auprès de la société SADEC divers matériel nécessaire à l'exploitation de son fonds de commerce ; qu'il n'est pas contesté que la société SADEC a livré le matériel commandé ; (...) que les parties ont contractuellement convenu que le matériel vendu était cédé sous clause de réserve de propriété ; que cette clause a été convenue avant la livraison du matériel ; (...) que cette clause est parfaitement opposable à la société LEBOISMANGE ; que le constat d'huissier produit aux débats atteste de ce que la matériel existe toujours en nature ; qu'une partie de ce matériel n'a pas été incorporé ; qu'il n'est nullement démontré de ce que la reprise du matériel incorporé causerait un important dommage au matériel luimême ou au fonds de commerce ; que dès lors, il convient de relever que le matériel a bien été cédé sous clause de réserve de propriété, que ce matériel existe bien en nature et qu'il n'est nullement justifié des dommages causés par la reprise dudit matériel ; qu'il convient de recevoir le recours formé comme recevable en la forme et suffisamment justifié quant au fond et de mettre à néant l'ordonnance critiquée et d'autoriser la SA SADEC à récupérer les biens figurant en page 1, 2, 3 et 4 sur la liste annexée à son recours, dans les locaux de la SARL LE BOISMANGE ;
ALORS D'UNE PART QUE l'immobilisation par destination du mobilier affecté au service et à l'exploitation du fonds s'oppose à l'exercice de l'action en revendication du vendeur dudit mobilier bénéficiaire d'une clause de réserve de propriété ; qu'ayant constaté que les matériels revendiqués portaient sur des éléments de cuisine professionnelle que la société SADEC avait vendus avec réserve de propriété à la société LEBOISMANGE et qui étaient nécessaires à l'exploitation de son fonds de commerce de restaurant, ce dont il résultait que ces matériels affectés à l'exploitation commerciale du restaurant constituaient des immeubles par destination par l'effet de la loi, la Cour d'appel qui a jugé du contraire pour faire droit à l'action en revendication de la société SADEC, a violé les articles 524 du code civil et L 624-16 du code de commerce ;
ALORS D'AUTRE PART ET SUBSIDIAIREMENT QUE c'est au demandeur à l'action en revendication qu'il appartient de démontrer que les meubles dont il s'est réservé la propriété se retrouvent en nature au moment de l'ouverture de la procédure ; qu'en énonçant que la société LEBOISMANGE ne pouvait s'opposer à l'action en revendication qu'en démontrant que les biens revendiqués avaient été incorporés dans un autre bien dont la séparation ne pouvait s'opérer sans dommage ou qu'il s'agissait de biens attachés à perpétuelle demeure, la Cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 du code civil et L 624-16 du code de commerce.