LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée le 9 août 2004 par l'association Comité de développement économique d'Eure-et-Loir en qualité de d'assistante de gestion des filières ; qu'elle a été en arrêt maladie du 29 janvier 2010 au 7 juin 2010, étant déclarée à cette date par le médecin du travail " inapte à son poste et à tout poste dans l'entreprise, le maintien à son poste de travail entraînant un danger immédiat " ; qu'ayant été licenciée le 22 juillet 2010 pour inaptitude et impossibilité de reclassement, elle a saisi la juridiction prud'homale ;
Sur le troisième moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le premier moyen :
Vu les articles L. 1232-6 du code du travail et 1134 du code civil ;
Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer les documents de la cause ;
Attendu que l'absence de pouvoir du signataire de la lettre de licenciement prive le licenciement de cause réelle et sérieuse ;
Attendu que pour dire que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que les restrictions apportées par le statut de l'employeur au pouvoir du président de déléguer sa fonction de représentation à l'extérieur ne l'empêchent pas de déléguer durablement ses pouvoirs d'administration interne à un non-membre du conseil d'administration et qu'une délégation peut être tacite et résulter de la nature des fonctions exercées ;
Qu'en statuant ainsi, alors que les statuts de l'employeur stipulaient que : " Le président représente l'association dans tous les actes de la vie civile et est investi de tous les pouvoirs à cet effet (...). Il peut déléguer une partie de ses attributions pour une période définie et limitée dans le temps à un autre membre du conseil d'administration. ", la cour d'appel, qui a dénaturé ces statuts, a violé les textes et le principe susvisés ;
Et sur le deuxième moyen :
Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
Attendu que pour débouter la salariée de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse pour harcèlement moral, l'arrêt retient que l'avertissement du 15 janvier 2010 était justifié car il ressort des dires de la salariée que le travail demandé pour le 6 janvier 2010 n'était pas terminé le 14 janvier ; qu'il résulte également de l'attestation de Mme Y... produite au dossier par l'employeur, que le préfet du département s'étant plaint de n'avoir pas reçu d'invitation pour le " Cosmetech ", la direction avait demandé à la salariée de vérifier s'il faisait bien partie du listing d'invités ; qu'elle avait alors assuré que le préfet avait bien reçu l'invitation car il était sur cette liste ; que lasse d'entendre les réclamations du préfet, la direction avait elle-même vérifié ce listing et s'était aperçue qu'il y avait eu " erreur sur le préfet " ; que cette erreur et ce manque de franchise, qui ne sont pas contestés par la salariée, expliquent les mentions portées dans ses évaluations annuelles 2008 et 2009 : " pas la peine de cacher parfois les erreurs commises, il est souvent moins grave de dire tout de suite ce qui ne va pas " et " merci de vérifier à faire ce qu'on dit, et à annoncer réellement ce qui a été fait, la confiance se gagne difficilement et se perd souvent très rapidement " ; qu'elles justifient également la méfiance dont a pu faire preuve l'employeur à l'endroit de la salariée en faisant vérifier son travail par ses collègues ; qu'en ce qui concerne le salon de l'emballage, au cours duquel la salariée soutenait avoir du démonter seule le stand de l'entreprise, ses allégations sont contredites par les dires de l'employeur suivant lesquels, pas moins de quatre personnes sont intervenues sur le salon, dont l'une les 17 et 18 novembre, une autre ayant assuré des entretiens lors des prises de rendez vous programmés le 19 novembre et le mobilier ayant été fourni par le prestataire CENTRECO ; que le fait que la salariée ait souffert d'un lumbago trois mois plus tard ne démontre pas la réalité de ses propos ; que les circonstances et les motifs du renvoi de Mme X... dans son bureau par son supérieur hiérarchique, alors que l'intéressée aidait une autre salariée a établir la comptabilité du CODEL, ne sont pas explicités ; que rien ne permet donc d'évaluer celles-ci et, par conséquent, d'exclure que cette décision ait été justifiée par un exercice normal du pouvoir de direction de l'employeur ; qu'il en va de même des demandes formulées plusieurs fois par le supérieur hiérarchique de la salariée au moment de son départ à la fin de sa journée de travail dont les motifs ne sont pas précisés et qui ne traduisent pas nécessairement sa malveillance ou son mépris pour la salariée ; que les faits et comportements dénoncés par Mme Z... ne concernent pas Mme X... et ne peuvent être utilement invoqués par cette dernière ; que les certificats médicaux du médecin traitant, et du psychiatre psychothérapeute de la salariée ne permettent pas d'établir une relation certaine entre le comportement des dirigeants du CODEL et l'état de santé de l'intéressée ; que le premier indique que la salariée présente depuis janvier 2010, " une dépression suite à un conflit majeur du travail " et que " sa patiente lui décrit un climat de harcèlement continu " ; que le second constate un état dépressif avec troubles du sommeil et de l'appétit, tristesse de l'humeur, anxiété, baisse de l'élan vital, isolement social, fatigue pour lequel elle est traitée par antidépresseurs, ajoutant que : " le lien entre l'état psychique de ma patiente et les conditions morales qu'elle décrit dans son travail, si celles-ci sont avérées, est évident " ; qu'aucun de ces deux médecins n'a vérifié sur place les conditions de travail de Mme X... et n'est en mesure d'affirmer objectivement l'existence d'un lien de causalité entre ces conditions et l'état dépressif de la salariée ; qu'en revanche, le médecin du travail a visité le CODEL le 11 mars 2010 et établi un rapport qui ne vise à aucun moment une situation de harcèlement à l'égard de quiconque ; que les difficultés de santé, personnelles et familiales dont souffre Mme X... et dont elle n'a pas, semble t-il, fait état devant les médecins susnommés, expliquent suffisamment les troubles ci-dessus décrits ; que la salariée n'a pas suffisamment rapporté la preuve de faits pouvant faire présumer un harcèlement moral qui obligeraient l'employeur à démontrer que tous ses actes relèveraient d'un usage normal de son pouvoir de direction ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ces constatations l'existence de faits matériellement établis, de sorte qu'il lui appartenait d'apprécier si ces éléments pris dans leur ensemble permettaient de présumer l'existence d'un harcèlement moral, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement d'une part, en ce qu'il déboute Mme X... de ses demandes tant en dommages-intérêts pour harcèlement moral, qu'au titre d'un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse, d'autre part en ce qu'il limite à 255, 39 euros le montant de l'indemnité de licenciement, l'arrêt rendu le 26 juin 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne l'association Comité de développement économique d'Eure-et-Loir aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de l'association Comité de développement économique d'Eure-et-Loir et la condamne à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mars deux mille quinze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Carbonnier, avocat aux Conseils, pour Mme X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté la demande de Madame Géraldine X... tendant au versement par l'association Codel d'une indemnité de 75. 000 € pour licenciement nul et, à titre subsidiaire, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et d'AVOIR limité à la somme de 255, 39 € l'indemnité de licenciement due par la Codel à Madame X...,
AUX MOTIFS QUE " Sur la régularité du licenciement : Mme X... fait valoir en premier lieu que M. A..., Directeur, n'avait pas le pouvoir de la licencier car les statuts de l'association ne permettaient au Président du CODEL que de déléguer une partie de ses pouvoirs au conseil d'administration. Or, M. A... ne fait pas partie de ce conseil. Il est répliqué que le président pouvait valablement déléguer ce pouvoir au Directeur de manière expresse ou tacite. Il résulte des statuts de l'association que " le Président représente l'association dans tous les actes de la vie civile et est investi de tous les pouvoirs à cet effet. (...) Il peut déléguer une partie de ses attributions pour une période définie et limitée dans le temps à un autre membre du conseil d'administration ". Toutefois, les restrictions apportées par ce document au pouvoir du Président de déléguer sa fonction de représentation de l'association à l'extérieur ne l'empêche pas de déléguer durablement ses pouvoirs d'administration interne à un non membre du conseil d'administration. A défaut d'une telle possibilité l'association ne pourrait d'ailleurs fonctionner. C'est donc valablement que par acte du 28 juin 2006, le Président du CODEL a donné à M. A..., Directeur de ladite association, une délégation de pouvoirs incluant la faculté de " procéder si besoin à tout licenciement après avoir préalablement recherché d'éventuels reclassements ". Au surplus, une délégation du pouvoir de licencier peut être tacite et résulter de la nature des fonctions de celui qui l'exerce. Mme X... ne peut donc contester utilement la capacité de M. A... à mettre en oeuvre son licenciement " (arrêt, p. 3),
ET AUX MOTIFS éventuellement ADOPTES QUE " Madame X... déclare qu'au vu des statuts du CODEL, seul " le Président représente l'association dans tous les actes de la vie civile et est investi de tous pouvoirs à cet effet. " Que le directeur n'est pas membre du Conseil d'Administration, Qu'il n'a donc pas compétence pour signer la lettre de licenciement. Attendu qu'en vertu des pièces 29 et 33 versées aux débats par la partie défenderesse, le directeur signe les contrats de travail, ce qui n'est pas contesté, Qu'il a également une délégation de pouvoir donnée par le Président du CODEL, Que de ce fait le directeur Monsieur A... a bien compétence pour signer la lettre de licenciement. En conséquence, Madame X... sera déboutée de ses demandes concernant la procédure de licenciement " (jugement, p. 4),
1°) ALORS QUE le juge ne peut dénaturer les termes clairs et précis des actes qui lui sont soumis ;
Qu'aux termes de l'article 6 des statuts de l'association Codel, " le Président représente l'association dans tous les actes de la vie civile et est investi de tous les pouvoirs à cet effet. (...) Il peut déléguer une partie de ses attributions pour une période définie et limitée dans le temps à un autre membre du conseil d'administration " ; que les statuts ne donnant au président pouvoir pour déléguer ses attributions qu'à un autre membre du conseil d'administration, et non à un tiers, il s'ensuit que seul le président pouvait engager et prononcer une mesure de licenciement, si bien que le directeur, Monsieur A..., n'avait pas le pouvoir de licencier Madame X... ;
Qu'en considérant que « les restrictions apportées par ce document les statuts au pouvoir du Président de déléguer sa fonction de représentation de l'association à l'extérieur ne l'empêche pas de déléguer durablement ses pouvoirs d'administration interne à un non membre du conseil d'administration. A défaut d'une telle possibilité l'association ne pourrait d'ailleurs fonctionner », la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;
2°) ALORS QU'il entre dans les attributions du président d'une association de mettre en oeuvre la procédure de licenciement sauf disposition statutaire attribuant cette compétence à un autre organe ;
Qu'en l'espèce, il est constant que l'article 6 des statuts de l'association Codel énonce que " le Président représente l'association dans tous les actes de la vie civile et est investi de tous les pouvoirs à cet effet. (...) Il peut déléguer une partie de ses attributions pour une période définie et limitée dans le temps à un autre membre du conseil d'administration " ; que les statuts ne donnant au président pouvoir pour déléguer ses attributions qu'à un autre membre du conseil d'administration, et non à un tiers, il s'ensuit que seul le président pouvait engager et prononcer une mesure de licenciement, si bien que le directeur, Monsieur A..., n'avait pas le pouvoir de licencier Madame X... ;
Qu'en considérant que « les restrictions apportées par ce document les statuts au pouvoir du Président de déléguer sa fonction de représentation de l'association à l'extérieur ne l'empêche pas de déléguer durablement ses pouvoirs d'administration interne à un non membre du conseil d'administration », la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis des statuts de l'association et violé les articles L. 1232-2 et L. 1232-6 du code du travail.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté la demande de Madame Géraldine X... tendant au versement par l'association Codel d'une indemnité de 75. 000 € pour licenciement nul et, à titre subsidiaire, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi qu'une somme de 15. 000 € pour harcèlement moral et absence de prévention, et d'AVOIR limité à la somme de 255, 39 € l'indemnité de licenciement due par l'association Codel à Madame X...,
AUX MOTIFS QUE " Mme X... invoque également la nullité de son licenciement en alléguant que l'inaptitude qui motive cette décision serait due au harcèlement moral qu'elle a subi du fait du Directeur M. A... et de son adjoint M.
B...
. Elle invoque des conditions de travail exécrables qui seraient à l'origine de la dégradation de sa santé et notamment un avertissement totalement injustifié, un management " musclé " synonyme de mépris, de dénigrement, de comportements vexatoires et de suspicion émanant essentiellement de MM. B... et A.... Elle soutient également que l'employeur, qui connaissait sa fragilité psychologique, n'a pas pris les mesures qui s'imposaient pour assurer sa protection et tout au contraire s'est évertué à poursuivre un processus dont il savait qu'il provoquerait à terme la fin de la relation contractuelle. Elle justifie de ses allégations par plusieurs pièces :- la lettre d'avertissement du 15 janvier 2010 qui lui reproche d'avoir manqué de précision dans l'organisation d'un rendez-vous entre M.
B...
et une adhérente Mme C... dirigeant l'entreprise PHARIVIADEC, l'un des principaux sponsors du CODEL de telle sorte que celle-ci est venue de Blois à Chartres en décembre 2009 croyant que la rencontre devait avoir lieu au siège de l'association tandis que le Directeur faisait le chemin inverse et de n'avoir pas fait, en temps utile et malgré les relances, les travaux préparatoires à l'arrêt des comptes par les experts comptables qui devaient opérer du 06 au 12 janvier ;- l'attestation de Mme D..., ex-assistante de Direction qui rapporte que M. E... avait une attitude de dénigrement vis-à-vis de certaines personnes du CODEL (non dénommées) et qu'un jour, elle a été " surprise du renvoi non justifié de Géraldine (X...) dans son bureau alors qu'elle m'aidait dans la comptabilité du CODEL, situation qui ne s'est jamais produite lorsque Christine Y... m'assistait " et que, " Fabien
B...
trouvait souvent le moyen de rappeler Géraldine X... au moment de son départ parce qu'il avait de son côté oublié un travail de dernière minute, travail qu'elle n'a jamais refusé d'exécuter " ;- le courriel de Mme F..., ex-salariée de la société en date du 13 juin 2010, dans lequel celle-ci, ayant eu connaissance de l'inaptitude de Mme X..., lui affirme que son licenciement probable est un mal nécessaire car cette séparation lui permettra de se reconstruire : " ça va être dur mais tu n'auras plus rien à voir avec eux et c'est çà qui compte car tu ne peux te relever en étant toujours liée à eux ". Elle ajoute : " j'en reviens pas que tout ait pu se passer comme çà à cause d'eux et en même temps, comme je l'ai vécu aussi avec toi, je sais ce qu'ils t'ont fait endurer " ;- l'attestation de Mme Z... qui dénonce " une pression croissante de la part de M.
B...
: charge et cadence de travail, moqueries et propos blessants à (mon) égard, tout comme à l'égard d'autres salariés du CODEL, ainsi que la grossièreté de M. A... qui lui aurait répondu " ta gueule " alors qu'elle demandait à poser un congé " ;- le courriel envoyé par Mme X... elle-même à Mme G..., médecin, le 11 mars 2010, qui donne la version de la salariée concernant les faits ayant donné lieu à l'avertissement précité et relate le déroulement de l'entretien qui a précédé cette sanction en précisant que M. A... lui a ordonné de se taire, ne voulant entendre aucune explication, et lui déclarant qu'elle ternissait l'image du CODEL. Il résulte également de cette pièce qu'une semaine plus tard " la suspicion pesait toujours car M. E... faisait même vérifier (son) travail par d'autres collègues qui le (lui) répétaient mais la Direction ne le savait pas " ; que lors du salon de l'emballage qui se tenait à Paris fin 2008, elle avait demandé à ne pas participer au montage du stand et à ne faire que de la présence car elle souffrait du dos et qu'il y avait sur place un Directeur et deux chargés de mission, ce à quoi M.
B...
lui aurait répondu qu'elle ferait ce qu'on lui demandait et qu'elle avait dû se débrouiller seule pour assurer le démontage, ce qui lui aurait valu un arrêt de travail d'un mois en février à cause d'un lumbago. Elle déclare également, dans ce même message, qu'au mois de juillet, elle aurait entendu M. A... qui se tenait alors dans le bureau de Mme
H...
, parler d'elle et de Mme I... en les désignant comme " les boudins de l'entrée " ; qu'elle s'était alors levée en le remerciant mais qu'il s'était contenté de baisser la tête et de sourire. Elle ajoute enfin : " souvent le travail donné était volontairement pas très clair et lorsque je demandais à M. B... ce qu'il voulait exactement, il me répondait qu'il était toujours occupé et de revenir plus tard, ceci au moins deux ou trois fois avant que je puisse savoir exactement ce qu'il souhaitait ". Dans le courriel précité, Mme X... déclare à propos du rendez-vous manqué de décembre 2009 qu'elle n'avait pas confirmé le lieu de rendez-vous à Mme C... étant donné qu'il était inscrit dans le calendrier " outlook ", version professionnelle des agendas. Or l'examen des activités de ce mois dans l'extrait d'agenda versé au dossier ne livre aucune trace d'un rendez-vous avec Mme C.... Par ailleurs, la salariée écrit que " en fait tout était terminé, les documents étaient prêts et posés à la droite de (son) bureau et qu'il restait 10 lettrages à faire ", propos qui confirme que le travail demandé pour le 06 n'était pas terminé le 14 malgré les relances. Il résulte de ces éléments que l'avertissement du 15 janvier 2010 n'était nullement injustifié.
Il résulte également de l'attestation de Mme Y... produite au dossier par l'employeur, que le préfet du département s'étant plaint de n'avoir pas reçu d'invitation pour le " Cosmetech ", la Direction avait demandé à Géraldine (X...) de vérifier s'il faisait bien partie du listing d'invités ; qu'elle avait alors assuré que le préfet avait bien reçu l'invitation car il était sur cette liste ; que lasse d'entendre les réclamations du préfet, la Direction avait elle-même vérifié ce listing et s'était aperçue qu'il y avait eu " erreur sur le préfet ". Cette erreur et ce manque de franchise, qui ne sont pas contestés par la salariée, expliquent les mentions portées dans ses évaluations annuelles 2008 et 2009 : " pas la peine de cacher parfois les erreurs commises, il est souvent moins grave de dire tout de suite ce qui ne va pas " et " merci de vérifier à. faire ce qu'on dit, et à annoncer réellement ce qui a été fait, la confiance se gagne difficilement et se perd souvent très rapidement ". Elles justifient également la méfiance dont a pu faire preuve M.
B...
à son endroit en faisant vérifier son travail par ses collègues. En ce qui concerne le salon de l'emballage, les allégations de la salariée sont contredites par les dires de l'employeur suivant lesquels, pas moins de 4 personnes sont intervenues sur le salon, dont Mme F... les 17 et 18 novembre, Mme H... ayant assuré des entretiens lors des prises de rendez vous programmés le 19 novembre et le mobilier ayant été fourni par le prestataire CENTRECO. Le fait que Mme X... ait souffert d'un lumbago trois mois plus tard ne démontre pas la réalité de ses propos. Les circonstances et les motifs du renvoi de Mme X... dans son bureau par M.
B...
, alors que celle-ci aidait Mme D... a établir la comptabilité du CODEL, ne sont pas explicités. Rien ne permet donc d'évaluer celles-ci et, par conséquent, d'exclure que cette décision ait été justifiée par un exercice normal du pouvoir de direction de l'employeur. Il en va de même des demandes formulées plusieurs fois par M. B... au moment de son départ dont les motifs ne sont pas précisés et qui ne traduisent pas nécessairement sa malveillance ou son mépris pour la salariée. Les faits et comportements dénoncés par Mme Z... ne concernent pas Mme X... et ne peuvent être utilement invoqués par cette dernière. Les certificats médicaux des docteurs J..., médecin traitant, et K... psychiatre psychothérapeute, ne permettent pas d'établir une relation certaine entre le comportement des dirigeants du CODEL et l'état de santé de Mme X.... Le premier indique que la salariée présente depuis janvier 2010, " une dépression suite à un conflit majeur du travail " et que " sa patiente lui décrit un climat de harcèlement continu ". La seconde constate un état dépressif avec troubles du sommeil et de l'appétit, tristesse de l'humeur, anxiété, baisse de l'élan vital, isolement social, fatigue pour lequel elle est traitée par antidépresseurs. Elle ajoute que " le lien entre l'état psychique de ma patiente et les conditions morales qu'elle décrit dans son travail, si celles-ci sont avérées, est évident ". Aucun de ces deux médecins n'a vérifié sur place les conditions de travail de Mme X... et n'est en mesure d'affirmer objectivement l'existence d'un lien de causalité entre ces conditions et l'état dépressif de la salariée. En revanche, comme le relève l'employeur, le médecin du travail a visité le CODEL le 11 mars 2010 et établi un rapport qui ne vise à aucun moment une situation de harcèlement à l'égard de quiconque. Les difficultés de santé, personnelles et familiales dont souffre Mme X... (enfant anorexique, divorce difficile, conflits familiaux entre sa mère et ses frères et soeurs) et dont elle n'a pas, semble t-il, fait état devant les médecins susnommés, expliquent suffisamment les troubles ci-dessus décrits. Mme X... n'a pas suffisamment rapporté la preuve de faits pouvant faire présumer d'un harcèlement moral qui obligeraient l'employeur à démontrer que tous ses actes relèveraient d'un usage normal de son pouvoir de direction " (arrêt, p. 4 à 6),
ET AUX MOTIFS éventuellement ADOPTES QUE " A titre subsidiaire sur la nullité du licenciement, L'article L. 1152-1 du Code du travail dispose " aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. " Attendu que Madame X... s'est vue notifier un seul avertissement le 15 janvier 2010, Que cette unique notification n'est donc pas constitutive d'un comportement répétitif de la part du CODEL, Attendu d'autre part que Madame X... n'apporte aucun élément établissant un lien entre son inaptitude et un quelconque harcèlement, Qu'il n'y a donc pas lieu de faire droit à sa demande de nullité de licenciement ainsi que des demandes afférentes. Sur la demande de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1382 du Code civil L'article 1382 du Code civil dispose " tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer. " Attendu que Madame X... sollicite des dommages et intérêts en raison d'un préjudice moral consécutif aux agissements de harcèlement moral, Que le harcèlement moral n'a pas été retenu, Que la demande de Madame X... pour préjudice consécutif au harcèlement moral sera rejetée " (jugement, p. 4),
ALORS QUE, lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;
Qu'en l'espèce, pour dire que Madame X... n'avait « pas suffisamment rapporté la preuve de faits pouvant faire présumer d'un harcèlement moral qui obligeraient l'employeur à démontrer que tous ses actes relèveraient d'un usage normal de son pouvoir de direction », la cour d'appel a notamment écarté l'attestation de Madame D... en observant que « rien ne permet ¿ d'exclure que cette décision le renvoi de Madame X... ait été justifiée par un exercice normal du pouvoir de direction de l'employeur » et « il en va de même des demandes formulées plusieurs fois par M.
B...
au moment de son départ dont les motifs ne sont pas précisés et qui ne traduisent pas nécessairement sa malveillance ou son mépris pour la salariée » ; que, pour justifier les mentions dénigrantes portées dans les évaluations annuelles 2008 et 2009 et la méfiance de Monsieur
B...
à l'endroit de Madame X..., en faisant systématiquement vérifier son travail par ses collègues, la cour d'appel a fait appel à une attestation de Madame Y... produite aux débats par l'employeur ; qu'en outre, pour écarter les certificats médicaux produits par Madame X... établissant une relation certaine entre le comportement des dirigeants du Codel et l'état de santé de Madame X..., la cour d'appel a relevé : « comme le relève l'employeur, le médecin du travail a visité le Codel le 11 mars 2010 et établi un rapport qui ne vise à aucun moment une situation de harcèlement à l'égard de quiconque » ;
Qu'en statuant ainsi, en procédant à une appréciation séparée de chaque élément invoqué par la salariée, alors qu'il lui appartenait de dire si, pris dans leur ensemble, les éléments matériellement établis, dont les certificats médicaux, laissaient présumer l'existence d'un harcèlement moral, et seulement dans l'affirmative, d'apprécier les éléments de preuve fournis par l'employeur pour démontrer que les mesures en cause étaient étrangères à tout harcèlement moral, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté Madame X... de sa demande de paiement d'heures supplémentaires,
AUX MOTIFS QUE " Mme X... a produit au soutien de sa demande :- des éditions des pages de son agenda des années 2008 et 2009 ;- un décompte des heures supplémentaires jour par jour. Toutefois, l'emploi du temps détaillé dans cet agenda ne correspond pas aux heures supplémentaires mentionnées dans le décompte. Par ailleurs, l'employeur pointe à juste titre les incohérences contenues dans les feuilles d'agenda elles-mêmes. Ainsi, à titre d'exemple, pour la journée du 15 janvier 2008 apparaissent simultanément les mentions " 08h30/ 17h30 : congés " et " 09h 12h : Revue de Direction " ; pour la journée du 18 juillet 2008 apparaissent les mentions : " 08 h30/ 17h30 : congés " et " 12h30 15h00 : déjeuner équipe avec Président LL. au St Hilaire à Chartres " ; pour la journée du 14 juillet 2008, il est indiqué : " 14h00/ 17h30 envoi courriers PP au CG M DUBUC mise à jour " alors que l'entreprise était fermée. Ces incohérences ne permettent pas de considérer que la salariée a suffisamment étayé sa demande et établi une présomption ne pouvant être renversée que par la preuve rapportée par l'employeur des heures effectivement accomplies. Mme X... sera en conséquence déboutée de sa demande de paiement d'heures supplémentaires et le jugement déféré sera réformé de ce chef " (arrêt, p. 7),
ALORS QU'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; que le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties, que le juge ne peut, pour rejeter une demande d'heures supplémentaires, se fonder sur l'insuffisance des preuves apportées par le salarié ; qu'il doit examiner les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié et que l'employeur est tenu de lui fournir ;
Que pour rejeter la demande en paiement d'heures supplémentaires, la cour d'appel énonce que les documents produits par Madame X... comportait quatre simples incohérences « ne permett a nt pas de considérer que la salariée a suffisamment étayé sa demande et établi une présomption ne pouvant être renversée que par la preuve rapportée par l'employeur des heures effectivement accomplies » ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article L. 3171-4 du code du travail.