LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 25 juin 2013), que la société Land a acquis, en vue d'y construire un lotissement, un tènement immobilier grevé, au profit de parcelles contiguës appartenant notamment à M. X..., d'une servitude de passage de 2,50 mètres de large ; que, par une clause du cahier des charges du lotissement, la société Land a porté cette largeur à 5,54 mètres en prélevant la portion de terrain nécessaire sur son propre fonds ; que M. Y... a acquis le lot n° 5 du lotissement dont la voie d'accès est grevée par cette servitude ; que soutenant que l'élargissement du passage ne lui était pas opposable, il a édifié un garage empiétant partiellement sur son assiette ; que M. X... a assigné M. Y... en démolition du garage ;
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant retenu, par un motif adopté non critiqué par le moyen, que le titre constitutif de la servitude, l'acte de partage, avait été remplacé par un titre récognitif émanant du fonds asservi, le cahier des charges et le plan du lotissement, la cour d'appel, sans faire application des règles de la stipulation pour autrui, a exactement déduit, de ce seul motif, que l'élargissement du passage était opposable à M. Y... et que le garage empiétant sur l'assiette de la servitude devait être démoli ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. Y... à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ; rejette la demande de M. Y... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze avril deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils, pour M. Y...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, d'une part, constaté que le lot n° 5 du lotissement « Les Cerisiers » appartenant actuellement à M. Michel Y... et cadastré n° 561 est grevé d'une servitude de passage d'une largeur de 5,54 mètres au profit des parcelles cadastrées n° 426 et n° 253 appartenant à M. Jean X... et, d'autre part, ordonné, sous astreinte provisoire, la démolition par M. Michel Y... du garage ainsi que de toute construction empiétant sur l'assiette de 5,54 mètres de la servitude ;
Aux motifs que « la société Land, alors seule propriétaire du fonds servant, a unilatéralement, mais de manière expresse et non équivoque, élargi l'assiette de la servitude de passage grevant son fonds au profit du fonds des consorts X..., devenue insuffisante, pour se conformer aux souhaits des services de l'urbanisme, eux-mêmes saisis de la difficulté par M. X... ; que cette stipulation de la société Land au profit des consorts X..., constitutive de servitude, est concrétisée par les énonciations du cahier des charges du lotissement, reçu par Maître Z... notaire le 25 juin 1982, acte publié à la conservation des hypothèques ; que la servitude élargie est également rappelée dans l'acte d'acquisition du lot n° 5 par M. Y..., cet acte reprenant les énonciations du cahier des charges du lotissement et comportant en annexe le plan d'arpentage matérialisant l'assiette de la servitude ; que M. X..., propriétaire du fonds dominant et auquel la modification du cahier des charges n'est pas opposable dès lors qu'il avait manifesté son acceptation de la stipulation faite à son profit, peut donc opposer, à M. Y... -qui les connaissaient au moment de son acquisition-, les nouvelles modalités d'utilisation de la servitude de passage ; que le jugement sera donc confirmé de ce chef » (arrêt attaqué, pages 5 et 6) ;
Alors, premièrement, que le juge, qui doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction, ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; que pour ordonner la démolition de toute construction empiétant sur l'assiette de la servitude de passage dont il fixe la largeur à 5,54 mètres, l'arrêt retient que par une stipulation au profit des consorts X..., la société Land a unilatéralement élargi, dans le cahier des charges du lotissement, l'assiette de la servitude grevant son fonds en faveur du fonds des consorts X... et que la modification ultérieure du cahier des charges n'est pas opposable à M. X..., propriétaire du fonds dominant, dès lors qu'il a manifesté son acceptation de la stipulation faite à son profit ; qu'en relevant d'office, sans le soumettre à la discussion des parties, ce moyen aux termes duquel l'élargissement de la servitude de passage résulterait d'une stipulation pour autrui devenue irrévocable après l'acceptation de son bénéficiaire, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
Alors, deuxièmement, que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que dans leurs écritures respectives, ni M. X... ni M. Y... n'ont allégué que M. X... aurait accepté la stipulation tendant à l'élargissement de l'assiette de la servitude, qu'aurait introduite à son profit dans le cahier des charges du lotissement la société Land quand elle était propriétaire du fonds servant ; que pour ordonner la démolition de toute construction empiétant sur l'assiette de la servitude de passage dont il fixe la largeur à 5,54 mètres, l'arrêt retient néanmoins que la modification du cahier des charges n'est pas opposable à M. X..., propriétaire du fonds dominant, dès lors qu'il a manifesté son acceptation de la stipulation faite à son profit ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a méconnu les termes du litige dont elle était saisie, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
Alors, troisièmement, que celui qui a fait une stipulation au profit d'un tiers peut la révoquer tant que ce tiers n'a pas déclaré vouloir en profiter ; que pour ordonner la démolition de toute construction empiétant sur l'assiette de la servitude de passage dont il fixe la largeur à 5,54 mètres, l'arrêt se borne à retenir que la modification du cahier des charges n'est pas opposable à M. X..., propriétaire du fonds dominant, dès lors qu'il a manifesté son acceptation de la stipulation faite à son profit par la société Land, dans le cahier des charges du lotissement, quand elle était propriétaire du fonds servant ; qu'en se déterminant ainsi, sans préciser quand ni comment M. X... aurait manifesté son acceptation de la stipulation faite à son profit, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1121 du code civil.