LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 706-14 du code de procédure pénale, ensemble l'article 706-3 du même code ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été victime d'une agression le 21 novembre 2001 ; qu'il a saisi une commission d'indemnisation des victimes d'infraction (CIVI) en réparation de son préjudice ; que, par décision du 2 novembre 2009, la CIVI l'a relevé de forclusion, a ordonné une expertise médicale et l'a débouté de sa demande de provision ; que, par décision du 9 janvier 2012, la CIVI a débouté la victime de sa demande d'expertise complémentaire et d'indemnisation ;
Attendu que pour déclarer recevable la requête de M. X... et lui allouer une certaine somme sur le fondement de l'article 706-14 du code de procédure pénale, l'arrêt énonce que l'alinéa 3 de cet article ne reprend pas les exigences de l'alinéa 1er d'une situation matérielle ou psychologique grave résultant de l'absence d'indemnisation effective et suffisante du préjudice et des conditions de ressources ; qu'il suffit que l'infraction ait entraîné une incapacité totale de travail personnel, ce qui est le cas en l'espèce ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la victime d'une infraction ne peut prétendre à une indemnisation sur le fondement de l'article 706-14 du code de procédure pénale que si elle se trouve dans une situation matérielle ou psychologique grave en raison de l'absence d'indemnisation suffisante de son préjudice et si ses ressources sont inférieures au plafond pour bénéficier de l'aide juridictionnelle partielle, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 juin 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize avril deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils, pour le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit la demande de M. X... recevable sur le fondement de l'alinéa 3 de l'article 706-14 du Code de procédure pénale et de lui avoir alloué la somme de 3 950 € ;
Aux motifs qu'« il est établi par l'expertise que : 1°) M. X... a été hospitalisé du 21 novembre 2001 au 3 décembre 2001 pour une fracture du rocher, un petit hématome extradural temporal droit et une petite contusion hémorragique frontale antérieure gauche ; 2°) la date de la consolidation est fixée le 21 janvier 2002 ; 3°) le préjudice lié à la douleur est de 2/7 prenant en considération les blessures initiales et le préjudice moral consécutif à l'agression ; 4°) le déficit fonctionnel permanent est nul ; 5°) le préjudice esthétique temporaire et permanent est de 0,5/7 compte tenu de deux petites cicatrices ; que M. X... n'est pas atteint d'un déficit fonctionnel permanent résultant de l'agression ; que l'incapacité totale de travail personnel au sens médico-légal du terme a duré le temps de l'hospitalisation pour surveillance de l'évolution suite à la fracture du rocher ; que le bilan encéphalique du 21 janvier 2002, qui confirme un retour à l'état antérieur avec persistance d'une atrophie cortico-sous-corticale bi-frontale préexistante aux faits, syndrome dépressif et séquelles de traumatisme crânien survenu en 1993, ne démontre pas que l'incapacité a duré jusqu'à cette date ; que 1'incapacité totale de travail personnel étant inférieure à un mois, M. X... ne peut bénéficier des dispositions de l'article 706-3 2° du code de procédure pénale ; que l'article 706-14 du code de procédure pénale dispose que : 1°) "toute personne qui, victime d'un vol, d'une escroquerie, d'un abus de confiance, d'une extorsion de fonds ou d'une destruction, d'une dégradation ou d'une détérioration d'un bien lui appartenant, ne peut obtenir à un titre quelconque une réparation ou une indemnisation effective et suffisante de son préjudice et se trouve, de ce fait dans une situation matérielle ou psychologique grave, peut obtenir une indemnité dans les conditions prévues par les articles 706-3 à 706-12, lorsque ses ressources sont inférieures au plafond ¿ pour bénéficier de l'aide juridictionnelle partielle" ; 2°) "l'indemnité est au maximum égale au triple du montant mensuel de ce plafond de ressources" ; 3°) "ces dispositions sont aussi applicables aux personnes mentionnées à l'article 706-3 qui, victimes d'une atteinte à la personne prévue par cet article, ne peuvent à ce titre prétendre à la réparation intégrale de leur préjudice, les faits générateurs de celui-ci ayant entraîné une incapacité totale de travail inférieure à un mois" ; que l'alinéa trois de cet article ne reprend pas les exigences de l'alinéa premier d'une situation matérielle ou psychologique grave résultant de l'absence d'indemnisation effective et suffisante du préjudice et des conditions de ressources ; qu'il suffit que l'infraction ait entraîné une incapacité totale de travail personnel, ce qui est le cas en l'espèce ; que le préjudice de M. X... sera indemnisé comme suit : I- préjudices extrapatrimoniaux temporaires : 1) déficit fonctionnel pendant l'hospitalisation du 21 novembre au 3 décembre 2001 : il lui sera alloué la somme de 300 € ; 2) souffrances endurées : cotées à 2/7 par l'expert elles seront justement indemnisées par la somme de 2 500 € ; 3) préjudice esthétique : visible car affectant le crâne et coté 0,5/7 il sera réparé par la somme de 300 € ; TOTAL : 3 100 € ; II- préjudices extrapatrimoniaux permanents : préjudice esthétique : coté à 0,5/7 par l'expert, il sera indemnisé par la somme de 850 € qui ne fait pas l'objet de contestation ; TOTAL : 850 € ; que l'indemnisation ainsi allouée reste dans les limites de l'article 706-14 alinéa 2 » (arrêt attaqué, pages 3 et 4) ;
Alors que si l'article 706-14, alinéa 3, du code de procédure pénale prévoit que les dispositions des deux alinéas précédents sont applicables aux personnes victimes d'un dommage corporel n'ayant pas entraîné une incapacité totale de travail au moins égale à un mois, le droit à indemnisation ne leur demeure cependant ouvert qu'aux conditions prévues par ces dispositions ; qu'ainsi, conformément à l'alinéa 1er, ce droit est ouvert à la victime lorsque, d'une part, elle ne peut pas obtenir une indemnisation effective et suffisante de son préjudice à un titre quelconque et se trouver de ce fait dans une situation matérielle ou psychologique grave et d'autre part, ses ressources sont inférieures au plafond prévu pour l'attribution de l'aide juridictionnelle partielle, compte tenu, le cas échéant, de ses charges de famille ; qu'en jugeant néanmoins, pour indemniser M. X..., que ces conditions n'étaient pas applicables et que l'article 706-14, alinéa 3, lui ouvrait un droit à indemnisation du seul fait que l'infraction avait entraîné une incapacité totale de travail personnel, la cour d'appel a violé l'article 706-14 du code de procédure pénale.