LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles R. 4624-21 et R. 4624-22 du code du travail, en leur rédaction applicable en la cause ;
Attendu, selon le second de ces textes, que l'examen de reprise a pour objet d'apprécier l'aptitude médicale du salarié à reprendre son ancien emploi, la nécessité d'une adaptation des conditions de travail ou d'une réadaptation du salarié ou éventuellement de l'une ou de l'autre de ces mesures et que cet examen a lieu lors de la reprise du travail et au plus tard dans un délai de huit jours ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé le 14 septembre 1992 par la société Santor, a été en arrêt maladie du 26 janvier 2008 au 9 septembre 2011 ; que le salarié, qui avait saisi en 2009 la juridiction prud'homale d'une demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail, a été convoqué par l'employeur à une visite de reprise en septembre 2011, puis licencié le 17 juillet 2012 pour inaptitude et impossibilité de reclassement ;
Attendu que pour condamner la société Santor à payer une somme à titre de dommages-intérêts pour retard apporté à l'organisation d'une visite de reprise et ordonner une compensation en fonction de cette condamnation, l'arrêt, après avoir débouté le salarié de ses demandes relatives à la rupture du contrat de travail, retient que l'employeur a tardé à procéder à cette visite le 6 septembre 2011, après plus de trois années d'arrêts de travail ininterrompus pour un salarié de plus de soixante ans qui n'était pas retraité et qui ne demandait pas à partir en retraite et a tardé à initier consécutivement la procédure de reclassement et le licenciement pour inaptitude ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait elle-même que le salarié, bénéficiant toujours d'arrêts de travail ininterrompus jusqu'au 9 septembre 2011, n'avait pas demandé l'organisation d'une visite de reprise à l'employeur et n'avait pas avisé celui-ci de son classement en invalidité, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et attendu qu'aucun grief du moyen ne vise l'arrêt du 10 janvier 2013 ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Santor à payer à M. X... la somme de 58 000 euros à titre de dommages-intérêts, dit qu'après compensation cette société restait redevable de la somme de 50 194, 64 euros et condamne en conséquence cette société au paiement de cette dernière somme, l'arrêt rendu le 23 mai 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six mai deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société Santor
Le moyen fait grief à l'arrêt du 23 mai 2013, d'avoir condamné la société SANTOR à verser à Monsieur X... la somme de 58 000 euros à titre de dommages et intérêts, dit, qu'après compensation des créances et dettes réciproques, la société SANTOR restait redevable de la somme de 50 194, 64 euros et en conséquence, condamné, en tant que de besoin la société à verser cette somme, nette de CSG et CRDS à Monsieur X... ;
AUX MOTIFS QUE « la procédure de licenciement pour inaptitude n'a été initiée qu'en juillet 2012 dans le cadre de la procédure pendante devant la Cour alors qu'il ressort des pièces produites que :- par courrier du 25 mars 2009 adressé au Dr Y..., médecin du travail, le Dr Cécile Z..., dans le cadre de la consultation de pathologie professionnelle, souffrance au travail de l'hôpital Fernand Widal, l'informait suivre actuellement pour souffrance au travail M. X... qui lui avait été adressé par l'inspection du travail pour avis d'aptitude, précisant que M. X... est en arrêt de travail depuis un an, qu'elle a fait une déclaration au mois d'octobre de maladie à caractère professionnel pour lequel il a été convoqué par le médecin du travail au mois de février 2009, ajoutant : « Actuellement, lors de ma consultation, il est toujours très anxieux, très fatigué, présente des troubles de la mémoire et une aboulie importante. Je pense qu'un retour au travail ne sera pas du tout possible et il me semble qu'une inaptitude médicale ou une mise en retraite anticipée sera justifiée et à réfléchir avec lui (il est à un an et demi de la retraite). Il a pris conseil auprès d'avocats. Son médecin traitant et son psychiatre lui ont déjà fait un certificat médical concernant son incapacité à reprendre son travail. Par ailleurs, il compte attaquer aux Prud'hommes ses employeurs ;- par courrier du 17 juin 2010 adressé au Dr Y..., médecin du travail avec copie au médecin traitant de M. X... et à ce dernier, le Dr A..., dans le cadre de la consultation pathologie professionnelle, souffrance au travail de l'hôpital Fernand Widal, l'informait que M. X..., en procédure prud'homale contre son employeur, est toujours suivi par son médecin du travail et par son psychiatre pour un syndrome dépressif marqué, que celui-ci a été convoqué récemment par le médecin-conseil de la sécurité sociale en ajoutant : « Je conseille à M. X... de prendre rendez-vous avec vous afin d'organiser une visite de pré-reprise et aussi pour faire le point. Je pense comme il était déjà indiqué dans le courrier de ma consoeur le Dr Z..., que la reprise au poste est peu envisageable, du fait de l'état de santé de M. X... et du également de l'impossibilité qu'il a de conduire, ce qui constituait une part importante de son activité professionnelle » ; Mais considérant que si M. X... ne démontre pas avoir informé son employeur de son classement en invalidité 2ème catégorie à compter du 1er août 2010 jusqu'au 31 octobre 2010 et de la perception depuis le 1er novembre 2010 (60 ans), d'une pension vieillesse versée par la CNAV, n'a jamais fourni les documents médicaux et administratifs demandé par le médecin du travail lors de la visite du 15 septembre 2011 empêchant ce dernier de se prononcer sur l'aptitude ou non du salarié à la reprise du travail, néanmoins l'employeur a convoqué le salarié à la visite médicale de reprise le 6 septembre 2011 pour le 15 septembre 2011, soit après plus de trois années d'arrêts de travail ininterrompus en précisant sur la convocation : « En arrêt maladie depuis le 29 septembre 2007 (plus de 21 jours), une visite de reprise à la médecine du travail est obligatoire », après la réception de l'arrêt de travail établi à la date du 2 septembre 2011 prévoyant un arrêt de travail jusqu'au 9 septembre 2011, alors que l'incapacité de M. X... à reprendre son travail avait été relayée auprès de la médecine du travail depuis 2009 et qu'il avait été adressé au Dr Z... par l'inspection du travail pour un avis d'aptitude, que la perspective d'une invalidité de M. X... avait été mentionnée au médecin du travail en juin 2010 (convocation devant le médecin conseil de la sécurité sociale), que l'intéressé ne pouvait prendre l'initiative de la visite de reprise eu égard à son état de santé (aboulie : trouble psychique caractérisé par une difficulté à agir, à prendre une décision), qu'il n'avait jamais manifesté son intention de reprendre le travail ou sollicité l'organisation d'une visite de reprise, sa date de reprise du travail restant indéterminée et sans que l'employeur justifie son attentisme ou explique pourquoi il n'a pas organisé une visite de reprise dans un plus court délai après les arrêts de travail à compter du 26 janvier 2008 alors que la prolongation de l'arrêt de travail au-delà du 15 septembre 2011 était une possibilité envisagée par l'employeur (pièce 4 de M. X...) et que la saisine de la juridiction prud'homale n'avait eu lieu que le 5 octobre 2009 ; qu'il en résulte qu'il n'y a pas eu carence ou refus de la part de l'employeur à organiser la visite de reprise auprès de la médecine du travail, ce qui justifie le rejet de la demande du salarié tendant à dire que la rupture de son contrat de travail s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et le jugement sera confirmé de ce chef ; qu'en revanche, M. X... est bien-fondé à solliciter des dommages et intérêts pour le retard de la société SANTOR à procéder à la visite médicale de reprise le 6 septembre 2011, après plus de trois années d'arrêts de travail ininterrompus pour un salarié de plus de 60 ans, comme étant né en 1950, âge minimum de départ en retraite, mais qui n'était ni retraité et qui ne demandait pas à partir en retraite et à initier consécutivement la procédure de reclassement et la licenciement pour inaptitude ; qu'il est manifeste que M. X... a subi un préjudice financier et moral particulier, ayant été privé de ressources à la suite de l'épuisement des droits à indemnisation maladie (fin de versement des IJSS et des indemnités de prévoyance), alors qu'il n'était ni retraité, ni licencié » ;
ALORS d'une part QUE l'obligation d'organiser une visite de reprise auprès du médecin du travail en présence d'un arrêt de travail pour maladie de plus de vingt-et-un jours n'est mise à la charge de l'employeur qu'à l'issue de l'arrêt maladie, lors de la reprise du travail par le salarié ; qu'il en découle que, dans l'hypothèse d'un arrêt de travail ininterrompu, quelle que soit sa durée, il ne peut être reproché à l'employeur de ne pas avoir organisé de visite de reprise avant la fin de l'arrêt de travail sauf à ce que le salarié ait manifesté avant cette date le désir de reprendre le travail ; qu'en l'espèce, pour considérer que la société SANTOR avait tardé à organiser la visite médicale de reprise de Monsieur X... et juger que ce dernier était bien-fondé à solliciter des dommages et intérêts de ce chef, la Cour d'appel a retenu que la visite de reprise organisée le 6 septembre 2011 était intervenue après plus de trois années d'arrêts de travail ininterrompus ; qu'en statuant ainsi alors qu'elle avait constaté, d'une part, que Monsieur X... n'avait jamais manifesté son intention de reprendre le travail et, d'autre part, que son arrêt de travail avait pris fin le 9 septembre 2011, ce dont il se déduisait que la visite de reprise organisée le 6 septembre 2011 l'avait été dans le délai prévu par l'article R. 4624-22 du Code du travail, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce, la Cour d'appel a violé les dispositions de cet article et de l'article R. 4624-21 du même Code ;
ALORS d'autre part QUE l'article R. 4624-21 du Code du travail dans sa version applicable aux faits de l'espèce énumère de façon limitative les cas dans lesquels l'employeur est tenu d'organiser une visite de reprise auprès du médecin du travail ; que la circonstance qu'un salarié en arrêt maladie atteigne l'âge minimum de départ à la retraite ne figure pas au nombre de ces cas ; qu'en conséquence, la Cour d'appel ne pouvait utilement retenir que Monsieur X... était âgé de plus de 60 ans, âge minimum de départ à la retraite, pour en déduire que la société SANTOR avait tardé à procéder à la visite médicale de reprise et que le salarié était bien-fondé à solliciter des dommages et intérêts de ce chef ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel a de nouveau violé les dispositions susvisées ainsi que celles de l'article R. 4624-22 du même Code ;
ALORS encore QUE, si, lorsque l'employeur est informé du classement d'un salarié en invalidité deuxième catégorie, il lui appartient, si ce salarié n'a pas manifesté son intention de ne pas reprendre le travail, de procéder à l'organisation d'une visite de reprise auprès du médecin du travail, il ne saurait en être de même lorsque seule la perspective d'un classement en invalidité est évoquée ; qu'il en découle que la Cour d'appel ne pouvait valablement retenir la circonstance que la perspective d'une invalidité de Monsieur X... avait été mentionnée en juin 2010 pour en déduire que l'employeur qui n'avait pris l'initiative d'organiser la visite de reprise du salarié qu'en septembre 2011 avait fait preuve d'attentisme et que Monsieur X... était bien-fondé à solliciter des dommages et intérêts de ce chef alors qu'elle avait constaté par ailleurs que Monsieur X... ne démontrait pas avoir informé son employeur de son classement en invalidité 2ème catégorie à compter du 1er août 2010 ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel a encore une fois violé les articles R. 4624-21 et R. 4624-22 du Code du travail dans leurs versions en vigueur au moment des faits ;
ALORS enfin et en toute hypothèse QU'à supposer que l'absence d'organisation de visite de reprise par l'employeur lorsqu'il est avéré que le salarié, bien que toujours en arrêt maladie, est dans l'incapacité de reprendre son travail et que la perspective de son classement en invalidité a été évoquée, soit susceptible de caractériser un manquement de l'employeur, encore faut-il, pour que la responsabilité de ce dernier puisse être retenue qu'il soit établi qu'il s'est abstenu d'organiser cette visite en toute connaissance de cause ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel, pour considérer que l'employeur avait tardé à organiser la visite de reprise de Monsieur X... et que celui-ci était bien-fondé à solliciter des dommages et intérêts de ce chef, s'est contentée de retenir que l'incapacité de Monsieur X... à reprendre son travail avait été relayée auprès de la médecine du travail depuis 2009, que la perspective d'une invalidité du salarié avait été mentionnée au médecin du travail en juin 2010 et que l'employeur ne justifiait pas son attentisme au regard de ces éléments ; qu'en statuant ainsi sans rechercher si la société SANTOR avait effectivement été informée des éléments susvisés dont elle a seulement relevé qu'ils avaient été communiqués au médecin du travail, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles R. 4624-21 et R. 4624-22 du Code du travail dans leurs versions en vigueur au moment des faits ainsi que des articles L. 1222-1 du Code du travail et 1134 du Code civil.