LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- L'administration des douanes et droits indirects,partie poursuivante,
contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 5-13, en date du 2 octobre 2013, qui l'a déboutée de ses demandes après relaxe de M. Patrick X... du chef de contravention douanière ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 25 février 2015 où étaient présents : M. Guérin, président, M. Soulard, conseiller rapporteur, Mmes Nocquet, Ract-Madoux, de la Lance, Chaubon, MM. Germain, Sadot, Mme Planchon, conseillers de la chambre, M. Azema, Mme Pichon, conseillers référendaires ;
Avocat général : Mme Gueguen ;
Greffier de chambre : Mme Zita ;
Sur le rapport de M. le conseiller SOULARD, les observations de la société civile professionnelle BORÉ et SALVE de BRUNETON, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général GUEGUEN ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 266 sexies à 266 quaterdecies et 411 du code des douanes, des articles L. 2224-1 et R. 2224-28 du code général des collectivités territoriales, de l'article L. 541-1-1 du code de l'environnement et des articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt a confirmé le jugement ayant relaxé le prévenu du chef d'irrégularité ayant pour but ou pour résultat d'éluder ou de compromettre le recouvrement d'un droit ou d'une taxe quelconque ;
"aux motifs que M. X... fait, d'autre part, plaider que l'administration ne rapporte pas la preuve de la nature d'un stockage de déchets ménagers et assimilés, aucune disposition n'assimilant par ailleurs les « déchets industriels banals » à ceux-ci ; qu'en effet l'utilisation d'engins ne permettant pas de garantir le caractère inerte du déchet final, comme ayant pour effet de modifier les caractéristiques physiques des matériaux livrés non plus que de l'absence de test de lixiviation régulier ne permettent d'établir la présence de déchets industriels banaux ; que les seuls éléments susceptibles de corroborer les affirmations de l'administration des douanes sont s'agissant des feux, d'une part extérieurs à la période de prévention, rien ne permettant d'en préciser en outre les causes et encore moins depuis quand ils couvaient ; que c'est à bon droit que le premier juge a retenu que de simples présomptions ne pouvaient établir que la société LGD développement était devenu un centre de stockage de déchets ménagers et assimilés, soit un centre de stockage de déchets industriels spéciaux soumis à la taxe générale sur les activités polluantes à un taux différencié » ;
"1°) alors que, toute personne physique ou morale exploitant une installation d'élimination par stockage ou par incinération de déchets ménagers et assimilés est assujettie à la taxe générale sur les activités polluantes ; que les déchets industriels banals sont constitués des déchets issus des entreprises commerciales, artisanales, industrielles ou de service qui, par leur nature, peuvent être traités ou stockés dans les mêmes installations que les déchets ménagers et qui sont donc assimilables aux déchets ménagers ; qu'en confirmant la relaxe de M. X... du chef de la contravention douanière d'irrégularité ayant pour but ou pour résultat d'éluder ou de compromettre le recouvrement d'un droit ou d'une taxe quelconque au motif que les éléments du dossier ne permettaient pas d'établir que la société LGD développement stockait des déchets ménagers et assimilés alors que M. X... déclarait lui-même, dans ses écritures d'appel, que lors de l'évacuation du site de la société LGD développement, sur les 146 000 m3 de déchets évacués, 145 000 m3 étaient des déchets industriels banals, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs en violation des textes susvisés ;
"2°) alors que, toute personne physique ou morale exploitant une installation d'élimination par stockage ou par incinération de déchets ménagers et assimilés est assujettie à la taxe générale sur les activités polluantes ; que les déchets industriels banals sont constitués des déchets issus des entreprises commerciales, artisanales, industrielles ou de service qui, par leur nature, peuvent être traités ou stockés dans les mêmes installations que les déchets ménagers et qui sont donc assimilables aux déchets ménagers ; qu'en confirmant la relaxe de M. X... du chef de la contravention douanière d'irrégularité ayant pour but ou pour résultat d'éluder ou de compromettre le recouvrement d'un droit ou d'une taxe quelconque au motif que les éléments du dossier ne permettaient pas d'établir que la société LGD développement stockait des déchets ménagers et assimilés tout en relevant que les rapports annuels d'activité de la société, dont celui de 2008, mettaient en évidence que les deux centres d'activité traitaient essentiellement des déchets industriels banals, que le 16 mars 2010, M. X... avait déclaré que l'arrêté l'autorisait à stocker notamment des déchets industriels banals à la condition que la hauteur du stock n'excède pas dix mètres et qu'en 2007 la hauteur du monticule était de quatre mètres et en 2009 de dix mètres, constatant par-là même que le site de la société LGD développement stockait des déchets industriels banals soumis à la taxe générale sur les activités polluantes, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation des textes susvisés ;
"3°) alors qu'en tout état de cause sont soumis à la taxe générale sur les activités polluantes, avec exonération dans la limite de 20 % de la quantité annuelle totale de déchets reçus par installation, les réceptions de matériaux ou déchets inertes ; qu'en confirmant la relaxe de M. X... du chef de la contravention douanière d'irrégularité ayant pour but ou pour résultat d'éluder ou de compromettre le recouvrement d'un droit ou d'une taxe quelconque tout en constatant que le rapport annuel d'activité de la société de 2008 mettait en évidence que la société LGD développement traitait des déchets inertes, que M. X... avait déclaré que des prélèvements ponctuels étaient effectués et adressés à un laboratoire agréé pour vérifier le caractère inerte des matériaux stockés et qu'il avait expliqué que les matériaux non valorisables subissaient un traitement avant réexpédition vers les installations de stockage pour matériaux inertes (ISDI) constatant par-là même que la société LGD développement stockait des déchets inertes assujettis à la taxe générale sur les activités polluantes, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation des textes susvisés" ;
Vu les articles 266 sexies et 411 du code des douanes, 593 du code de procédure pénale, ensemble les articles 4 de la Charte de l'environnement et L. 110-1 du code de l'environnement ;
Attendu, d'une part, qu'il se déduit de ces textes que les déchets industriels banals entrent dans la catégorie des déchets pouvant être éliminés par stockage ou incinération sans sujétions techniques particulières et sans risque pour les personnes ou l'environnement dans les mêmes conditions que les déchets ménagers, auxquels ils sont assimilés, au sens du I de l'article 266 sexies du code des douanes, alors en vigueur, instituant une taxe générale sur les activités polluantes ;
Attendu, d'autre part, que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, par arrêté préfectoral du 16 novembre 2005, M. X... a été autorisé à exploiter, d'une part, un centre de tri de déchets constitués, dans la limite de 85 000 tonnes par an, de gravats, débris de bois, papiers, cartons, éléments métalliques et encombrants provenant de chantiers de construction ou de démolition et destinés, après avoir été triés, à être revendus ou acheminés vers une décharge, d'autre part, un centre de transit habilité à recevoir, dans la limite de 70 000 tonnes par an, et à stocker provisoirement, sans pouvoir dépasser une hauteur de 10 mètres, des matériaux inertes non polluants et sans nuisance pour la santé humaine (sable, agrégats, granulats) provenant de chantiers et destinés à être évacués vers une installation appropriée ; qu'à la suite de contrôles ayant fait apparaître que les centres stockaient, non seulement des matériaux inertes, mais aussi des déchets industriels banals, M. X... a été poursuivi pour avoir, du 16 mars 2007 au 30 avril 2010, exploité un centre de stockage de déchets assimilés à des déchets ménagers et, comme tels, soumis à la taxe prévue à l'article 266 sexies du code des douanes, dont le paiement a été éludé ;
Attendu que l'arrêt, après avoir constaté que, "de fait, le site de transit et de tri était, au fil du temps, devenu une installation de stockage" et qu'il résultait notamment du rapport annuel d'activité de 2008 de la société que "les deux centres traitaient essentiellement des déchets industriels banals", retient, pour relaxer le prévenu, qu'il n'est pas établi que ce site "était devenu un centre de stockage de déchets ménagers et assimilés" ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que, contrairement aux matériaux inertes, les déchets industriels banals sont assimilés à des déchets ménagers, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, n'a pas justifié sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 2 octobre 2013, et pour qu'il à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres de la cour d'appel de Paris et sa mention à la suite ou en marge de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le six mai deux mille quinze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.