LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis, 29 octobre 2013), que M. X..., engagé en qualité de vendeur le 11 septembre 2006 par la société Paraworld, aux droits de laquelle est venue la société Pharmaworld, a été licencié pour faute grave par lettre du 26 août 2009 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale en contestation de ce licenciement et en indemnisation ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, de le condamner en conséquence à payer au salarié diverses sommes au titre d'un licenciement abusif, alors, selon le moyen, que si le rappel à la loi, ne répondant pas aux critères d'une décision revêtue de l'autorité de la chose jugée, ne s'impose pas au juge civil, cette décision n'étant cependant prononcée par le procureur de la République que lorsqu'il estime que les faits portés à sa connaissance constituent une infraction, et à charge pour la personne visée de ne pas manquer aux obligations nées pour elle dudit rappel, elle constitue donc, à ce titre, un élément de preuve des agissements imputés à celle-ci ; que, dès lors, en retenant que les faits invoqués pour justifier le licenciement pour faute grave ne résultaient que des déclarations de l'employeur, sans tenir compte du rappel à la loi notifié le 29 septembre 2009 au salarié qui constituait un élément de preuve des agissements imputés à faute à celui-ci, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 1234-1 du code du travail, 1315 du code civil et 41-1 du code de procédure pénale ;
Mais attendu, qu'ayant exactement retenu que le rappel à la loi auquel procède le procureur de la République en application de l'article 41-1 du code de procédure pénale est dépourvu de l'autorité de la chose jugée et n'emporte pas par lui-même preuve du fait imputé à un auteur et de sa culpabilité, la cour d'appel, appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, a estimé que les faits reprochés au salarié n'étaient pas établis ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Pharmaworld aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Pharmaworld à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt mai deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Carbonnier, avocat aux Conseils, pour la société Pharmaworld.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit le licenciement de monsieur Teddy X..., salarié, dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamné la société Pharmaworld Eurl, employeur, à lui payer les sommes suivantes : 9 000 euros pour l'indemnité de licenciement abusif, 3 189,25 euros pour le salaire de la mise à pied injustifiée, 2 814,04 euros pour le préavis, 600,32 euros pour les congés payés, 281,40 euros pour l'indemnité légale de licenciement et 1 500 euros en réparation du préjudice distinct ;
AUX MOTIFS QUE : la lettre de licenciement fait référence à une vente du 31 juillet 2009, le client s'étant alors aperçu qu'un premier achat effectué une dizaine de jours auparavant lui avait coûté le double (61 euros au lieu de 30,50 euros) ; que le courrier précise que ce client a écrit pour se faire rembourser tout en menaçant de porter plainte, qu'il a affirmé avoir été servi par madame Y... et encaissé par monsieur X..., qu'il a payé en espèces alors que le contrôle de caisse n'a révélé aucune vente ; qu'il est consécutivement reproché au salarié la soustraction du produit de la première vente soit 61 euros ; qu'il est encore fait état de la reconnaissance de monsieur X... par le client lors d'une confrontation par la Police nationale ; qu'il n'est pas contesté que suite à l'enquête pénale pour des faits de détournement, monsieur X... s'est vu notifier un rappel à la loi le 29 septembre 2009 ; que, par courrier du 20 juillet 2010, l'employeur a demandé au procureur de la République la copie des éléments de l'enquête concernant le salarié ; que, pour autant, les éléments demandés ne sont pas produits et aucune réitération de la demande originelle n'est produite ou invoquée ; qu'il n'est pas plus produit le courrier de réclamation du client dont fait état le courrier de rupture ; que les éléments à la charge du salarié, qui conteste les faits, ne résultent alors que des déclarations de l'employeur, que, par ailleurs, le rappel à la loi n'a pas autorité de chose jugée et il ne peut en être déduit la culpabilité de monsieur X... ; que, consécutivement, la faute reprochée au salarié n'est pas établie et le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ; que le jugement est donc infirmé ; qu'au jour de la rupture, monsieur X... avait une ancienneté de trois années ; que son dernier salaire brut était de 1 407,02 euros ; qu'en considération de ces éléments et du préjudice subi, l'indemnité de licenciement abusif est fixée à la somme de 9 000 euros ; que les sommes demandées pour le rappel de salaire de la mise à pied injustifiée, les congés payés, le préavis et l'indemnité légale de licenciement sont dues dans leur principe et ne sont pas discutées dans leur montant ; qu'il est alors fait droit aux demandes de ces chefs ; que le licenciement pour faute grave à effet immédiat pour des faits de détournement non établis est infamant ; que monsieur X... est alors fondé à invoquer de ce chef un préjudice moral ; qu'il lui est alloué de ce chef la somme de 1 500 euros en réparation (arrêt attaqué, pp. 2-3) ;
ALORS QUE si le rappel à la loi, ne répondant pas aux critères d'une décision revêtue de l'autorité de la chose jugée, ne s'impose pas au juge civil, cette décision n'étant cependant prononcée par le procureur de la République que lorsqu'il estime que les faits portés à sa connaissance constituent une infraction, et à charge pour la personne visée de ne pas manquer aux obligations nées pour elle dudit rappel, elle constitue donc, à ce titre, un élément de preuve des agissements imputés à celle-ci ;
Que, dès lors, en retenant que les faits invoqués pour justifier le licenciement pour faute grave ne résultaient que des déclarations de l'employeur, sans tenir compte du rappel à la loi notifié le 29 septembre 2009 au salarié qui constituait un élément de preuve des agissements imputés à faute à celui-ci, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 1234-1 du code du travail, 1315 du code civil et 41-1 du code de procédure pénale.