Statuant sur le pourvoi formé par :
- L'Association française d'épargne et de retraite, agissant au nom de certains de ses adhérents,
contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 5-12, en date du 20 janvier 2014, qui, a déclaré irrecevable sa requête en restitution ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 11 mars 2015 où étaient présents : M. Guérin, président, Mme Ract-Madoux, conseiller rapporteur, Mme Nocquet, M. Soulard, Mmes de la Lance, Chaubon, MM. Germain, Sadot, Mme Planchon, conseillers de la chambre, M. Azema, Mme Pichon, conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Le Baut ;
Greffier de chambre : M. Bétron ;
Sur le rapport de Mme le conseiller RACT-MADOUX, les observations de la société civile professionnelle BORÉ et SALVE DE BRUNETON, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LE BAUT ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, 1984 du code civil, 131-21, alinéa 2, du code pénal, 591, 593 et 710 du code de procédure pénale et de la règle nul ne plaide par procureur ;
" en ce que l'arrêt a déclaré irrecevable la requête formée par l'association AFER au nom et pour le compte de 55 114 de ses adhérents ;
" aux motifs que nul ne plaide par procureur ; qu'il convient de rappeler que l'association AFER, au titre de ses statuts, a pour objet de négocier et de souscrire pour le compte de ses adhérents des contrats d'assurance groupe auprès de compagnies d'assurances, et de promouvoir l'épargne volontaire ; qu'en l'espèce, quand bien-même l'association AFER ait reçu mandat de représentation de chacun de ses adhérents, il est incontestable que cette dernière entend exercer en leur lieu et place leur droit éventuel à demander restitution de sommes d'argent placées sous main de justice, et auquel ils prétendent individuellement avoir droit à raison de leur qualité de victime des agissements frauduleux de MM. B...et C...; qu'en conséquence, cette requête, qui s'apparente à une « class action » est irrecevable ;
" 1°) alors qu'est licite le mandat d'agir en justice au nom et pour le compte d'un tiers ; qu'en déclarant irrecevable la requête formée par l'association AFER aux motifs qu'elle entendait exercer aux « lieu et place » de ses adhérents « leur droit éventuel à demander la restitution de sommes d'argent placées sous main de justice » cependant qu'elle constatait elle-même que l'AFER avait reçu « mandat individuel, spécial et exclusif de 55 113 de ses adhérents, agissant pour leur compte », la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
" 2°) alors que le mandataire à l'action doit préciser le nom de son mandant dans les actes de la procédure ; qu'en déclarant irrecevable la requête formée par l'association AFER aux motifs que nul ne plaide par procureur cependant que la requête en restitution formée par l'association l'avait été au nom et pour le compte de 55 114 adhérents nommément désignés, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
" 3°) alors que constitue une class action, ou action de groupe, l'action engagée au nom d'un groupe de personnes sans que celles-ci aient donné préalablement mandat pour agir ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations des juges du fond que l'action avait été introduite par l'association AFER sur le fondement de 55 114 mandats qui lui avaient été préalablement délivrés ; qu'en qualifiant néanmoins son action de « class action » illicite, la cour d'appel a violé les texte susvisés ;
" 4°) alors, qu'en toute hypothèse, toute atteinte au droit au juge ne peut être justifiée que par un motif d'intérêt général proportionné à l'objectif recherché ; qu'en jugeant irrecevable la requête introduite par l'association AFER pour le compte de 55 114 de ses adhérents quand le quantum des sommes détournées, par adhérent, était inférieur au coût d'une procédure judiciaire de cette nature, excluant ainsi l'exercice individuel d'une action en justice, la cour d'appel a porté une atteinte disproportionnée au droit d'agir et ainsi violé les textes susvisés " ;
Vu les articles 1984 du code civil, et 710 du code de procédure pénale ;
Attendu qu'aucun texte n'interdit de donner mandat à un tiers de présenter une requête en restitution dès lors que l'existence de ce mandat est prouvée et que le nom du mandant figure dans chaque acte de procédure effectué par le mandataire ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que l'Association française d'épargne et de retraite (AFER), qui a reçu mandat individuel spécial et exclusif de 55 114 de ses adhérents, a saisi la cour d'appel le 29 décembre 2011, en application de l'article 710 du code de procédure pénale, d'une requête en restitution de 24 557 101, 82 euros, somme qui se trouvait sur les comptes titres et espèces, ouverts dans les livres de la banque Rothschild, lorsqu'elle a fait l'objet de la confiscation ordonnée, à titre de peine complémentaire, à l'encontre de MM. B...et C..., condamnés par un arrêt définitif du 10 juin 2008 pour un abus de confiance portant notamment sur ces fonds, l'association se chargeant de répartir cette somme entre tous ses mandants, dont elle a produit la liste et les mandats ;
Attendu que, pour déclarer cette requête irrecevable, la cour d'appel énonce que nul ne plaide par procureur et que, même si l'AFER a reçu mandat de représenter chacun de ses adhérents, elle entend exercer, en leur lieu et place, leur droit à demander la restitution de sommes placées sous main de justice, cette demande s'apparentant à une " class action " ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait l'existence d'un mandat individuel d'agir en restitution, donné à l'association par chacun des adhérents nommément désigné, la cour d'appel a méconnu les textes et principe ci-dessus rappelés ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 20 janvier 2014, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Versailles, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt mai deux mille quinze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.