LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la maison d'habitation appartenant à M. et à Mme X... a été détruite en 2010 par un incendie volontaire causé par leur fils ; que M. X... a saisi en 2011 une commission d'indemnisation des victimes d'infraction d'une demande en indemnisation de ses préjudices immobilier, mobilier et moral ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche qui est recevable :
Attendu que le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions fait grief à l'arrêt d'allouer à M. X... diverses indemnités en réparation de ses préjudices immobilier, mobilier et moral, alors, selon le moyen, que toute personne qui, victime d'un vol, d'une escroquerie, d'un abus de confiance, d'une extorsion de fonds ou d'une destruction, d'une dégradation ou d'une détérioration d'un bien lui appartenant, ne peut obtenir à un titre quelconque une réparation ou une indemnisation effective et suffisante de son préjudice, et se trouve de ce fait dans une situation matérielle ou psychologique grave, peut obtenir une indemnité dans les conditions prévues par les articles 706-3 (3e et dernier alinéa) à 706-12, lorsque ses ressources sont inférieures au plafond prévu par l'article 4 de la loi no 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique pour bénéficier de l'aide juridictionnelle partielle, compte tenu, le cas échéant, de ses charges de famille ; que pour l'appréciation de la condition de ressources de la victime, la requête en indemnisation doit être accompagnée de la déclaration de ses revenus de l'année précédant l'infraction et de l'année où la commission a été saisie ; que c'est au regard des ressources de la victime sur ces deux années que doit donc être appréciée la condition de ressources ; qu'en se bornant, pour dire remplie cette condition, à prendre en compte les seules ressources des époux X... perçues en 2010, la cour d'appel a violé les articles 706-14 et R. 50-10 du code de procédure pénale ;
Mais attendu que l'article R. 50-10 du code de procédure pénale ne fixant aucune règle pour apprécier la condition de ressources de la victime posée à l'article 706-14, alinéa 1er, du code de procédure pénale, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain que la cour d'appel a statué comme elle l'a fait ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen, pris en sa seconde branche, qui est recevable :
Vu l'article 706-14 du code de procédure pénale ;
Attendu que l'indemnité allouée aux victimes d'une dégradation ou d'une détérioration d'un bien lui appartenant est limitée au triple du montant mensuel du plafond de ressources prévu par l'article 4 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ouvrant droit au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle ;
Attendu que l'arrêt alloue à M. X... diverses indemnités pour un montant total de 57 162,07 euros ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le montant mensuel du plafond de ressources prévu pour bénéficier de l'aide juridictionnelle partielle était, à la date de l'arrêt, de 1 404 euros, en sorte que le montant total de l'indemnité ne pouvait dépasser 4 212 euros, la cour d'appel a violé le textesusvisé ;
Et vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 de ce code ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 janvier 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Fixe à 4 212 euros le montant de la somme due à M. X... ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile devant la cour d'appel ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un mai deux mille quinze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils, pour le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir dit que le Fonds de garantie versera à M. Marcel X... une somme de 44 162,07 euros en réparation de son préjudice matériel constitué par la destruction de la couverture de sa maison, une somme de 8 000 euros en réparation de son préjudice mobilier et celle de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral ;
Aux motifs propres que « aux termes de l'article 706-14 du code de procédure pénale, toute personne qui, victime d'un vol, d'une escroquerie, d'un abus de confiance, d'une extorsion de fonds ou d'une destruction, d'une dégradation ou d'une détérioration d'un bien lui appartenant, ne peut obtenir à un titre quelconque une réparation ou une indemnisation effective et suffisante de son préjudice, et se trouve de ce fait dans une situation matérielle ou psychologique grave, peut obtenir une indemnité dans les conditions prévues par les articles 706-3 à 706-12, lorsque ses ressources sont inférieures au plafond prévu par l'article 4 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle, compte tenu, le cas échéant, de ses charges de famille ; qu'en l'espèce, le Fonds de garantie, sans contester que Marcel X... se trouve dans une situation matérielle et psychologique grave imputable à l'infraction, prétend néanmoins que celui-ci ne remplit pas les autres conditions posées par le texte susvisé aux motifs : - que la victime ne justifie pas de l'impossibilité d'obtenir l'indemnisation de son préjudice par l'auteur de l'infraction, - que les revenus du couple, qu'il convient de prendre en compte s'agissant d'un bien commun, sont supérieurs au plafond de ressources prévu par la loi du 10 juillet 1991 ; que toutefois, il est constant que l'auteur de l'infraction à l'origine de la destruction de la maison d'habitation de Marcel X... est son fils, ce qui place l'intéressé non seulement dans une situation psychologique grave, ce qu'a relevé la Commission, mais également dans l'impossibilité morale de recouvrer à l'encontre de l'auteur une quelconque indemnité ; que concernant l'appréciation du plafond légal de revenus, le bien endommagé par l'infraction étant commun à Marcel X... et à son épouse, c'est à bon droit, contrairement à ce que prétend l'intimé, que la Commission d'indemnisation des victimes d'infractions a estimé devoir prendre en compte l'intégralité des revenus perçus par le couple ; que cependant, Marcel X... ayant saisi la Commission d'indemnisation des victimes d'infractions par requête du 24 mars 2011, il convient de prendre en compte les ressources du couple perçues en 2010, et non les revenus perçus, comme le soutient à tort le Fonds de garantie, en 2008 et en 2009 ; que cependant, comme l'a de manière exacte constaté la Commission dans sa décision, il ressort de l'avis d'imposition de 2011 sur les revenus de l'année 2010 de Marcel X... et de son épouse, que le couple a perçu un revenu annuel de 16 383 euros, soit 1365,25 euros par mois, somme qui reste donc inférieure au plafond applicable pour les ressources de 2010, fixé à 1 393 euros ; que c'est donc de manière pertinente que la Commission d'indemnisation des victimes d'infractions a estimé que Marcel X... remplissait les conditions pour être indemnisé du préjudice causé par l'infraction ; que dans la mesure enfin ou le Fonds de garantie n'apporte aucun élément de nature à établir que la Commission a fait une mauvaise appréciation du préjudice matériel, du préjudice mobilier et du préjudice moral, il convient, eu égard aux éléments justificatifs versés au dossier de la Cour, de confirmer la décision déférée en toutes ses dispositions » ;
Et aux motifs réputés adoptés que « Monsieur et Madame Marcel X... ont bien été victimes de la dégradation d'un bien leur appartenant ; que le revenu imposable de Monsieur et Madame Marcel X... se monte, selon l'avis d'impôt sur le revenu 2011, à 16.383 euros pour l'année 2010, soit 1.365,25 euros mensuels, et reste donc inférieur au plafond applicable aux ressources 2010, fixé à 1.393 euros ; que leurs ressources modestes et leur condition de retraités interdisent aux demandeurs de trouver les fonds nécessaires à la reconstruction de leur immeuble ; qu'ils se sont trouvés dans l'obligation de payer un loyer qui absorbe plus de 40% de leur revenu mensuel alors qu'ils possédaient une maison intégralement payée ; qu'ils se trouvent donc dans une situation matérielle grave ; que la responsabilité de leur fils dans la destruction de leur maison par incendie est de nature à placer en outre les demandeurs dans une situation psychologique grave ;que Monsieur Marcel X... atteste sur l'honneur n'avoir perçu aucune indemnisation et fournit une explication convaincante de l'impossibilité de démontrer l'absence d'assurance ; que Monsieur Marcel X... fournit un devis de reconstruction de la toiture de sa maison, pour un montant de 44.162,07 euros ; que les photographies produites par le requérant démontrent que la maison a été totalement détruite, qu'il y a donc lieu de remplacer intégralement le mobilier, pour lequel la somme de 8.000 euros constitue une juste évaluation ; que la destruction du domicile du requérant par un incendie allumé par son propre fils constitue un grave préjudice moral, qui justifie que soit accordé à Monsieur Marcel X... une somme de 5.000 euros à titre de réparation » ;
Alors que toute personne qui, victime d'un vol, d'une escroquerie, d'un abus de confiance, d'une extorsion de fonds ou d'une destruction, d'une dégradation ou d'une détérioration d'un bien lui appartenant, ne peut obtenir à un titre quelconque une réparation ou une indemnisation effective et suffisante de son préjudice, et se trouve de ce fait dans une situation matérielle ou psychologique grave, peut obtenir une indemnité dans les conditions prévues par les articles 706-3 (3° et dernier alinéa) à 706-12, lorsque ses ressources sont inférieures au plafond prévu par l'article 4 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique pour bénéficier de l'aide juridictionnelle partielle, compte tenu, le cas échéant, de ses charges de famille ; que pour l'appréciation de la condition de ressources de la victime, la requête en indemnisation doit être accompagnée de la déclaration de ses revenus de l'année précédant l'infraction et de l'année où la commission a été saisie ; que c'est au regard des ressources de la victime sur ces deux années que doit donc être appréciée la condition de ressources ; qu'en se bornant, pour dire remplie cette condition, à prendre en compte les seules ressources des époux X... perçues en 2010, la cour d'appel a violé les articles 706-14 et R. 50-10 du code de procédure pénale ;
Alors, en toute hypothèse, que toute personne qui, victime d'un vol, d'une escroquerie, d'un abus de confiance, d'une extorsion de fonds ou d'une destruction, d'une dégradation ou d'une détérioration d'un bien lui appartenant, ne peut obtenir à un titre quelconque une réparation ou une indemnisation effective et suffisante de son préjudice, et se trouve de ce fait dans une situation matérielle ou psychologique grave, peut obtenir une indemnité dans les conditions prévues par les articles 706-3 (3° et dernier alinéa) à 706-12, lorsque ses ressources sont inférieures au plafond prévu par l'article 4 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique pour bénéficier de l'aide juridictionnelle partielle, compte tenu, le cas échéant, de ses charges de famille ; que l'indemnité est au maximum égale au triple du montant mensuel de ce plafond de ressources, soit en l'espèce 4 179 euros ; qu'en allouant néanmoins une somme de 44 162,07 euros en réparation de son préjudice matériel constitué par la destruction de la couverture de sa maison, une somme de 8 000 euros en réparation de son préjudice mobilier et une somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral, soit une indemnisation totale de 57 162,07 euros, la cour d'appel a violé l'article 706-14 du code de procédure pénale.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir alloué à M. X... la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral ;
Aux motifs réputés adoptés que « la destruction du domicile du requérant par un incendie allumé par son propre fils constitue un grave préjudice moral, qui justifie que soit accordé à Monsieur Marcel X... une somme de 5.000 euros à titre de réparation » ;
Alors, d'une part, que si l'article 706-14, alinéa 3, du code de procédure pénale ouvre droit à l'indemnisation du dommage corporel qui ne peut être pris en charge au titre de l'article 706-3 du même code en tant que la victime n'a pas subi une incapacité totale de travail inférieure à un mois, c'est toutefois à la condition que la victime ait subi une incapacité totale de travail résultant de l'infraction; qu'en allouant à M. X... la somme de 5 000 euros au titre de son préjudice moral sans avoir constaté que celui-ci avait subi une incapacité totale de travail résultant de l'infraction, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Alors, d'autre part, que si l'article 706-14, alinéa 3, du code de procédure pénale ouvre droit à l'indemnisation du dommage corporel qui ne peut être pris en charge au titre de l'article 706-3 du même code en tant que la victime n'a pas subi une incapacité totale de travail au moins égale à un mois, ce droit n'est ouvert que dans les conditions prévus par les deux premiers aliénas de ce texte ; qu'ainsi, un droit à indemnisation de ce préjudice corporel n'est ouvert qu'autant que l'absence d'indemnisation effective ou suffisante de ce préjudice placerait la victime dans une situation matérielle ou psychologique grave ; qu'en allouant à M. X... la somme de 5 000 euros au titre de son préjudice moral sans avoir constaté que celui-ci se trouvait, du fait de l'absence d'indemnisation de ce préjudice, dans une situation matérielle ou psychologique grave, la cour d'appel a violé le texte susvisé.