LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 133-2 du code de la consommation ;
Attendu, selon ce texte d'interprétation, applicable comme tel aux situations juridiques nées avant son entrée en vigueur, que les clauses des contrats proposés par les professionnels aux consommateurs ou aux non-professionnels s'interprètent, en cas de doute, dans le sens le plus favorable au consommateur ou au non-professionnel ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la BNP, devenue BNP Paribas (la banque), a consenti un prêt immobilier à M. et Mme X... par acte authentique dressé le 8 février 1993 ; qu'estimant, au vu du tableau d'amortissement, que le paiement des échéances avait été pris en compte pour le remboursement du prêt avec un retard de huit mois, M. X... a assigné la banque en indemnisation de ses préjudices ;
Attendu que, pour rejeter ses demandes, l'arrêt, après avoir relevé, au vu d'une correspondance du notaire rédacteur de l'acte de prêt, que les fonds empruntés avaient été employés en totalité le jour même de la signature de cet acte, retient qu'il résulte des clauses du contrat qu'il appartenait à M. X..., pour éviter un remboursement différé, de faire cesser la période d'utilisation des fonds qui précédait la période de remboursement en notifiant son intention par écrit à la banque un mois à l'avance ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations, empruntées aux clauses du contrat de prêt, qu'en cas de mise à disposition des fonds en une seule fois, privant la période d'utilisation de tout effet, la période de remboursement succédait directement à la période de disponibilité, la cour d'appel, qui a appliqué la clause litigieuse dans le sens le plus défavorable à l'emprunteur en lui imputant l'omission d'une diligence à laquelle il n'était pas tenu, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 juin 2013, entre les parties, par la cour d'appel d'Agen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;
Condamne la société BNP Paribas aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept juin deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Bénabent et Jéhannin, avocat aux Conseils, pour M. X...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur X... de sa demande tendant à voir juger que son obligation de remboursement avait débuté le 3 mars 1993, que le prêt litigieux avait été intégralement remboursé le 29 décembre 2010 et qu'en refusant pendant plusieurs années de lui communiquer un tableau d'amortissement correspondant aux caractéristiques de son prêt la BNP PARIBAS avait manqué à son devoir de loyauté et d'information et lui avait fait définitivement perdre une chance de renégocier ou racheter son prêt à des conditions plus avantageuses et, par voie de conséquence, il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur X... de sa demande tendant à voir la banque condamnée sous astreinte à lui communiquer un tableau d'amortissement adéquat et les justificatifs des sommes versées en relation avec ce crédit depuis mars 1993 ainsi que de celle tendant à voir la banque condamnée à lui payer, d'une part, la somme de 40. 000 ¿ à titre de dommages-intérêts en raison de son manquement à son devoir de loyauté et d'information et pour lui avoir fait perdre une chance de renégocier ou racheter son prêt à des conditions plus avantageuses et, d'autre part, celle de 10. 000 ¿ en réparation de son préjudice moral ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « (¿) Sur la date de l'obligation de remboursement
Qu'il résulte de l'acte authentique de prêt du 8 février 1993 que les caractéristiques du prêt sont les suivantes (page 3) :
« Montant du prêt : 320. 000 F
Durée du prêt :
- Durée totale hors période d'utilisation : 240 mois
-Durée maximum de la période d'utilisation : 24 mois ;
Périodicité : mensuelle
Taux d'intérêts :
- Taux moyen mensuel hors assurance-groupe UAP : 0, 921 % par mois
-Taux assurance-groupe UAP : 0, 045 % par mois ;
Remboursements constants :
(hors périodes de disponibilité et d'utilisation)
- Nombre d'échéances : 240 mensualités ;
La périodicité des échéances de remboursement détermine celle des sommes dues pendant les périodes de disponibilité et d'utilisation définies aux Conditions Générales ;
Montant par échéance constante :
(Assurance groupe UAP comprise) ;
3. 434, 65 euros
TAUX EFFECTIF GLOBAL
En raison du caractère incertain des dates et du montant des utilisations, le taux effectif global ci-après indiqué a été calculé en tenant compte uniquement des intérêts dus au titre de la période de remboursement, c'est-à-dire indépendamment des sommes qui seront dues et réglées par l'emprunteur pendant la période d'utilisation ou d'anticipation.
En conséquence ¿ le taux effectif global ressort à un taux calculé selon la méthode proportionnelle :
- A partir d'un taux actuariel de 0, 966 % par mois
-Taux moyen mensuel hors assurance : 0, 921 %
Le taux effectif au sens du marché hypothécaire s'élève en ce qui concerne le prêt éligible ou non à : 11, 92 % l'an
Première échéance : 3 mars 1993
Dernière échéance : 3 février 2013 » ;
Qu'en page 5 du prêt sont détaillées les conditions financières ¿ paiement ¿ remboursement comme suit :
« Conformément aux stipulations de l'offre, le crédit de la somme de 320. 000 F se décompose en trois périodes dénommées : la première « période de disponibilité », la seconde « période de disponibilité », la troisième « période de remboursement » d'une durée à compter de la date à laquelle prendra fin la période d'utilisation.
PERIODE DE DISPONIBILITE
Pendant cette période s'étendant de la date où a pris effet l'assurance de groupe soit le 23 octobre 1992 jusqu'à la date de réalisation du prêt global c'est-à-dire le 3 février 1993,
L'emprunteur est redevable des cotisations d'assurance ¿
PERIODE D'UTILISATION
Cette période succède à la précédente.
La période d'utilisation aura une durée maximum de 24 mois à compter de ce jour.
Toutefois il est expressément convenu qu'une fois le prêt de 320. 000 F réalisé entièrement l'emprunteur aura la possibilité à condition de le notifier par écrit un mois à l'avance de faire cesser la période d'utilisation sans attendre l'expiration d'un délai de 24 mois ¿ (surlignage ajouté par l'arrêt)
PERIODE DE REMBOURSEMENT
Cette période succède à la période de disponibilité en cas d'utilisation en une seule fois et à la période d'utilisation dans les autres cas.
Pendant cette période l'emprunteur s'oblige à rembourser
-Le crédit privé éligible au marché hypothécaire en 240 termes de 3. 434, 65 F comprenant chacun une part d'amortissement, les cotisations d'assurance-groupe UAP et l'intérêt calculé au taux mensuel de 0, 921 %.
Le premier versement au titre de la période de remboursement ¿ aura lieu le 3 du mois qui suivra la date à laquelle la période d'utilisation aura pris fin, ce qui commandera la date des autres versements » ;
Qu'il résulte du courrier de Maître Vanche en date du 20 octobre 2011, notaire rédacteur de l'acte de prêt, que les fonds empruntés ont été employés le jour de la signature de l'acte le 8 février 1993 ;
Mais qu'il résulte de la lecture des clauses du contrat qu'il appartenait à Monsieur X..., s'il souhaitait rembourser immédiatement le prêt, de faire cesser la période d'utilisation en levant l'option prévue à la période d'utilisation en écrivant à la banque un mois à l'avance ; que toute autre interprétation de la convention dénaturerait la clause concernant la période d'utilisation, clause parfaitement claire et précise ; que Monsieur X... n'a pas demandé à rembourser le prêt dès l'utilisation des fonds, une période d'utilisation de quelques mois a donc succédé à la période de disponibilité conformément au contrat, et Monsieur X... ne justifie d'ailleurs pas d'avoir remboursé les mensualités de mars à novembre 1993 ;
Que la banque n'a donc pas violé les stipulations contractuelles concernant le début du remboursement du prêt ;
Sur la loyauté contractuelle
Qu'il est justement indiqué par le premier juge que Monsieur X... est en possession de trois tableaux d'amortissement ; que ceux-ci lui ont été communiqués par la banque lorsqu'il en a fait la demande ; qu'il était en effet prévu au contrat, comme dans tous les contrats de ce type, qu'en raison du caractère incertain des dates et du montant des utilisations, le taux effectif global dans la convention n'a été calculé qu'en tenant compte des intérêts dus au titre de la période de remboursement, c'est-à-dire indépendamment des sommes qui seront dues et réglées par l'emprunteur pendant la période d'utilisation ou d'anticipation ;
Qu'en revanche, le contrat précisait exactement le montant des sommes dues et le mode de calcul du taux d'intérêt en fonction de la période en cours ; que la banque a transmis à Monsieur X... des tableaux d'amortissement correspondant précisément à ses paiements et reprenant les taux stipulés contractuellement ; qu'il appartient à Monsieur X..., qui prétend avoir payé des sommes supérieures à celles que la banque prétend avoir encaissées, de le prouver, il ne le fait pas ;
Qu'il ne prouve pas davantage que la banque lui aurait imputé des frais, cotisations ou un taux d'intérêt qui ne seraient pas conformes au contrat ;
Que la banque, dès qu'il lui en a fait la demande, lui a fourni les documents demandés : tableau d'amortissement, puis montant du capital restant dû lorsqu'il a souhaité rembourser le prêt par anticipation ;
Que Monsieur X... est défaillant dans la preuve qui lui incombe de démontrer une quelconque faute de la banque et c'est donc à juste titre que le premier juge l'a débouté de son action ; que la banque n'ayant commis aucune faute, il ne justifie d'aucun préjudice pouvant donner lieu à indemnisation que ce soit financier ou moral ;
Que si Monsieur X... souhaitait racheter son prêt, il avait en sa possession les moyens de le faire et la BNP Paribas n'est pas responsable de sa déconfiture financière qui l'a mis dans l'impossibilité de faire face à ses engagements (¿) ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « 1) Sur la régularité formelle de l'emprunt :
Qu'aux termes de l'article 87- I de la loi n° 96-314 du 12 avril 1996, les offres de prêts (¿) émises avant le 31 décembre 1994 sont réputées régulières au regard des dispositions relatives à l'échéancier des amortissements prévues par le 2° de l'article L. 312-8 du même code (ancien article 5 de la loi n° 79-596 du 13 juillet 1979 applicable le 8 février 1993), dès lors qu'elles ont indiqué le montant des échéances de remboursement du prêt, leur périodicité, leur nombre ou la durée du prêt, ainsi que, le cas échéant, les modalités de leurs variations ;
Qu'il s'ensuit en l'espèce que l'emprunt souscrit par les époux X... le 8 février 1993, qui contient toutes les mentions en question, est réputé régulier, même s'il n'a pas comporté de tableau d'amortissement ;
2) Au fond
Qu'en premier lieu la mention, dans le contrat de prêt, d'une première échéance au 3 mars 1993 n'implique pas que els paiements aient dus commencer à cette date et n'a pour but que de donner à l'emprunteur une estimation de son obligation ;
Qu'en effet, le contrat stipule :
« En raison du caractère incertain des dates et du montant des utilisations, le taux effectif global ci-dessus indiqué a été calculé en tenant compte uniquement des intérêts dus au titre de la période remboursement c'est-à-dire indépendamment des sommes qui seront dues et réglées par l'emprunteur pendant la période d'utilisation ou d'anticipation » ;
Que le contrat a d'ailleurs expressément prévu trois périodes distinctes et, par conséquent, la possibilité, d'ailleurs courante, de ne commencer à rembourser les fonds prêtés qu'à l'issue d'un certain délai ;
Qu'en deuxième lieu et surtout qu'aux termes du second alinéa de l'article 1315 du code civil, il appartient à celui qui se prétend libéré de justifier le paiement ;
Qu'en conséquence, c'est à Monsieur X... qui prétend avoir commencé à rembourser l'emprunt en février 1993, de justifier effectivement de ces remboursements ;
Qu'or il ne produit aucun relevé de compte pour la période en question (ni d'ailleurs pour des périodes postérieures), ni la justification du paiement à la banque des mensualités invoquées ;
Que les deux ordres de virement qu'il produit aux débats, datés respectivement du 4 mai et du 1er juin 1993, de montants de 4. 000 ¿, représentent des opérations de crédit de son compte et en rien des opérations de débit au profit de la banque ;
Qu'il n'apporte donc nullement la preuve de ses allégations de sorte que le tribunal tiendra pour établi, comme l'indique la banque, que les remboursements n'ont commencé qu'à partir de novembre 1993 ;
Que par suite, il est normal qu'aucun tableau d'amortissement faisant état de mensualités entre février et octobre 1993 n'ait été établi ;
Qu'en troisième lieu Monsieur X... est en possession de trois tableaux d'amortissement :
¿ un tableau d'amortissement édité le 11 décembre 1992 détaillant les mensualités de novembre 1993 à octobre 2013, d'un montant, chacune, de 3. 434, 65 francs correspondant exactement au contrat de prêt ;
¿ un tableau d'amortissement daté du 22 novembre 1998 détaillant les mensualités de novembre 1998 à septembre 2001, d'un montant, chacune, de 3. 434, 65 francs correspondant exactement au contrat de prêt ;
¿ un tableau d'amortissement daté du 29 octobre 2001 détaillant les mensualités d'octobre 2001 à octobre 2013, d'un montant, chacune, de 523, 61 ¿ correspondant exactement au contrat de prêt et à la conversion en euros du montant des mensualités ;
qu'il a donc toute connaissance du déroulement de l'emprunt qu'il a souscrit et des sommes restant dues, tant en intérêts qu'en principal ;
qu'en quatrième lieu la BNP PARIBAS n'a aucune obligation d'accepter de renégocier, c'est-à-dire de modifier, l'emprunt librement souscrit par les époux X... le 8 février 1993 qui fait la loi des parties en application du premier alinéa de l'article 1134 du code civil ;
qu'en cinquième lieu il appartenait en réalité à Monsieur X..., s'il estimait que le taux des intérêts de l'emprunt est devenu trop élevé, de procéder au remboursement anticipé, comme le contrat lui en laisse la possibilité, au besoin en souscrivant un nouvel emprunt à un taux moins élevé soit auprès de la BNP PARIBAS, soit auprès d'une autre banque ;
qu'en définitive les prétentions de Monsieur X... sont totalement infondées de sorte qu'elles doivent être rejetées (¿) » ;
ALORS QU'en vertu de l'article L. 133-2, alinéa 2 du code de la consommation, les clauses des contrats proposés par les professionnels aux consommateurs s'interprètent, en cas de doute, dans le sens le plus favorable au consommateur ; qu'en l'espèce le contrat de prêt immobilier conclu par la banque BNP au profit des époux X... prévoyait que le crédit de la somme de 320. 000 francs se décomposait en trois périodes dites de « disponibilité » pour la première, d'« utilisation » pour la deuxième et de « remboursement » pour la troisième ; que sous le chapitre relatif aux « conditions financières ¿ paiement-- remboursement » il était prévu que la période d'utilisation qui devait succéder à la période de disponibilité aurait une durée maximum de 24 mois à compter du jour de la signature de l'acte de prêt ; que toutefois il était expressément convenu qu'une fois le prêt réalisé entièrement l'emprunteur aurait la possibilité, à condition de le notifier par écrit un mois à l'avance, de faire cesser la période d'utilisation sans attendre l'expiration d'un délai de 24 mois ; que s'agissant de la période de remboursement, la clause litigieuse avait prévu que cette période de remboursement devait succéder à la période de disponibilité en cas d'utilisation du prêt en une seule fois ; qu'après avoir rappelé le contenu de la clause litigieuse la Cour d'appel a constaté qu'il résultait d'un courrier du notaire rédacteur de l'acte de prêt que les fonds empruntés avaient été employés en totalité le jour de la signature de l'acte le 8 février 1993 ; que la Cour d'appel a alors choisi d'appliquer la clause litigieuse en ce qu'elle imposait à l'emprunteur d'adresser un courrier à la banque pour faire cesser la période d'utilisation et a jugé que faute d'un tel courrier une période d'utilisation de quelques mois avait donc succédé à la période de disponibilité allongeant d'autant la durée de l'obligation de remboursement pesant sur Monsieur X... ; qu'en interprétant la clause définissant les « conditions financières ¿ paiement ¿ remboursement » et plus spécialement la situation en cas de réalisation en totalité du prêt au jour de la signature de l'acte de prêt dans le sens le plus défavorable à Monsieur X... la Cour d'appel a violé l'article L. 133-2, alinéa 2 du code de la consommation.