LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 28 novembre 2013), que la société Genesyl aménagement (la société Genesyl), spécialisée dans le domaine de l'urbanisme commercial, a conclu avec M. X..., architecte, un contrat lui confiant une mission comportant les études préliminaires et d'avant projet, le dossier de permis de construire et les études de projet et de conception générale pour la réalisation d'un centre commercial ; que le permis de construire a fait l'objet d'un retrait après un recours exercé par le préfet ; que M. X... a assigné la société Genesyl en paiement de ses notes d'honoraires et de l'indemnité de résiliation ;
Attendu que pour rejeter la demande de M. X... en paiement des honoraires convenus jusqu'au dépôt du dossier de permis de construire, l'arrêt retient qu'il était établi que celui-ci ne s'était pas préoccupé de l'assiette foncière du projet et des normes urbanistiques applicables, que le dossier déposé, plus que sommaire au regard des dispositions législatives et réglementaires, constituait en réalité un avant-projet reprenant la plupart des dispositions d'un projet établi en 2006 et qu'il ne pouvait recevoir la qualification de dossier de demande de permis de construire ;
Qu'en statuant ainsi, sans préciser sur quels éléments elle se fondait, alors que M. X... faisait valoir que le tribunal avait reconnu la qualité du dossier de permis de construire qu'il avait établi et qu'il affirmait que le dossier était complet et constituait tant en la forme que sur le fond une demande de permis de construire au sens des dispositions du code de l'urbanisme, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ; PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il infirme partiellement le jugement et rejette la demande de M. X... en paiement de ses honoraires, l'arrêt rendu le 28 novembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne la société Genesyl aménagement représentée par Mme Y..., ès qualités, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne Mme Y... ès qualités à payer la somme de 3 000 euros à M. X... ; rejette la demande de Mme Y... ès qualités ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier juillet deux mille quinze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, avocat aux Conseils, pour M. X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté M. X... de sa demande tendant à voir condamner la société Genesyl Aménagement à payer les sommes en principal de 123. 277, 60 et 425. 000 euros HT en règlement de ses honoraires convenus pour l'accomplissement des tâches qui lui avaient été confiées par le contrat d'architecte du 18 avril 2007 jusqu'au dépôt du dossier de permis de construire ;
AUX MOTIFS QUE, sur les prestations fournies par l'architecte : M. X... se contente d'indiquer qu'il a établi le dossier de demande de permis de construire ; que ce dossier est conforme au POS alors applicable et venant d'être révisé ; que M. X... a adressé à la société Genesyl Aménagement un CDrom intitulé " dossier PC " reflétant le travail qu'il a réalisé ; que ce CDrom est versé aux débats ainsi que la copie de la demande de permis de construire ; que la société Genesyl Aménagement avait sollicité en 2006 les services de M. X... pour établir une esquisse de projet de lotissement commercial ; qu'il apparaît que le dossier déposé en octobre 2007 reprend un grand nombre de photographies et/ ou plans du dossier, établis en novembre 2006 ; qu'il a par ailleurs été établi que M. X... ne s'est pas préoccupé de l'assiette foncière du projet et des normes urbanistiques applicables ; qu'il résulte des pièces fournies au dossier que M. X... a rédigé et déposé un projet plus que sommaire au regard des dispositions législatives et réglementaires ; que le dossier déposé ne peut recevoir la qualification de demande de dossier de permis de construire ; qu'il s'agit en réalité d'un avant-projet sommaire, reprenant la plupart des dispositions du projet de 2006 ;
1°) ALORS QUE le contrat d'architecte du 18 avril 2007 stipulait le paiement de 35 % du montant total du marché lors du dépôt du dossier de demande de permis de construire, montant sollicité par M. X... ; qu'ayant constaté que le dossier de demande de permis de construire avait été déposé, la cour d'appel ne pouvait rejeter la demande de paiement des honoraires prévus pour l'accomplissement de cette tâche au prétexte inopérant que le dossier reprendrait pour l'essentiel l'avant-projet réalisé en 2006, sans violer l'article 1134 du code civil ;
2°) ALORS QUE la cour d'appel a décidé que l'architecte ne pourrait réclamer la rémunération due pour la réalisation du dossier de demande de permis de construire motif pris qu'il a « été établi que M. X... ne s'est pas préoccupé de l'assiette foncière du projet et des normes urbanistiques », sans préciser sur quel élément de preuve elle se fondait pour reprendre à son compte, mot pour mot, les conclusions de la société Genesyl Aménagement et de son liquidateur qui affirmaient que le dossier de permis de construire avait « été établi sans que M. X... ne se soit préoccupé de l'assiette foncière du projet et des normes urbanistiques », ce que contestait fermement l'architecte, qui, preuves à l'appui, démontrait que la demande de permis de construire avait été réalisée sur l'assiette foncière définie par le maître de l'ouvrage et était conforme aux normes urbanistiques en vigueur lors de son dépôt ; qu'en statuant par ces motifs purement affirmatifs, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QUE M. X... rappelait le contenu du dossier de demande de permis de construire pour démontrer qu'il était complet, ce qu'avait retenu le tribunal en énonçant que « la mairie de Roquebrune sur Argens a bien délivré l'attestation aux termes de laquelle " le groupe Genesyl a déposé en mairie un exemplaire complet de demande de permis de construire " » ; qu'en se bornant pourtant à affirmer que la demande de permis de construire n'aurait constitué qu'un avant-projet sommaire sans préciser les éléments qui manquaient pour qu'il puisse être tenu pour complet, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 431-1 à L. 431-4 et des articles R. 431-4 et suivants du code de l'urbanisme et de l'article 1134 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté M. X... de sa demande tendant à voir condamner la société Genesyl Aménagement à payer les sommes en principal de 123. 277, 60 et 425. 000 euros HT en règlement de ses honoraires portant sur l'accomplissement des tâches confiées par le contrat d'architecte du 18 avril 2007 jusqu'au dépôt du dossier de permis de construire ;
AUX MOTIFS QUE sur l'utilisation du travail de l'architecte, pour respecter la promesse de vente signée entre la société Genesyl Aménagement et la Semsara, il convenait de modifier le POS que le maire a fait approuver une modification du POS par son conseil municipal ; que le procès-verbal de ce dernier est du 17 octobre 2007 ; que sans attendre les délais du contrôle de légalité du recours des tiers et de retrait des actes administratifs, M. X... s'est empressé d'établir un pré-rapport du dossier de demande de permis en 12 jours ; que la décision municipale de modifier le POS a été suspendue par le Tribunal administratif de Nice au motif qu'elle était irrégulière et qu'il fallait procéder par voie de révision du POS que l'architecte M. X... se devait d'une obligation de renseignement et de conseil envers son client ; que M. X... savait pertinemment que le projet nécessitait une autorisation d'urbanisme commercial préalable à l'obtention d'un quelconque permis de construire ; qu'il était dès lors inutile de déposer une demande de permis de construire ; qu'en conséquence, il résulte de ce qui précède, que M. X... ne peut réclamer une rémunération pour un chef de mission non exécuté ; qu'il échet de le débouter de sa demande d'honoraires ; que le jugement sera infirmé sur ce point ;
1°) ALORS QUE le contrat d'architecte stipulait que 35 % du montant total des honoraires serait dû lors du dépôt de la demande de permis de construire en rémunération des tâches accomplies jusqu'à cette étape, sans soumettre le paiement de ces honoraires à l'existence de la délivrance de ce permis ; qu'en retenant que le chef de mission relatif au dépôt de la demande de permis de construire devait être tenu pour non exécuté au prétexte qu'il avait été effectué avant l'expiration des délais de contrôle de légalité de la modification du plan d'occupation des sols et avant la délivrance de la demande d'autorisation d'aménagement, la cour d'appel a ajouté au versement des honoraires convenus pour la réalisation du dossier de permis de construire une condition que les parties n'avaient pas stipulée, violant ainsi les dispositions de l'article 1134 du code civil ;
2°) ALORS QU'en retenant, pour estimer que ce chef de mission n'aurait pas été exécuté, que le dépôt de la demande de permis de construire aurait été précipité sans répondre aux conclusions étayées de l'architecte qui démontrait que le délai entre la modification du plan d'occupation des sols et le dépôt du permis de construire était indifférent sur l'obligation du maître de l'ouvrage de s'acquitter du paiement prévu pour la réalisation du dossier de permis de construire puisque cette modification du plan d'occupation des sols ne concernait pas la partie du projet dont l'architecte avait été chargé et que c'était la société Genesyl Aménagement elle-même qui avait insisté pour que ce dossier soit rapidement effectué afin de procéder au dépôt dont elle s'était elle-même chargée, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QU'en considérant encore que le travail accompli par l'architecte ne méritait pas rémunération au prétexte qu'il aurait manqué à son obligation de renseignement et de conseil en laissant le maître de l'ouvrage déposer la demande de permis de construire avant l'obtention de l'autorisation d'exploitation commerciale qu'il savait nécessaire au projet, sans constater que l'architecte se serait vu confier un quelconque rôle dans la procédure de demande d'autorisation d'exploitation commerciale ou que le refus de la délivrer lui serait imputable, ce qu'il contestait fermement en démontrant que c'était la société Genesyl Aménagement qui assumait cette partie du projet et que l'autorisation avait été refusée pour des considérations tenant à l'équilibre économique dans la région, la cour d'appel a privé sa décision au regard de l'article 1134 et 1147 du code civil ;
4°) ALORS QUE l'étendue de l'obligation de renseignement et de conseil d'un architecte s'apprécie au regard des compétences propres du client ; qu'en retenant que M. X... aurait manqué à cette obligation en réalisant un dossier de demande de permis de construire et en laissant le maître de l'ouvrage le déposer avant l'obtention de la confirmation administrative de la faisabilité de l'ensemble du projet d'aménagement, sans apprécier, comme il le lui était demandé, l'existence de ce prétendu manquement au regard des compétences notoires de la société Genesyl Aménagement pour la réalisation du type de projet envisagé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
5°) ALORS QUE M. X... faisait valoir qu'aucun texte n'interdisait le dépôt de la demande de permis de construire avant l'octroi de l'autorisation d'urbanisme commercial, l'instruction parallèle des deux procédures administratives permettant d'accélérer la réalisation du projet ; qu'en jugeant que M. X... aurait commis une faute le privant du droit d'obtenir la rémunération pour le travail accompli en laissant le maître de l'ouvrage déposer la demande de permis de construire avant l'obtention de la demande d'autorisation d'exploitation commerciale, sans répondre à ces conclusions déterminantes car de nature à démontrer qu'aucun manquement à l'obligation de conseil ni aucune précipitation fautive n'étaient imputables à l'architecte, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.