LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 25 juin 1990 par la société Serta France en qualité de chauffeur-livreur ; qu'il a été licencié pour motif économique le 14 avril 2009 ;
Attendu que pour dire le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient l'existence de difficultés économiques éprouvées par la société Serta France ;
Qu'en statuant ainsi sans répondre aux conclusions du salarié qui soutenait que cette société qui l'employait appartenait à un groupe de sorte que c'est au sein du secteur d'activité de ce groupe qu'il convenait de caractériser ces difficultés, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 février 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans ;
Condamne la société Serta France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux septembre deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. X...
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir jugé que le licenciement de Monsieur X... reposait sur une cause réelle et sérieuse et d'avoir, en conséquence, rejeté la demande du salarié en paiement de dommages et intérêts pour licenciement injustifié ;
Aux motifs propres que, sur le motif économique du licenciement, contrairement à ce qu'affirme Monsieur Thierry X..., l'étude des documents comptables se rapportant à l'exercice ayant débuté le 1er juillet 2008 et clos le 30 juin 2009 est fondamentale puisque c'est précisément au cours de cet exercice que le licenciement a été décidé et exécuté ; que la circonstance que ces comptes n'aient pas été publiés au greffe du tribunal de commerce ne leur enlève en rien leur caractère d'authenticité ; qu'il résulte d'un document récapitulatif des facturations réalisées par la SAS SERTA France qu'en 2008, la moyenne mensuelle calculée sur le cumul des facturations effectuées depuis le 1er janvier de l'année était toujours supérieure à 400 000 € avec néanmoins une chute importante dès le mois de décembre à 340 535, 31 € et que cette moyenne, qui était encore supérieure à 300 000 € au cours des trois premiers mois de l'année 2009, est devenue inférieure à ce montant tout au long des mois suivants ; que cette chute d'activité est confirmée par les documents comptables dont il résulte que le chiffre d'affaires qui s'établissait au 30 juin 2008 à 5 237 444, 27 € ne représentait plus au 30 juin 2009 que 4 153 445, 61 € ; que le résultat d'exploitation qui était encore de 126 561 € est devenu négatif à - 598 324 € ; qu'au 30 juin 2008, l'entreprise pouvait encore dégager un bénéfice de 11 223 €, le 30 juin de l'année suivante, elle devait constater une perte de 1 122 023 € ; que certes, cette perte s'explique en partie par des charges exceptionnelles sur opérations de gestion, d'un montant de 506 558 €, mais il n'en demeure pas moins qu'abstraction faite de ces charges exceptionnelles, le résultat courant, qui est le chiffre qui rend le mieux compte de la rentabilité de l'activité normale de l'entreprise, était bien négatif à - 65 702 € ; qu'au demeurant, s'agissant de ces créances irrécouvrables, l'employeur démontre leur réalité, au moins à hauteur de la somme de 353 898, 95 ¿ en raison de la liquidation judiciaire de plusieurs sociétés du groupe Rencast ainsi que de la défaillance d'une société AMTCO, dont le siège se trouvait à Singapour ; qu'en ce qui concerne l'existence d'un compte de réserve d'un montant de 602 348 € figurant au bilan, il résulte d'une note de l'expert-comptable qu'il s'agissait de l'ensemble cumulé des bénéfices nets comptables depuis la création de la société et arrêté au bilan antérieur, c'est-à-dire à la date du 30 juin 2008 ; qu'outre le fait que ce compte de réserve ne modifie en rien l'appréciation que l'on peut avoir sur l'activité de la société et sur la rentabilité de celle-ci, l'importance de cette activité étant en lien direct et nécessaire avec les emplois qui la créent, l'expert-comptable relève que le résultat de l'exercice de 2009, déficitaire à 1 122 022, 96 €, était à lui seul supérieur à ces réserves et au capital de la société, de sorte que ses fonds propres étaient passés de 937 736 € en juin 2008 à - 184 286, 81 € au 30 juin suivant, ces fonds propres négatifs étant le « signe évident de grande difficulté et (pouvant) être considéré comme un facteur représentatif de l'état de cessation de paiement » ; que ce n'est évidemment pas dans le but, comme le prétend le salarié, de profiter d'un « effet d'aubaine » créé par la crise financière, bancaire et économique de la fin de l'année 2008 et pour faire croire que des suppressions de poste étaient nécessaires à sa survie, que la SAS SERTA France a saisi, dès le mois de février 2009, le médiateur du crédit pour trouver une solution à ses difficultés de trésorerie, qu'elle a demandé et obtenu de la direction départementale du travail et de l'emploi (DDETFP) une autorisation de recourir à du chômage partiel et qu'ayant saisi la commission départementale des chefs des services financiers et des représentants des organismes de sécurité sociale et de l'assurance chômage du Loiret (CCSF), elle a obtenu, le 19 mai 2009, un plan d'apurement de l'ensemble de ses dettes sociales, qui s'élevaient à la somme non négligeable de 278 318, 56 € ; que ce n'est également pas sans raison que le 6 mai 2009, le président du Tribunal de commerce d'Orléans a ouvert une procédure de conciliation, en application de l'article L 611-6 du Code du commerce, afin de favoriser la conclusion d'un accord amiable avec les différents créanciers de la société et tenter de mettre fin à ses difficultés, ce qui a conduit à la conclusion d'un protocole de conciliation homologué par le tribunal le 17 juin 2009 et prévoyant notamment l'octroi d'un concours de 520 000 € en échange duquel les actionnaires dits historiques devaient s'engager à apporter 80 000 € en compte courant à la société ; que les difficultés que rencontrait alors l'employeur l'ont d'ailleurs conduit à user à nouveau de cette procédure de conciliation en vue d'obtenir une prolongation d'une durée d'un an du délai de remboursement du concours susvisé, obtenant ainsi un accord homologué le 1er décembre 2010 ; qu'il résulte donc de l'ensemble de ces éléments que le motif économique allégué par l'employeur était réel et sérieux, de sorte que dans son principe, le licenciement était justifié ; que sur la réalité de la suppression de l'emploi occupé par Monsieur Thierry X..., il est constant que la suppression d'un emploi n'est pas incompatible avec la répartition et l'attribution des tâches qui étaient exercées par le salarié entre d'autres salariés présents dans l'entreprise ; qu'en l'espèce, il résulte à la fois de la consultation du registre du personnel et d'attestations versées aux débats que Monsieur Thierry X..., qui était le seul à occuper cet emploi de chauffeur livreur, n'a pas été remplacé et que ses attributions ont été exercées par le gérant de l'entreprise et son fils ; que sur l'obligation de reclassement, Monsieur Thierry X... fait valoir que l'employeur n'a pas procédé à une recherche de reclassement réelle et sérieuse ; qu'il relève en effet que la seule démonstration qui en est apportée par l'employeur réside dans un courrier rédigé par le Président de la société, Monsieur Marc Y..., à ses enfants, Frédéric MANIERE et Nathalie Z..., dans lequel il leur demandait de faire le nécessaire pour toute recherche de reclassement en interne, courrier auquel ces derniers ont répondu négativement ; qu'il note aussi que Monsieur Marc Y... était, au cours du licenciement, gérant d'autres sociétés relevant de la même activité, à savoir la société ESSO OUTILLAGE, la société SFPOI et la société SGFI, dont il est évident qu'elles constituaient avec la SAS SERTA France un seul et même groupe et que, pourtant, il n'a été procédé à aucune recherche de reclassement au sein de ces sociétés ; mais que la circonstance que le dirigeant de la SAS SERTA France serait également dirigeant d'autres sociétés ne permet pas d'en inférer que celles-ci constituaient un groupe avec la SAS SERTA France, en l'absence du moindre lien capitalistique entre elles ; que par ailleurs, c'est à juste titre que le conseil de prud'hommes a observé que si l'on examine le registre unique du personnel et si l'on considère qu'il s'agissait d'un licenciement portant sur 8 salariés sur un total de 45, la réponse qui a été faite au Président de la société était sans surprise ; qu'il faut noter aussi que la SAS SERTA France ne s'est pas cantonnée à examiner les possibilités de reclassement en son sein mais a également adressé à l'Union des industries métallurgiques et minières (UIMM) dont elle fait partie, dès le 12 mars 2009, un courrier en vue de rechercher auprès de ses adhérents s'il existait des postes susceptibles d'être proposés aux salariés concernés par le licenciement dont elle précisait la qualification ; qu'il est donc établi que l'employeur a rempli son obligation de moyen de recherche d'un reclassement au profit du salarié ;
Et aux motifs réputés adoptés du jugement que sur le motif économique, la SAS SERTA France indique que dès le 2ème trimestre 2008, elle a pris conscience des difficultés à venir en constatant une baisse de son chiffre d'affaires de 40 % ce qui a conduit à un bilan prévisionnel en fort déficit ; que le Directeur Départemental du Travail lui a donné l'autorisation de recourir au chômage partiel du 19 décembre 2008 au 31 mars 2009 pour 44 salariés, du 1er au 31 mars 2009 pour 43 salariés, du 1er avril au 30 juin 2009 pour 44 salariés, du 1er juillet au 31 novembre 2009 (après les licenciements économiques) pour 36 salariés ; que les facturations de l'année 2009 sont inférieures globalement de 40 % à celles de l'année précédente (pièce n° 28), ce qui permettait de prévoir le résultat 2009 qui a effectivement été déficitaire de 1 122 022 € (bilan communiqué en délibéré à la demande du Conseil) ; que ce même bilan révèle des fonds propres négatifs de 184 286 € ; que la SAS SERTA France a saisi le médiateur du crédit en février 2009, invoquant un risque de cessation de paiement dans les trois mois et la nécessité d'un crédit de 600 000 ¿ en urgence (pièce n° 27) ; qu'aux termes du protocole de conciliation du 2 juin 2009, intervenu certes postérieurement aux licenciements mais qui permet de confirmer la difficile situation économique de l'entreprise lorsque ces décisions ont été prises, les crédits ont été accordés par 4 établissements bancaires à hauteur de 520 000 € sous condition d'une contre garantie d'OSEO ; qu'un apport de 80 000 € a été imposé aux actionnaires historiques ; que ce même protocole prévoit le réaménagement des dettes fiscales et sociales sur 30 mois ; que le demandeur s'est étonné durant les débats de la ligne comptable « créances irrécouvrables 499 007 € » (annexe déclaration 2053) ; que la SAS SERTA France fait valoir qu'il s'agit des pertes dues au non-paiement par certains clients ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que la SAS SERTA France apporte la preuve de ses difficultés économiques réelles ; que sur la suppression du poste de Monsieur Thierry X..., Monsieur Thierry X... conteste la nécessité voir la réalité de la suppression de son poste de chauffeur livreur ; que le choix de supprimer l'emploi de chauffeur livreur relève du pouvoir de direction de l'employeur et le registre unique du personnel produit par la SAS SERTA France indique que Monsieur X... Thierry a quitté la société le 22 avril 2009, sans qu'il n'apparaisse d'embauche postérieure à cette date sur le même poste, de sorte que la suppression du poste est établie (pièce 37) ; que sur l'obligation de reclassement, il est soutenu que la SAS SERTA France ne justifie pas d'une recherche active de reclassement, fusse au prix d'une modification substantielle de son contrat de travail ; que le 12 mars 2009, Monsieur Y... Marc, Président de la société, a sollicité Monsieur Y... Frédéric et Madame Z... Nathalie, dont les qualités respectives dans l'entreprise demeurent inconnues, aux fins de recherche de possibilités de reclassement pour Monsieur X... Thierry (pièce 3) ; que ce même jour, il était fait appel à la CPTE aux fins de recherche de reclassement externe (pièce 4) ; que le 10 avril 2009, Monsieur Y... Frédéric et Madame Z... Nathalie répondaient par lettre identique en indiquant l'impossibilité de reclassement interne (pièce 10) ; qu'au-delà des critiques faites par le demandeur sur l'insincérité de ces réponses en raison de l'intérêt commun de la famille Y..., ces réponses sont sans surprise dans le contexte précédemment décrit d'une entreprise qui emploie 45 salariés, en licencie 8 pour motif économique, et n'appartient pas à un groupe qui permettrait d'effectuer une recherche de reclassement plus large ; que la recherche de reclassement est dès lors très théorique et qu'il faut bien considérer que cette obligation a été respectée ;
ALORS, D'UNE PART, QUE la cause économique d'un licenciement s'apprécie au niveau du secteur d'activité du groupe auquel appartient l'entreprise concernée ; que pour juger que le licenciement de Monsieur X... reposait sur une cause réelle et sérieuse, la Cour d'appel s'est bornée à relever, par motifs propres, l'existence de « difficultés que rencontraient alors l'employeur » et, par motifs adoptés, que « la SAS SERTA France rapporte la preuve de ses difficultés économiques réelles » ; qu'en s'abstenant ainsi de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la société SERTA France n'appartenait pas à un groupe d'entreprises au sein duquel devaient être appréciées les difficultés économiques invoquées à l'appui du licenciement de Monsieur X..., la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 1233-3 du Code du travail ;
ALORS, D'AUTRE PART et en tout état de cause, QUE Monsieur X... avait fait valoir, dans ses conclusions d'appel, que « le licenciement pour motif économique est d'autant plus dépourvu de cause réelle et sérieuse qu'il est établi, par les pièces du dossier, que la société SERTA France appartenait à un groupe, de sorte que la réalité et le sérieux du motif économique devaient s'apprécier, non pas dans le cadre restreint de la société SERTA France, mais dans celui du groupe auquel elle appartenait (pièces n° 70, 71 et 72). Or, force est de constater que la société SERTA France ne justifie par aucune pièce versée aux débats de la réalité et le sérieux du motif économique dans le cadre du groupe auquel elle appartient. Elle n'a d'ailleurs même pas allégué, dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, quelques difficultés économiques que ce soit dans le cadre du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient » (pages 11 et 12) ; qu'en s'abstenant de répondre à ce chef péremptoire des conclusions qui lui étaient soumises, dont il résultait que la société SERTA France appartenait à un groupe de plusieurs sociétés au sein duquel devaient être appréciée la réalité du motif économique invoqué à l'appui du licenciement de Monsieur X..., la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS, ENFIN, QUE le périmètre à prendre en considération pour l'exécution de l'obligation de reclassement se comprend de l'ensemble des entreprises du groupe dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation leur permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel ; qu'en se bornant à affirmer, pour juger que la société SERTA France n'appartenait à aucun groupe au sein duquel devaient être effectuées les recherches de reclassement, que « la circonstance que le dirigeant de la SAS SERTA France serait également dirigeant d'autres sociétés ne permet pas d'en inférer que celles-ci constituaient un groupe avec la SAS SERTA France, en l'absence du moindre lien capitalistique entre elles », sans toutefois rechercher si, comme il était soutenu, la société SERTA France n'appartenait pas à un même groupe que d'autres entreprises gérées par Monsieur Y..., même sans lien capitalistique entre elles, dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation leur permettaient d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L 1233-3 et L 1233-4 du Code du travail.