LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société Crystal que sur le pourvoi incident relevé par la société Encres Dubuit ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 5 février 2014), que la société Encres Dubuit a confié, en février 2007, à la société Crystal la réalisation d'un système de protection de son site contre l'incendie ; qu'au cours des travaux, les locaux ont subi un incendie ; qu'après avoir mis en demeure la société Crystal de remédier aux malfaçons existantes et d'achever les travaux, la société Encres Dubuit l'a assignée en réparation, tandis que la société Crystal a formé une demande reconventionnelle en paiement du solde du prix du marché ;
Sur le pourvoi incident :
Sur le moyen unique :
Attendu que la société Encres Dubuit fait grief à l'arrêt de la condamner à payer le solde du prix du marché à la société Crystal alors, selon le moyen :
1°/ qu'il résulte des termes clairs et précis des conclusions de la société Encres Dubuit qu'elle a soutenu qu' "il est de jurisprudence constante que l'entrepreneur doit remboursement au maître de l'ouvrage des acomptes versés lorsque l'ouvrage a été détruit par un incendie avant que la réception des travaux n'ait eu lieu", pour en déduire, dans un alinéa suivant, que l'entrepreneur ne peut prétendre au paiement du coût des travaux et qu'il doit même restituer les acomptes versés par le maître de l'ouvrage en paiement de ces travaux ; qu'en retenant, pour condamner la société Encres Dubuit à payer à la société Crystal la somme de 59 675,38 euros, qu'elle n'avait pas contesté la demande formée par l'entreprise de ce chef et qu'elle était restée taisante, quand elle a contesté avec énergie qu'elle soit redevable du solde des travaux en conséquence de la perte de la chose, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis des conclusions précitées de la société Encres Dubuit ; qu'ainsi, elle a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
2°/ qu'en cas de perte de l'ouvrage en conséquence de sa destruction par un incendie avant que la réception des travaux n'ait eu lieu, l'entrepreneur ne peut prétendre au paiement du coût des travaux qu'il n'est pas en mesure de livrer ; qu'en décidant que le paiement par la société Encres Dubuit du solde du prix convenu à l'origine constituait la contrepartie de la condamnation de la société Crystal à réparer l'ouvrage qu'elle s'était engagée à réaliser, quand elle ne pouvait prétendre au paiement du prix des travaux qu'elle n'était pas en mesure de livrer du fait de leur destruction, la cour d'appel a violé les articles 1788 et 1789 du code civil ;
Mais attendu que la société Encres Dubuit, s'étant bornée à faire valoir que la société Crystal devait réparer l'entier préjudice, « lequel ne saurait être inférieur au montant des acomptes versés », n'a pas conclu au rejet de la demande reconventionnelle en paiement du solde du prix du marché ; qu'en l'absence d'une contestation sur ce point, la cour d'appel n'a ni méconnu l'objet du litige, ni violé les textes invoqués par la seconde branche du moyen ; que celui-ci n'est pas fondé ;
Et sur le pourvoi principal :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les premier et second moyens de ce pourvoi, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois tant principal qu'incident ;
Dit que chaque partie supportera la charge de ses dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf septembre deux mille quinze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, avocat aux Conseils, pour la société Crystal, demanderesse au pourvoi principal
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
La société Crystal fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté sa demande de nullité du rapport d'expertise et de l'avoir condamnée à verser la somme de 422.199 euros à la société Encres Dubuit ;
AUX MOTIFS QUE la société Crystal soutient que l'expert a manqué d'impartialité, d'objectivité et a violé le principe du contradictoire en ne répondant pas à son dire n° 7 du 12 mars 2010 concernant le chiffrage des travaux, en n'organisant pas une réunion d'expertise après ce dire ; que cependant, la cour constate que page 79 de son rapport, l'expert a pris acte des observations contenues dans le dire du 12 mars 2010 en mentionnant notamment « données prises en compte » et rien ne l'obligeait à tenir une réunion d'expertise alors que les constats sur les lieux étaient terminés ; que la société Crystal soutient également qu'il n'a pas été répondu à ses autres dires précédents, mais que la cour constate le contraire à la lecture du rapport d'expertise, qui consacre quinze pages aux réponses aux dires ; qu'il sera rappelé que les seules obligations de l'expert sur ce point sont de prendre en considération les dires des parties et de faire mention de la suite qu'il y a donnée, mais non d'y faire droit ; qu'en particulier, l'expert est seul responsable de l'organisation du déroulement de ses opérations et n'est pas tenu d'organiser des réunions d'expertise sur la seule demande des parties ; que par ailleurs, les conclusions de l'expertise contiennent également les réponses de l'expert aux observations des parties sur les éléments de fait soumis à leur discussion ; que ses avis ne lient pas la cour et il appartient à la partie à qui incombe la charge de prouver les faits nécessaires au soutien de ses prétentions, si elle entend critiquer les indications ou appréciations de l'expert, de donner à la cour les éléments démontrant les erreurs par lui faites ; qu'en fin la société Crystal ne démontre pas le grief qui lui occasionneraient les erreurs ou mauvaises appréciations éventuelles des faits par l'expert qu'elle invoque en ce qui concerne notamment la date de la réception prévue pour les travaux ou la présence du maître d'oeuvre ; que la demande de nullité sera donc rejetée ;
1°) ALORS QUE l'obligation faite au juge de faire observer et d'observer lui-même le principe de la contradiction s'étend à l'expert judiciaire ; qu'en se bornant à considérer, pour écarter la demande de nullité du rapport d'expertise, que rien n'obligeait l'expert à tenir une réunion à la demande des parties après la fin des constats sur les lieux, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les parties avaient pu utilement débattre du chiffrage des préjudices et si une ultime réunion d'expertise ne s'imposait pas avant la remise du rapport, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 16 et 160 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE l'obligation faite au juge de faire observer et d'observer lui-même le principe de la contradiction s'étend à l'expert judiciaire ; que la cour d'appel qui, pour écarter la demande de nullité du rapport d'expertise, a retenu que le rapport de l'expert répondait aux observations des parties et que celles-ci pouvaient contester les conclusions du technicien devant le juge, s'est fondée sur des considérations inopérantes violant ainsi les articles 16 et 160 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QUE, la méconnaissance du principe du contradictoire entraîne la nullité du rapport d'expertise sans qu'il soit besoin pour celui qui l'invoque de justifier d'un grief ; que la cour d'appel qui, pour rejeter la demande de nullité du rapport d'expertise, a retenu que la société Crystal ne démontrait pas le grief occasionné par les erreurs ou appréciations des faits par l'expert, a violé les articles 16, 160 et 175 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
La société Crystal fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamnée à verser à la société Encres Dubuit la somme de 424.199 euros ;
AUX MOTIFS QU' il est certain que les travaux confiés à la société Crystal n'étaient pas réceptionnés lorsque le site a été l'objet d'un incendie et qu'ils n'ont pas été repris depuis par la société Crystal ; que la société Crystal soutient qu'en l'absence de réception, il ne peut être fait état de désordres ou malfaçons ; que cependant et jusqu'à la réception, l'entreprise est débitrice d'une obligation de résultat concernant la bonne réalisation de ses travaux et il lui appartient de démontrer qu'elle a été empêchée, par une cause étrangère à sa volonté, de livrer ses travaux dans le délai contractuel et en état conforme au marché et aux règles de l'art ; que les non conformités aux règles de l'art sont des malfaçons ; que la société Crystal, qui ne disconvient pas avoir reçu postérieurement à l'incendie la lettre du 28 mai 2008 de la société Encres Dubuit lui demandant de terminer ses travaux, n'offre pas de démontrer que cet incendie qui n'a atteint que partiellement ses travaux serait une cause l'exonérant de sa responsabilité contractuelle à l'égard de la société Encres Dubuit l'obligeant à livrer un ouvrage exempt de vices et conforme au marché ; qu'il résulte par ailleurs, tant du constat d'huissier le 9 juillet 2008 que des constatations de l'expert judiciaire, que les ouvrages exécutés par la société Crystal présentaient des malfaçons qui doivent être reprises pour permettre le bon achèvement de l'ouvrage commandé ; que la société Crystal est par conséquent débitrice des coûts nécessaires à la reprise de ces ouvrages ; que l'expert a bien, dans son examen des travaux nécessaires à la reprise des ouvrages, sur les demandes faites par la société Encres Dubuit, fait la distinction entre les travaux consécutifs à l'incendie et les travaux correspondant à la reprise du marché de la société Crystal ; que si la liste figurant pages 57à 67 mentionne des accords de la société Crystal sur des postes qui en définitive ont été refusés par la société Crystal dans son dire du 12 mars 2010, il n'en demeure pas moins que les postes en question ont été vérifiés par l'expert et la société Crystal ne donne pas à la cour d'éléments permettant une autre appréciation technique ; que les chiffrages fixés par l'expert judiciaire doivent également être retenus de préférence aux appréciations d'une partie ; qu'à cet égard les bordereaux de prix du marché de base de la société Crystal qu'invoque celle-ci importent peu puisqu'il s'agit d'apprécier un préjudice et que le maître de l'ouvrage a droit à la réparation intégrale de son préjudice ; qu'aux termes du rapport, le préjudice de la société Encres Dubuit relatif aux travaux de reprises a été chiffré à 424.199 euros, incluant un trop-perçu, une facturation indue et un coût de 160.000 euros correspondant à des modifications de formules des Encres Dubuit pour tenir compte des nouvelles modalités de production après l'incendie et les remises en état ; que seule cette somme a été admise, après vérifications et contrôles, par l'expert page 84 de son rapport et ce coût sera donc retenu, aucune des parties n'apportant d'élément permettant de modifier ces propositions vérifiées ; que les intérêts des sommes dues à titre indemnitaire courent à compter de la décision qui les fixe ;
ALORS QUE les dommages et intérêts ne doivent comprendre à l'égard de la perte éprouvée par le créancier et du gain dont il a été privé, que ce qui est une suite immédiate et directe de l'inexécution de la convention ; qu'en incluant dans le préjudice de la société Encres Dubuit une somme de 160.000 euros correspondant aux coûts des nouvelles formules d'encres et de remises en état consécutifs à l'incendie, après avoir relevé que la société Crystal n'était débitrice que des coûts nécessaires à la reprise des ouvrages qu'elle avait la charge de livrer, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait que ce chef de préjudice n'était pas la suite immédiate et directe de l'inexécution du contrat, a violé les articles 1147, 1149 et 1151 du code civil.
Moyen produit par la SCP Boullez, avocat aux Conseils, pour la société Encres Dubuit, demanderesse au pourvoi incident
Le pourvoi incident fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné la sociétéENCRES DUBUIT à payer à la société CRYSTAL la somme de 59.675,38 ¿ TTC avec intérêts au taux légal ;
AUX MOTIFS QU'il est certain que les travaux confiés à la société CRYSTALn'étaient pas réceptionnés lorsque le site a été l'objet d'un incendie, et qu'ils n'ont pas été repris depuis par la société CRYSTAL; que la société CRYSTAL soutient qu'en l'absence de réception il ne peut être fait état de désordres ou malfaçons ; que cependant et jusqu'à la réception l'entreprise est débitrice d'une obligation de résultat concernant la bonne réalisation de ses travaux et il lui appartient de démontrer qu'elle a été empêchée, par une cause étrangère à sa volonté, de livrer ses travaux dans le délai contractuel et en état conforme au marché et aux règles de l'art. Les non conformités aux règles de l'art sont des malfaçons ; que la société CRYSTAL qui ne disconvient pas avoir reçu postérieurement à l'incendie, la lettre du 28 mai 2008 de la société ENCRES DUBUIT lui demandant de terminer ses travaux, n'offre pas de démontrer que cet incendie qui n'a atteint que partiellement ses travaux serait une cause l'exonérant de sa responsabilité contractuelle à l'égard de la société ENCRES DUBUIT l'obligeant à livrer un ouvrage exempt de vices et conforme au marché ; qu'il résulte par ailleurs, tant du constat d'huissier dressé le 9 juillet 2008 que des constatations de l'expert judiciaire, que les ouvrages exécutés par la société CRYSTAL présentaient des malfaçons qui doivent être reprises pour permettre le bon achèvement de l'ouvrage commandé; que la société CRYSTAL est par conséquent débitrice des coûts nécessaires à la reprise de ces ouvrages; que l'expert judiciaire a bien, dans son examen des travaux nécessaires à la reprise des ouvrages, sur les demandes faites par la société ENCRES DUBUIT, fait la distinction entre les travaux consécutifs à l'incendie et les travaux correspondant à la reprise du marché de la société CRYSTAL (cf page 47 et pages 57 à 67 du rapport). Si sa liste figurant pages 57 à 67 mentionne des accords de la société CRYSTAL sur des postes qui en définitive ont été refusés par la société CRYSTAL dans son dire du 12 mars 2010, il n'en demeure pas moins que les postes en question ont été vérifiés par l'expert et la société CRYSTAL ne donne pas à la cour d'éléments permettant une autre appréciation technique; que les chiffrages fixés par l'expert judiciaire doivent également être retenus de préférence aux appréciations d'une partie. A cet égard les bordereaux de prix du marché de base de la société CRYSTAL qu'invoque celle-ci importent peu puisqu'il s'agit d'apprécier un préjudice et que le maître de l'ouvrage a droit à la réparation intégrale de son préjudice; qu'aux termes du rapport, le préjudicede la société ENCRES DUBUIT relatif aux travaux de reprises a été chiffré à 424.199 ¿, incluant un trop perçu, une facturation indue et un coût de 160.000 ¿ correspondant à des modifications des formules des encres DUBUIT pour tenir compte des nouvelles modalités de production après l'incendie et les remises en état ; que seule cette somme a été admise, après vérifications et contrôles, par l'expert page 84 de son rapport et ce coût sera donc retenu, aucune des parties n'apportant d'élément permettant de modifier ces propositions vérifiées ; que les intérêts des sommes dues à titre indemnitaire courent à compter de la décision qui les fixe ; que la société CRYSTAL forme une demande en paiement du solde de son marché; qu'étant condamnée à réparer ses ouvrages elle est en droit corrélativement de percevoir le prix de ces ouvrages d'origine ; qu'il n'est pas contesté qu'elle n'a pas été intégralement réglée de son marché; qu'elle forme une demande à hauteur de 59.675,38 ¿ TTC à ce titre et la société ENCRES DUBUIT n'a pas conclu sur cette demande incidente ; que la somme réclamée sera donc allouée à la société CRYSTAL ; que les intérêts des paiements dus au titre d'un contrat courent à compter de la mise en demeure de paiement; qu'en l'espèce il n'est pas justifié de mise en demeure antérieure aux demandes faites en cause d'appel le 12 novembre 2012 comportant également demande de capitalisation, qui est de droit dans les conditions de l'article 1154 du code civil ;
1. ALORS QU'il résulte des termes clairs et précis des conclusions de la société ENCRES DUBUIT qu'elle a soutenu qu' « il est de jurisprudence constante que l'entrepreneur doit remboursement au maître de l'ouvrage des acomptes versés lorsque l'ouvrage a été détruit par un incendie avant que la réception des travaux n'ait eu lieu » (conclusions, p. 12, dernier alinéa), pour en déduire, dans l'alinéa suivant, que l'entrepreneur ne peut pas prétendre au paiement du coût des travaux et qu'il doit même restituer les acomptes versés par le maître de l'ouvrage en paiement de ces travaux, (conclusions, p. 13 ; 1er alinéa) ; qu'en retenant, pour condamner la société ENCRES DUBUIT à payer à la société CRYSTAL la somme de 59 675,38 ¿, qu'elle n'avait pas contesté la demande formée par l'entreprise de ce chef et qu'elle était restée taisante, quand elle a contesté avec énergie qu'elle soit redevable du solde des travaux en conséquence de la perte de la chose, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis des conclusions précitées de la société ENCRES DUBUIT; qu' ainsi, elle a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
2. ALORS QU'en cas de perte de l'ouvrage en conséquence de sa destruction par un incendie avant que la réception des travaux n'ait eu lieu, l'entrepreneur ne peut prétendre au paiement du coût des travaux qu'il n'est pas en mesure de livrer ; qu'en décidant que le paiement par la société ENCRES DUBUIT du solde du prix convenu à l'origine constituait la contrepartie de la condamnation de la société CRYSTAL à réparer l'ouvrage qu'elle s'était engagée à réaliser, quand elle ne pouvait prétendre au paiement du prix des travaux qu'elle n'était pas en mesure de livrer du fait de leur destruction, la cour d'appel a violé les articles 1788 et 1789 du Code civil.