LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, (Bordeaux, 26 juin 2014),que, par acte du 23 janvier 2008, la société Crédit lyonnais (la banque), a consenti à la SCI Manoir de Belle Fontaine un prêt immobilier d'un montant de 973 000 euros, garanti par le cautionnement solidaire de la société Crédit logement (la société) et les cautionnements personnels et solidaires de M. et Mme X... ; qu'à la suite d'incidents de paiement, la société, subrogée dans les droits de la banque, les a assignés en paiement de diverses sommes ;
Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt de rejeter leur demande de dommages-intérêts fondée sur des manquements de la banque à son devoir de conseil et d'information ;
Attendu qu'ayant constaté que M. et Mme X..., respectivement cadre supérieur et employée administrative, et percevant des revenus annuels de 144 000 euros et de 21 600 euros, ne versaient à l'appui de leurs prétentions aucune autre pièce que les offres de prêts et ne justifiaient pas des autres engagements qu'ils invoquaient, la cour d'appel a souverainement estimé qu'ils ne prouvaient pas que leur engagement de caution aurait été disproportionné au regard de leurs revenus et de leur patrimoine, ce qui rendait inutile l'appréciation de leur patrimoine actuel ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze octobre deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Tiffreau, Marlange et de La Burgade, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X... et la société Manoir de Belle Fontaine.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté les époux X... de leur demande de dommages-intérêts formée contre la société LE CREDIT LOGEMENT ;
AUX MOTIFS QUE « les appelants font valoir que lorsque le prêt litigieux a été accordé à la SCI MANOIR DE BELLE FONTAINE, constituée sur la suggestion de leur conseiller bancaire pour acheter le bien immobilier du même nom, Monsieur X... ne disposait pas de la surface financière lui permettant cette acquisition, d'autant que la maison achetée en 2006 au nom de sa compagne, au moyen d'un emprunt pour le remboursement duquel il s'était porté caution, et dont il pouvait seul payer les échéances puisque sa compagne n'avait aucun revenu, n'était pas vendue ; qu'un troisième prêt a été accordée à Monsieur X... d'un montant de 30.000 ¿ pour une durée de 84 mois, puis un crédit renouvelable, et enfin un prêt de 50.000 ¿ ayant pour objectif de racheter le crédit de 30.000 ¿ et de couvrir les 20.000 ¿ de découvert que présentait son compte bancaire ; qu'il ressort de ce qui précède que le CREDIT LYONNAIS a au fil des années totalement manqué à son devoir de conseil et d'information tant à l'égard de Monsieur X..., qu'il a entraîné et précipité dans un endettement aussi excessif qu'inextricable, que de Madame Y... ; que, dès le départ, les prêts ont été consentis au mépris de tout bon sens et sans tenir compte des possibilités de remboursement de l'emprunteur ; que le CREDIT LYONNAIS n'a pas pu transmettre au CREDIT LOGEMENT davantage de droits qu'il n'en avait vis-à-vis de ses clients et ne peut échapper à ses responsabilités à la faveur de la subrogation intervenue ; LE CREDIT LOGEMENT soutient que l'action en dommages-intérêts, si elle était fondée, ne pourrait en toute hypothèse être exercée qu'à l'encontre du CREDIT LYONNAIS, seul habilité à pouvoir défendre valablement à cette action, que le CREDIT LYONNAIS n'a pas été mis en cause, qu'en toute hypothèse, si les débiteurs entendaient soulever des exceptions, elles seraient inopposables au CREDIT LOGEMENT agissant en vertu de son recours personnel sur le fondement de l'article 2305 du code civil, qu'il apparaît à l'évidence que les reproches formulés à l'encontre du CREDIT LYONNAIS ne sont absolument pas prouvés par les deux pièces versées aux débats, et que les débiteurs ne justifient d'aucun préjudice sérieux été indemnisable qui serait la conséquence d'une éventuelle faute du CREDIT LYONNAIS ; LE CREDIT LOGEMENT, qui avait assigné la SCI MANOIR DE BELLE FONTAINE et les cautions personnes physiques sur le fondement des articles 1134, 1234, 1154 et 2036 du code civil, ce dernier texte étant relatif au recours subrogatoire de la caution qui a payé la dette, vise à présent devant la cour les dispositions de l'article 2305 du code civil concernant le recours personnel ouvert à la caution qui a payé ; en toute hypothèse, quel que soit le fondement du recours exercé par le CREDIT LOGEMENT, et son incidence sur l'opposabilité à ce dernier des manquements allégués à l'encontre du prêteur le CREDIT LYONNAIS, qui n'a pas été appelé en la cause, force est de constater que les appelants ne produisent à l'appui de leurs prétentions que deux pièces, l'offre de prêt de 963.000 ¿ du 10 janvier 2008, et une lettre de LCL du 9 février 2009 afférente à un prêt personnel de 30.000 ¿ ; les renseignements figurant en annexe à la demande de prêt présentée en fin d'année 2007 sur la situation civile et professionnelle des cautions, tels qu'ils résultent des documents fournis par le CREDIT LOGEMENT, font apparaître que Monsieur X... déclarait à l'époque être cadre à AIR FRANCE, disposer de revenus annuels de 144.000 ¿ et régler 6.000 ¿ d'impôt sur le revenu, tandis que Madame Y... indiquait être employée administrative à AIR FRANCE, et percevoir un revenu annuel de 21.600 ¿ ; les appelants ne justifient pas des autres engagements qu'ils invoquent, ni de la consistance de leur patrimoine lors de la souscription du prêt et des cautionnements, objet du litige, et ne fournissent aucun élément sur leur situation patrimoniale et financière actuelle ; en conséquence, Monsieur X... et Madame Y... ne rapportent nullement la preuve des fautes qu'ils reprochent au CREDIT LYONNAIS au titre de son obligation de conseil et d'information ; ils seront donc déboutés de leur demande de dommages-intérêts » (arrêt pp. 5 et 6) ;
ALORS QUE 1°), le cautionnement doit être proportionné aux revenus et au patrimoine de la caution de l'emprunteur ; que le caractère manifestement disproportionné de l'engagement de plusieurs cautions solidaires s'apprécie au regard des revenus de chacune d'entre elles ; que la banque est tenue à l'égard de la caution profane d'un devoir de mise en garde sur le caractère disproportionné de son engagement par rapport à ses revenus et patrimoine ; que la cour d'appel a constaté qu'étaient versés aux débats les renseignements figurant en annexe à la demande du prêt litigieux, permettant de connaître la situation civile et professionnelle des cautions, et notamment leurs revenus et impositions (arrêt p. 6) ; qu'elle a ainsi pu constater que Monsieur X... disposait de revenus annuels de 144.000 ¿ et Madame Y... de 21.600 ¿ (ibid.) ; qu'il résultait de ces constatations que l'engagement des époux X..., dont le caractère profane n'était pas contesté, de se porter caution pour le remboursement du prêt litigieux, souscrit par la SCI MANOIR DE BELLE FONTAINE, à hauteur de 1.967.543,28 ¿ chacun, était manifestement disproportionné par rapport à leurs revenus et que la banque avait engagé sa responsabilité à leur égard en ne les mettant pas en garde contre la souscription d'un tel engagement ; qu'en affirmant que les époux X... ne rapportaient pas la preuve des fautes imputées à la banque, et en les déboutant de leur demande de dommages-intérêts à ce titre, la cour d'appel n'a donc pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, et a violé l'article 1147 du code civil ;
ALORS QUE 2°), il incombe au créancier professionnel qui entend se prévaloir d'un contrat de cautionnement manifestement disproportionné lors de sa conclusion aux biens et revenus de la caution, personne physique, d'établir qu'au moment où il l'appelle, le patrimoine de celle-ci lui permet de faire face à son obligation ; que la cour d'appel a constaté que les époux X... disposaient respectivement, au jour de la demande du prêt litigieux, de revenus annuels de 144.000 ¿ et 21.600 ¿ (arrêt p. 6), ce dont il résultait que leur engagement de caution à hauteur de 1.967.543,28 ¿ chacun était manifestement disproportionné par rapport à leurs revenus ; qu'en retenant, pour débouter les époux X... de leur demande indemnitaire, qu'ils ne fournissaient aucun élément sur leur situation patrimoniale et financière actuelle, quand il incombe au créancier professionnel qui entend se prévaloir d'un contrat de cautionnement manifestement disproportionné lors de sa conclusion aux biens et revenus de la caution, personne physique, d'établir qu'au moment où il l'appelle, le patrimoine de celle-ci lui permet de faire face à son obligation, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil, ensemble l'article 1147 du même code.