Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Emmanuel X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de BORDEAUX, chambre correctionnelle, en date du 4 février 2014, qui, pour abus de biens sociaux, faux, escroquerie et banqueroute, l'a condamné à trois ans d'emprisonnement avec sursis, à 5 000 euros d'amende, à cinq ans d'interdiction de gérer, et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 14 octobre 2015 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, Mme Planchon, conseiller rapporteur, M. Soulard, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : M. Bétron ;
Sur le rapport de Mme le conseiller PLANCHON, les observations de Me BLONDEL, de la société civile professionnelle FABIANI, LUC-THALER et PINATEL, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général GUÉGUEN ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles préliminaires et 593 du code de procédure pénale, violation de l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, méconnaissance des exigences de la défense, méconnaissance de ce qu'implique l'égalité des armes au sens substantiel du terme et la présomption d'innocence ;
" en ce que l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu à annulation de la procédure, ensemble a dit n'y avoir lieu à supplément d'information et d'avoir retenu le prévenu dans les liens de la prévention en le condamnant à trois ans d'emprisonnement avec sursis, interdiction de gérer pendant une durée de cinq ans et à une amende de 5 000 euros ;
" aux motifs que l'avocat de M. X... sollicite tout d'abord l'annulation de l'enquête préliminaire à l'issue de laquelle les poursuites ont été engagées et, par voie de conséquence, l'annulation de l'acte de saisine de la juridiction de jugement par voie de citation directe ; qu'il soutient que les principes qui gouvernent l'accès au procès équitable et l'équilibre des droits des parties n'ont pas été respectés ; qu'en effet, cette affaire a été traitée sous forme d'enquête préliminaire, laquelle a été conduite essentiellement à charge, cependant que sa complexité eût justifié l'ouverture d'une information judiciaire ; que M. X... n'a été entendu qu'une fois, lors de sa garde à vue, et que son audition à l'audience devant le tribunal a été superficielle ;
" aux motifs cependant qu'en décidant d'exercer des poursuites contre M. X... au résultat de l'enquête préliminaire ordonnée par ses services au vu d'éléments portant à sa connaissance des faits susceptibles de constituer des infractions pénales, enquête qui s'est déroulée sous sa direction et sous son contrôle, le procureur de la République, qui n'était pas tenu de procéder à l'ouverture d'une information en matière délictuelle, a agi dans le cadre légal qui lui est imparti par les articles 75 et suivants et 40 et suivants du code de procédure pénale ; que si M. X... n'a été entendu qu'une fois au cours de l'enquête, son audition s'est déroulée dans le cadre d'une garde à vue dont la régularité n'a pas été contestée et au cours de laquelle ses observations ont été recueillies sur l'ensemble des faits qui lui sont reprochés ; que la confrontation avec les éléments de la procédure a été faite devant le tribunal correctionnel dont le caractère succinct des notes d'audience n'est pas en soi de nature à faire suspecter que l'audition ait été incomplète et que les droits de la défense aient été bafoués ; que ce faisant quels que soient les regrets qui ont pu être exprimés par l'avocat de M. X... sur le choix du parquet de préférer la voie de la citation directe, plus rapide, à l'ouverture d'une information, il n'y a eu en l'espèce aucune atteinte objective portée aux droits de la défense, en sorte que la demande d'annulation de la procédure sera rejetée ;
" 1°) alors que si en droit le procureur de la République procède ou fait procéder à tous les actes nécessaires à la recherche et à la poursuite des infractions à la loi pénale et s'il dirige l'activité des officiers et agents de la police judiciaire dans le ressort de sa juridiction : dans le cadre d'une enquête ordonnée, il est des cas où, eu égard à l'extrême complexité de la situation susceptible d'être à l'origine d'infractions notamment à la législation sur les sociétés (abus de biens sociaux, faux et usage de faux, banqueroute), l'enquête menée en relation avec le parquet, autorité de poursuite, ne peut en fait et en droit satisfaire aux exigences de l'équité du procès au sens substantiel du terme, aux exigences de l'égalité des armes, ensemble à celles de la défense, et ce d'autant que la garde à vue telle que pratiquée n'a pas permis au mis en cause et à son avocat d'avoir accès aux pièces du dossier ; qu'ainsi ont été violées les règles et principes cités au moyen ;
" 2°) alors qu'en toute hypothèse, ce qui compte et ce qui est essentiel c'est l'effectivité de la défense, l'effectivité de l'égalité des armes ; qu'à cet égard le prévenu a avancé que seuls des éléments de preuve, exclusivement à charge, ont été réunis par les enquêteurs avec la volonté d'aboutir le plus rapidement possible à une citation aux fins de condamnation, étant encore souligné dans ses écritures d'appel, le prévenu a insisté sur le fait qu'en première instance il n'a jamais pu s'exprimer pleinement pour rétablir cet équilibre, son interrogatoire ayant été sommaire, ce qui résultait d'ailleurs du compte-rendu et des notes d'audience ; qu'ainsi l'effectivité des exigences de l'égalité des armes et de la défense n'ont pas en fait été satisfaites ; qu'en jugeant le contraire à la faveur d'une motivation lapidaire et insuffisante, la cour viole derechef les textes et principes cités au moyen ;
" 3°) alors que dans ses écritures le prévenu insistait sur le fait que le mode d'investigation retenu, une enquête préliminaire non contradictoire, sous la seule direction du parquet, autorité de poursuite, lui-même en rapport avec le commissaire aux comptes, l'administrateur judiciaire, le mandataire judiciaire, l'expert-comptable, la comptable de la société, dirigée naguère par le mis en cause, procédait, eu égard aux circonstances de l'espèce, eu égard aux faits recherchés, d'une volonté de couper court à l'ouverture d'une information judiciaire qui aurait permis des investigations à charge et à décharge, qui aurait permis au mis en cause et à son avocat d'accéder au dossier alors que celui-là a été radicalement tenu à l'écart cependant que sa responsabilité en tant qu'ancien dirigeant était recherchée, réduction au silence pendant des mois ayant nécessairement déséquilibré de façon substantielle la procédure, en sorte qu'en fait et en droit l'effectivité de la défense, l'effectivité des exigences de l'égalité des armes n'ont pas été respectées, et ce d'autant qu'autorité poursuivante et enquêteurs étaient tous à charge, d'où la violation des textes et principes sus-évoqués ;
" 4°) alors que le mis en cause faisait valoir « ¿ qu'en raison des mises en liquidation judiciaire des sociétés LPMG, EMIA et SICO et du dessaisissement du représentant légal, ledit mis en cause n'a eu accès à aucune pièce, aucun document qui, pour la plupart, furent transférés aux archives landaises ; que ces documents ont été systématiquement exploités de manière non contradictoire par les enquêteurs, certains documents saisis sans que l'on ait pu définir, faute d'un inventaire exhaustif, ou pièces ont été écartés ; que ce faisant le prévenu a dû prendre connaissance d'un dossier non coté, présenté dans un désordre rendant son exploitation particulièrement difficile, y compris les scellés ou les documents qualifiés de pièces annexes » ; qu'en ne répondant absolument pas à cette charnière déterminante des écritures, la cour méconnaît ce que postule une motivation suffisante ;
" 5°) alors que le mis en cause a également soutenu qu'advenant l'audience M. X... a découvert que le commissaire aux comptes avait dénoncé au procureur de la République des faits qualifiés de délictueux en concluant en ces termes « bien que la société réalise des affaires en Afrique, j'estime que les sommes en jeu sont trop importantes par rapport aux affaires en cours et aux marges retirées. Je soupçonne donc que ces sommes ne sont pas affectées dans l'intérêt de l'activité et je constate que je n'ai pas reçu les justificatifs. Comme je n'ai pas plus d'information du gérant qui persiste à m'indiquer que ces sommes sont justifiées pour pouvoir toujours décrocher des marchés, je considère que ce sont des sommes prélevées par le gérant pour son activité personnelle et qu'il s'agirait d'un abus de biens sociaux » ; que de telles accusations, dont le prévenu n'a pris connaissance qu'à l'audience devant les premiers juges, exigeaient, dès le stade de l'enquête ou de l'information, que soit ordonnée à tout le moins une confrontation entre le mis en cause, présumé innocent, et son accusateur, ce qui aurait permis à celui-là de préciser en quoi cette façon d'affirmer manquait en fait ; qu'en ne consacrant pas davantage de motifs à cet aspect des écritures faisant à nouveau ressortir à quel point en fait l'enquête a débouché sur des affirmations et/ ou suppositions non effectivement vérifiées selon ce qu'implique l'égalité des armes au besoin par le recours à un supplément d'information, la cour de plus fort méconnaît les exigences d'une motivation adaptée aux critiques et pertinente " ;
Sur le moyen, pris en ses première, troisième et quatrième branches :
Attendu qu'il ne résulte ni du jugement ni des conclusions déposées que le demandeur, qui a comparu devant le tribunal correctionnel, ait soulevé devant cette juridiction, avant toute défense au fond, l'exception de nullité de l'enquête préliminaire, de la garde à vue et de la procédure antérieure à la citation directe ;
Que, si la cour d'appel a cru, à tort, devoir y répondre, le moyen, qui reprend cette exception devant la Cour de cassation, est irrecevable en application de l'article 385 du code de procédure pénale ;
Sur le moyen, pris en ses deuxième et cinquième branches :
Attendu que, pour déclarer M. X... coupable d'abus de biens sociaux, faux, escroquerie et banqueroute, l'arrêt attaqué prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel, qui a souverainement apprécié l'opportunité d'ordonner un supplément d'information et a répondu aux chefs péremptoires des conclusions régulièrement déposées devant elle, a justifié sa décision, sans méconnaître les dispositions conventionnelles invoquées ;
D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-cinq novembre deux mille quinze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.