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02/12/2015 | FRANCE | N°14-22311

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 02 décembre 2015, 14-22311


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 10 juin 2014), qu'engagée le 1er octobre 2004 par la société Audit social conseil, Mme X... a démissionné le 31 octobre 2005 ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale de différentes demandes indemnitaires, notamment pour travail dissimulé ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de la condamner à verser une somme à titre d'indemnité pour travail dissimulé alors, selon le moyen :
1°/ que constitue un délit de travail

dissimulé, au sens de l'article L. 8221-5, 1° du code du travail, le fait, pour l'e...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 10 juin 2014), qu'engagée le 1er octobre 2004 par la société Audit social conseil, Mme X... a démissionné le 31 octobre 2005 ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale de différentes demandes indemnitaires, notamment pour travail dissimulé ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de la condamner à verser une somme à titre d'indemnité pour travail dissimulé alors, selon le moyen :
1°/ que constitue un délit de travail dissimulé, au sens de l'article L. 8221-5, 1° du code du travail, le fait, pour l'employeur, d'omettre intentionnellement d'effectuer la déclaration préalable d'embauche ; qu'il incombe à l'URSSAF, à réception d'une déclaration unique d'embauche, d'en informer l'ensemble des organismes sociaux concernés si bien que lorsqu'il est établi que les organismes sociaux concernés étaient tous informés de l'existence d'une relation de travail salariée, il s'en infère nécessairement que l'employeur a transmis à l'URSSAF le document de déclaration unique d'embauche ; qu'en jugeant que l'imprimé Cerfa de «déclaration unique d'embauche» signé par la société ASC ne permettait pas de retenir, à lui seul, qu'elle avait été transmise à l'Urssaf, quand il résultait de ses constatations que l'accident du travail de Mme X... du 31 mai 2005 avait été déclaré et pris en charge par les organisme sociaux, ce dont il s'évinçait que ceux-ci avaient nécessairement été informés par l'URSSAF de l'embauche de Mme X... et qu'elle avait donc reçu l'imprimé de déclaration unique d'embauche transmis par l'employeur, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles R. 1221-19, L. 8221-5, 1° et L. 8223-1 du code du travail ;
2°/ que la dissimulation d'emploi n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a, de manière intentionnelle, omis d'effectuer la déclaration unique d'embauche ; qu'en condamnant la société ASC pour travail dissimulé au seul motif qu'elle n'apportait pas la preuve suffisante d'avoir effectué la déclaration préalable d'embauche de Mme X..., la cour d'appel, qui n'a pas recherché si l'omission de l'employeur était ou non volontaire, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-5, 1° et L. 1223-1 du code du travail ;
3°/ que la loi ne dispose que pour l'avenir ; qu'elle n'a point d'effet rétroactif ; que le délit de travail dissimulé pour défaut volontaire de déclaration des salaires versés et du paiement des cotisations sociales afférentes, visé à l'article L. 8225-1, 3° actuel du code du travail, a été institué par l'article 40 de la loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010 de financement de la sécurité sociale ; qu'en condamnant la société ASC pour un tel délit quand la relation contractuelle, qui avait duré du 1er octobre 2004 au 31 décembre 2005, était bien antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n°2010-1594 du 20 décembre 2010, la cour d'appel a violé l'article 2 du code civil ;
4°/, que le juge ne peut méconnaître les termes du litige, tels qu'ils sont fixés par les conclusions respectives des parties ; qu'en l'espèce, au soutien de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé, Mme X... soutenait, d'une part, que l'employeur n'avait pas effectué la déclaration préalable d'embauche et, d'autre part, que certaines sommes qu'elle percevait à titre d'indemnités de déplacement auraient dû être réintégrées, sur ses bulletins de paie, dans son salaire de base ; qu'en jugeant que la dissimulation d'emploi était constituée pour défaut volontaire de déclaration des salaires versés et de paiement des cotisations sociales afférentes, quand Mme X... n'a jamais soutenu, devant les juges du fond, ni que l'employeur avait omis de déclarer ses salaires, ni qu'il avait refusé de payer les cotisations afférentes, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
5°/ que la dissimulation d'emploi visée à l'article L. 8221-5, 2° du code du travail, n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui effectué ; que le défaut de paiement, par l'employeur, d'une partie du salaire dû ne permet pas, à lui seul, d'établir l'élément matériel du délit de travail dissimulé ; qu'en condamnant la société ASC pour délit de travail dissimulé au motif que l'indemnité de frais de déplacement de Mme X... aurait représenté un complément de rémunération déguisé quand elle avait constaté que ces sommes ne venaient pas en paiement d'heures supplémentaires que la salariée ne revendiquait pas même avoir effectuées, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations desquelles il résultait que la société ASC n'avait pas omis de déclarer, sur les bulletins de salaire, certaines des heures travaillées par Mme X..., a violé les articles L. 8221-5 et L. 8223-1 du code du travail ;
6°/ que les indemnités de frais de déplacement n'ont de caractère fictif que pour autant qu'il est établi qu'elles n'ont été versées en contrepartie d'aucun déplacement ; qu'en retenant le caractère fictif des déplacements et des remboursements de frais afférents de Mme X... quand elle avait constaté que cette dernière avait été victime d'un accident du travail à l'occasion d'une mission à Marseille, chez un client, le 31 mai 2005, tandis qu'elle travaillait à Avignon, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations selon lesquelles Mme X... effectuait bien des déplacements auprès de clients de l'entreprise, ce qui excluait le caractère fictif des indemnités qui lui étaient versées à ce titre, a violé L. 221-1, L. 8221-5 et L. 8223-1 du code du travail ;
7°/ que l'intention de dissimulation d'emploi n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a omis sciemment de mentionner certaines heures travaillées sur le bulletin de salaire ; qu'en retenant la volonté de la société ASC d'extraire une partie de la rémunération mensuelle de Mme X... de son bulletin de paie au moyen du paiement d'indemnités de frais de déplacement, sans avoir recherché si, comme la société ASC le soutenait dans ses conclusions d'appel sans être contredite par la salariée sur ce point , ces indemnités n'avaient pas été versées sur la base du récapitulatif de déplacements établi par la salariée elle-même, ce dont il résultait que si les déplacements étaient fictifs, la faute en revenait à Mme X... et non pas à la société ASC, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1, L. 8221-5 et L. 8223-1 du code du travail ;
Mais attendu, d'abord , qu'ayant relevé que la société ASC, d'une part, n'avait produit aucun justificatif permettant de vérifier l'envoi aux services de l'Urssaf de la déclaration d'embauche, d'autre part, avait versé du 1er octobre 2004 au 31 décembre 2005, des frais de déplacement représentant en réalité un complément de rémunération déguisée, la cour d'appel n'a pas fait application des dispositions de l'article L. 8221-5, 3° du code du travail ;
Attendu , ensuite, que sous le couvert de griefs non fondés de violation de la loi et de manque de base légale, sans modifier l'objet du litige , le moyen ne tend qu'à contester le pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond qui ont estimé que l'intention de dissimulation de l'employeur était établie ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Audit social conseil aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Audit social conseil et condamne celle-ci à payer à Mme X... la somme de 1500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux décembre deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour la société Audit Social Conseil.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société ASC à lui verser la somme de 14.850 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé ;
Aux motifs qu'« aux termes de l'article L 8221-5 du code du travail, constitue un travail dissimulé le fait pour tout employeur de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité relative à la déclaration préalable à l'embauche ou de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci ; qu'en l'espèce, la société ASC produit la copie de l'imprimé Cerfa "déclaration unique d'embauche" signé le 30 septembre 2004, toutefois, elle ne produit aucun justificatif permettant de vérifier que cette déclaration a bien été adressée aux services de l'Urssaf, preuve pourtant aisée à obtenir par simple requête auprès des services concernés ; que l'employeur dont l'activité de conseil en matière sociale doit être rappelée, ne démontre pas plus avoir par la suite régulièrement déclaré les salaires versés à la salariée et payé les cotisations afférentes ; que Mme X... prétend également qu'une partie de sa rémunération a été payée sous la forme de frais de déplacements fictifs pour un montant avoisinant 380 euros nets par mois ; que contrairement à ce qu'expose l'employeur il ne s'agit pas en l'espèce de sommes destinées à rémunérer des heures supplémentaires que la salariée ne revendique pas mais à assurer à cette dernière un complément de rémunération ; qu'il n'est pas discuté que sur la durée de la relation salariale, du 1er octobre 2004 au 31 décembre 2005, la société ASC versait tous les mois à Madame X... une indemnité de remboursement de frais d'un montant quasi identique (entre 360 et 380 euros) pour un kilométrage quasi équivalent alors pourtant que le nombre et l'identité des clients supposés visités étaient différents ; qu'il ressort également des récapitulatifs des déplacements mensuels que les frais de déplacements demeuraient identiques alors que la salariée était en congés payés ou en arrêt de travail (notamment en décembre 2005, novembre 2005 ou octobre 2005) ; que les distances variaient parfois pour un même client au grès des récapitulatifs (pour le client Provence Environnement, la distance variait ainsi entre 92 et 114 kilomètres, pour le client Marjetrans, la distance variait entre 90 et 160 kilomètres...) ; que Sylvain Y... témoigne qu'après une opération chirurgicale en octobre 2005, Mme X... n'avait plus pu utiliser son véhicule jusqu'à la mi-novembre 2005 puisque sa jambe était immobilisée par une attelle métallique, ce qui est corroboré par le compte rendu opératoire du 4 octobre 2005 ; que les récapitulatifs de déplacements font pourtant état de déplacements ces deux mois ; que ces différents indices font présumer la fictivité des déplacements et des frais afférents, cette présomption n'étant combattue par aucun élément contraire, l'employeur ne produit ainsi aucune attestation de clients ou aucun autre document permettant d'établir la nécessité des déplacements allégués, la nature des missions accomplies par la salariée auprès des clients visités dont les adresses ne sont pas plus communiquées ; qu'il n'est pas contesté que lors d'une mission à Marseille, le 31 mai 2005, la salariée était victime d'un accident de travail, la cour observe toutefois que le récapitulatif des déplacements de ce mois date le déplacement du 25 mai, ce qui ajoute au caractère fictif précédemment relevé ; que les remboursements de frais représentaient ainsi sans aucun doute un complément de rémunération déguisé de sorte que le salaire de base de Madame X... doit être reconstitué pour atteindre la somme, non contestée à titre subsidiaire par l'employeur, de 2.475 euros ; que l'élément intentionnel requis par l'article L. 8221-5 du code du travail de la société est caractérisé et Madame X... est en droit de prétendre au paiement d'une indemnité pour travail dissimulée visée à l'article L 8223-1 du même code, de 14.850 euros » ;
Alors 1°) que constitue un délit de travail dissimulé, au sens de l'article L. 8221-5, 1° du code du travail, le fait, pour l'employeur, d'omettre intentionnellement d'effectuer la déclaration préalable d'embauche ; qu'il incombe à l'URSSAF, à réception d'une déclaration unique d'embauche, d'en informer l'ensemble des organismes sociaux concernés si bien que lorsqu'il est établi que les organismes sociaux concernés étaient tous informés de l'existence d'une relation de travail salariée, il s'en infère nécessairement que l'employeur a transmis à l'URSSAF le document de déclaration unique d'embauche ; qu'en jugeant que l'imprimé Cerfa de « déclaration unique d'embauche » signé par la société ASC ne permettait pas de retenir, à lui seul, qu'elle avait été transmise à l'Urssaf, quand il résultait de ses constatations que l'accident du travail de Mme X... du 31 mai 2005 avait été déclaré et pris en charge par les organisme sociaux, ce dont il s'évinçait que ceux-ci avaient nécessairement été informés par l'URSSAF de l'embauche de Mme X... et qu'elle avait donc reçu l'imprimé de déclaration unique d'embauche transmis par l'employeur, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles R. 1221-19, L. 8221-5, 1° et L. 8223-1 du code du travail ;
Alors 2°) que la dissimulation d'emploi n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a, de manière intentionnelle, omis d'effectuer la déclaration unique d'embauche ; qu'en condamnant la société ASC pour travail dissimulé au seul motif qu'elle n'apportait pas la preuve suffisante d'avoir effectué la déclaration préalable d'embauche de Mme X..., la cour d'appel, qui n'a pas recherché si l'omission de l'employeur était ou non volontaire, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-5, 1° et L. 1223-1 du code du travail ;
Alors 3°) que la loi ne dispose que pour l'avenir ; qu'elle n'a point d'effet rétroactif ; que le délit de travail dissimulé pour défaut volontaire de déclaration des salaires versés et du paiement des cotisations sociales afférentes, visé à l'article L. 8225-1, 3° actuel du code du travail, a été institué par l'article 40 de la loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010 de financement de la sécurité sociale ; qu'en condamnant la société ASC pour un tel délit quand la relation contractuelle, qui avait duré du 1er octobre 2004 au 31 décembre 2005, était bien antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n°2010-1594 du 20 décembre 2010, la cour d'appel a violé l'article 2 du code civil ;
Alors 4°) et à tout le moins, que le juge ne peut méconnaître les termes du litige, tels qu'ils sont fixés par les conclusions respectives des parties ; qu'en l'espèce, au soutien de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé, Mme X... soutenait, d'une part, que l'employeur n'avait pas effectué la déclaration préalable d'embauche et, d'autre part, que certaines sommes qu'elle percevait à titre d'indemnités de déplacement auraient dû être réintégrées, sur ses bulletins de paie, dans son salaire de base ; qu'en jugeant que la dissimulation d'emploi était constituée pour défaut volontaire de déclaration des salaires versés et de paiement des cotisations sociales afférentes, quand Mme X... n'a jamais soutenu, devant les juges du fond, ni que l'employeur avait omis de déclarer ses salaires, ni qu'il avait refusé de payer les cotisations afférentes, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
Alors 5°) que la dissimulation d'emploi visée à l'article L. 8221-5, 2° du code du travail, n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui effectué ; que le défaut de paiement, par l'employeur, d'une partie du salaire dû ne permet pas, à lui seul, d'établir l'élément matériel du délit de travail dissimulé ; qu'en condamnant la société ASC pour délit de travail dissimulé au motif que l'indemnité de frais de déplacement de Mme X... aurait représenté un complément de rémunération déguisé quand elle avait constaté que ces sommes ne venaient pas en paiement d'heures supplémentaires que la salariée ne revendiquait pas même avoir effectuées, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations desquelles il résultait que la société ASC n'avait pas omis de déclarer, sur les bulletins de salaire, certaines des heures travaillées par Mme X..., a violé les articles L. 8221-5 et L. 8223-1 du code du travail ;
Alors 6°) que les indemnités de frais de déplacement n'ont de caractère fictif que pour autant qu'il est établi qu'elles n'ont été versées en contrepartie d'aucun déplacement ; qu'en retenant le caractère fictif des déplacements et des remboursements de frais afférents de Mme X... quand elle avait constaté que cette dernière avait été victime d'un accident du travail à l'occasion d'une mission à Marseille, chez un client, le 31 mai 2005, tandis qu'elle travaillait à Avignon, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations selon lesquelles Mme X... effectuait bien des déplacements auprès de clients de l'entreprise, ce qui excluait le caractère fictif des indemnités qui lui étaient versées à ce titre, a violé L.1221-1, L. 8221-5 et L. 8223-1 du code du travail ;
Alors 7°) que l'intention de dissimulation d'emploi n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a omis sciemment de mentionner certaines heures travaillées sur le bulletin de salaire ; qu'en retenant la volonté de la société ASC d'extraire une partie de la rémunération mensuelle de Mme X... de son bulletin de paie au moyen du paiement d'indemnités de frais de déplacement, sans avoir recherché si, comme la société ASC le soutenait dans ses conclusions d'appel (p. 4, § 3) sans être contredite par la salariée sur ce point (conclusions d'appel de Mme X..., p. 5, §2), ces indemnités n'avaient pas été versées sur la base du récapitulatif de déplacements établi par la salariée elle-même, ce dont il résultait que si les déplacements étaient fictifs, la faute en revenait à Mme X... et non pas à la société ASC, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1, L. 8221-5 et L. 8223-1 du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société ASC de sa demande en paiement de dommages intérêts en raison du comportement déloyal de Mme X... ;
Aux motifs que « la société ASC soutient que Mme X... a établi un faux et en a fait usage en rédigeant manuellement une attestation de salaire et imité la signature de l'employeur pour pouvoir percevoir des indemnités journalières ; que si la réalité du cumul Indemnités journalières / salaire est établie, la société ne prouve pas la falsification de documents étant de plus observé que d'après la salariée, la plainte pénale déposée sur ce point a fait l'objet d'un classement sans suite ce qui n'est pas contesté ; que l'employeur fait également valoir le comportement déloyal de la salariée qui pendant l'exécution du contrat de travail aurait détourné la clientèle pour créer une société directement concurrente, la société CIS (Cabinet d'Ingenierie Sociale) ; qu'il sera préalablement rappelé que la cour ne peut être saisie que des faits de concurrence déloyale qui auraient été commis au préjudice de la société ASC par Mme X... jusqu'au 31 décembre 2005, date de la rupture du contrat de travail ; qu'il est acquis que le principe de liberté du travail et de libre établissement permet à tout salarié non lié par une clause de non concurrence de créer lui-même une entreprise concurrente à celle de son employeur après l'expiration de son contrat de travail ; qu'il peut ainsi poursuivre la même activité, utiliser les connaissances acquises antérieurement et prospecter les clients avec lesquels il était précédemment en relation sans que l'employeur ne puisse s'y opposer ; qu'ainsi, la constitution d'une société concurrente par un salarié avant la fin du contrat de travail n'est pas répréhensible si la date de début d'activité de la société se situe après l'expiration des relations contractuelles ; qu'en l'espèce, Mme X... qui n'est liée par aucune clause de non concurrence démissionnait le 13 octobre 2005 et son contrat de travail prenait fin le 31 décembre 2005 ; que si en cours de préavis, elle constituait la société CIS, directement concurrente de la société ASC, l'extrait Kbis démontre que la société ne débutait son activité que le 2 janvier 2006, soit postérieurement à la rupture du contrat de travail ; que la création de la société ne peut donc lui être reprochée en tant que telle ; que la société ASC affirme que dans le but de capter sa clientèle, Mme X... a fait usage de procédés déloyaux ; qu'elle n'en rapporte toutefois pas la preuve, la seule résiliation par plusieurs clients de leur lettre de mission à la fin de l'année 2005 n'étant pas suffisante pour ce faire aucun élément ne prouve que la salariée ait été à l'origine de ces différents « départs » ; que des différents courriers de résiliation il ressort au contraire que certains clients, dont la société Approvisionnement Electrique distribution ou la société Spring motivent leur décision par une mauvaise qualité des prestations de la société ASC, d'autres encore par la réorganisation de leur structure ou enfin par des difficultés financières ; que l'attestation de Sophie A... ancienne salariée de la société CIS permet simplement d'établir que quelques clients de la société ASC ont bien rejoint la société CIS mais ne fait pas la preuve de manoeuvre déloyale à laquelle ne peut s'assimiler le simple fait d'aviser la clientèle d'un départ imminent, la clientèle étant toujours libre de choisir l'entreprise avec laquelle elle veut travailler ; que la cour observe que la société ASC, peu convaincue par la faiblesse de ses arguments, a, nonobstant un préjudice qu'elle juge « très important » et qu'elle évalue à 42.000 euros, attendu la saisine de la juridiction prud'homale par son ancienne salariée, le 22 juin 2007, près de deux ans après les détournements allégués, pour soutenir l'existence d'une situation de concurrence déloyale ; que la société ASC ne nie pas que la plainte avec constitution de partie civile déposée le 8 octobre 2007 pour vol de fichier a fait l'objet d'un non-lieu ; que de tout ce qui précède, il en résulte qu'aucun procédé déloyal ne peut être reproché à Mme X... et la société ASC sera déboutée de sa demande reconventionnelle » ;
Alors 1°) que lorsqu'il est établi que le salarié a bénéficié indûment d'un cumul d'indemnités journalières et d'un salaire, il en résulte nécessairement que l'attestation de salaire transmise aux organismes sociaux ne l'a pas été par l'employeur lui-même, qui aurait alors suspendu le paiement du salaire, mais par la salariée, seule bénéficiaire du cumul ; qu'en jugeant que l'employeur n'apportait pas la preuve que Mme X... avait méconnu son obligation de loyauté, en établissant une fausse attestation de salaire et en imitant sa signature afin de bénéficier des indemnités journalières en plus de son salaire mensuel, quand elle avait constaté qu'elle avait effectivement bénéficié d'un tel cumul, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations desquelles il résultait que l'attestation de salaire transmise à l'organisme social compétent n'avait pu l'être par l'employeur lui-même, mais l'avait été par la salariée, a violé les articles L. 1221-1 et L. 1222-1 du code du travail ;
Alors 2°) que la décision de classement sans suite d'une plainte par le procureur de la République, qui n'est pas une décision juridictionnelle et ne bénéficie pas de l'autorité de chose jugée, n'implique ni ne démontre le caractère erroné des accusations de fausse attestation de salaire portées par l'employeur à l'encontre du salarié ; qu'en déduisant du classement sans suite de la plainte pénale déposée par l'employeur pour faux et usage de faux que la société ASC ne démontrait pas l'établissement, par la salariée, d'une fausse attestation de salaire, la cour d'appel, qui a accordé à la décision de classement sans suite une autorité qu'elle n'avait pas, a violé les articles 1351 du code civil, L. 1221-1 et L. 1222-1 du code du travail ;
Alors 3°) que la dissimulation par un salarié d'un fait en rapport avec ses activités professionnelles et les obligations qui en résultent peut constituer un manquement à la loyauté à laquelle il est tenu envers son employeur, dès lors qu'il est de nature à avoir une incidence sur l'exercice des fonctions ; qu'en déboutant la société ASC de ses demandes au titre de la violation, par la salariée, de son obligation de loyauté, sans avoir recherché si le fait que Mme X..., qui effectuait sa prestation de travail auprès d'une partie de la clientèle de la société ASC qui lui était attachée, ait profité de son préavis pour créer une société directement concurrente de la société ASC, n'avait pas été de nature à avoir une incidence sur l'exercice de ses fonctions, de sorte qu'en n'informant pas son employeur de ses démarches elle avait violé l'obligation de loyauté, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1, L. 1222-1, L. 1222-5 du code du travail ;
Alors 4°) qu'en jugeant que Mme X... n'avait pas exécuté de manière déloyale le contrat de travail au motif que la société ASC avait attendu la saisine du conseil de prud'hommes par la salariée pour former devant lui une demande de dommages-intérêts à ce titre, quand cette circonstance n'était pas de nature à effacer le comportement fautif de Mme X..., la cour d'appel qui a statué par des motifs inopérants, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1, L. 1222-1 et L. 1222-5 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14-22311
Date de la décision : 02/12/2015
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

TRAVAIL REGLEMENTATION, CONTROLE DE L'APPLICATION DE LA LEGISLATION - Lutte contre le travail illégal - Travail dissimulé - Travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié - Absence ou minoration de la déclaration des salaires ou des cotisations sociales - Elément intentionnel - Preuve - Caractérisation - Nécessité - Portée

POUVOIRS DES JUGES - Appréciation souveraine - Contrat de travail - Travail dissimulé - Eléments constitutifs - Elément intentionnel

Une cour d'appel, qui relève que l'employeur ne produit aucun justificatif permettant de vérifier l'envoi aux services de l'Union pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de la déclaration d'embauche, et qu'il a versé des frais de déplacement représentant en réalité un complément de rémunération déguisé, ne fait pas application de l'article L. 8221-5, 3°, du code du travail, dans sa version alors applicable, et apprécie souverainement l'existence de l'élément intentionnel de l'article L. 8221-5 du code du travail


Références :

articles L. 8221-5 et L. 8221-5, 3°, du code du travail

Décision attaquée : Cour d'appel de Nîmes, 10 juin 2014

Sur le caractère intentionnel du travail dissimulé qui doit être caractérisé, à rapprocher :Soc., 3 juin 2009, pourvoi n° 08-40981, Bull. 2009, V, n° 141 (2) (cassation partielle)

arrêt cité


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 02 déc. 2015, pourvoi n°14-22311, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Frouin
Avocat général : M. Beau
Rapporteur ?: M. Ballouhey
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Rousseau et Tapie

Origine de la décision
Date de l'import : 22/03/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.22311
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