LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Vu l'article 16 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 29 octobre 2013), que la société Versailles-Mouchy a sollicité la fixation à la valeur locative du loyer d'un local commercial donné à bail renouvelé à la société Rousseau-Depin ; que, par arrêt du 13 décembre 2011, la cour d'appel, après avoir écarté le plafonnement, a ordonné une expertise pour déterminer la valeur locative du bien ; que, par arrêt du 29 octobre 2013, la même cour d'appel a fixé le prix du bail renouvelé ;
Attendu que, pour rejeter la prétention de la société Rousseau-Depin tendant à la fixation du loyer du bail renouvelé calculé selon la clause d'indexation prévue au bail, l'arrêt retient que les principes de l'acquisition du droit de la société Versailles-Mouchy au déplafonnement du loyer et de la fixation du loyer du bail renouvelé en fonction de la valeur locative des locaux ont été tranchés par l'arrêt du 13 décembre 2011 qui emporte autorité de la chose jugée à ces égards, de sorte que les demandes de la société Rousseau-Depin tendant au rejet de la demande de déplafonnement sont irrecevables en application de l'article 122 in fine du même code ;
Qu'en statuant ainsi, sans inviter préalablement les parties à s'expliquer sur ce moyen, tiré de l'autorité de chose jugée, relevé d'office, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 décembre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers, autrement composée ;
Condamne la société Versailles-Mouchy aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois décembre deux mille quinze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Tiffreau, Marlange et de La Burgade, avocat aux Conseils, pour les sociétés Rousseau-Depin et Delphine Raymond, ès qualités.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué du 29 octobre 2013 d'AVOIR dit que les conclusions de la SNC ROUSSEAU-DEPIN en date du 21 août 2013 n'emportaient pas saisine régulière de la Cour, fixé le loyer du bail renouvelé des locaux situé 28 grande rue à la COUARDE SUR MER (17) à la somme annuelle de 56. 780 euros (cinquante-six mille sept cent quatre-vingts euros), hors taxe à compter du 16 mai 2008, taxe sur la valeur ajoutée et taxe foncière en sus, toutes les autres clauses du bail expiré demeurant inchangées, et condamné la SNC ROUSSEAU-DEPIN à payer à la SCI VERSAILLES-MOUCHY les intérêts au taux légal sur la différence entre le loyer payé par elle et le loyer fixé ci-dessus pour le bail renouvelé, et ce à compter du 16 mai 2008, en ordonnant la capitalisation annuelle des intérêts sur la somme de 50. 400 HT à compter du 16 mai 2008, puis sur la somme de 56. 780 HT à compter du 15 février 2013,
AUX MOTIFS QUE « (...) le jugement dont appel a, essentiellement dit n'y avoir lieu à déplafonnement du loyer dit n'y avoir lieu à expertise ; que l'arrêt du 13 décembre 2011 a, dans son dispositif infirmé le jugement déféré, ordonné une mesure d'expertise destinée à rechercher la valeur locative des locaux loués ; qu'en tant que de besoin, ledit arrêt énonce, dans sa motivation, que la SCI VERSAILLES-MOUCHY peut " se prévaloir d'un déplafonnement du loyer conformément aux dispositions combinées des articles L. 145-33 et L. 145-34 du Code de commerce aux termes desquelles le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative " ; qu'il en résulte nécessairement que les principes de l'acquisition du droit de la SCI VERSAILLES MOUCHY au déplafonnement du loyer et de la fixation du loyer du bail renouvelé en fonction de la valeur locative des locaux, ont été tranchés par l'arrêt du décembre 2011 qui emporte autorité de la chose jugée à ces égards, au sens de l'article 480 du Code de Procédure Civile, de sorte que les moyens articulés par la SNC ROUSSEAU-DEPIN dans ses dernières conclusions et tendant au rejet de la demande de déplafonnement sont irrecevables en application de l'article 122 in fine du même code ; que la SNC ROUSSEAU-DEPIN n'a opposé aucune réplique à l'exception tirée par la SCI VERSAILLES-MOUCHY de la nullité des conclusions de ladite SNC intimée pour défaut de notification de mémoire préalable ; qu'il résulte de l'article R. 145-31 alinéa 1er du Code de Commerce qu'en matière de loyer commercial, l'affaire est reprise sur échange de mémoires, après mesure d'instruction que ce texte est applicable à la procédure d'appel en vertu de l'article R. 145-33 du même code ; qu'il résulte de ces textes que la signification de conclusions ne peut se substituer à la notification d'un mémoire après expertise, cette irrégularité de fond pouvant être soulevée en tout état de cause ; qu'en l'occurrence, la SCI VERSAILLES-MOUCHY a déposé au greffe le 14/ 02/ 2013 son mémoire après expertise, et l'a adressé à la SNC ROUSSEAU-DEPIN par lettre recommandée dont l'avis de réception a été signé le 15/ 02/ 2013 ; que la SNC ROUSSEAU-DEPIN n'a déposé ni notifié aucun mémoire, En conséquence, ses conclusions du 21/ 08/ 2013 ne valent pas saisine régulière de la Cour concernant la fixation du montant du loyer du bail renouvelé, la SCI VERSAILLES-MOUCHY conclut à l'entérinement de l'avis expertal et à une fixation à hauteur de 56. 780 HT ; que ce rapport, qui a évalué la valeur locative des locaux concernés après examen et analyse des éléments d'appréciation énumérés par l'article L. 145-33 du Code de Commerce et explicités par les articles R. 145-3 à R. 145-8 du même code, et conformément à la mission fixée par l'arrêt du 13 décembre 2011, doit être entériné (...) » (arrêt attaqué, p. 5),
ALORS QUE 1°), en relevant d'office le moyen pris de l'autorité de la chose jugée attachée à son précédent arrêt du 13 décembre 2011 concernant les principes d'acquisition du droit de la SCI VERSAILLES-MOUCHY au déplafonnement du loyer et de la fixation du loyer du bail renouvelé en fonction de la valeur locative des locaux, sans inviter les parties à en discuter préalablement et contradictoirement, la Cour d'appel a violé l'article 16 du Code de procédure civile,
ALORS QUE 2°), la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif ; que dans le dispositif de son précédent arrêt du 13 décembre 2011, la Cour d'appel avait infirmé le jugement entrepris et, " avant dire droit au fond, tous droits et moyens des parties demeurant réservés à cet égard ", ordonné une mesure d'expertise ; que cette décision n'avait donc tranché aucune question dans son dispositif ; qu'en jugeant néanmoins, par référence aux motifs de l'arrêt du 13 décembre 2011, que celui-ci aurait autorité de chose jugée concernant les principes d'acquisition du droit de la SCI VERSAILLES-MOUCHY au déplafonnement du loyer et de fixation du loyer du bail renouvelé en fonction de la valeur locative des locaux, la Cour d'appel a violé les articles 122 et 480 du Code de procédure civile, ensemble l'article 1351 du Code civil,
ALORS QUE 3°), toute décision de justice doit se suffire à elle-même et il ne peut être suppléé au défaut et à l'insuffisance de motifs par le seul visa des documents de la cause n'ayant reçu aucune analyse ; qu'en se bornant en l'espèce à entériner le rapport d'expertise judiciaire qui a fixé le loyer annuel du bail renouvelé à la somme de 56. 780 euros HT, sans préciser ni analyser concrètement les appréciations et constatations de l'expert, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)Le moyen reproche à l'arrêt attaqué du 13 décembre 2011 d'AVOIR infirmé le jugement entrepris, et statuant à nouveau, avant dire droit au fond, tous droits et moyens des parties demeurant réservés à cet égard, désigné en qualité d'expert M. Pierre X..., avec pour mission : de convoquer les parties et, dans le respect du principe du contradictoire, de se faire communiquer tous documents et pièces nécessaires à l'accomplissement de sa mission ; de visiter les locaux litigieux, les décrire ; d'entendre les parties en leurs dires et explications ; de procéder à l'examen des faits qu'allèguent les parties ; de rechercher la valeur locative des lieux loués à la date du 16 mai 2008, au regard des caractéristiques du local, de la destination des lieux, des obligations respectives des parties, des facteurs locaux de commercialité, des prix couramment pratiqués dans le voisinage, en retenant tant les valeurs de marché que les valeurs fixées judiciairement, en application des dispositions des articles L 145-33 et R 145-3 à R 145-8 du code de commerce ; de rendre compte de tout et de donner son avis motivé ; de dresser un rapport de ses constatations et conclusions,
AUX MOTIFS QUE « (...) il résulte des conclusions développés par la SNC ROUSSEAU-DEPIN devant le juge des loyers que cette dernière a reconnu que le loyer initialement fixé avait pris en compte les travaux dont le preneur avait la charge et qui avaient été autorisés par le bailleur concernant la réfection du deuxième étage et l'arrière du premier étage à usage d'hôtel ; qu'il est au surplus justifié par la SCI VERSAILLES-MOUCHY que le loyer initialement fixé est inférieur aux loyers habituellement pratiqués à cette époque dans le voisinage et correspondant à la valeur locative ; qu'ainsi il est démontré que le bailleur a consenti un loyer minoré inférieur à la valeur locative réelle pour tenir compte du coût des travaux ; en conséquence que, contrairement à ce qui a été retenu par le premier Juge, la SCI VERSAILLES-MOUCHY est recevable à se prévaloir d'un déplafonnement du loyer conformément aux dispositions combinées des articles L. 145-33 et L. 145-34 duCode de Commerce aux termes desquelles le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative et qu'à défaut d'accord cette valeur est déterminée d'après : 1°) les caractéristiques du local considéré 2°) la destination des lieux 3°) les obligations respectives des parties 4°) les facteurs locaux de commercialité
5°) les prix couramment pratiqués dans le voisinage ; qu'à moins d'une modification notable des éléments mentionnés ci dessus aux I° à 4°, le taux de variation du loyer applicable lors de la prise d'effet du bail à renouveler ne peut excéder la variation de l'indice trimestriel du coût de la construction ; que s'agissant des facteurs locaux de commercialité ceux-ci dépendent principalement de l'intérêt que présente pour le commerce considéré, l'importance de la ville, du quartier ou de la rue où il est situé, du lieu de son implantation, de la répartition des diverses activités dans le voisinage, des moyens de transport, de l'attrait particulier ou des sujétions que peut présenter l'emplacement pour l'activité considérée et des modifications que ces éléments subissent d'une manière durable ou provisoire ; qu'il convient en conséquence d'infirmer le jugement déféré ; que pour justifier de sa demande de fixation d'un loyer de 50400 ¿ HT annuel la SCI VERSAILLES-MOUCHY verse aux débats un rapport d'expertise non contradictoire établi par M. Z... à la demande de la société appelante ; qu'il convient en conséquence avant dire droit, d'ordonner une mesure d'expertise ainsi qu'il sera dit au dispositif du présent arrêt sans qu'il y ait lieu de fixer un loyer provisionnel dans l'attente de l'issue de la présente procédure (...) » (arrêt attaqué du 13 décembre 2011, p. 4 et 5),
ALORS QUE le déplafonnement ne peut intervenir lors du renouvellement du bail suivant la réalisation de travaux lorsque la bailleresse n'a ni directement ni indirectement assumé la charge des transformations des lieux loués qui constituent des améliorations ; qu'en décidant le contraire en l'espèce, bien qu'il était constant et non contesté que les travaux d'amélioration de l'immeuble donné en location avaient intégralement et exclusivement été effectués par les preneurs, la Cour d'appel a violé les articles L. 145-8, L. 145-33, L. 145-34, R. 145-3 et R. 145-8 du Code de commerce, L. 311-1 et L. 311-3 du Code du tourisme.