LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 25 mars 2014), que M. X... a été engagé en qualité d'auxiliaire de vie à compter du 25 mars 2008 par la société Maison des âges résidence du Léman ; qu'il a été licencié pour fautes graves le 20 mars 2012 et qu'il a saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de la demande qu'il avait formée afin d'obtenir le paiement de diverses indemnités et de dommages-et-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :
1°/ que tout justiciable a droit à un procès équitable, ce qui s'entend d'un tribunal objectivement impartial ; que l'impartialité suppose un examen véritable des faits et une réponse donnée à l'ensemble des moyens développés par une partie ; qu'en se bornant à reproduire sur tous les points en litige les pièces produites par la société La Résidence du Léman, à qui elle a donné satisfaction, sans examiner ni analyser ne serait-ce que sommairement les documents de preuve produites par M. X..., la cour d'appel, qui a statué par une apparence de motivation pouvant faire peser un doute légitime sur l'impartialité de la juridiction, a violé l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
2°/ que les juges du fond ont l'obligation de s'expliquer au moins sommairement sur les éléments de preuve produits par chaque partie ; que M. X... a ainsi souligné que les attestations rédigées par les infirmières étaient en contradiction totale avec l'appréciation positive de la directrice de l'établissement, lors de sa dernière évaluation ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur l'appréciation positive portée sur M. X... par la directrice de l'établissement sur sa manière de servir, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel, appréciant souverainement les éléments de preuve qui lui étaient soumis, et qui n'était pas tenue de s'expliquer sur les éléments de preuve qu'elle décidait d'écarter ni de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a retenu, par une décision motivée, que les manquements du salarié vis-à-vis d'une personne âgée dépendante constituaient une faute grave rendant impossible son maintien dans l'entreprise ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit décembre deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Boullez, avocat aux Conseils, pour M. X...
Le pourvoi fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR débouté M. X... de la demande qu'il avait formée afin d'obtenir le paiement de diverses indemnités et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS QU'il est constant que selon son contrat de travail, monsieur Vitali X... était employé en qualité d'auxiliaire de vie, catégorie personnel soignant, position 1, niveau 2, coefficient 216 de la Convention Collective Nationale applicable ; que monsieur Vitali X... a été licencié pour faute grave par lettre recommandée avec avis de réception du 20 mars 2012, pour les motifs suivants :
« 1) Non respect des procédures et règles en place
Non application des transmissions liées à la prise en charge des résidents :
Le 16 janvier 2012,
Votre supérieur hiérarchique se rend compte que vous ne remplissez toujours pas le classeur de suivi des protections instauré début octobre 2011 pour évaluer la réalisation effective des changes, malgré les multiples rappels.
Elle vous rappelle une nouvelle fois que les consignes, pour le bien être des résidents, doivent être tracées sur le système d'information Médicale (Médicor), or vous ne prenez pas la peine ni d'inscrire ni de lire ces consignes. Le 19 janvier 2012, seuls 2 rapports ont été portés sur le logiciel alors que votre responsable vous a bien actualisé votre code le 28/ 10/ 2011.
Le 17 janvier 2012, vous décidez de ne pas assister aux transmissions orales entre 11h30 et 12h00. Les transmissions sont un moment privilégié pour coordonner l'information et se tenir informés des décisions de travail... Le 20 janvier, vous décidez une nouvelle fois, de votre chef, de ne pas assister à la relève orale de 8h sous prétexte que vous avez lu les consignes laissées dans Médicor.
Le non respect de votre présence lors des transmissions ondes a un impact direct sur la prise en charge du résident. N'étant pas présent lors de la transmission de consignes, cela ne vous permet pas de les appliquer en adéquation avec le besoin du résident et en cohérence avec le reste de l'équipe.
Cela nuit gravement à la prise en charge de la personne âgée et pourrait avoir des répercussions sérieuses sur sa santé et son bien être.
Non application des procédures liées aux soins :
La semaine du 9 janvier, pendant vos congés, l'équipe prenant le relais sur les résidents dont vous avez la charge, se rend compte que Mme B porte une prothèse dentaire...
Le 16 janvier 2012,
A 19h30, alors que vous vous apprêtez à quitter votre poste de travail, vous demandez à l'infirmière en poste, Mme B de changer le pansement de Mme P. Lorsqu'elle vous demande de l'aider, vous lui indiquez « demande à quelqu'un d'autre ! ». L'infirmière en poste est alors obligée d'appeler l'infirmière coordinatrice qui s'aperçoit, en changeant le pansement de Mme P que vous avez installé la protection nocturne sans avoir pris la peine de procéder à une toilette intime. Il était évident que vous ne pouviez pas ignorer l'état cutané de cette résidente : le risque d'altération cutané chez elle est avéré et a été signalé à maintes reprises lors des transmissions. Etant donné que vous êtes aide soignant diplômé, vous êtes parfaitement informé et formé de la nécessité de procéder à une toilette intime en cas de changement de protection. Vous n'avez pas respecté ce protocole qui rappelle cela et votre non respect de ce dernier a nui à la prise en charge correcte de la résidente.
2) Manque de coopération nuisant à la prise en charge des résidents :
Le 17 janvier, alors que l'infirmière coordinatrice vous demande si vous avez installé le déambulateur chez Mme D, vous lui répondez nonchalamment : « Je n'ai pas eu le temps ».
Le 8 février, lors de la relève des transmissions de 8 heures, vous vous emportez contre l'infirmière coordinatrice en remettant en question la répartition des toilettes, nécessaire suite à l'absence d'une de vos collègues. Suite à cet incident, afin d'avoir une explication sur ce sujet avec vous, l'infirmière coordinatrice a souhaité vous rencontrer et vous lui avez répondu :
« Je ne veux pas parler avec vous, je verrai la justice ».
Le directeur d'appui présent sur le site a dû vous recevoir devant votre refus d'être entendu par votre supérieur. Vous ne vous êtes pas remis en question et l'avez menacé de porter cette affaire devant les prud'hommes.
Le 16 février lors de la prise en charge de Monsieur C (résident en fin de vie), une collègue aide soignante vous demande de l'aider pour le prendre en charge. Vous acceptez, lui attachez sa surblouse et partez. L'aide soignante s'est donc retrouvée en difficulté avec une toilette qui a duré plus longtemps que prévu : Son absence aux transmissions interpellera l'équipe et une étudiante infirmière ira l'aider à terminer...
Le 17 février, suite à l'absence d'une de vos collègues le matin, à la prise de poste, vous refusez de nouveau d'effectuer 2 toilettes supplémentaires réparties équitablement entre tous les secteurs soignants. Vous indiquez alors à l'infirmière coordinatrice qu'« elle n'a qu'à demander une autre aide soignante, je ne ferai pas les toilettes », d'ailleurs, ce sont 2 de vos collègues qui se sont réparties la tâche.
3) Mauvaise prise en charge d'un résident :
La semaine du 13 février 2012,
Alors qu'un résident de votre secteur a des difficultés à se réveiller, un matin à 9 heures, vous enlevez violemment la couverture de Monsieur M, branchez son téléviseur avec le volume très augmenté, et lui appliquez un gant d'eau froide sur le visage, sans ménagement. Le résident s'est alors mis à crier et à dire que c'était « horrible », selon le témoin qui était présent, vous avez alors ri et dit à haute voix : " laisse tomber, on reviendra plus tard ".
Ce comportement est totalement inadmissible.
Votre conduite remet gravement en cause la bonne exécution de nos protocoles de travail permettant une prestation d'accueil et de qualité des personnes âgées dépendantes accueillies et met en évidence une mauvaise prise en charge à leur encontre.
Nous vous signifions par ailleurs, qu'à maintes occasions, nous vous avons rappelé les règles de travail et les valeurs de l'entreprise. Force est de constater que vous n'en avez pas tiré profit.
Les explications recueillies auprès de vous lors de notre entretien ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation à ce sujet. Nous vous informons que nous avons, en conséquence, décidé de vous licencier pour faute grave. »
Attendu que la faute grave qui justifie la cessation immédiate du contrat de travail sans préavis, est définie comme la faute qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée dudit préavis ;
Attendu qu'il convient d'analyser chaque grief fondant le licenciement ;
Attendu qu'il est attesté par mademoiselle Cyrielle Y..., alors étudiante en soins infirmier et en stage dans l'établissement, que lorsqu'elle est entrée dans la chambre du résident dont elle avait la charge, monsieur " M " : " la télé était allumée avec un volume élevé et toutes les lumières étaient allumées. Pour précision c'était la fin de la nuit de mr M et je devais lui effectuer sa toilette (vers 9 heures). Dès mon arrivée j'ai éteint la télé et essayé de réveiller délicatement mr M. Ce dernier n'avait pas envie de se lever à ce moment, donc je vais en parler à l'aide soignant VITALI. L'AS revient avec moi dans la chambre, réallume la télé avec un son très élevé, il découvre violemment le résident qui montre son désaccord (résident très frileux). VITALI n'entend pas mr M et va chercher un gant d'eau froide et lui applique sur le visage sans le prévenir et sans aucune précaution. Mr M s'est mis à crier et à dire que c'était horrible. L'aide soignant a ri et a dit " laisse tomber, on reviendra plus tard ". Mr M reprendra sa couverture de lui même. " ; que cette attestation est parfaitement détaillée et circonstanciée, que mademoiselle Y... précise que les faits se sont déroulés durant la semaine du 13 février 2012, semaine pendant laquelle elle était en intervention ; que la date des faits est dès lors parfaitement identifiable au regard de la prise de service des uns et des autres ; que la stagiaire a été très choquée par le comportement de monsieur Vitali X... dans la mesure où elle s'est confiée au cadre de santé, dans les jours qui ont suivi, soit le 5 mars 2012 ainsi que l'atteste madame Z... ; que non seulement mademoiselle Y... a bien été choquée par un comportement aussi peu professionnel, si tel n'avait pas été le cas elle ne l'aurait pas rapporté au cadre de santé ; que si elle a tardé à le faire, c'est en raison, ainsi que l'atteste madame Z..., des craintes de représailles de la part de monsieur X... du fait de son statut de stagiaire, ce qui explique que monsieur X... n'a pas été obligé de s'expliquer le jour même sur cet incident ; que non seulement monsieur Vitali X... ne peut venir aujourd'hui contester la véracité de cette situation, mais surtout dire qu'un tel comportement était digne d'un professionnel de santé ; que même si la profession d'aide soignant est d'un exercice difficile, la prise en charge d'une personne âgée dépendante, aussi délicate soit elle, doit obligatoirement se faire dans la dignité et le respect de la personne humaine ; que si effectivement le terme maltraitance n'est pas expressément repris dans la lettre de licenciement, le fait de ne pas respecter la personne âgée dans sa dignité et de ne pas faire preuve à son égard de toute la bienveillance nécessaire du fait de sa vulnérabilité constitue néanmoins un comportement fautif particulièrement grave de la part d'une personne dont l'emploi est justement, malgré les difficultés de sa tâche, de faire preuve d'humanité et de compassion envers les personnes les plus fragiles et les plus démunies ; qu'une telle attitude est également contraire à " l'engagement de bientraitance " à laquelle a adhéré la SARL LA RESIDENCE DU LEMAN et donc par voie de conséquence monsieur Vitali X... lorsqu'il a été engagé ; que sauf à nier la réalité de ces faits, monsieur Vitali X... ne fournit aucun élément probant de nature à mettre en doute l'attestation de mademoiselle Y... et de madame Z..., que l'attestation de monsieur A..., qui est le frère d'une résidente, n'est que de portée générale et n'est pas de nature à remettre en cause la description très précise de mademoiselle Y... sur les faits dont elle a été témoin ; que le fait de réveiller brutalement une personne âgée, en allumant le poste de télévision, en poussant volontairement le volume à l'excès et en lui apposant sans ménagement sur le visage un gant d'eau froide, constitue bien au cas d'espèce un comportement totalement inadapté de la part d'un personnel soignant, confinant à la violence tant physique que morale dès lors que cette personne n'est pas à même de se défendre et de réagir face à une telle agression ; qu'un tel comportement à l'égard d'une personne en situation de fragilité et de vulnérabilité constitue bien une faute grave de la part d'un professionnel de la santé, la gravité étant déjà suffisante pour justifier le licenciement ; qu'en ce qui concerne les autres griefs invoqués dans la lettre de licenciement, ils sont également parfaitement démontrés par les nombreuses attestations produites aux débats ; que monsieur Vitali X... ne peut soutenir que les reproches sont montés de toute pièce et que l'on voulait à tout prix le prendre en défaut et le licencier, pour soutenir au contraire qu'il était un très bon professionnel qui n'avait jamais eu le moindre rappel à l'ordre avant l'arrivée du nouveau cadre de santé, alors qu'il est attesté : Par madame C... qu'il a refusé de l'aider dans la prise en charge d'une patiente, Par madame D..., qu'il a refusé également de l'aider pour la réfection d'un pansement dans la mesure où c'était l'heure de partir, Par madame E..., qui témoigne de son manque d'implication, de son défaut de prise en charge des résidents (certains soins non réalisés) de son absence d'entraide envers les collègues, de son manque d'investissement professionnel ; Par madame Z..., le cadre de santé, qui atteste de son absence délibérée à deux reprises aux transmissions orales de service, de son manque d'implication dans l'utilisation du logiciel MEDICOR, et de son absence dans le suivi des protocoles en matière d'hygiène, (dentier d'une résidente non nettoyée et couche posée en l'absence de toilette intime), Par madame G..., qui relate ses réactions de colère à l'égard d'une résidente allant jusqu'à lui arracher un collier ; que l'ensemble des attestations produites aux débats sont précises, concordantes et démontrent parfaitement le manque d'esprit d'équipe de monsieur Vitali X..., son refus délibéré d'accepter la mise en oeuvre d'une nouvelle organisation au sein de l'établissement, et ses carences dans la mise en oeuvre des protocoles de soins ; que la preuve des faits reprochés étant parfaitement rapportée par la SARL LA RESIDENCE DU LEMAN et ces faits constituant des manquements particulièrement graves au regard du respect dû à la personne âgée dépendante, il convient de dire et juger que le licenciement pour faute grave de monsieur Vitali X... est fondé, de le débouter en conséquence de l'ensemble de ses demandes et d'infirmer le jugement dans toutes ses dispositions ;
1. ALORS QUE tout justiciable a droit à un procès équitable, ce qui s'entend d'un tribunal objectivement impartial ; que l'impartialité suppose un examen véritable des faits et une réponse donnée à l'ensemble des moyens développés par une partie ; qu'en se bornant à reproduire sur tous les points en litige les pièces produites par la société LA RESIDENCE DU LEMAN, à qui elle a donné satisfaction, sans examiner ni analyser ne serait-ce que sommairement les documents de preuve produites par M. X..., la Cour d'appel, qui a statué par une apparence de motivation pouvant faire peser un doute légitime sur l'impartialité de la juridiction, a violé l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
2. ALORS QUE les juges du fond ont l'obligation de s'expliquer au moins sommairement sur les éléments de preuve produits par chaque partie ; que M. X... a ainsi souligné que les attestations rédigées par les infirmières étaient en contradiction totale avec l'appréciation positive de la directrice de l'établissement, lors de sa dernière évaluation (conclusions, p. 19) ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur l'appréciation positive portée sur M. X... par la directrice de l'établissement sur sa manière de servir, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.