LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :
Vu l'article 2004 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... est présidente de la société par actions simplifiée Maison de Saint-Mandé (la société MSM), dont le capital est réparti entre elle, à hauteur de quatre mille quatre cent cinquante actions en usufruit, et M. Y..., lequel détient trois cents actions en pleine propriété et quatre mille quatre cent cinquante actions en nue-propriété ; que la nue-propriété de ces actions a fait l'objet d'une donation par Mme X... à M. Y... en vertu de deux actes stipulant que : « en ce qui concerne le droit de participer aux délibérations et décisions collectives, le donateur et le donataire nomment en qualité de mandataire commun le donateur » ; que faisant valoir que les résolutions adoptées lors de la consultation écrite du 30 août 2012, puis lors de l'assemblée générale extraordinaire du 30 juillet 2013 l'avaient été en violation de ses droits d'associé, M. Y... a assigné Mme X... ainsi que la société MSM en annulation ; que devant la cour d'appel, il a soutenu avoir révoqué le mandat confié à Mme X... ;
Attendu que pour dire que M. Y... n'est pas fondé à invoquer la révocation du mandat donné à Mme X..., l'arrêt relève que le principe de libre révocabilité du mandat est atténué lorsque celui-ci est d'intérêt commun et que la révocation n'est pas fondée sur une cause légitime mais sur une différence de point de vue relativement à l'intérêt social ; qu'il ajoute que cette révocation est indirecte en ce qu'elle résulterait des actes accomplis par le mandant ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la révocation du mandat peut être tacite et résulter indirectement des actes accomplis par le mandant, et que M. Y... soutenait avoir exercé le droit de vote attaché aux actions détenues en nue-propriété, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette l'exception d'incompétence ainsi que les demandes de sursis à statuer et de communication de documents, l'arrêt rendu le 5 juin 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne Mme X... et la société Maison de Saint-Mandé aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du huit décembre deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils, pour M. Y...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, par confirmation du jugement entrepris, débouté M. Y... de l'ensemble de ses demandes ;
Au motif que « le donataire ne peut invoquer la révocation du mandat dès lors que :- la jurisprudence atténue la règle de libre révocabilité du mandat lorsque celui-ci est d'intérêt commun, c'est-à-dire lorsqu'il est consenti aussi bien dans l'intérêt du mandant que du mandataire et que la révocation n'est pas fondée sur une cause légitime mais une différence de point de vue sur l'intérêt social,- elle est indirecte en ce qu'elle résulterait des actes accomplis par le mandant » (arrêt attaqué, p. 24, pénult. §) ;
Alors d'une part que l'absence de cause légitime ne prive pas d'effet la révocation du mandat d'intérêt commun ; qu'elle est seulement susceptible d'ouvrir droit à indemnisation pour le mandataire ; qu'en retenant que M. Y... ne pouvait pas se prévaloir de la révocation du mandat donné à l'usufruitière des parts sociales, dès lors qu'il s'agissait d'un mandat d'intérêt commun et qu'il n'était pas justifié d'une cause légitime de révocation, la cour d'appel a violé l'article 2004 du code civil ;
Alors en tout état de cause, d'autre part, qu'en cas de mandat donné à l'usufruitier pour exercer le droit de vote attaché aux parts sociales démembrées, les divergences survenant entre l'usufruitier et le nu-propriétaire dans l'appréciation de l'intérêt social constituent une cause légitime de révocation ; qu'en jugeant que de telles divergences n'étaient pas de nature à justifier la révocation du mandat de l'usufruitière, la cour d'appel a violé les articles 1844, 1984 et 2004 du code civil ;
Alors en outre que la révocation du mandat peut être tacite, et résulter indirectement des actes accomplis par le mandant ; qu'en jugeant le contraire, pour en déduire que M. Y... ne pouvait pas invoquer la révocation du mandat donné à l'usufruitière des parts sociales, la cour d'appel a violé, de plus fort, l'article 2004 du code civil.