Statuant sur les pourvois formés par :
- M. Kévin X..., - M. Andres Y...
- M. Christophe Z..., - M. Ludovic A..., - M. Xavier B...,
contre l'arrêt n° 45 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de FORT-DE-FRANCE, en date du 20 février 2015, qui, dans l'information suivie contre eux des chefs, notamment, d'infractions à la législation sur les stupéfiants et association de malfaiteurs, a prononcé sur la demande du premier en annulation de pièces de la procédure ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 2 décembre 2015 où étaient présents : M. Guérin, président, Mme Carbonaro, conseiller rapporteur, MM. Castel, Raybaud, Mme Caron, M. Moreau, Mme Drai, M. Stephan, conseillers de la chambre, MM. Laurent, Béghin, conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Wallon ;
Greffier de chambre : Mme Guichard ;
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire CARBONARO, les observations de la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général WALLON ;
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 27 juillet 2015, joignant les pourvois et prescrivant leur examen immédiat ;
I-Sur les pourvois formés par MM. Y...
Z..., A...et B...:
Attendu qu'aucun moyen n'est produit ;
II-Sur le pourvoi de M. X...:
Vu les mémoires et les observations complémentaires produits ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure qu'une information judiciaire a été ouverte, par le procureur de la République de Fort-de-France, le 16 novembre 2012, contre personne non dénommée des chefs d'importation et trafic de stupéfiants, association de malfaiteurs et contrebande ; que le 8 mars 2013, le procureur de la République a requis le juge d'instruction de se dessaisir et de transmettre l'entier dossier de l'information au président du tribunal de grande instance ou au magistrat désigné par lui, au motif qu'elle avait pour objet le démantèlement d'un réseau organisé de délinquants et que la complexité des investigations devant être mises en oeuvre justifiait la saisine de la juridiction interrégionale spécialisée de Fort-de-France ; que sur accord du magistrat instructeur, le président du tribunal de grande instance de Fort-de-France a, le même jour, au visa de l'article 84, alinéas 1 et 2, du code de procédure pénale, dessaisi le juge d'instruction en faveur d'un autre juge d'instruction de la juridiction interrégionale spécialisée ;
Attendu que M. X..., mis en examen le 7 novembre 2013 des chefs précités, a présenté une requête en annulation de pièces de la procédure ;
En cet état :
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 100, 100-3, 100-4, 100-5, 160, 230-1, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que la chambre de l'instruction a rejeté le moyen tiré de la nullité des interceptions des correspondances « Blackberry Messenger » ;
" aux motifs que M. X...fait grief en premier lieu aux commissions rogatoires d'interception des correspondances Blackberry Messenger de violer les dispositions des articles 100-3, 100-4 et 100-5 du code de procédure pénale ; que, cependant, la société Blackberry France n'étant pas opérateur de communications électroniques, les dispositions de l'article 100-3, lesquelles, au surplus, ne constituent pas une obligation pour le juge d'instruction, n'étaient pas applicables aux réquisitions qui lui ont été adressées ; que le langage informatique utilisé par la société Blackberry, le XML, étant peu lisible par un non-spécialiste, les officiers de police judiciaire ont à juste titre requis une personne, la société C Byzance, capable de remettre en forme les données brutes extraites des systèmes informatiques de Blackberry ; que la retranscription des conversations interceptées a été signée par des officiers de police judiciaire et les dispositions de l'article 100-5 n'ont pas été méconnues ; qu'au surplus, les enregistrements des interceptions réalisées ont été gravés sur CD Roms et les transcriptions qui en ont été faites peuvent ainsi faire l'objet d'un contrôle à la demande des parties ; que M. X...soutient ensuite l'incompétence territoriale des enquêteurs lors de la captation des Blackberry Messenger sur le territoire d'un Etat étranger ; que si la société Blackberry Limited est une société de droit canadien ayant son siège social dans la province de l'Ontario au Canada, la société requise dans cette information est la société Blackberry France, société de droit français filiale de la société canadienne, et ayant son siège social à Courbevoie, dans les Hauts-de-Seine ; que c'est cette société Blackberry France qui, répondant aux réquisitions, a fourni les données relatives aux PIN utilisés par les personnes soupçonnées, données extraites des systèmes informatiques auxquels elle avait accès ; que les messages interceptés ont été émis ou reçus par des terminaux se trouvant sur le territoire français ; qu'il n'y a donc pas eu violation de la compétence territoriale dans la captation des messages ayant transité par les terminaux Blackberry messenger ;
" 1°) alors que toute interception de correspondances échangées par la voie des télécommunications doit respecter les règles édictées par les articles 100 et suivants du code de procédure pénale ; qu'en vertu de l'article 100-3 de ce code, pour l'installation d'un dispositif d'interception, ne peuvent être requis que des agents qualifiés d'un service ou organisme placé sous l'autorité ou la tutelle du ministre chargé des télécommunications ou des agents qualifiés et autorisés d'un exploitant de réseau ou fournisseur de services de télécommunications ; que la chambre de l'instruction ne pouvait déduire du seul fait que la société Blackberry France n'a pas la qualité d'« opérateur de communications électroniques » l'inapplicabilité de cette disposition, et approuver des réquisitions faites à des sociétés privées ne répondant à aucune des exigences légales ;
" 2°) alors que selon l'article 100-5 du code de procédure pénale, le juge d'instruction ou l'officier de police judiciaire commis par lui transcrit la correspondance utile à la manifestation de la vérité et en dresse procès-verbal ; qu'en l'espèce, il ressort de la procédure que la société C Byzance, dont les agents n'ont pas prêté serment, a été requise aux fins de procéder au traitement des données mises au clair par la société RIM France et de constituer un scellé contenant toutes les données transmises ; que les officiers de police judiciaire se sont contentés de signer un procès-verbal par lequel ils ont annexé au dossier un fichier PDF comprenant la retranscription de l'intégralité des échanges sur la période visée par la commission rogatoire ; qu'en conséquence, la chambre de l'instruction ne pouvait, après avoir prétendu que les règles posées par les articles 100 et suivants du code de procédure pénale n'avaient pas vocation à s'appliquer, affirmer que « la retranscription des conversations interceptées a été signée par des officiers de police », et que « les dispositions de l'article 100-5 n'ont pas été méconnues » ;
" 3°) alors qu'ainsi le faisait valoir la requête en nullité, à supposer que les dispositions légales relatives aux interceptions d'échanges n'aient pas trouvé à s'appliquer, la société a nécessairement été requise pour une prestation d'ordre intellectuel, en qualité d'expert, ce qui rendait applicable le régime prévu aux articles 156 et suivants du code de procédure pénale ; qu'en vertu de l'article 160 de ce code, l'expert non inscrit sur une liste doit prêter serment ; que faute pour les agents ayant procédé aux opérations de décodage et de retranscription des conversations d'avoir prêté serment, ces actes encouraient l'annulation ;
" 4°) alors qu'ainsi le faisait valoir la requête en nullité, à supposer que ni les dispositions légales relatives aux interceptions d'échanges ni celles relatives à l'expertise aient trouvé à s'appliquer, il s'agissait alors d'une opération de mise au clair au sens de l'article 230-1 du code de procédure, lequel exige que les intervenants prêtent serment ; qu'en l'absence de toute prestation de serment à l'occasion des opérations de mise au clair, la chambre de l'instruction ne pouvait refuser d'annuler ces actes ;
" 5°) alors qu'en vertu du second paragraphe de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, toute ingérence dans le droit au respect de la vie privée doit reposer sur une base légale suffisamment accessible et prévisible ; que selon la jurisprudence de la Cour européenne, les mesures de surveillance secrète doivent être prévues dans des termes assez clairs pour indiquer aux individus en quelles circonstances et sous quelles conditions les autorités publiques sont habilitées à les prendre ; que l'interception des échanges émis par la voie d'une application de messagerie instantanée ne fait pas l'objet d'un encadrement suffisamment précis par le droit interne, de sorte que la violation de l'article 8 de la Convention européenne doit être constatée ;
" 6°) alors que la mise en oeuvre d'une ingérence dans le droit au respect de la vie privé doit toujours être entourée de garanties adéquates et suffisantes contre les abus ; qu'il résulte des éléments de la procédure que la captation, le déchiffrage et la retranscription des échanges protégés par le droit au respect de la vie privée ont, en l'espèce, été assurées par des sociétés privées n'ayant pas prêté serment, sans aucun contrôle de la part de l'autorité judiciaire ; qu'en conséquence, il est manifeste que la mesure litigieuse n'a pas été entourée des garanties procédurales adéquates, de sorte qu'elle est contraire à l'article 8 de la Convention européenne " ;
Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 100, 100-3, 100-4, 100-5, 160, 230-1, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que la chambre de l'instruction a rejeté le moyen tiré de la nullité des interceptions des correspondances Blackberry Messenger ;
" aux motifs que M. X...fait grief en premier lieu aux commissions rogatoires d'interception des correspondances Blackberry Messenger de violer les dispositions des articles 100-3, 100-4 et 100-5 du code de procédure pénale ; que, cependant, la société Blackberry France n'étant pas opérateur de communications électroniques, les dispositions de l'article 100-3, lesquelles, au surplus, ne constituent pas une obligation pour le juge d'instruction, n'étaient pas applicables aux réquisitions qui lui ont été adressées ; que le langage informatique utilisé par la société Blackberry, le XML, étant peu lisible par un non-spécialiste, les officiers de police judiciaire ont à juste titre requis une personne, la société C Byzance, capable de remettre en forme les données brutes extraites des systèmes informatiques de Blackberry ; que la retranscription des conversations interceptées a été signée par des officiers de police judiciaire et les dispositions de l'article 100-5 n'ont pas été méconnues ; qu'au surplus, les enregistrements des interceptions réalisées ont été gravés sur CD Roms et les transcriptions qui en ont été faites peuvent ainsi faire l'objet d'un contrôle à la demande des parties ; que M. X...soutient ensuite l'incompétence territoriale des enquêteurs lors de la captation des Blackberry Messenger sur le territoire d'un Etat étranger ; que si la société Blackberry Limited est une société de droit canadien ayant son siège social dans la province de l'Ontario au Canada, la société requise dans cette information est la société Blackberry France, société de droit français filiale de la société canadienne, et ayant son siège social à Courbevoie, dans les Hauts-de-Seine ; que c'est cette société Blackberry France qui, répondant aux réquisitions, a fourni les données relatives aux PIN utilisés par les personnes soupçonnées, données extraites des systèmes informatiques auxquels elle avait accès ; que les messages interceptés ont été émis ou reçus par des terminaux se trouvant sur le territoire français ; qu'il n'y a donc pas eu violation de la compétence territoriale dans la captation des messages ayant transité par les terminaux Blackberry Messenger ;
" 1°) alors que la chambre de l'instruction ne pouvait s'abstenir de répondre au moyen de nullité subsidiaire tiré de l'irrégularité des interceptions d'échanges émis par la voie de Blackberry Messenger, en raison de l'absence de toute prestation de serment des sociétés, pourtant requises en qualité d'expert ;
" 2°) alors qu'en ne répondant pas au moyen de nullité subsidiaire tiré de la violation de l'article 230-1 du code de procédure pénale, faute pour les sociétés requises d'avoir prêté serment dans le cadre d'une opération de mise au clair, la chambre de l'instruction a de nouveau privé sa décision de base légale " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que le juge d'instruction a délivré, sur le fondement des articles 100 et suivants du code de procédure pénale, des commissions rogatoires aux fins d'interception de correspondances électroniques cryptées transitant par flux internet entre des boîtiers de téléphones portables ; qu'en exécution de ces délégations, les enquêteurs ont requis la société RIM (Blackberry) aux fins de se voir remettre le contenu non crypté des échanges ; que les enquêteurs ont ensuite requis la société C*Byzance pour mise en forme de ces fichiers transmis par la société RIM décryptés mais codés ;
Attendu qu'en prononçant par les motifs reproduits aux moyens, l'arrêt n'encourt pas les griefs allégués ;
Qu'en effet, les messages instantanés échangés entre plusieurs personnes au moyen d'une liaison sécurisée par un dispositif de cryptage constituent des correspondances par la voie des télécommunications au sens de l'article 100 du code de procédure pénale et sont, comme telles, susceptibles d'être appréhendées sur la décision et sous l'autorité et le contrôle d'un juge ;
Que la réquisition adressée par l'officier de police judiciaire délégataire à la société gestionnaire de ce système aux fins de se faire communiquer les messages en cause est une mesure d'exécution de la commission rogatoire dont il est porteur et n'entre pas dans les prévisions de l'article 100-3 du code précité ;
Qu'enfin, les dispositions de l'article 230-1 du code de procédure pénale ne sont pas applicables dès lors que, d'une part, les messages ont été transmis en clair par la société à l'origine du cryptage, d'autre part, leur mise en forme pour les rendre lisibles en procédure ne nécessitait qu'une simple conversion, ces deux opérations étant également étrangères aux prévisions des articles 156 et suivants du même code ;
D'où il suit que les moyens ne sauraient être accueillis ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles préliminaire, 80, 84, 706-75, 706-77, 706-78, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que la chambre de l'instruction a rejeté le moyen tiré de la nullité de l'ordonnance de dessaisissement au profit de la JIRS ;
" aux motifs qu'à la réception du rapport d'information qu'il a reçu le 7 novembre 2012, le juge d'instruction M. L...l'a communiqué au procureur de la République qui a, le 16 novembre 2012, ouvert une information judiciaire pour laquelle le président du tribunal de grande instance a désigné M. L...; que le 8 mars 2013, le procureur de la République a pris l'initiative de requérir le juge d'instruction de se dessaisir de cette information au motif qu'elle avait pour objet le démantèlement d'un réseau organisé de délinquants et que la complexité des investigations devant être mises en oeuvre justifiait la saisine de la juridiction interrégionale spécialisée de Fort-de-France ; qu'au bas de ce réquisitoire supplétif, le juge d'instruction a, le 8 mars 2013, porté la mention manuscrite : " accord pour dessaisissement au profit d'un magistrat spécialisé JIRS " suivie de sa signature ; que le même jour le président du tribunal de grande instance de Fort-de-France, visant l'article 84, alinéas 1 et 2, du code de procédure pénale, et retenant qu'il convenait, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice d'ordonner le dessaisissement en faveur d'un autre juge d'instruction, a ordonné le dessaisissement en faveur d'un autre juge d'instruction, a ordonné le dessaisissement de M. L...et désigné M. I...pour poursuivre l'information ; que le président du tribunal précisait qu'en l'espèce la bonne administration de la justice tenait à la charge des cabinets de droit commun et à celle des cabinets JIRS ; que M. L...avait la charge d'un cabinet de droit commun, M. I...d'un cabinet comportant des dossiers relevant de la JIRS ; que selon le requérant la procédure ainsi suivie n'aurait pas respecté les dispositions des articles 706-75, 706-77, 706-78 du code de procédure pénale, alors qu'en application du second de ces textes le juge d'instruction saisi devait rendre une ordonnance de dessaisissement, susceptible, en vertu du dernier des textes visés, d'un recours ; que ce moyen procède d'une erreur d'appréciation ; qu'en effet, la procédure de dessaisissement prévue à l'article 706-77 ne vise que le dessaisissement d'un juge d'instruction en fonction dans un tribunal de grande instance dont la compétence n'a pas été étendue par l'article D. 47-13 du code de procédure pénale (" le procureur de la République près un tribunal de grande instance autre que ceux visés à l'article 706-75...) ; que le tribunal de grande instance de Fort-de-France est l'une des huit juridictions dont la compétence territoriale a été étendue pour connaître des infractions commises en matière de criminalité et délinquance organisées ; que M. L..., juge d'instruction d'un tribunal de grande instance à compétence territoriale élargie n'avait donc pas à rendre une ordonnance de dessaisissement qui aurait pu être soumise à la censure de la chambre de l'instruction ; que son dessaisissement, rendu nécessaire par la circonstance que les premières investigations avaient montré que les infractions poursuivies relevaient de la criminalité et de la délinquance organisées, et qu'il n'était pas habilité, en application de l'article 706-75-1, pour instruire des dossiers relevant de la juridiction interrégionale spécialisée, obéissait aux dispositions de l'article 84 ; que certes, le procureur de la République n'a pas demandé directement au président du tribunal le dessaisissement de M. L...au profit d'un juge d'instruction de la juridiction interrégionale spécialisée ; qu'il a requis M. L...de se dessaisir et de transmettre le dossier de l'information au président du tribunal pour que celui-ci désigne un magistrat spécialisé ; que, cependant le juge d'instruction n'a pas rendu d'ordonnance se dessaisissant de son dossier, il a seulement, et à juste titre, exprimé son accord pour être dessaisi au profit d'un magistrat spécialisé ; que le président du tribunal auquel le dossier a ainsi été transmis, sur l'initiative prise par le procureur de la République, a rendu l'ordonnance critiquée qui satisfait en la forme aux conditions essentielles de son existence légale, en faisant une application justifiée de l'article 84 ; que les moyens tendant à l'annulation de l'ordonnance de dessaisissement rendue le 8 mars 2014 sont, dès lors, mal fondés ; qu'il en résulte que l'information judiciaire a été régulièrement instruite par les magistrats qui ont succédé à M. L..., MM. I...et M... ; qu'en indiquant, dans son mémoire transmis le 24 novembre 2014, qu'il entend s'approprier l'ensemble des moyens de fait et de droit, ainsi que les arguments développés à leur soutien, dans les requêtes et mémoires déposés par les avocats des autres mis en examen, et en ne produisant pas les écritures contenant ces moyens et arguments, M. X...ne saisit pas la chambre de l'instruction de moyens auxquels elle soit tenue de répondre ;
" 1°) alors que, tout dessaisissement d'une juridiction d'instruction de droit commun au profit d'une JIRS doit respecter les règles posées par l'article 706-77 du code de procédure pénale et, notamment, faire l'objet d'une ordonnance susceptible de recours ; qu'en interprétant ce texte comme excluant l'applicabilité de ces règles lorsque les réquisitions à fin de dessaisissement émanent du procureur de la République d'un tribunal de grande instance dont la compétence a été étendue en vertu de l'article 706-75 du code de procédure pénale, et en approuvant une décision de dessaisissement au profit de la JIRS rendue par le président du tribunal de grande instance sur le fondement de l'article 84 du code de procédure pénale au seul motif tiré de la bonne administration de la justice, la chambre de l'instruction a manifestement méconnu le sens et la portée de la loi ;
" 2°) alors qu'en tout état de cause, si l'article 706-77 du code de procédure pénale doit être interprété comme excluant l'applicabilité des règles procédurales propres au dessaisissement au profit de la JIRS, et, notamment, celle selon laquelle ce dessaisissement résulte d'une ordonnance susceptible de recours, lorsque les réquisitions émanent du procureur de la République d'un tribunal de grande instance dont la compétence a été étendue en vertu de l'article 706-75 du code de procédure pénale, la question prioritaire de constitutionnalité posée par mémoire distinct et confrontant ces dispositions au principe d'égalité des justiciables et au droit à un recours effectif sera inévitablement renvoyée au Conseil constitutionnel ; que consécutivement à la déclaration d'inconstitutionnalité qui interviendra, l'arrêt attaqué se trouvera privé de base légale ;
" 3°) alors que, à supposer que l'on admette l'applicabilité de l'article 84 du code de procédure pénale à un dessaisissement au profit d'une JIRS, il résulte de cette disposition que le dessaisissement d'un ou plusieurs juges d'instruction au profit d'un ou plusieurs autres juges d'instruction ne peut être décidé par le président du tribunal que sur requête motivée du procureur de la République ; qu'en l'espèce, faute pour le président de la juridiction d'avoir ordonné le dessaisissement sur requête motivée du ministère public, la loi a nécessairement été violée " ;
Attendu que, pour écarter le moyen de nullité pris de l'irrégularité de la procédure de dessaisissement du juge d'instruction initialement désigné, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en cet état, la chambre de l'instruction a fait l'exacte application des textes visés au moyen ;
D'où il suit que le moyen, devenu sans objet en sa deuxième branche en ce que la question prioritaire de constitutionnalité n'a pas été renvoyée au Conseil constitutionnel, ne saurait être accueilli ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 174, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que la chambre de l'instruction s'est bornée à annuler la commission rogatoire d'écoute téléphonique et ses pièces d'exécution ;
" aux motifs que le 19 novembre 2012, jour où il a été désigné par le président du tribunal pour instruire sur les faits nouveaux révélés par le rapport du 7 novembre 2012, le juge d'instruction a, notamment, délivré une commission rogatoire aux fins d'interception des correspondances émises sur la ligne n° 06 96 09 69 48, utilisée par un surnommé K..., ni le nom de K...ni l'identité correspondant à ce surnom (Willy J...) ni le numéro de cette ligne téléphonique ne sont mentionnés dans le rapport d'information qui a motivé l'ouverture de la nouvelle information judiciaire ; que ce faisant le magistrat instructeur a dépassé les limites de sa saisine et la commission rogatoire qui objective ce dépassement et les pièces d'exécution de cette délégation méritent l'annulation (cotes D713 à D723) ; que M. X...ne démontre pas que les pièces annulées sont le support nécessaire d'autres pièces de la procédure ou de parties de ces pièces ; que le procès-verbal du 19 novembre 2012, coté D274, n'a pas été établi à la réception de la commission rogatoire d'interception de la ligne 06 96 09 69 48, mais à la réception d'une commission rogatoire générale qui n'est pas concernée par l'annulation encourue ; qu'il n'y a donc pas lieu à annulation de ce procès-verbal ;
" alors qu'il appartient au juge qui prononce l'annulation d'un acte de la procédure d'étendre les effets de cette annulation aux autres actes et pièces dont il était le support nécessaire ; qu'en l'espèce, la chambre de l'instruction a prononcé la nullité de la commission rogatoire aux fins d'interception de correspondances émises sur la ligne attribuée au surnommé « K...» ; qu'elle ne pouvait, dès lors, se borner à écarter du dossier cette commission rogatoire ainsi que ses pièces d'exécution, lorsqu'il ressort de la requête en nullité que le résultat de ces écoutes se retrouve explicitement en substance dans d'autres procès-verbaux et a permis le placement sur écoute d'autres lignes " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que le juge d'instruction a délivré une commission rogatoire aux fins d'interception des correspondances émises sur une ligne utilisée par un surnommé K...; qu'une requête en annulation de cette écoute, de la totalité de la procédure mais notamment d'un procès-verbal du 19 novembre 2012, a été déposée ;
Attendu que, pour annuler la commission rogatoire d'écoute téléphonique et ses seules pièces d'exécution, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, dès lors, au surplus, que la mise en cause de M. X...et l'identification des PIN des téléphones Blackberry dont les correspondances ont été interceptées résultent d'un procès-verbal du 14 février 2013, la chambre de l'instruction a apprécié sans insuffisance ni contradiction la portée de l'annulation qu'elle a prononcée ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le seize décembre deux mille quinze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.