LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu selon l'arrêt attaqué (Douai, 16 juin 2014) que, le projet de rénovation du centre ville de Beuvrages ayant été déclaré d'utilité publique, la communauté d'agglomération de Valenciennes Métropole (CAVM) a acquis un ensemble immobilier comprenant un local commercial et saisi le juge de l'expropriation en fixation des indemnités revenant à Mme X..., occupant évincé de ce local dans lequel elle exploitait une pharmacie ;
Sur le second moyen :
Vu l'article L 13-20 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
Attendu que, pour dire que la CAVM n'était pas tenue au paiement d'une indemnité d'éviction, l'arrêt retient que Mme X... n'a pas donné suite à sa proposition de deux locaux équivalents ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que le montant du loyer des locaux proposés était quatre fois supérieur à celui du local loué par Mme X..., la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations a violé le texte susvisé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par un arrêt spécialement motivé sur le premier moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande d'indemnité d'éviction formée par Mme X..., l'arrêt rendu le 16 juin 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée ;
Condamne la Communauté d'agglomération de Valenciennes Métropole aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la Communauté d'agglomération de Valenciennes Métropole ; la condamne à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept janvier deux mille seize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour Mme X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté l'exproprié (Mme X..., l'exposante), occupant évincé d'un local commercial, de sa demande en nullité de la procédure d'indemnisation ;
AUX MOTIFS QUE, par courrier du 8 (lire 7) novembre 2011, l'autorité expropriante, après avoir rappelé à Mme X... qu'elle avait manifesté l'intention de se réinstaller dans une officine déjà identifiée, lui avait adressé les deux propositions de transfert suivantes dans des emplacements construits dans le projet du centre-ville : 1° local de 250 m ² sur la nouvelle place de la Paix disponible fin 2011, loyer annuel de 80 euros HT/ m ², hors charges, 2° local de 280 m ² dans la nouvelle rue Gressier, transfert possible courant 2013, loyer annuel de 80 euros HT/ m ² hors charges ; qu'il était précisé que ces locaux se situaient à proximité immédiate de l'actuelle pharmacie de l'expropriée avec une amélioration des conditions de commercialité et d'achalandage ; que la CAVM rappelait que ces propositions s'inscrivaient dans le cadre de l'article L. 314-2 du code de l'urbanisme ; qu'elles portaient sur des locaux équivalents de celui occupé par l'expropriée (arrêt attaqué, p. 7, 1er et 2e attendus) ;
ALORS QUE, avant la fixation définitive des indem-nités d'expropriation, l'autorité expropriante doit préalable-ment faire à l'occupant évincé d'un local à usage d'habitation, professionnel ou mixte, au moins deux propositions de reloge-ment portant sur des locaux satisfaisant à certaines normes et conditions légales ; qu'en l'espèce, pour déclarer recevable la procédure d'indemnisation de l'expropriée évincée de son local commercial, le juge de l'expropriation a retenu que l'autorité expropriante lui avait adressé une proposition de relogement, sans examiner si les locaux concernés, inachevés, satisfaisaient effectivement aux normes et conditions légales ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a entaché sa décision d'un manque de base légale au regard de l'article L. 314-2 du code de l'urbanisme.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté l'exproprié (Mme X..., l'exposante), évincé de son local commercial, de sa demande d'indemnité principale pour perte du droit au bail ;
AUX MOTIFS QUE les propositions de relogement faites par l'autorité expropriante portaient sur des locaux équi-valents situés dans la même agglomération au sens de l'article L. 13-20 du code de l'expropriation, peu important que le prix du loyer fût quatre fois supérieur à celui qui était acquitté par Mme X... dans ses anciens locaux ; que cette dernière ayant choisi elle-même de nouveaux locaux, l'expropriante n'était pas tenue au paiement d'une indemnité d'éviction (arrêt attaqué, p. 7, 2e attendu, p. 8, 2e attendu) ;
ALORS QUE l'expropriant est redevable d'une in-demnité en espèces dès lors qu'il n'offre pas au commerçant évincé un local équivalent situé dans la même agglomération ; qu'en l'espèce, l'arrêt infirmatif attaqué a relevé que les propositions de l'expropriant faite à l'expropriée portaient sur des locaux dont le loyer était quatre fois supérieur à celui acquitté par cette dernière dans le local exproprié ; qu'en retenant cependant que l'expropriant avait proposé des locaux équivalents, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article L. 13-20 du code de l'expropriation ;
ALORS QUE, en outre, l'expropriée rappelait (v. son mémoire du 21 mars 2014, p. 15, 5e et 7e alinéas, prod.) que la proposition faite le 7 novembre 2011 par l'autorité expro-priante portait sur un local « non achevé » et « non visitable en l'état », livré « semi-fini », et sur un autre, « fantôme », « non visitable et même non visible sur les plans », livré « semi-fini » en « 2013 », ajoutant que le plan annexé à ladite proposition était « particulièrement sommaire », dépourvu de « descriptif détaillé » et d'« information sur les possibilités d'aménagement » ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions faisant valoir que la proposition litigieuse était trop imprécise pour permettre d'apprécier le caractère équivalent des locaux proposés, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.