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13/01/2016 | FRANCE | N°14-17611

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 13 janvier 2016, 14-17611


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'engagée le 1er septembre 1972 en qualité de clerc aux procédures par M. X... exerçant la profession d'huissier de justice, aux droits duquel vient la société Y..., Z... et A..., Mme Y... a été en arrêt de travail pour maladie depuis le 9 mars 2009 ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale le 6 janvier 2010 d'une demande en résiliation de son contrat de travail et a fait l'objet d'un licenciement pour inaptitude professionnelle le 10 mai 2012 ;
Sur le second moyen :
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tendu que la salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa deman...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'engagée le 1er septembre 1972 en qualité de clerc aux procédures par M. X... exerçant la profession d'huissier de justice, aux droits duquel vient la société Y..., Z... et A..., Mme Y... a été en arrêt de travail pour maladie depuis le 9 mars 2009 ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale le 6 janvier 2010 d'une demande en résiliation de son contrat de travail et a fait l'objet d'un licenciement pour inaptitude professionnelle le 10 mai 2012 ;
Sur le second moyen :
Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande en paiement d'un solde de congés payés, alors, selon le moyen, que toute décision de justice doit être motivée ; qu'en déboutant la salariée de sa demande sans en expliquer le motif, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu que le moyen qui, sous le couvert du grief de violation de l'article 455 du code de procédure civile, critique une omission de statuer sur un chef de demande pouvant être réparée dans les conditions prévues à l'article 463 du code de procédure civile, est irrecevable ;
Mais sur le premier moyen :
Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
Attendu qu'en application de ces textes, lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;
Attendu que pour rejeter les demandes tendant à dire que la salariée a été victime de harcèlement moral, en résiliation de son contrat de travail et en nullité de son licenciement, l'arrêt retient que les faits matériellement établis par la salariée sont justifiés par la mise en oeuvre d'une modernisation de l'entreprise, indispensable notamment dans le domaine informatique, et d'une réorganisation du travail de l'ensemble du personnel, relevant du pouvoir de direction de l'employeur, et que cette réorganisation menée par deux jeunes associés était apparemment mal vécue par des salariés en place depuis longtemps et, pour ce qui concerne l'intéressée, par une salariée très impliquée dans la vie de l'étude, compte tenu de son ancienneté, de sa compétence et de ses liens familiaux avec l'un des huissiers ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans justifier en quoi les comportements humiliants ou les propos désobligeants tenus à l'égard de la salariée dont elle ne constatait pas s'ils étaient ou non établis ou le fait de lui interdire de se rendre comme par le passé à des soins hospitaliers, fait sans rapport avec la modernisation de l'étude, étaient étrangers à tout harcèlement moral, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a rejeté la demande en paiement d'un rappel au titre du treizième mois de février 2009 à février 2012, l'arrêt rendu le 18 mars 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la SCP Y...- Z...- A... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la SCP Y...- Z...- A... et condamne celle-ci à payer à Mme Y... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize janvier deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour Mme Y...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que Mme Y... n'a pas été victime de harcèlement, et de l'avoir en conséquence déboutée de sa demande tendant à la résiliation de son contrat de travail, et à la constatation de la nullité du licenciement ensuite prononcé, et au paiement des indemnités de préavis et congés payés afférents, solde d'indemnité conventionnelle de licenciement, dommages et intérêts,
AUX MOTIFS PROPRES QUE Madame Y... reproche aux deux associés de l'Etude, Maître Z... et A... :- un comportement humiliant et dévalorisant constitué par des remarques désobligeantes (" il y a des coups de pied aux fesses qui se perdent ", " avez-vous été sage ") attestant d'un défaut de considération inacceptable compte tenu de son ancienneté et de son âge ; des mauvais traitements et mesures de rétorsion en multipliant des pratiques persécutrices témoignant d'un acharnement dirigé spécialement contre elle comme la suppression de la pause cigarette, le changement d'horaire de travail, le refus d'autorisation d'absence pour se rendre à l'hôpital pour un traitement, une attitude de défiance à son encontre ; une impossibilité d'exécuter son travail et le non-respect de son contrat par le refus de lui fournir une imprimante en état de marche, une réorganisation de l'étude affectant son travail sans concertation préalable, une attribution de tâches sans rapport avec ses fonctions, son coefficient et sa qualification, une surcharge de travail, des pressions incessantes et une attitude systématiquement critique, une suppression illégale du ! 3èmemois ; une dégradation progressive de son état de santé ; Elle produit notamment des courriers échangés avec son employeur, des attestations d'anciens collègues, de membres de sa famille et d'amis et des certificats médicaux. Elle établit ainsi l'existence matérielle de faits précis et concordants qui, pris dans leur ensemble permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral à son encontre. L'employeur fait valoir : que les propos rapportés à supposer même qu'ils aient été tenus et se soient adressés à la salariée sont anodins et en tous cas plus corrects et mesurés que ceux adressés par cette dernière à rencontre d'un associé (" vous m'emmerdez "), que la suppression de la pause cigarette en milieu de matinée justifiée par les heures d'ouverture d'accueil du public et des raisons de sécurité concernait l'ensemble des salariés tout comme la modification dés horaires de travail, que les déplacements pour consultation médicale intervenant pendant le temps de travail et au demeurant sans justificatifs sont susceptibles d'engager la responsabilité de l'employeur, que tous les collaborateurs, salariés ou associés, impriment depuis 2003 sur des imprimantes réseau et multifonction réseau, que la réorganisation de l'étude a été décidée au cours d'une réunion des trois associés, que le clerc principal participait à la tâche importante de la gestion du répertoire des actes détachés qui a été retirée à Madame Y... en 2008 devant son refus persistant de l'accomplir, que la suppression du 13èmc mois a concerné l'ensemble du personnel, que les menaces et pressions de Maître Z... à l'occasion de discussions sur un éventuel départ " je ne peux plus attendre des mois, sinon je vais agir autrement " ne sont pas démontrées, que l'existence d'une surcharge de travail est en contradiction avec la faiblesse des actes réalisés par Madame Y... par rapport à ses collègues ; que la dépression de Madame Y... est vraisemblablement liée au décès ; de sa mère dont elle était très proche et que l'étude a fait ses meilleurs efforts pour la reclasser dans de bonnes conditions suite à l'avis d'inaptitude de médecin de travail. Il produit notamment les horaires du personnel, des attestations d'anciens salariés et de salariés en poste, des données statistiques et informatiques. Il démontre que les faits matériellement établis par l'appelante sont justifiés par la mise en oeuvre d'une modernisation de l'entreprise, indispensable notamment dans le domaine informatique, d'une réorganisation du travail de l'ensemble du personnel, relevant du pouvoir de direction de l'employeur, apparemment mal vécue-parce que menée par deux jeunes associés peut-être de façon un peu trop rapide et autoritaire-, par des salariés en place depuis longtemps et, pour ce qui concerne Madame Y..., par une salariée très impliquée compte tenu de son ancienneté, de sa compétence et de ses liens avec l'un des huissiers, dans la vie de l'étude et, par conséquent, par des éléments objectifs à tout harcèlement. Il convient donc de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté Madame Y... de sa demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail pour faits de harcèlement moral et de rejeter la demande en nullité de son licenciement formée par cette dernière en cause d'appel.
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE qu'il est constant que Maître Y... s'est adjoint au sein de la société civile professionnelle, dénommée ci-après pour la facilité du texte « la S. C. P », Maître Z... pour 30 % des parts de celle-ci en juillet 2003 et Maître A... pour 20 % des parts de celle-ci, en octobre 2006, cette dernière antérieurement salariée de la S. C. P. depuis 2005 ; qu'il est établi que la S. C. P. compte en permanence huit employés ; que l'article 1152-1 du Code du Travail suppose une dégradation des conditions de travail pour le salarié harcelé ; que les impératifs généraux de modernisation, permanents ou non, des outils servant à la réalisation des produits, comme de la gestion de toute entreprise et s'appliquant à tous les employés, ne doivent pas être confondus avec des mesures de harcèlement individuel ; que la demanderesse reproche notamment aux associés de la S. C. P. la suppression du treizième mois, celle de la pause cigarette, ainsi que le changement d'horaire du temps de travail ; que la demanderesse reproche, comme une autre preuve de son harcèlement, le non renouvellement de l'imprimante attachée à son bureau ; qu'il apparaît des pièces produites par la défenderesse, non contestées par la demanderesse, que depuis 2003, l'étude s'est dotée d'un système d'impression des documents en « réseau » permettant à tout le personnel d'imprimer sur les imprimantes réseau et multifonction réseau installées dans les locaux ; que les décisions modificatives, telles que celles évoquées ci-dessus, accompagnées, lorsque nécessaire, de délais suffisants conformément aux dispositions légales et s'appliquant à l'ensemble du personnel, ressortent du pouvoir de direction et d'organisation de l'employeur ; qu'il en est de même de la décision des associés appliquée à l'ensemble du personnel, comme de signer dorénavant tous les courriers sortant de l'étude ; qu'en 2007, une augmentation réglementaire des tarifs des Huissiers de Justice est intervenue, ce qui n'est pas contesté par la demanderesse ; que la demanderesse a reçu, avec une affectation du coefficient 333, une augmentation de salaire en janvier 2005, celui-ci passant de 1. 958, 40 ¿ à 2. 154, 75 ¿ et qu'elle a été nommée en conséquence « Clerc aux procédures » ; que ces avantages sont réservés aux titulaires du certificat de qualification correspondant, ce qui n'est pas le cas de la demanderesse selon la défenderesse ; que la demanderesse n'a pas contredit, dans ses écritures comme à l'audience, cette déclaration ; que la demanderesse a reçu un avertissement daté du 23 février 2007 ; que l'Inspection du Travail, saisie par lettre de la demanderesse, a répondu à cette dernière par lettre du 2 novembre 2007 en lui rappelant les principes de l'article du Code du Travail de l'époque, L. 121-1 devenu pour l'essentiel l'article L. 1221-1, dans la refonte du Code du Travail ; qu'il n'est pas contredit par la demanderesse que la défenderesse n'a pas reçu d'autre courrier de l'Inspection du Travail à la suite de la lettre que lui a adressée la demanderesse ; qu'il convient simplement de noter que tout début mars, une tentative de rupture conventionnelle du contrat de travail à l'initiative de la demanderesse est intervenue, qu'elle n'a pas abouti en raison d'un désaccord sur le montant de l'indemnité demandée ; que la demanderesse est en arrêt maladie depuis le 9 mars 2009 ; qu'il est également patent que le dernier, et consécutif, arrêt maladie, en date du 28 juillet 2010, indique « un état dépressif majeur réactionnel » ; que la saisine du Conseil des Prud'hommes est du 10 janvier 2010 ; que le Conseil ne peut que constater que la demanderesse n'apporte, au soutien de ses demandes, aucune preuve, élément ou document probants ou suffisamment convaincants conformément aux dispositions des articles précités du Code de Procédure Civile, ainsi qu'à rencontre des arguments et pièces produites par la défenderesse ; qu'ainsi, le non respect de l'obligation de sécurité et de résultat invoquée aux termes de l'article 1184 du Code Civil n'est pas constitué ; qu'en conséquence de ce qui précède, le Conseil considère que la demanderesse est mal fondée en ses demandes, elle en est déboutée de tous ses chefs, en ce compris celle de résiliation judiciaire du contrat de travail, comme celle d'indemnité au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
ALORS QU'aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que saisi d'une demande tendant à voir constater l'existence d'un harcèlement moral, ayant eu pour objet ou pour effet de compromettre l'avenir professionnel d'un salarié, le juge doit se prononcer sur l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, afin de dire s'ils laissaient présumer, pris dans leur ensemble, l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, apprécier les éléments de preuve fournis par l'employeur pour démontrer que les mesures en cause étaient étrangères à tout harcèlement moral et étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;
QUE la Cour d'appel qui a constaté que les faits invoqués par Mme Y... étaient établis et de nature à faire présumer l'existence d'un harcèlement moral ; mais que les mesures invoquées, si elles étaient justifiées par la mise en oeuvre d'une modernisation de l'entreprise, relevant du pouvoir de direction de l'employeur, avaient été menées peut-être de façon un peu trop rapide et autoritaire, et avaient été mal vécues par la salariée, très impliquée compte tenu de son ancienneté, sa compétence et ses liens avec un des huissiers, dans la vie de l'étude ; qu'en affirmant que même mises en oeuvre dans ces conditions, ces mesures étaient étrangères à tout harcèlement, la Cour d'appel n'a pas tiré de ses constatations les conséquences qui s'en déduisaient nécessairement au regard de l'article L. 1154-1 du code du travail ;
ALORS AUSSI QUE Mme Y... faisait aussi valoir que, sans motif, elle a avait été victime d'un comportement humiliant, par des remarques désobligeantes ; qu'une telle attitude ne peut être justifiée par la modernisation de l'entreprise ; qu'en ne justifiant pas en quoi ces faits étaient étrangers à tout harcèlement, la Cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1154-1 du code du travail ;
ET ALORS ENCORE QUE Mme Y... rappelait qu'il lui avait été opposé des refus d'autorisations d'absence pour se rendre à l'hôpital pour un traitement nécessaire à sa santé ; qu'en ne justifiant pas en quoi ce refus, étranger à la modernisation de l'entreprise, étaient étranger à tout harcèlement, la Cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1154-1 du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Mme Y... de ses demandes tendant au paiement d'un solde de congés payés
SANS AUCUN MOTIF
ALORS QUE toute décision de justice doit être motivée ; qu'en déboutant Mme Y... de sa demande sans en expliquer le motif, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14-17611
Date de la décision : 13/01/2016
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 18 mars 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 13 jan. 2016, pourvoi n°14-17611


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvet (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Lesourd, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:14.17611
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