LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., engagée par la société Air Caraïbes en 1986, et exerçant depuis 2004 les fonctions de responsable recouvrement contentieux, a été élue conseiller municipal de la commune des Abymes en mars 2008, et s'est vu confier les fonctions d'adjoint au maire chargé de l'état civil ; qu'après entretien préalable du 20 septembre 2011, elle a été licenciée le 27 septembre suivant ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de réintégration et de demandes indemnitaires ;
Sur le moyen unique, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branche :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces branches du moyen annexé qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles L. 2123-2 et L. 2123-8 du code général des collectivités territoriales ;
Attendu que pour dire le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, et rejeter les demandes de la salariée, l'arrêt retient qu'elle bénéficie d'un crédit d'heures forfaitaire et trimestriel équivalent à quatre fois la durée hebdomadaire légale du travail, qu'elle s'est absentée le 1er septembre 2011 en indiquant qu'elle devait se rendre chez le médecin, que des salariés l'ont aperçue ce jour là à la mairie en tenue de cérémonie, que le motif essentiel de la décision de l'employeur n'est pas tant d'avoir célébré un mariage le 1er septembre que d'avoir multiplié les absences inopinées et non justifiées, en ne mettant pas l'employeur en mesure de contrôler exactement le temps de travail effectué, qu'il apparaît que, mis à part les absences pour maladie et les RTT, Mme
X...
signalait ses absences le jour même, sans précision de motif les 12 janvier, 25 mars, 18 mai, 24 mai, 22 juin et 1er juillet, et que sont mises en évidence des carences de la salariée dans l'exécution de ses missions, trouvant en partie leur cause dans ses absences inopinées et non justifiées, révélant un manque d'assiduité et de suivi des dossiers ;
Attendu cependant qu'aucun licenciement d'un conseiller municipal ou d'un adjoint ne peut être prononcé en raison des absences résultant de sa participation aux séances du conseil ou aux réunions de commissions, ou de l'utilisation du crédit d'heures dont il bénéficie pour l'administration de la commune ;
Qu'en statuant comme elle a fait, alors qu'il résultait de ses constatations l'existence d'un lien entre les absences de la salariée dues à l'exercice de sa mission d'élue et le licenciement, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 31 mars 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Basse-Terre ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Fort-de-France ;
Condamne la société Air Caraïbes aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Air Caraïbes à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par Mme Lambremon, conseiller le plus ancien en ayant délibéré, conformément aux dispositions de l'article 456 du code de procédure civile, en l'audience publique du vingt-cinq janvier deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour Mme
X...
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Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué, considérant que son licenciement est justifié, D'AVOIR DEBOUTE Mme
X...
de l'intégralité de ses demandes ;
AUX MOTIFS QUE selon les dispositions de l'article L. 2123-1 du code du travail, l'employeur est tenu de laisser à tout salarié de son entreprise, membre d'un conseil municipal, le temps nécessaire pour se rendre et participer aux séances plénières de ce conseil, aux réunions de commissions dont il est membre et aux réunions des assemblées délibérantes ; que l'article L. 2123-2 du même code dispose que indépendamment des autorisations d'absence dont bénéficie dans les conditions prévues par l'article L. 2123-1, le salarié élu conseiller municipal, celui-ci a droit à un crédit d'heures lui permettant de disposer du temps nécessaire à l'administration de la commune ou de l'organisme auprès duquel il la représente et à la préparation, des réunions des Instances où il siège ; que l'article R. 2123-3 précise qu'afin de bénéficier du crédit d'heures prévu à l'article L. 2123-2, l'élu membre d'un conseil municipal informe son employeur par écrit trois jours au moins avant son absence en précisant la date et la durée de l'absence envisagée ainsi que la durée du crédit d'heures à laquelle il a encore droit au titre du trimestre en cours ; que la commune des Abymes ayant plus de 30. 000 habitants, Mme
X...
bénéficiait d'un crédit d'heures forfaitaire et trimestriel équivalent à quatre fois la durée hebdomadaire légale du travail ; il résulte de l'examen des pièces versées aux débats que par e-mail du 31 août 2011 à 20 heures 58, le responsable administratif et financier de la Société AIR CARAÏBES sollicitait Mme X... afin que celle-ci lui fournisse copie des dernières relances avec accusé de réception concernant certains clients, et précise les autres actions menées en vue du recouvrement ; il est également demandé à Mme
X...
ses remarques sur les nouveaux clients passés " en douteux " au 30 juin 2011 et sur les autres clients du compte 416000 ; le lendemain matin, jeudi 1er septembre 2011à 9 heures 31, Mme
X...
fait savoir par e-mail au responsable administratif et financier qu'elle se penchera sur sa demande dès le lendemain, indiquant qu'elle devait se rendre chez le médecin le jour même car elle n'allait pas bien ; il résulte des attestations établies par Mme Jacqueline A..., responsable administratif et financier, et M. Marcel D..., directeur des ressources humaines, que ceux-ci se sont rendus le jeudi 1er septembre 2011 au matin, à la mairie de la commune des Abymes, et ont constaté qu'à 11h40 ils avaient aperçu Mme
X...
en tenue de cérémonie, celle-ci les informant qu'un mariage serait célébré aux environs de 12 heures ; la cour constate que Mme
X...
à aucun moment, n'a justifié avoir consulté un médecin le jeudi 1er septembre 2011au matin ; que cette absence de Mme
X...
, non médicalement justifiée, et n'ayant fait l'objet d'aucune information préalable par le salarié à l'égard de son employeur, comme le prévoit l'article R. 2123-2 du code général des collectivités territoriales, s'inscrit dans un ensemble d'absences répétées et non justifiées de l'intéressée ; Mme
X...
a prétendu lors de l'entretien préalable, comme en atteste le procès-verbal signé par elle et par le conseiller qui l'a assistée que si le jeudi 1er septembre 2011, elle a bien célébré en sa qualité d'adjointe au maire des Abymes, un mariage, qui était programmé à heures, elle aurait officié à 12h30, soit en dehors des heures de travail ; toutefois il ressort dudit procès-verbal que Mme
X...
est en charge, au sein de la municipalité des Abymes, de la planification des officiers d'état civil célébrant les mariages ; or il ressort de l'attestation de M. Eugene, chef de service à la mairie des Abymes, et du listing des mariages qu'il a fourni que Mme
X...
avait célébré tous les mariages figurant sur cette liste, dont celui du 1er septembre 2011, fixé à 11h, Mme X... se gardant de préciser quel était I'officier d'état civil défaillant qu'elle avait remplacé ce jour-là ; quoiqu'il en soit, il ressort de la lettre de licenciement que le motif essentiel de la décision de l'employeur n'est pas tant d'avoir célébré un mariage le 1er septembre, mais d'avoir multiplié les absences inopinées et non justifiées, en ne mettant pas l'employeur en mesure de contrôler exactement le temps de travail effectué, l'employeur relevant par ailleurs des carences dans l'exécution des missions confiées à Mme
X...
; ainsi, selon les courriels versés aux débats il apparaît que mises à part les absences pour maladie les RTT, Mme
X...
signalait ses absences le jour même, sans précision de motif les 12 janvier, 25 mars, 18 mai, 24 mai, 22 juin, 1er juillet ; que ces absences inopinées étaient récurrentes, Mme X... ayant déjà reçu des observations à ce sujet, comme le montrent les courriels des 29 et 30 octobre 2008 par lesquels il est reproché à Mme X... de ne pas se présenter à une réunion des cadres du service à laquelle elle était convoquée, n'ayant ni prévenu ni fourni de justificatif à son supérieur hiérarchique ; les conséquences des absences et donc du manque d'assiduité de Mme X... dans l'exécution des tâches qui lui sont confiées, ont fait l'objet d'une lettre de recadrage en date du 5 novembre 2009 de la part de son supérieur hiérarchique et du directeur des ressources humaines ; dans cette, lettre il est rappelé qu'un entretien s'est tenu le 30 septembre 2009 faisant suite à de nombreuses remarques adressées à la salariée par ses responsables, et ayant pour finalité de régler les dysfonctionnements de son service ; il lui était déjà à l'époque reproché de n'avoir réalisé que de manière parcellaire, les reportings réguliers qui lui avaient été demandés ; il était également relevé une méconnaissance globale de ses dossiers, l'intéressée étant incapable de préciser le nombre de créances en cours, ni le volume total d'affaires en cours non recouvrées, ni la créance la plus ancienne ; dans la lettre de licenciement il est repris les carences de Mme X... dans l'exécution de son travail, l'employeur citant le fait que des créances clients non recouvrées depuis 2009, soit depuis deux ans, n'avaient donné lieu à aucune procédure de recouvrement ; ces constatations de l'employeur sont corroborées d'une part par le listing du compte de chèques impayés, qui fait apparaître les chèques impayés en 2008, 2009 et 2010, avec très peu de recouvrement pendant ces périodes, puis à partir de décembre 2011 des recouvrements beaucoup plus nombreux, époque à partir de laquelle Mme
X...
a été remplacée ; il en est de même de l'examen des fiches de comptes débiteurs (pièces 9A de l'appelante, dites " visualisation de Iettrages "), lesquelles font apparaître qu'en 2012) de nombreuses créances remontant à 2008, 2009, 2010 et courant 2011, ont été recouvrées, à la suite du remplacement de Mme
X...
; ces constatations mettent en évidence les carences de Mme X... dans l'exécution de ses missions en tant que responsable du service contentieux clients, ces carences trouvant en partie leur cause dans les absences inopinées et non justifiées de l'intéressée, révélant un manque d'assiduité et de suivi des dossiers ; ces carences, qui ont été dénoncées depuis 2009 par la hiérarchie de Mme
X...
, laquelle n'y a pas remédié, justifient le licenciement prononcé ; certes Mme
X...
disposait d'un crédit-d'heures de 140 heures par trimestre à consacrer l'activité de la municipalité des Abymes, mais manifestement les constatations qui précèdent révèlent un manque de suivi des dossiers de recouvrement, une passivité dans l'exercice des voies de recouvrement étant caractérisée, voire un certain dilettantisme, et ce sur plusieurs années ;
1°) ALORS QU'en vertu de l'article L. 2123-8 du code général des collectivités territoriales, aucun licenciement, aucune sanction disciplinaire ne peuvent être prononcés en raison ¿ directement ou indirectement-des absences résultant de l'application des dispositions des articles L. 2123-1, L. 2123-2 et L. 2123-4 du code général des collectivités territoriales sous peine de nullité et de dommages-intérêts au profit de l'élu, la réintégration ou le reclassement dans l'emploi étant de droit ; que la cour d'appel a constaté que l'absence du 1er septembre 2011 avait pour cause la célébration d'un mariage, et relevé que les nombreuses absences de la salariée-hors absences pour maladie et RTT-avaient entraîné un manque d'assiduité et de suivi des dossiers caractérisant les carences reprochées par l'employeur ; qu'il résultait de ces constatations un lien manifeste entre les absences de Mme
X...
dues à l'exercice de sa mission d'élue, et les motifs du licenciement ; qu'en jugeant néanmoins que ce licenciement était justifié, la cour d'appel a violé l'article L. 2123-8 du code général des collectivités territoriales ;
2°) ALORS QUE le juge ne peut se fonder sur des faits postérieurs au licenciement pour retenir l'existence d'une cause réelle et sérieuse de licenciement ; que la cour d'appel, pour juger que les carences reprochées par l'employeur étaient établies, s'est référée aux performances professionnelles réalisées après le licenciement de Mme
X...
par le salarié l'ayant remplacée ; qu'elle a ainsi violé l'article L. 1232-1 du code du travail ;
3°) ALORS QUE si l'employeur a le pouvoir de contrôler et de surveiller l'activité de son personnel pendant le temps de travail, il ne peut mettre en oeuvre un dispositif de surveillance déloyal ; qu'en se fondant, pour considérer comme fautif le comportement de la salariée le 1er septembre 2011, sur les attestations de deux cadres de l'entreprise venus à l'improviste dans les locaux de la mairie où elle exerce des fonctions d'élu, dans le but de contrôler si elle s'y trouvait, la cour d'appel a violé l'article 9 du Code de procédure civile ;
4°) ALORS QUE le juge est tenu de procéder aux constatations de fait nécessaires à la justification de sa décision ; qu'il résulte de divers éléments de la procédure - conclusions de la salariée devant la cour d'appel, attestations des supérieurs hiérarchiques Mme A... et M.
D...
, certificat médical du 1er septembre 2011 : production - qu'un certificat médical selon lequel Mme
X...
avait consulté en urgence le 1er septembre 2011, certificat qui avait été remis l'après-midi même à Mme A..., a été versé aux débats comme pièce n° 6 par la salariée ; qu'en se bornant à énoncer que celle-ci à aucun moment, n'avait justifié avoir consulté un médecin le jeudi 1er septembre au matin, sans s'expliquer sur les pièces, diverses, établissant le contraire, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article L. 1232-1 du code du travail.