LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 16, alinéa 2, du code de procédure civile ;
Attendu, selon ce texte, que le juge ne peut retenir dans sa décision les moyens, les explications et les documents invoqués ou fournis par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a assigné M. Y... en divorce sur le fondement de l'article 242 du code civil et que celui-ci a formé une demande reconventionnelle aux mêmes fins ;
Attendu qu'il n'apparaît ni des mentions de l'arrêt ni du bordereau de communication de pièces, que la décision du tribunal correctionnel relaxant M. Y... pour menaces et harcèlements sur laquelle la cour d'appel s'est fondée pour prononcer le divorce, non visée dans les conclusions des parties échangées avant l'ordonnance de clôture, ait été l'objet d'un débat contradictoire ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 décembre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept janvier deux mille seize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, avocat aux Conseils, pour Mme X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir prononcé le divorce des époux Y... à leurs torts partagés ;
AUX MOTIFS QUE Mme X... a déposé plainte à l'encontre de M. Y... pour menaces et harcèlement ; que l'enquête diligentée par les services de police à la suite de cette plainte, qui a conduit au placement en garde à vue de M. Y..., a révélé que celui-ci, gardien de la paix, était rentré à huit reprises à son domicile en novembre 2009 avec son arme de service ; que la plainte déposée par Madame X... a été classée sans suite ; que sur citation délivrée à la requête de Madame X... devant le tribunal correctionnel, M. Y... a été relaxé ; que si Madame X... a été relaxée des fins de la poursuite pour dénonciation calomnieuse par le tribunal correctionnel de Paris le 6 novembre 2012 au motif qu'elle ne pouvait être considérée comme ayant agi de mauvaise foi, il n'en demeure pas moins que la légèreté de son attitude aurait pu entraîner pour Monsieur Y... de graves conséquences, compte tenu de sa profession ; que Madame X..., qui ne pouvait ignorer que son dépôt de plainte porterait immanquablement un grave préjudice à son époux, a fait preuve en la circonstance d'une attitude de dénigrement de son conjoint constituant une violation grave des obligations du mariage ;
1°) ALORS QUE le juge ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement ; qu'en se fondant, pour juger qu'en portant plainte à l'encontre de son époux pour menaces et harcèlement, Mme X... avait fait preuve, à l'égard de celui-ci, d'une attitude de dénigrement constitutive d'une violation grave des obligations du mariage, sur la circonstance que le tribunal correctionnel avait relaxé M. Y... des fins de la poursuite exercée contre lui à la requête de son épouse, quand il n'apparaît ni des mentions de l'arrêt, ni du bordereau de communication des pièces, ni des conclusions des parties que l'existence d'un jugement de relaxe au profit de M. Y... ait été l'objet d'un débat contradictoire, la cour d'appel, a méconnu le principe du contradictoire et violé ainsi l'article 16 du code de procédure civile.
2°) ALORS en tout état de cause QUE selon l'article 226-10 du code pénal, ce n'est que lorsqu'elle est devenue définitive que la décision de relaxe implique nécessairement la fausseté du fait dénoncé ; qu'en se fondant, pour juger qu'en portant plainte à l'encontre de son époux, Mme X... avait fait preuve, à l'égard de celui-ci, d'une attitude de dénigrement constitutive d'une violation grave des obligations du mariage, sur la circonstance que le tribunal correctionnel avait relaxé M. Y... des fins de la poursuite exercée contre lui, sans constater que ce jugement de relaxe aurait été définitif, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 226-10 du code pénal.
3°) ALORS en toute hypothèse QUE les décisions de la juridiction pénale ont, au civil, autorité de chose jugée à l'égard de tous et il n'est pas permis au juge civil de méconnaître ce qui a été jugé par le tribunal répressif ; qu'en jugeant qu'en portant plainte à l'encontre de son époux, Mme X... avait fait preuve, à l'égard de celui-ci, d'une attitude de dénigrement constitutive d'une violation grave des obligations du mariage, tout en constatant qu'elle avait été relaxée des fins de la poursuite exercée contre elle du chef de dénonciation calomnieuse au motif qu'elle ne pouvait être considérée comme ayant agi de mauvaise foi, ce qui excluait que sa plainte puisse être qualifiée de fautive au sens de l'article 242 du code civil, la cour d'appel a violé l'article 1351 du code civil.
4°) ALORS en tout état de cause QUE Mme X... faisait valoir dans ses conclusions d'appel (p. 15) que le jugement qui l'avait relaxée des fins de la poursuite exercée contre elle du chef de dénonciation calomnieuse avait relevé qu'elle avait « pu estimer que de tels faits légitimaient l'exercice de son droit de porter plainte », mais aussi que M. Y... « pourrait être poursuivi, d'une part, pour tentative de chantage en ayant, par son courriel du 5 juillet 2010, tenté d'obtenir la signature en menaçant de révéler des faits secrets auprès de l'employeur de Mélanie X... et, d'autre part, pour violences volontaires pour son comportement entre 2008 et décembre 2009 à l'égard » ; qu'en jugeant fautive la plainte que Mme X... avait déposée à l'encontre de son époux sans répondre à ces conclusions de nature à démontrer le contraire, la cour d'appel a violé l'article 455 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que M. Y... pourrait revendiquer une créance de 29.715,07 euros à l'encontre de Mme X... lors des opérations de liquidation ;
AUX MOTIFS QUE M. Y... a vendu au cours de l'année 2008, avant le mariage, un bien immobilier situé à Paris 15ème, et encaissé une partie des fonds provenant de cette vente sur un compte épargne ouvert au nom de M. Y... et Mlle X..., soit un montant de 59.430,13 ¿ ; que cette somme a été placée sur un compte épargne sans jamais être dépensée par les concubins pour faire face aux dépenses de la vie commune, mais la quasi-totalité a été utilisée pour l'achat de l'appartement commun des époux ; que si la somme versée par un concubin sur un compte joint peut réaliser valablement un don manuel, il existe un enrichissement sans cause dès lors que le paiement excède l'entraide normale entre concubins, qu'il n'a pas été dicté par une intention libérale ou n'a pas sa contrepartie dans des avantages tirés du concubinage ; qu'en l'espèce, la preuve d'une intention libérale de M. Y... lors du dépôt de la somme de 59.430,13 ¿ sur le compte d'épargne joint n'est pas rapportée, aucune des pièces versées aux débats par Mme X... ne caractérisant une telle intention, les écrits émanant de M. Y... n'étaient ni précis, ni circonstanciés sur ce point ; que compte tenu de la situation économique et financière de M. Y..., qui bénéficiait de revenus modestes et ne disposait d'aucune liquidité ou valeur de placement, il existe une disproportion entre la dépense faite et ses facultés contributives empêchant d'assimiler le versement de cette somme sur le compte joint à une participation aux charges de la vie courante étant relevé qu'il disposait néanmoins d'un salaire de 1.900 ¿ lui permettant par ailleurs de contribuer normalement aux charges de la vie courante ; que M. Y..., en créditant le compte épargne joint, s'est manifestement appauvri ; que corrélativement, la communauté s'est enrichie de cette même somme qui a été utilisée pour l'acquisition d'un bien commun ; qu'au regard de la situation financière de M. Y..., et en l'absence de tout document démontrant l'existence d'une intention libérale, il y a lieu de considérer, comme l'a fait le premier juge, que M. Y... pourra revendiquer une créance de 29.715,07 ¿ à l'encontre de Madame X... lors des opérations de liquidation ;
1°) ALORS QUE la preuve de l'absence d'intention libérale incombe à celui qui exerce l'action en enrichissement sans cause ; qu'en se fondant, pour dire que M. Y... pourrait revendiquer une créance de 29.715,07 euros à l'encontre de Mme X... lors des opérations de liquidation à raison de la somme de 59.430,13 ¿ qu'il avait déposée sur le compte d'épargne ouvert à leurs deux noms avant le mariage sur la circonstance que la preuve de l'intention libérale de M. Y... n'était pas rapportée par Mme X..., la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé ainsi l'article 1315 du code civil et les principes qui régissent l'enrichissement sans cause.
2°) ALORS en tout état de cause QUE la communauté doit récompense à l'époux propriétaire toutes les fois qu'elle a tiré profit de biens propres ; qu'en retenant que M. Y... disposait d'une créance à l'encontre de Mme X... à raison de la somme qu'il avait déposée, avant le mariage, sur le compte d'épargne ouvert à leurs deux noms, tout en constatant que cette somme « n'avait jamais été dépensée par les concubins pour faire face aux dépenses de la vie commune » et n'avait été utilisée qu'après le mariage, la quasi-totalité de cette somme ayant été « utilisée pour l'achat de l'appartement commun des époux », ce dont il résultait que c'était la communauté qui avait profité de cette somme, et non Mme X... au cours de la période de concubinage ayant précédé le mariage, la cour d'appel a violé les articles 1433 et 1371 du code civil.