LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen relevé d'office après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile :
Vu l'article 12 du code de procédure civile, ensemble l'accord du 29 mars 1990 fixant les conditions d'une garantie d'emploi et de la continuité du contrat de travail du personnel en cas de changement de prestataire alors applicable et la convention collective des entreprises de propreté et services associés du 26 juillet 2011 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée le 1er septembre 2003 en qualité de chef d'équipe par la société de Nettoyage de l'Ostrevant ; qu'à la suite de la perte d'un marché, le contrat de travail de la salariée a été transféré le 1er juillet 2010 à la société TFN propreté Nord et Est ; que la salariée, qui était déléguée du personnel, mandat dont elle a démissionné le 30 juin 2010, et membre du comité d'entreprise, a été licenciée pour faute grave le 28 octobre 2010, sans que la société ait sollicité d'autorisation administrative de licenciement ;
Attendu que pour déclarer nul le licenciement et condamner l'employeur au paiement de diverses sommes, l'arrêt retient que l'employeur ne justifie nullement de l'accomplissement des formalités mises à sa charge par l'article 7 de la convention collective des entreprises de propreté du 26 juillet 2011 ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la convention collective des entreprises de propreté et services associés du 26 juillet 2011 n'est entrée en vigueur que le 1er août 2012 et qu'à la date du transfert du contrat de travail de la salariée l'accord du 29 mars 1990 fixant les conditions d'une garantie d'emploi et de la continuité du contrat de travail du personnel en cas de changement de prestataire était seul applicable, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute Mme X... de toutes ses demandes au titre de la mise à pied disciplinaire, l'arrêt rendu le 29 janvier 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois février deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, avocat aux Conseils, pour la société TFN propreté Nord et Est.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt partiellement infirmatif attaqué d'AVOIR jugé que le licenciement de Madame X... était nul, d'AVOIR condamné la société TFN PROPRETÉ NORD ET EST à verser à Madame X... les sommes de 9.537 € net à titre de dommages et intérêts pour violation du statut protecteur, de 3.178 € brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 317,80 € brut de congés payés y afférents, de 2.844 € brut à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, de 15.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement illicite, et de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et d'AVOIR Ordonné à la SAS TFN PROPRETE NORD ET EST le remboursement aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées à Madame Virginie X... dans la limite de six mois d'indemnités éventuellement perçues ;
AUX MOTIFS QUE « Madame X... Virginie est recevable à réitérer sa demande d'annulation de mise à pied sur laquelle le conseil de prud'hommes ne s'est pas prononcé en considérant qu'elle n'avait pas été soutenue oralement ; Qu'elle en sera toutefois déboutée, la SAS TFN établissant suffisamment au moyen de trois témoignages (Mesdames Y..., Z... et A...) que l'intimée ne critique pas, qu'au cours d'une réunion le 13 juillet 2010 elle s'est emportée, a jeté des dossiers à terre, hurlé des propos déplacés, sans que rien de suffisamment caractérisé ne justifie de tels excès ; Que la sanction était justifiée et proportionnée ; Attendu que s'agissant du licenciement il est acquis aux débats que la SAS TFN n'a pas sollicité d'autorisation administrative pour licencier l'intimée qui était salariée protégée ; Que c'est à bon droit que les premiers juges ont tiré les nécessaires conséquences de cette violation en constatant la nullité absolue d'ordre public de la rupture du contrat de travail ; Attendu qu'au soutien de son appel la SAS TFN étaye le moyen - écarté par le conseil de prud'hommes - tiré de son ignorance des mandats aux motifs que ceux-ci concernaient l'entreprise sortante à laquelle elle avait succédé, ce qui constituait le caractère extérieur desdits mandats l'autorisant à invoquer les effets de la décision du conseil constitutionnel du 14 mai 2012 ainsi que la dissimulation frauduleuse par Madame X... Virginie de ceux-ci, de sorte que faute de les lui avoir révélés au plus tard lors de l'entretien préalable à licenciement la salariée était privée du droit de se prévaloir de la protection ; Mais attendu que Madame X... Virginie oppose exactement que ses mandats étaient dépourvus du caractère extérieur ayant motivé la décision du conseil constitutionnel ; Que c'est à bon droit qu'elle se réfère sur ce point à l'article 7 de la convention collective des entreprises de propreté qui règlemente les transferts des contrats de travail pour faire ressortir en l'espèce une carence fautive de la SAS TFN qui en sa qualité de salariée la rend totalement étrangère - ce qui exclut une fraude de sa part - à l'ignorance alléguée de l'appelante ; Qu'en effet la SAS TFN ne justifie nullement de l'accomplissement des formalités mises à sa charge par le texte précité ; Qu'ainsi comme entreprise entrante elle devait par écrit se faire connaître à l'entreprise sortante et informer le comité d'entreprise ou à défaut les délégués du personnel de celle-ci ; Qu'en réponse l'entreprise sortante devait certes lui communiquer notamment l'autorisation administrative de transfert d'un salarié protégé, mais en cas de carence l'entreprise entrante devait adresser une mise en demeure à celle-là ; Que l'abstention de la SAS TFN à établir qu'elle avait adressé ses écrits - et elle ne l'allègue même pas ne craignant pas de faire soutenir, contre la convention collective précitée, que confrontée au silence de l'entreprise sortante, elle n'avait aucun moyen de connaître les mandats - suffit à la rendre mal fondée en tous ses moyens tirés de son ignorance légitime du mandat comme de la fraude de la salariée ; Attendu que de ce chef la confirmation du jugement s'impose ; Attendu que consécutivement les premiers juges ont à bon droit alloué le préavis et congés payés y afférents, et ils ont, en considération de son âge, de son ancienneté, de l'effectif de l'entreprise ainsi que de sa situation professionnelle depuis la rupture rempli Madame X... Virginie de son droit à réparation du préjudice causé par la perte de son emploi ; Qu'ils étaient fondés à ordonner le remboursement par l'employeur fautif des allocations chômage ; Qu'ils avaient avec pertinence relevé que l'indemnité légale de licenciement s'avérait plus favorable que la conventionnelle mais il n'avait pu statuer que dans la limite de la réclamation de la salariée ; Que cette dernière par voie d'appel incident est recevable et bien fondée à élever sa demande à la somme de 2 844 € et le jugement sera réformé en ce sens ; Attendu que le conseil de prud'hommes avait aussi observé que l'indemnité pour violation du statut protecteur était minorée mais qu'il était lié par la limite de la prétention ; Que Madame X... Virginie sollicite désormais la somme de 9 537 € qui correspond aux 6 mois de protection que l'appelante subsidiairement reconnaît elle même comme étant dus » ;
ET AUX MOTIFS DES PREMIERS JUGES, EN LES SUPPOSANT ADOPTES, QUE « en l'espèce, Madame Virginie X... a été élue déléguée du personnel au sein de la société NETTOYAGE DE L'OSTREVANT en date du 30 octobre 2010 pour une durée de deux années. Elle met fin à ce mandat le 30 juin 2010 dans la mesure où les relations contractuelles vont se poursuivre au sein de la SAS TFN PROPRETE NORD ET EST qui reprend le marché de nettoyage. Le statut protecteur perdure donc jusqu'au 31 décembre 2010 ; La société ne pouvait licencier Madame Virginie X... qu'après avoir obtenu l'autorisation administrative de licenciement délivrée par l'Inspection du Travail, mais aucune démarche n'a été activée en ce sens. Le Conseil entend les arguments de la SAS TFN PROPRETE NORD ET EST déclarant qu'elle s'est trouvée dans la situation de méconnaissance de ce statut protecteur concernant Madame Virginie X..., mais il les rejette. En effet, lors d'un transfert de personnel d'une société de nettoyage à une autre, l'entreprise "sortante" doit informer l'entreprise "entrante" de la nature des statuts des salariés transférés et bien évidemment ceux des salariés protégés. Le Conseil ne pouvant intervenir sur la régularité des informations échangées entre les entreprises ne peut que constater que la SAS TFN PROPRETE NORD ET EST ne démontre pas que la société NETTOYAGE DE L'OSTREVANT ait manqué à son obligation d'information. En conséquence, le statut protecteur de Madame Virginie X... ayant été occulté par la SAS TFN PROPRETE NORD ET EST, le Conseil constate la nullité de plein droit du licenciement » ;
ALORS, D'UNE PART, QUE le salarié est tenu à une obligation de loyauté à l'égard de son employeur ; que les dispositions découlant de l'exercice d'un mandat extérieur à l'entreprise assurant une protection au salarié ne sauraient, sans porter une atteinte disproportionnée à la liberté d'entreprendre et à la liberté contractuelle, permettre au salarié de se prévaloir d'une telle protection dès lors qu'il est établi qu'il n'en a pas informé son employeur au plus tard lors de l'entretien préalable au licenciement ; que constitue un tel mandat extérieur à l'entreprise le mandat de représentant du personnel élu, précédemment détenu par le salarié au sein d'une entreprise sortante, et qui a pris fin à lors du transfert conventionnel de son contrat de travail au sein de l'entreprise entrante ; qu'en l'espèce, les anciens mandats de délégué du personnel et de membre du Comité d'entreprise anciennement détenus par Madame X... au sein de l'entreprise sortante, la société NETTOYAGE DE L'OSTREVANT, et qui ont expiré lors du transfert conventionnel de son contrat de travail vers la société TFN PROPRETÉ NORD ET EST, constituaient des mandats extérieurs à la société TFN PROPRETÉ NORD ET EST ; qu'en faisant néanmoins grief à la société TFN PROPRETÉ NORD ET EST de ne pas avoir sollicité, ni a fortiori obtenu l'autorisation de l'inspecteur du travail, pour prononcer la nullité du licenciement de la salariée, sans rechercher si cette dernière rapportait la preuve qu'elle l'avait bien informée de sa détention de mandats représentatifs au sein de l'entreprise sortante, conformément à son obligation de loyauté, et ce au plus tard lors de l'entretien préalable au licenciement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2411-1, L.2411-5 et L. 2411-8 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE pour déduire la nullité du licenciement, la cour d'appel s'est fondée sur la circonstance selon laquelle la société TFN PROPRETÉ NORD ET EST n'avait pas rempli les obligations conventionnelles, découlant de l'article 7 de la Convention collective des entreprises de propreté, aux termes duquel elle devait se faire connaître par écrit auprès de l'entreprise sortante, au besoin en la mettant en demeure, et solliciter de l'entreprise sortante qu'elle lui communique des informations notamment relatives à la situation des représentants du personnel ; que cette circonstance n'était cependant pas de nature à retirer aux mandats de Madame X... leur caractère « extérieur » et ne dispensait pas la salariée d'informer la société TFN PROPRETÉ NORD ET EST de sa détention d'anciens mandats extérieurs conformément à son obligation de loyauté ; qu'en décidant au contraire que cette carence de l'exposante « suffit à la rendre mal fondée en tous ses moyens tirés de son ignorance légitime du mandat comme de la fraude de la salariée » (arrêt p. 4 § 7), la cour d'appel a violé les articles L 2411-1, 2411-5 et L. 2411-8 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil ;
ALORS, DE TROISIEME PART, QU'en retenant, pour faire droit à la demande de la salariée de paiement d'une indemnité forfaire correspondant à 6 mois de salaire, que « Madame X... Virginie sollicite désormais la somme de 9 537 ¿ qui correspond aux 6 mois de protection que l'appelante subsidiairement reconnaît elle même comme étant dus », cependant que la société TFN PROPRETÉ NORD ET EST ne reconnaissait nullement dans ses conclusions d'appel, reprises à l'audience, qu'une telle indemnité forfaitaire était due à la salariée, la cour d'appel a dénaturé les termes du débat en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
ALORS, DE QUATRIEME PART, QUE lorsque le salarié licencié en violation de son statut protecteur forme sa demande après l'expiration de son statut protecteur, sans justifier de motifs qui ne lui soient pas imputables, il peut uniquement prétendre à une indemnité correspondant à son préjudice subi, et non à une indemnité forfaitaire égale au montant des salaires qu'il aurait dû percevoir jusqu'à l'expiration de sa période de protection ; qu'en l'espèce il ressort des constatations de l'arrêt que la période de protection de six mois attachée aux mandats de Madame X..., qui ont expiré le 30 juin 2010, avait perduré jusqu'au 31 décembre 2010 ; qu'il ressort également des constatations de l'arrêt que la salariée a saisi le conseil de prud'hommes d'une demande au titre de la violation de son statut protecteur le 16 septembre 2011, c'est à dire après l'expiration de cette période de protection ; qu'en lui accordant néanmoins une indemnité forfaire au titre de la violation de son statut protecteur, sans constater qu'elle justifiait de motifs qui ne lui étaient pas imputables expliquant sa saisine du conseil de prud'hommes après l'expiration de sa période de protection, la cour d'appel a violé les articles L. 2411-1, L. 2411-5 et L. 2411-8 du code du travail ;
ALORS, DE CINQUIEME PART ET A TITRE SUBSIDIAIRE, QU'en admettant même que Madame X... ait pu prétendre à une indemnité forfaitaire égale au montant des salaires qu'elle aurait dû percevoir jusqu'à l'expiration de sa période de protection, ayant été licenciée le 28 octobre 2010, au jour de son licenciement il ne restait que deux mois avant l'expiration de sa période de protection qui s'est achevée le 31 décembre 2010 ; qu'en accordant néanmoins à la salariée une indemnité forfaitaire correspondant à 6 mois de salaire, la cour d'appel a violé les articles L. 2411-1, L. 2411-5 et L. 2411-8 du code du travail ;
ALORS, DE SIXIEME PART ET A PLUS TITRE SUBSIDIAIRE, QUE lorsque les conditions de maintien des mandats représentatifs ne sont pas réunies, ceux-ci prennent fin de plein droit à la date du transfert conventionnel ou légal du contrat de travail ; que la société TFN PROPRETÉ NORD ET EST n'ayant repris qu'un marché anciennement détenu par la société NETTOYAGE DE L'OSTREVANT, et non la société NETTOYAGE DE L'OSTREVANT dans son ensemble, elle n'a nullement repris le comité d'entreprise de cette dernière ; qu'aussi le mandat de Madame X... de membre du Comité d'entreprise au sein de la société NETTOYAGE DE L'OSTREVANT n'a pas perduré au sein de la société TFN PROPRETÉ NORD ET EST et a pris fin au jour de son transfert, c'est à dire le 30 juin 2010, sauf à tenir compte de la période de protection supplémentaire de six mois ; qu'aussi en admettant, pour les seuls besoins de la discussion, que pour accorder à la salariée une indemnité forfaitaire correspondant à six mois de salaire la cour d'appel ait néanmoins implicitement adopté la thèse soutenue par la salariée selon laquelle son mandat de membre du Comité d'entreprise de la société NETTOYAGE DE L'OSTREVANT avait perduré jusqu'au 30 avril 2011, en statuant ainsi la cour d'appel a violé les articles L. 2411-1 et L. 2411-8 du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt partiellement infirmatif attaqué d'AVOIR ordonné à la SAS TFN PROPRETE NORD ET EST le remboursement au Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à Madame Virginie X... dans la limite de six mois d'indemnités éventuellement perçues ;
SANS MOTIFS
ALORS QUE le remboursement par l'employeur des indemnités de chômage servies par le Pôle Emploi au salarié ne peut être ordonné en cas de nullité du licenciement ; qu'en condamnant la Société TFN PROPRETÉ NORD ET EST au remboursement au Pôle Emploi des indemnités de chômage perçues par la salariée dans la limite de six mois tout en prononçant la nullité de son licenciement, la cour d'appel a violé l'article L. 1235-4 du code du travail.